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03/11/2022 | FRANCE | N°19/06052

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 03 novembre 2022, 19/06052


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06052 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B77HS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Avril 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/12767





APPELANTE



Madame [C] [L]

née le 11 Février 1960 à Alger (16000)

expl

oitant en son nom personnel l'organisme de formation [9] ([9])



[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Marie-Laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936







INTIMÉES



OPC...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06052 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B77HS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Avril 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/12767

APPELANTE

Madame [C] [L]

née le 11 Février 1960 à Alger (16000)

exploitant en son nom personnel l'organisme de formation [9] ([9])

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie-Laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0936

INTIMÉES

OPCO DES SERVICES A FORTE INTENSITÉ DE MAIN D'OEUVRE : [4], association venant aux droits de l'association [10] ([10])

[Adresse 2]

[Localité 16]

Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELARL TAZE-BERNARD ALLERIT, avocat au barreau de Paris, toque : P 0241

Assisté de Me Franck BROQUET, avocat au Barreau de Paris, toque : P42

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été plaidée le 08 Septembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller

Madame Valérie MORLET, Conseillère chargée du rapport

qui en ont délibéré dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

-

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et Dorothée RABITA, greffier présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS et PROCÉDURE

Les [11] (Organismes Paritaires Collecteurs Agréés), agréés par l'autorité administrative (Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social), collectaient et géraient les contributions de formation réglées par les entreprises qui y sont obligées en application de l'article L6331-1 du code du travail.

En matière d'hôtellerie, de restauration, de loisirs et des activités de tourisme, l'OPCA compétent est le Fonds d'Assurance [10] ([10]), dont le siège social est situé à [Localité 16] (8ème). Le FAFIH dispose de douze délégations régionales, celle du sud-est étant située à [Localité 15].

Après la délivrance par le FAFIH à l'entreprise adhérente d'un accord de prise en charge, l'organisme règle à celle-ci, partiellement ou en totalité, les frais de formation sur la justification de l'exécution des prestations de formation.

Madame [C] [L] a en 2006 créé un centre de formation professionnelle, dénommé [9] (le [9]), dont le siège est situé à [Localité 5] (Alpes-Maritimes) et qui propose des formations plus particulièrement axées dans les domaines de l'hygiène alimentaire, des métiers de café hôtel restaurant, et de tout métier manipulant des produits alimentaires.

Par courrier du 20 juillet 2010, le [10] a informé Madame [L] de sa décision, à compter du 1er septembre 2010, "de ne plus prendre en charge les formations en matière d'hygiène alimentaire" qu'elle propose, ajoutant qu'à compter de cette date, les formations seraient "financées par le [10] dans le cadre « d'actions collectives » dispensées par les seuls organismes de formation signataire de [sa] Charte de partenariat".

*

Faute de solution amiable et après des plaintes et procédures pénales, Madame [L] a par acte du 11 décembre 2014, assigné le [10] devant le tribunal de grande instance de cette juridiction aux fins de voir dire sa décision irrégulière, d'injonction à prendre en charge les formations en hygiène et sécurité proposées par le [9] et d'indemnisation.

Saisi d'une exception d'incompétence territoriale, le juge de la mise en état a par ordonnance du 20 juin 2016 déclaré le tribunal de Nice territorialement incompétent pour connaître du litige au profit du tribunal de Paris et dit que l'entier dossier serait transmis à celui-ci à l'issue du délai des voies de recours.

*

Le Tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 9 avril 2019, a :

- débouté Madame [L], exploitant en son nom personnel l'organisme [9], de toutes ses demandes,

- condamné Madame [L], exploitant en son nom personnel l'organisme [9], à verser au [11] la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté le [11] du surplus de sa demande à ce titre,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- mis à la charge de Madame [L], exploitant en son nom personnel l'organisme [9], les dépens, avec distraction au profit de la SCP [13].

Madame [L] a par acte du 14 mai 2019 interjeté appel de ce jugement, intimant l'OPCA de l'industrie hôtelière devant la Cour.

*

En application de la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les Opérateurs de Compétence ([11]) ont progressivement remplacé les [11] à compter du 1er avril 2019. L'AKTO, opérateur de compétence des services à forte valeur ajoutée humaine, est venu regrouper plusieurs organismes paritaires collecteurs. Il est ainsi venu aux droits de l'association [10] à partir du 1er janvier 2020, par suite de la transmission universelle du patrimoine de cette dernière.

*

Les parties ont conclu au fond et la clôture de la mise en état du dossier est intervenue selon ordonnance du 8 septembre 2021.

Les parties ont signifié des conclusions postérieurement à cette clôture.

*

Madame [L], gérante du [9], dans ses dernières conclusions signifiées le 7 septembre 2022, demande à la Cour de :

- prononcer la révocation de l'ordonnance de clôture,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- juger la décision du FAFIH de ne plus prendre en charge les actions de formation en hygiène alimentaire commercialisées par le [9] illégale et prononcer son annulation;

- dire que rien ne s'oppose à la prise en charge par l'AKTO, venant aux droits du FAFIH, des formations en hygiène alimentaire devant être effectuées par le [9] tant avant le 1er septembre 2010, pour celles qui auraient été factuellement rejetées avant la décision notifiée le 20 juillet 2010, qu'après le 1er septembre 2010, correspondant à la date officiellement fixée pour l'application de la suspension, et que le [9] peut en solliciter la prise en charge par l'AKTO,

- juger que les agissements de l'AKTO caractérisent une faute civile de nature à entraîner sa responsabilité civile délictuelle,

- déclarer l'AKTO responsable des préjudices qu'elle a subis,

En conséquence,

- condamner l'AKTO à lui verser la somme de 722.843,48 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, somme ainsi décomposée :

. 1.068,43 euros correspondant aux formations effectuées en 2009 qui n'ont pas été réglées par le [10],

. 379.697,69 euros au titre de la perte de revenus,

. 84.141,86 euros au titre de la perte de retraite,

. 257.935,50 euros au titre de la perte de clientèle,

- condamner l'AKTO à lui verser la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compte de la décision à intervenir,

- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir dans un journal de la région PACA de son choix et aux frais de l'AKTO, dans la limite de 7.000 euros,

- condamner l'AKTO à lui verser la somme de 20.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, et de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

- condamner l'AKTO venant aux droits du [10] aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Marie-Laure BONALDI.

L'AKTO, venant aux droits du [10], dans ses dernières conclusions signifiées le 6 septembre 2022, demande à la Cour de :

- déclarer mal fondée Madame [L], exploitant en son nom personnel l'organisme de formation [9], en son appel,

- en conséquence, ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 8 septembre 2021,

- débouter Madame [L] de son appel et confirmer le jugement,

- condamner Madame [L] au paiement d'une somme de 20.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [L] en tous les dépens, avec distraction au profit de la SELARL TAZE-BERNARD-ALLERIT.

*

L'affaire a été appelée à l'audience du 8 septembre 2022. Au vu de l'ancienneté de la clôture de l'instruction de l'affaire et de la nécessité pour les parties de conclure à nouveau ensuite, l'ordonnance de clôture rendue le 8 septembre 2021 a été révoquée et la clôture à nouveau prononcée ce jour.

L'affaire a été mise en délibéré au 3 novembre 2022.

MOTIFS

Sur la décision du FAFIH de non prise en charge des formations dispensées par le [9]

Les premiers juges ont observé que le courrier du 20 juillet 2010 adressé par le [10] à Madame [L], en sa qualité de gérante du [9], avait été précédé de demandes de justification de la réalité et la régularité des formations dont la prise en charge était demandée, que la décision de ne plus financer les formations proposées par l'intéressée avait été régulièrement prise par le directeur général de la [10], que cette décision ne constituait pas une sanction, mais un acte de gestion légitime au vu des anomalies du dossier du [9] et n'avait pas été rendue dans l'intention de nuire à Madame [L]. Non fautive, la décision n'a pas été annulée par les premières juges qui ont en conséquence débouté Madame [L] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

Madame [L] critique le jugement ainsi rendu. Elle fait valoir l'absence de prérogatives des [11] en matière de contrôle des organismes de formation et les fautes commises à son préjudice par le [10]. Elle souligne les liens existants entre celui-ci et certains organismes de formation du sud-est, affirme que les difficultés du [9] sont apparues avec la nomination de Monsieur [O] [E] en qualité de délégué régional du FAFIH et soutient que ledit organisme a violé le principe du contradictoire, que les motifs de non-prise en charge des formations qu'elle dispense ne sont pas fondés, qu'il s'est empressé d'évincer le [9] du marché des formations en hygiène alimentaire et que sa décision est illégale, motivée ni a priori ni a posteriori et cherchant à l'évincer du marché des formations sans tenir compte de ses griefs.

L'AKTO, après avoir rappelé les modalités de prise en charge des frais de formation par le [10], ses relations avec le [9] et les prérogatives des [11], conteste avoir commis des fautes au préjudice du [9]. Il nie toute incompatibilité et conflit d'intérêts, toute politique concurrentielle discriminatoire, toute difficulté née de la nomination de Monsieur [E], toute violation du principe du contradictoire, toute décision non fondée. Il fait valoir les dysfonctionnements du FLATH que Madame [L] n'a pas su expliquer, et une décision unilatérale de sa part, légitime.

Sur ce,

Le présent litige doit être examiné à l'aune des dispositions du code du travail applicables en 2010, date de la décision contestée du FAFIH.

Il ressort des dispositions de la 6ème partie législative, Livre III du code du travail, relatives à la formation professionnelle, et plus particulièrement du Titre III concernant le financement de la formation professionnelle continue (articles L6331 et suivants) que la prise en charge de prestations de formation repose sur un mécanisme déclaratoire.

Liminaires

Madame [L], pour le [9], rappelle justement que la loi, et plus particulièrement le code du travail en ce qui concerne les [11] (aujourd'hui [11]), ainsi que les statuts mêmes du FAFIH prohibent les conflits d'intérêts entre ce dernier et les organismes de formation, mais ne justifie aucunement de la réalité de tels conflits au sein du FAFIH alors que Monsieur [O] [E], Monsieur [Z] [U] ou encore Monsieur [Z] [R], qui ont occupé des fonctions au sein du FAFIH, ne les ont pas occupées simultanément à des postes dans des organismes de formation ou, si tel a été le cas, en ont fait la déclaration auprès des instances paritaires et des commissaires aux comptes du FAFIH.

Madame [L] ne démontre pas plus que les difficultés du [9] soient apparues "avec la nomination de Monsieur [O] [E]" au sein du FAFIH, n'apportant aucun élément de preuve d'une relation de cause à effet entre ces deux événements.

Il n'est pas plus établi que le [10] ait mené une politique concurrentielle discriminatoire aux dépens du [9]. Ce point ne résulte d'aucun élément tangible, d'aucun document probant du dossier.

Madame [L] verse enfin aux débats un rapport daté du 31 mai 2010 émanant de la SARL [6], qu'elle a, selon les termes mêmes de l'auteur de ce document, elle-même chargé de vérifier si les problèmes qu'elle rencontrait avec l'OPCA FAFIH "était le résultat d'actes malveillants à [son] égard". Le signataire de ce document n'est pas identifiable et les conditions de l'enquête menée ne sont pas établies, de sorte que les premiers juges ont justement relevé qu'il était dépourvu de tout caractère probatoire.

1. sur le contrôle des organismes de formation par le FAFIH

Les organismes collecteurs paritaires ont aux termes de l'article L6332-1-1 du code du travail pour mission de contribuer au développement de la formation professionnelle continue, d'informer, sensibiliser et accompagner les entreprises dans l'analyse de leurs besoins à ce titre, de participer à l'identification des compétences et qualifications mobilisables au sein des entreprise, etc. L'article 3 des statuts du FAFIH du 24 septembre 2008 modifiés le 23 juin 2010 précise que son objet est de promouvoir et développer la formation professionnelle continue, de mettre en 'uvre la politique de formation du secteur (de l'industrie hôtelière), de mettre en place des structures régionales et des services de proximité et de mener une politique soutenue en faveur du développement de l'apprentissage.

Par ailleurs, et ainsi que l'ont observé les premiers juges, les articles L6361-1, L6361-2 et L6362-7-2 du code du travail confient le contrôle des organismes de formation aux [8] ([8]).

Mais si les [11], aujourd'hui [11], et parmi ces opérateurs le FAFIH, n'ont pas pour mission ni pour objet de réaliser des enquêtes et audits, ils sont habilités à définir les modalités de prise en charge des formations et à en conditionner le paiement à la conformité et l'effectivité de la prestation. Ils sont en conséquence dans ce cadre tenus de vérifier que les conditions de prise en charge des prestations de formation sont remplies (formation effectivement dispensée, effectivement reçue, bien-fondé), étant rappelé qu'ils sont amenés à distribuer non pas leurs fonds propres, mais des fonds collectés auprès des entreprises et doivent donc répondre de la bonne utilisation de ces fonds.

Les premiers juges ont en conséquence à bon droit rappelé qu'il appartient au FAFIH, dans le cadre de ses prérogatives statutaires et réglementaires, de procéder aux contrôles qu'impose le strict encadrement du financement des actions de formations.

C'est ainsi qu'après avoir eu connaissance :

- d'un courrier du 16 janvier 2010 du gérant du restaurant [W] affirmant qu'aucun de ses salariés n'avait reçu de formation en 2009,

- d'un courrier du 4 février 2010 de la gérante de la SNC [12] informant le [9] de son souhait d'annuler un dossier de formation signé au mois de janvier 2010,

- d'une attestation du 3 mars 2010 par laquelle le gérant de la société [W] et son salarié affirment que celui-ci n'a pas suivi de formation au mois de mars 2009,

- d'un courrier du 19 mai 2010 de la SNC [14] dénonçant "les agissements de l'organisme de formation [9]",

le FAFIH, qui ne pouvait alors à cette époque savoir que les pièces émanant de la société [W] étaient des faux (ce point ayant été mis en lumière par un jugement du tribunal correctionnel de Nice rendu postérieurement, le 17 novembre 2015) et qui ne peut prendre en charge des formations fictives, a légitimement au mois de juin 2010 mandaté la société [7], organisme indépendant, aux fins d'audit et d'information sur la réalité des formations dispensées par le [9] dans le cadre du contrôle de la destination des fonds qu'elle distribue. Il ne saurait être reproché à l'organisme de ne pas s'être contenté des alertes reçues et d'avoir mis en place des mesures d'investigation.

2. sur les demandes du FAFIH précédant le courrier du 20 juillet 2010

La Cour observe que le [9], représenté par Madame [L], n'a pas adhéré à la Charte de partenariat mise en place par le FAFIH comme étant un "outil permettant de formaliser, en les optimisant, ses relations avec les organismes de formation afin d'agir

en commun pour faciliter l'accès à la formation des entreprises et des salariés du secteur « hôtellerie, restauration et activités connexes » et leur garantir des prestations adaptées à leurs besoins et répondant aux règles en vigueur" (caractères gras du préambule de la charte de partenariat proposée).

Le FAFIH a durant les premiers mois de 2010 adressé plusieurs courriers au [9], à l'attention de Madame [L], cherchant à obtenir des informations sur les formations suivies et facturées.

Ainsi, par courrier du 29 janvier 2010, le [10] a sollicité des explications concernant les formations suivies par le salarié du restaurant [W]. Le conseil de Madame [L], du FLATH, a apporté des explications en réponse par courrier du 10 février 2010.

Par courrier du 19 mars 2010, le [10] a indiqué, à l'attention du conseil de Madame [L], du FLATH, avoir "annulé" deux dossiers et lui a adressé "les courriers relatifs à dix dossiers pour lesquels [il constate] des erreurs", sollicitant "toute explication utile sur un tel dysfonctionnement". Le conseil de Madame [L] a apporté des éléments de réponse à ce courrier par lettre recommandée du 7 avril 2010.

Par courrier du 21 avril 2010, Monsieur [Z] [R], directeur général du FAFIH, a indiqué au conseil de Madame [L] que de nombreuses interrogations subsistaient dans le dossier [W] (écrits contradictoires, non suivi d'une formation pourtant facturée, suivi d'une formation par le gérant non salarié que l'organisme ne peut prendre en charge'), et que d'autres "comportements douteux" lui étaient apparus, signalés, notamment, par la SNC [12]. Monsieur [R] a alors confirmé "que l'examen des demandes de prise en charge d'actions de formation émanant de cet organisme [le FLATH] est suspendu tant qu'il [ne lui était] pas apporté la preuve de son bon fonctionnement et de sa bonne foi".

Le [10] a le 27 avril 2010 adressé au [9] un chèque de 38.861,96 euros en règlement de factures de formations justifiées, non contestées.

Par deux courriers du 19 mai 2010, le conseil de Madame [L] a réclamé la prise en charge de 45 dossiers de formation non encore réglés et a précisé "être en mesure, dans les prochains jours, [d'adresser au FAFIH] l'ensemble des éléments de réponse demandés pour preuve du bon fonctionnement et de la bonne foi de l'organisme [9]".

Pourtant, après le courrier du FAFIH du 21 avril 2010, le paiement des formations non contestées et le courrier du 19 mai 2010 du conseil du [9] annonçant des éléments concernant les dossiers contestés, ce dernier ni Madame [L] ne justifient avoir répondu aux interrogations légitimes du [10], concernant notamment les 45 formations au titre de l'année 2009 dont le paiement était sollicité.

Les premiers juges ont ainsi à juste titre relevé que la décision du FAFIH du 20 juillet 2010 avait été précédée de plusieurs demandes de sa part, auxquelles il n'avait pas été répondu.

3. sur l'habilitation du directeur général du FAFIH à prendre la décision

Le courrier contesté du 20 juillet 2010 émane de Monsieur [R], directeur général du FAFIH. Celui-ci a reçu une délégation de pouvoir du conseil d'administration de l'organisme, conformément aux termes de l'article 11 de ses statuts du 24 septembre 2008 modifiés le 13 juin 2010, délégation certifiée par une attestation de Monsieur [Z] [U], président du FAFIH, du 15 février 2010. Les premiers juges ont ainsi justement relevé la régularité de cette décision, prise par une personne habilitée pour ce faire.

4. sur le bien-fondé de la décision du FAFIH

Il résulte des dispositions de l'article L6362-6 du code du travail (tel qu'applicable en 2010) que les organismes prestataires d'action de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue (en cause en l'espèce) devaient présenter tous documents et pièces établissant la réalité de ces actions, à défaut de quoi lesdites formations étaient réputées ne pas avoir été exécutées et donnaient lieu à remboursement (et, en tout état de cause, à une absence de prise en charge par le FAFIH).

La décision de ne pas prendre en charge les sessions de formations dont la réalité et l'effectivité du suivi ne sont pas justifiées entre dans le cadre des attributions du FAFIH, telles que rappelées par l'article R6332-36 du code du travail (de 2010).

Les premiers juges ont en conséquence à juste titre retenu que la décision du FAFIH notifiée le 20 juillet 2010 au [9], à l'attention de Madame [L], et signée de Monsieur [R], directeur général de l'organisme, de ne plus prendre en charge les formations "hygiène" proposées à compter du 1er septembre 2010, constituait non une sanction, mais un acte de gestion légitime au regard des anomalies affectant les dossiers de demandes de prise en charges, anomalies signalées par divers biais, et au titre desquelles Madame [L] n'a su apporter d'explications.

Si, dans son courrier du 20 juillet 2010, le FAFIH fait état de l'audit diligenté par ses soins, la décision de ne plus prendre en charge les actions de formations du [9] n'est pas motivée par le rapport d'audit, contrairement à ce qu'affirme Madame [L]. Les observations de l'intéressée relatives au caractère non contradictoire de cet audit sont donc sans objet.

La décision du FAFIH est fondée sur l'absence d'explications et de justificatifs fournis par Madame [L] à l'appui de ses demandes de prise en charge, sur le "manque de lisibilité quant à l'organisation pratique [des] formations en hygiène à propos desquelles il est impossible de déterminer si elles se réalisent en Inter ou en intra-entreprise, et pour quelle part", sur des "pratiques commerciales (') contestables" (exemple : impossibilité de distinguer les niveaux 1 et 2 des formations) ou encore sur un certain nombres d'éléments qui ont pu légitimement alerter l'organisme quant à l'absence de suivi des formations dont la prise en charge était sollicitée. Ces éléments (courriers de réclamations, attestations, feuilles de présence, comptes rendus de réunion, etc.) ainsi que les statuts du FAFIH et le rapport de la société [7] ont été communiqués par le conseil du FAFIH au conseil de Madame [L] par courrier du 1er février 2011.

L'acte de gestion du FAFIH est survenu après plusieurs courriers de réclamation de sa part et n'est donc en aucun cas fautif. Il n'est aucunement démontré que cet acte ait été pris dans l'intention malveillante de nuire aux intérêts de Madame [L] et du FLATH, étant rappelé que la bonne foi est présumée et constaté que la mauvaise foi du FAFIH n'est pas prouvée.

La Cour relève en outre, avec les premiers juges, que la décision du FAFIH n'a pas affecté le traitement et le règlement des dossiers conformes, pour lesquels les justificatifs étaient apportés, l'organisme ayant le 22 juillet 2010 adressé au [9], en paiement de formations, deux chèques pour la somme totale de 5.525,52 + 30.946,72 = 36.472,24 euros.

La décision du [9] n'a en outre pas un caractère définitif, l'organisme précisant qu'il ne manquera pas d'évoquer "à nouveau" les dossiers avec Madame [L] et qu'il reste dans l'attente de la rencontrer "pour éclaircir la situation". Madame [L] ne justifie pas des éclaircissements qui auraient pu être apportés ensuite.

5. sur la prise en charge des formations à compter du 1er janvier 2011

En application des articles 8 ("Pouvoirs du Conseil d'Administration") et 17 ("Principes de versement et d'utilisation des fonds / Entreprise occupant moins de 10 salariés") de l'accord du 20 décembre 1994 portant création de l'OPCA FAFIH, la Commission Nationale Paritaire de la Formation Continue des Entreprises de moins de 10 salariés, réunie le 8 juin 2010, a décidé qu'à compter du 1er janvier 2011, seules les formations à l'hygiène figurant dans le catalogue des actions collectives (et non plus individuellement, dans les entreprises) seraient financées par le [10], sous la condition de la signature par l'organisme de formation de la Charte de partenariat mise en place par l'organisme. Le conseil d'administration du FAFIH a par procès-verbal du 23 juin 2010 confirmé la proposition en ce sens de la commission. La même commission, réunie le 14 septembre 2010, a encore confirmé ce point. Le bureau du conseil d'administration du FAFIH a validé la proposition de la commission par procès-verbal du 23 septembre 2010. Par procès-verbal du 15 décembre 2010, le conseil d'administration du FAFIH indique que les stages "hygiène en restauration" sont financés dans le cadre exclusif des actions collectives. Cette décision a été renouvelée ensuite, pour les années ultérieures.

Madame [L] ne peut donc plus solliciter la prise en charge des formations en matière d'hygiène dispensées par le [9] après le 1er janvier 2011.

***

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Madame [L] n'a démontré aucune faute du FAFIH dans le refus par celui-ci de prendre en charge les formations dispensées par le [9] et que les premiers juges ont à bon droit débouté l'intéressée de ses demandes d'annulation de la décision de l'organisme et de condamnation de celui-ci à la prise en charge de formations au titre desquelles les justificatifs de leur réalité et effectivité n'ont pas été communiqués, ainsi que de formations postérieures au 1er janvier 2011 ne figurant pas au catalogue des actions collectives.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ces chefs.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

Ajoutant au jugement, la Cour condamnera Madame [L], qui succombe en son recours, aux dépens d'appel, avec distraction au profit du conseil de l'AKTO (dénomination de l'opérateur de compétence des services à forte valeur ajoutée humaine, venant aux droits de du [10]), qui l'a réclamée, conformément aux dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Tenue aux dépens, Madame [L] sera condamnée à payer la somme équitable de 3.500 euros à l'AKTO en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La COUR,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 avril 2019 (RG n°16/12767),

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE Madame [C] [L] aux dépens d'appel, avec distraction au profit de la SELARL TAZE-BERNARD-ALLERIT,

CONDAMNE Madame [C] [L] à payer la somme de 3.500 euros à l'OPCO, opérateur de compétence des services à forte valeur ajoutée humaine dénommé [4] et venant aux droits du [10] ([10]), en indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/06052
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;19.06052 ?
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