La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/11/2022 | FRANCE | N°22/06036

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 03 novembre 2022, 22/06036


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06036 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQPU



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Février 2022 -Président du TJ de Paris / France - RG n° 19/55296





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 3], prise en la personne de Madame la

Maire de [Localité 3], Mme [J] [F], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L A...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06036 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQPU

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Février 2022 -Président du TJ de Paris / France - RG n° 19/55296

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 3], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 3], Mme [J] [F], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

INTIME

M. [V] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté et assisté par Me Jean-paul YILDIZ de la SELEURL YZ AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0794

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 septembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par exploit du 29 mai 2019, la Ville de [Localité 3] a fait assigner M. [V] [M] devant le tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant un appartement situé [Adresse 1] à [Localité 3] (bâtiment A, 7ème étage, lots n°9 et 10).

Le 4 septembre 2019, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 3] dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3e, 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 3] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie le 7 janvier 2022.

Par ordonnance contradictoire du 16 février 2022, le magistrat du tribunal judiciaire de Paris, a :

- débouté la ville de [Localité 3] de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu d'appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la ville de [Localité 3] aux dépens, dont distraction au profit de Me Jean-Paul Yidliz, avocat

- rappelé que la décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 22 mars 2022, la Ville de [Localité 3] a relevé appel de l'ensemble des chefs du dispositif de la décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 6 septembre 2022, la ville de [Localité 3] demande à la cour de :

- la juger recevable en son appel et en ses conclusions et l'y juger bien fondée ;

- infirmer l'ordonnance rendue le 16 février 2022 par le tribunal judiciaire de Paris, en ce qu'elle a :

'débouté celle-ci de ses demandes,

'dit n'y avoir lieu d'appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

'condamné celle-ci aux dépens, dont distraction au profit de Me Jean-Paul Yildiz, avocat,

Statuant de nouveau,

- juger que M. [M] a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation en louant pour de courtes durées l'appartement situé au septième étage du bâtiment A de l'immeuble du [Adresse 1] à [Localité 3] constituant les lots 9 et 10 ;

- condamner M. [M] à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende lui soit intégralement versé conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, de l'appartement situé au septième étage du bâtiment A de l'immeuble du [Adresse 1] à [Localité 3] constituant les lots 9 et 10, sous astreinte de 1.800 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira à la cour de fixer ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

En tout état de cause,

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner M. [M] à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [M] aux entiers dépens d'instance et d'appel.

La ville de [Localité 3] soutient en substance que :

- l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 est établi,

- le bien litigieux n'est pas la résidence principale du loueur,

- l'appartement fait encore l'objet de locations de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

- le gain total estimé serait de l'ordre de 651.920 euros depuis le 1er août 2015.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 12 septembre 2022, M. [M] demande à la cour de :

A titre principal,

- juger que la Ville de [Localité 3] succombe dans la démonstration de l'usage d'habitation du bien dont objet et par voie de conséquence d'un changement d'usage illicite ;

- juger qu'il loue sa résidence principale dans les conditions de l'article L. 631-7 A du code de la construction et de l'habitation ;

- juger, en conséquence, l'infraction de changement d'usage non constituée ;

- débouter, en conséquence, la Ville de [Localité 3] de sa demande de condamnation à son encontre au paiement d'une amende de 50.000 euros pour changement d'usage illicite en violation de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue ;

- débouter la Ville de [Localité 3] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire,

- réduire le montant de l'amende dont le paiement est sollicité par la ville de [Localité 3] à son encontre pour violation de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

En tout état de cause,

- débouter, en conséquence, la Ville de [Localité 3] de sa demande de condamnation, à son encontre, à restituer à l'habitation les locaux dont objet sous astreinte ;

A titre reconventionnel,

- condamner la Ville de [Localité 3] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Ville de [Localité 3] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Jean-Paul Yildiz, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [M] soutient en substance que :

- la charge de la preuve du changement d'usage illicite repose sur la ville de [Localité 3] alors qu'il n'existe pas de présomption générale d'usage d'habitation,

- l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 du bien qui lui appartient n'est pas établi dès lors que la Ville de [Localité 3] produit des documents postérieurs à la date impérative du 1er janvier 1970 et que leur rapprochement ne permet pas non plus de démontrer l'effectivité de cette occupation au 1er janvier 1970,

- il a bien loué sa résidence principale en y installant le siège de sa vie administrative, personnelle, familiale, amicale, et médicale, et ce, moins de 120 jours par an, ce qui résulte du détail des sous-locations de son appartement intervenues en 2020 et 2021 et d'une attestation comptable,

- à titre subsidiaire dans l'éventualité où son bien serait considéré comme étant loué plus de 120 jours par an, il conviendra de réduire le montant de l'amende sollicitée par la Ville de [Localité 3],

- il a immédiatement coopéré avec la Ville de [Localité 3], l'infraction a cessé à ce jour, tandis que la Ville de [Localité 3] surévalue les revenus retirés de la location saisonnière d'un bien, étant précisé qu'il a déclaré tous ses revenus locatifs aux services fiscaux.

- en tout état de cause, il conviendra de rejeter la demande de retour à l'habitation sous astreinte dès lors qu'il occupe ce bien à titre de résidence principale et qu'il sous-loue par baux de courtes durées moins de 120 jours par an.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, tel qu'issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros (anciennement 25.000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Passé ce délai, l'administration peut procéder d'office, aux frais du contrevenant, à l'expulsion des occupants et à l'exécution des travaux nécessaires.

Il résulte en outre de l'article L. 631-7, dans sa version résultant de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, que la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1.

Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque permettant de préciser l'usage en cause ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment la location saisonnière de son logement résidence principale, pour une durée n'excédant pas 120 jours par an, la location d'un meublé résidence principale (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore la location d'un meublé dans le cadre d'un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).

Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 3] a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.

En l'espèce, les parties s'opposent d'abord sur les éléments de preuve à apporter par la Ville de [Localité 3] de ce que le local dont il s'agit est bien un local à usage d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, étant rappelé qu'un local est réputé à usage d'habitation au sens de ce texte s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d'une affectation de fait à l'usage d'habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.

Il revient ainsi à la Ville de [Localité 3], pour caractériser l'infraction dénoncée de changement d'usage illicite, de démontrer avant tout que le local en cause était bien affecté au 1er janvier 1970 à l'usage d'habitation.

En l'espèce, il sera relevé que :

- la fiche H2 versée aux débats, en date du 19 octobre 1970, indique que le bien a pour propriétaire M. [X] [Z], dont l'épouse, Mme [B] [Z], occupe les lieux également, et que M. [Z] a acquis l'appartement au cours de l'année 1970, précisément le 17 mars ;

- la Ville de [Localité 3] produit en cause d'appel le fichier immobilier 3966W256 du 18 mai 1960 dont il résulte que le local était loué aux mêmes époux [Z] à compter du 1er juillet 1960 ;

- il se déduit d'ores et déjà de ces deux documents et de leur rapprochement que les époux [Z] étaient locataires des lieux depuis l'année 1960 avant d'en devenir les propriétaires au cours de l'année 1970 ;

- la fiche R du 19 octobre 1970 indique au surplus que M [Z] occupe les lieux ;

- sur la copie de l'annuaire de 1970, figure également le nom de Mme [Z] ainsi que sur celle des listes électorales de l'année 1970 qui mentionnent son nom et l'adresse du bien comme étant son domicile.

Il est ainsi établi que le bien en cause était à usage d'habitation au 1er janvier 1970 et qu'il n'a pas changé d'affectation depuis cette date, comme il résulte de l'extrait du registre cadastral et du relevé de propriété.

M. [M] soutient ensuite que le bien en cause constituait sa résidence principale.

Il convient de rappeler que la résidence principale s'entend aux termes de l'article 2 d ela loi du 6 juillet 1989 comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle,raisonde santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation.

M. [M] produit des éléments pour la plupart postérieurs à cette période ( avis d'imposition, relevés bancaires, factures EDF, factures Orange, attestation, factures d'abonnements sportifs, attestation de contrat de mariage, tests Covid ), alors qu'il ressort du registre cadastral, du relevé de propriété, et des informations données à l'administration fiscale qu'il résidait à cette période au [Adresse 2].

La Ville de [Localité 3] fait valoir d'ailleurs à juste titre sur ce point que l'agent assermenté qui a dressé le constat du 30 janvier 2019 a relevé que le nom de M. [M] ne figurait ni sur la boîte aux lettres ni sur la sonnette de l'appartement et que ce dernier a en réalité déclaré le bien litigieux aux services fiscaux comme résidence secondaire, ce qui est justifié par les productions de taxes d'habitation en résidence secondaire des lieux pour les années 2017, 2018, 2019.

De la sorte, le bien situé [Adresse 1] ne peut être considéré comme la résidence principale de M. [M].

De plus, le logement a bien fait l'objet de locations de courtes durées à une clientèle de passage, sans que ne soit mise en oeuvre une mesure de compensation, étant rappelé :

- que le constat établi par l'agent de la Ville de [Localité 3] le 31 janvier 2019 fait état de 80 commentaires au 31 janvier 2019 sous l'annonce sur le site www.hometown- paris/fr/locationsaisonnière-de-prestige, proposant le bien à la location de courte durée, commentaires qui étaient au nombre de 72 en novembre 2018 et 53 en septembre 2017, pour un prix variant entre 591 euros et 1.125 euros la nuitée,

- qu'il est en outre précisé par le contrôleur que, lors de sa visite du 22 novembre 2018, un touriste américain a précisé séjourner pour la semaine dans le logement,

- que le constat complémentaire du 9 juillet 2021 fait état de ce que les commentaires sont passés à 90, avec des commentaires "il y a un an", "il y a deux ans", le dernier commentaire datant donc de l'année 2020.

L'infraction aux dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation est ainsi parfaitement caractérisée.

Concernant le quantum de l'amende, il y a lieu de rappeler le caractère d'intérêt général de la législation, l'objectif étant de lutter contre les difficultés de logement à [Localité 3].

La Ville de [Localité 3] rappelle à juste titre que le gain tiré de la location de courte durée peut être estimé pour 22,5 nuits à la somme mensuelle de 20.250 euros, là où le loyer mensuel classique compte tenu du loyer médian aurait été de 13.952 euros, et que le montant de la compensation aurait été de 200.000 euros.

L'infraction a perduré à tout le moins de 2015 à février 2018 selon le constat initial et jusqu'en 2020, selon le constat complémentaire.

Il doit être relevé que la Ville de [Localité 3] établit par la production d'un constat d'infraction du 1er septembre 2017 qu'une première procédure avait été initiée pour être finalement abandonnée alors que M. [M] avait déclaré par courrier du 1er septembre 2017 avoir racheté les lieux à sa mère et sa soeur pour en faire sa résidence principale, de sorte que ce dernier qui, au surplus, dirige l'agence Rent, spécialisée en gestion immobilière, ne peut soutenir qu'il aurait ignoré la législation sur les locations saisonnières ni qu'il aurait agi de bonne foi voire coopéré.

L'amende civile sera ainsi fixée à la somme de 50.000 euros, montant qui tient compte de l'ensemble des éléments cités ci-dessus.

Le retour à l'habitation sera ordonné et assorti d'une astreinte dans les termes du dispositif.

Aussi, la décision sera infirmée en toutes ses dispositions, excepté le sort des frais et dépens de première instance qui a été exactement réglé par le premier juge au vu des éléments de la cause qui lui étaient soumis.

Succombant en appel, M. [M] devra indemniser la Ville de [Localité 3] pour ses frais non répétibles exposés à hauteur d'appel et sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise, excepté sur le sort des frais et dépens de première instance ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [V] [M] à payer à la Ville de [Localité 3] une amende civile de 50.000 euros ;

Ordonne le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, situés [Adresse 1]), 7ème étage, bâtiment A, lots n°9, dans le délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

Dit n'y avoir lieu à se réserver la liquidation de l'astreinte ;

Confirme l'ordonnance entreprise sur le surplus ;

Condamne M. [M] à verser à la Ville de [Localité 3] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne M. [M] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/06036
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;22.06036 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award