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03/11/2022 | FRANCE | N°19/00315

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 03 novembre 2022, 19/00315


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00315 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7BAI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2018 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/17346









APPELANTS



Monsieur [C] [E]

né le 28 Avril 1957 à [Localité

4]



et



Madame [X] [I] épouse [E]

née le 13 Février 1959 à [Localité 5]



[Adresse 9]

[Adresse 2]

[Localité 6]



Représentés par Me Nicole DELAY-PEUCH, avocat au barreau de PARIS, toque : A0377

Assisté...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00315 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7BAI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2018 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/17346

APPELANTS

Monsieur [C] [E]

né le 28 Avril 1957 à [Localité 4]

et

Madame [X] [I] épouse [E]

née le 13 Février 1959 à [Localité 5]

[Adresse 9]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentés par Me Nicole DELAY-PEUCH, avocat au barreau de PARIS, toque : A0377

Assistés par Me Grégory LEFEBVRE de la SELARL VAUBAN SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de COMPIEGNE

INTIMÉE

MMA IARD

S.A. immatriculée au R.C.S. le Mans sous le numéro 440 048 882

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Baudouin DUBELLOY de l'AARPI ANTES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2090

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller

Madame Valérie MORLET, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie MORLET, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [C] [E] et Madame [X] [I], épouse [E], ont par acte du 13 juillet 2012, dressé par Maître [L] WARTEL, notaire associé à Rue (Somme), acquis auprès de la SCI LES HESPERIDES une maison avec piscine extérieure au [Localité 8] (Pas de Calais), [Adresse 2], pour un prix de 895.674,43 euros.

Souhaitant édifier un bâtiment pour couvrir la piscine extérieure de leur maison, les époux [E] ont sollicité un permis de construire, lequel a été refusé par arrêté du maire de la commune du 29 mai 2013.

Les époux [E] ont alors par acte du 9 juillet 2014 assigné la société LES HESPERIDES, vendeur, en garantie des vices cachés, et Maître WARTEL, notaire, en responsabilité civile professionnelle devant le tribunal de grande instance de Paris.

*

Le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 21 octobre 2015, a :

- débouté les époux [E] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné les époux [E] à payer la somme de 2.000 euros à la société LES HESPERIDES et à Maître WARTEL, chacun, en indemnisation de leurs frais irrépétibles.

Les époux [E] ont par acte du 8 décembre 2015 et par l'intermédiaire de leur conseil Maître Véronique KIEFFER-JOLY interjeté appel de ce jugement, intimant la société LES HESPERIDES et Maître WARTEL devant la Cour.

*

Saisi d'une demande incidente présentée par les intimés, le conseiller de la mise en état, par ordonnance du 14 avril 2016, a constaté la caducité de la déclaration d'appel des époux [E] à la date du 8 mars 2016, leur conseil n'ayant pas signifié les conclusions d'appelants en temps utile.

*

Les époux [E] ont alors par acte du 6 décembre 2017 assigné la SA MMA IARD, assureur responsabilité civile de Maître KIEFFER-JOLY, en indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris, reprochant à celle-ci l'échec de leur recours en appel.

Le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 21 novembre 2018, a :

- condamné les MMA à verser la somme de 3.500 euros aux époux [E] à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,

- débouté les époux [E] du surplus de leurs demandes indemnitaires,

- condamné les MMA aux dépens, avec distraction au profit du conseil des époux [E],

- condamné les MMA à payer la somme de 3.500 euros aux époux [E] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Les époux [E] ont par acte du 3 janvier 2019 interjeté appel de ce jugement, intimant les MMA devant la Cour. L'affaire a été distribuée au Pôle 4, chambre 8 de la Cour.

*

Les époux [E], dans leurs dernières conclusions signifiées le 23 septembre 2019, demandent à la Cour de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,

- débouter les MMA de toutes leurs demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

. déclaré responsable Maître KIEFFER-JOLY responsable des préjudices qu'ils ont subis,

. déclaré recevable leur action directe à l'encontre des MMA,

. condamné les MMA à leur verser la somme de 3.500 euros au titre du préjudice moral,

. condamné les MMA à leur verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné les MMA en tous les dépens,

- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de condamnation des MMA à leur payer les sommes suivantes :

. 80.000 euros en restitution d'une partie du prix de vente,

. 81.753,78 euros selon le devis DE122317 de la société PISCINE & JARDIN, aux fins de travaux de mise en conformité de la piscine,

Et statuant de nouveau,

- condamner les MMA à leur verser la somme de 80.000 euros en restitution d'une partie du prix de vente,

- condamner les MMA à leur verser la somme de 81.753,78 euros selon devis DE122317 de la société PISCINE & JARDIN, aux fins des travaux de mise en conformité de la piscine,

- condamner les MMA à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les MMA en tous les dépens, avec dont distraction au profit de Maître Nicole DELAY-PEUCH.

Les MMA, assureur de Maître KIEFFER-JOLY, avocat postulant devant la Cour lors du recours des époux [E] contre le jugement du 21 octobre 2015, dans leurs dernières conclusions signifiées le 26 décembre 2019, demandent à la Cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'un préjudice moral causé aux époux [E], leur a accordé 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et jugé non fondé la demande en partage de responsabilité,

- débouter les époux [E] de toutes leurs demandes,

Subsidiairement,

- ordonner un partage des responsabilités entre Madame KIEFFER-JOLY et les époux [E],

- condamner les époux [E] à leur payer une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les époux [E] aux dépens.

*

La Cour, par arrêt du 19 janvier 2021, constatant que le premier jugement du 21 octobre 2015 avait été rendu sous la présidence du magistrat présidant alors la chambre de la Cour à laquelle le dossier a été distribué, a :

- ordonné la réouverture des débats,

- dit que le dossier sera transmis au premier président de chambre en charge de la répartition des affaires aux fins de redistribution devant une autre chambre civile de la Cour.

L'affaire a été distribuée au pôle 4, chambre 10, de la Cour.

*

Les parties n'ont pas à nouveau conclu.

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 8 septembre 2021, l'affaire plaidée le 8 septembre 2022 et mise en délibéré au 3 novembre 2022.

MOTIFS

Sur la responsabilité de Maître KIEFFER-JOLY

Les premiers juges ont retenu la responsabilité contractuelle de Maître KIEFFER-JOLY, avocate mandatée par les époux [E] pour les représenter en justice, dont le manquement les a privés d'une voie d'accès au juge d'appel.

Les époux [E] ne critiquent pas le jugement qui a retenu la responsabilité de leur avocat, qui a transmis tardivement les conclusions d'appelants à la Cour. Ils font valoir l'obligation de résultat de l'avocat postulant quant aux délais de procédure et sa responsabilité pleine et entière, contestant devoir partager celle-ci.

Les MMA, assureur de Maître KIEFFER-JOLY, estime que l'avocat plaidant des époux [E] porte une part de responsabilité pour n'avoir pas respecté la demande de Maître KIEFFER-JOLY, avocat postulant, et n'avoir pas transmis ses conclusions en temps utile.

Sur ce,

Les époux [E] disposent d'un droit d'action directe contre la compagnie des MMA, assureur de Maître KIEFFER-JOLY dont ils font valoir la responsabilité, posé par l'article L124-3 du code des assurances. L'assureur ne conteste pas sa garantie, mais uniquement la responsabilité de son assurée. Celle-là doit donc être examinée.

Les époux [E] ont certes chargé Maître Anne-Laure PATERNOTTE, de la SELARL VAUBAN Avocats, de les représenter en justice dans le cadre du litige les opposant à la société LES HESPERIDES et Maître WARTEL en première instance, puis en appel.

Mais si Maître PATERNOTTE, avocate inscrite au barreau de Compiègne, pouvait plaider en faveur des époux [E] sans limitations territoriales et donc devant les juridictions parisiennes, en application de l'article 5 alinéa 1er de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, elle ne pouvait postuler devant le tribunal et la Cour d'appel de Paris, juridictions n'appartenant pas au ressort dans lequel elle a établi sa résidence professionnelle, en application de l'article 5 alinéa 2 de la même loi.

Les époux [E] ont en conséquence dû faire appel à un avocat postulant, Maître KIEFFER-JOLY, avocate inscrite au barreau de Paris, pour l'accomplissement des actes de procédure devant les juridictions parisiennes. Dans ce cadre, Maître KIEFFER-JOLY était bien investie d'un mandat de représentation en justice, emportant pouvoir et devoir d'accomplir au nom de ses mandants, les époux [E] et non Maître PATERNOTTE, les actes de la procédure, conformément aux termes de l'article 411 du code de procédure civile.

Les premiers juges ont ainsi à juste titre retenu l'existence d'un lien contractuel entre les époux [E] et leur avocate postulante, Maître KIEFFER-JOLY.

Or les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi (article 1134 du code civil en sa version applicable en l'espèce, antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations).

Le mandat de représentation confié à Maître KIEFFER-JOLY emportait pouvoir et devoir de conseiller les époux [E] et de présenter leur défense sans les obliger (article 412 du code de procédure civile) et mission d'assistance (article 413 du même code). Dans ce cadre, l'avocate qui représentait les intéressés devant la cour d'appel était tenue de remettre leurs conclusions d'appelants au greffe avant l'expiration du délai imparti pour ce faire, posé par l'article 908 du code de procédure civile. Elle était donc investie d'une obligation de résultat vis-à-vis de ses mandants.

Ne signifiant pas les premières conclusions d'appelants au nom des époux [E] dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel imposé par le code de procédure civile, Maître KIEFFER-JOLY a commis une faute engageant sa responsabilité

de mandataire et de postulante, ce qu'elle reconnaît d'ailleurs dans son courrier adressé le 15 avril 2016 à Monsieur [E] lui indiquant qu'elle assumera "entièrement l'erreur qui a été commise".

Les relations de l'avocat postulant avec l'avocat plaidant ne sont pas opposables aux époux [E], ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges. Ainsi, la responsabilité de Maître PATERNOTTE, qui n'a selon les MMA pas répondu en temps utile au courrier que lui a le 9 décembre 2015 adressé Maître KIEFFER-JOLY, lui rappelant qu'il était "impératif [qu'elle soit] en possession des écritures et des pièces (') huit jours avant l'expiration du délai de trois mois" (caractères gras du courrier), ne peut en l'espèce être retenue, ce d'autant moins que l'intéressée n'a pas été attraite en la cause. Le propre manquement de l'avocat plaidant ne peut en outre et en tout état de cause pas être supporté par les mandants, les époux [E].

Les premiers juges ont en conséquence à bon droit retenu la responsabilité, entière, de Maître KIEFFER-JOLY à l'égard des époux [E].

Sur l'indemnisation

Les premiers juges, alors que le manquement de Maître KIEFFER-JOLY a eu pour effet de priver les époux [E] d'une voie d'accès au juge d'appel, ont estimé qu'il appartenait à ceux-ci de démontrer la réalité d'une perte de chance, réelle et sérieuse, résultant de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable d'obtenir gain de cause en appel. Ils ont donc évalué les chances de succès de la voie d'appel manquée en reconstituant le procès qui n'a pu avoir lieu et mesuré la réparation de la perte de chance subie par les époux [E] en considération de l'aléa, sans qu'elle puisse être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Ils ont considéré que les éléments versés aux débats postérieurement au jugement du 21 octobre 2015 ne modifiaient pas réellement les termes du litige, qu'il n'était pas démontré que les juges aient fait une appréciation erronée des faits de la cause et ont en conséquence retenu que l'action engagée sur le fondement de la garantie des vices cachés apparaissait dépourvue de succès et que les époux [E] échouaient à démontrer l'existence d'une perte de chance en lien avec le manquement de leur avocat, les déboutant de toute demande d'indemnisation à ce titre. Ce manquement ayant cependant causé aux intéressés tracas et inquiétudes, les premiers juges leur ont accordé la somme de 3.500 euros en réparation, à la charge des MMA.

Les époux [E] reprochent aux premiers juges d'avoir ainsi écarté la plupart de leurs demandes, faisant valoir l'existence de leur droit à indemnisation du fait de la perte de chance de pouvoir exercer une voie de recours contre le jugement. Ils estiment que les premiers juges ont à tort considéré que l'action engagée sur le fondement de la garantie des vices cachés était dépourvue de chances de succès. Ils sollicitent l'indemnisation de leur perte de chance de pouvoir exercer leur recours en appel contre le jugement du 21 octobre 2015 à hauteur de la réduction du prix de vente qu'ils auraient pu obtenir au regard de l'irrégularité affectant la piscine et dont ils devront informer les futurs acquéreurs de la maison (9% du prix de la maison, soit 80.000 euros), des frais de remise en conformité de la piscine afin de rétablir leur droit à construire (81.753,78 euros selon devis produit), et l'indemnisation de leur préjudice moral à hauteur de 3.500 euros sur confirmation du jugement sur ce point.

Les MMA soutiennent que les époux [E] n'ont subi aucun préjudice. Elles affirment que les époux [E] ont eux-mêmes déclaré l'erreur d'implantation de la piscine aux services municipaux, qui leur ont conseillé une mise en conformité, simple avis sans caractère contraignant. Elles rappellent que l'implantation initiale de la piscine respectait les règles d'urbanisme, situation modifiée par la division ultérieure du terrain avant son acquisition par les époux [E], qui ne démontrent pas l'impossibilité de régulariser la situation administrative, ce d'autant plus que les règles d'urbanisme du Touquet-[Localité 6]-Plage ont été modifiées par l'adoption d'un nouveau PLU en 2017. Elles ajoutent que la mairie ne peut plus imposer la mise en conformité de la piscine, toute demande à ce titre étant prescrite, et que les époux [E] ne prouvent pas l'impossibilité de construire un abri autour de leur piscine. Subsidiairement, les MMA critiquent le montant des préjudices allégués par les époux [E].

Sur ce,

Les conventions légalement formées se résolvent en dommages et intérêts à raison de l'inexécution ou de la mauvaise exécution par le débiteur de son obligation (article 1147 ancien du code civil).

Le préjudice subi par les époux [E] est constitué par la perte de chance de succès de leur recours manqué devant la cour d'appel et les premiers juges ont justement, pour évaluer cette perte de chance, reconstitué le procès qui n'a pas eu lieu.

Devant le tribunal, statuant sur le différend les opposant à la société LES HESPERIDES, venderesse de la maison, et Maître WARTEL, notaire rédacteur de l'acte, les époux [E] faisaient valoir un vice caché affectant la vente (la position de la piscine ne respectant pas le plan d'occupation des sols (POS) et aucune déclaration de travaux pour sa construction n'ayant été régularisée) et l'omission du notaire (n'ayant pas précisé que la piscine ne respectait pas les règles d'urbanisme). En défense, la société LES HESPERIDES soutenait que la piscine avait été creusée en conformité avec les règles d'urbanisme, avant la scission de la parcelle sur laquelle elle était implantée en deux, de sorte que l'existence d'un vice caché n'existait pas, et que la demande de permis de construire des époux [E] dépassait la simple mise en place d'une couverture mais créait une nouvelle surface. Maître WARTEL répliquait quant à lui qu'il n'était pas démontré que le permis de construire avait été rejeté en raison de l'implantation de la piscine, seul le projet de couverture n'ayant pas été approuvé.

Le tribunal, dans son jugement du 21 octobre 2015, a relevé que la piscine avait été creusée selon des plans de 2002 et achevée le 29 juin 2004 en conformité avec les règles du POS alors applicables et ne s'était trouvée en limite de propriété qu'après une division du terrain ultérieure (de 2006), qu'une déclaration de travaux figurait dans le projet ayant fait l'objet de la demande de permis de construire en 2002, que la dénonciation d'une infraction était prescrite depuis le 29 juin 2009 et qu'ainsi les époux [E] ne démontraient pas l'existence d'un vice caché affectant l'usage de la maison achetée. Le tribunal a ensuite constaté que la demande de permis de construire des époux [E] du mois d'avril 2013 prévoyait la transformation de la piscine ouverte en piscine couverte, que cette demande avait été rejetée au motif que l'implantation du bâtiment prévu se trouvait au-delà de la limite de retrait minimum en méconnaissance du POS, d'une part, et que son traitement architectural présentait une extension disharmonieuse et incohérente avec le site, d'autre part, et qu'ainsi l'autorisation avait été refusée au regard de la nature du projet modifiant l'aspect de la construction, de sorte que l'existence d'un vice caché lors de la vente du mois de juillet 2012 n'était pas rapportée.

Le vice caché est celui qui rend la chose vendue impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il l'avait connu (article 1641 du code civil). Le vice peut être de nature technique, mais également juridique, dès lors qu'il empêche l'utilisation pour laquelle le bien était destiné.

Les époux [E] n'établissent pas avoir au moment de l'acquisition de leur maison au Touquet fait part à la société LES HESPERIDES, vendeur, ou à Maître WARTEL, notaire, de leur souhait de pouvoir couvrir la piscine extérieure. Aucune règle de sécurité,

en outre, n'impose la construction d'un abri (sous la forme d'un bâtiment fermé) autour d'une piscine extérieure : il est allégué par les époux [E], mais n'est nullement démontré, que la configuration de la piscine litigieuse soit telle que la construction d'un abri autour de celle-ci soit la seule solution pour sa mise en conformité au regard des normes de sécurité. Il ne peut donc être reproché au vendeur et au notaire de ne pas avoir évoqué ce point avec les acquéreurs ou encore de leur avoir dissimulé l'impossibilité de construire un abri.

Il n'est contesté d'aucune part que la piscine litigieuse était lors de sa construction (achevée le 29 juin 2004) située au centre du terrain appartenant alors à Monsieur [W] [M] et Madame [R] [K] (acquis le 29 septembre 2001), dans le respect des règles d'urbanisme applicables à cette époque (POS), et que ce terrain a ensuite fait l'objet d'une division au moment de sa vente au profit de Monsieur [H] [D] et Madame [A] [B] le 23 mai 2006 (antérieurement à sa vente au profit de la société LES HESPERIDES le 28 juillet 2010). Or l'article L480-14 du code de l'urbanisme, en vigueur du 31 juillet 2003 au 1er octobre 2007 et non modifié par la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (dite ENL), prévoyait que l'action de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme aux fins de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié sans autorisation ou en méconnaissance de cette autorisation se prescrivait non par cinq ans, ainsi que l'a retenu le tribunal en 2015, mais par dix ans, sans que cela ne puisse modifier au fond le jugement, la prescription étant en tout état de cause acquise au jour du jugement (depuis le 29 juin 2014). Aucune infraction relative à l'implantation de la piscine ne peut donc plus être constatée ni sanctionnée et les premiers juges ont à ce titre justement observé l'absence de précarité affectant la construction de la piscine telle que vendue en 2012 et l'absence de vice caché affectant l'usage du bien vendu de ce chef.

L'acte de vente des époux [E], dressé par Maître WARTEL le 13 juillet 2012, fait état du permis de construire accordé le 12 février 2002, précisant que l'autorisation est annexée à l'acte. Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la déclaration préalable de travaux relative à la piscine ne figure pas dans l'acte de vente, l'autorisation citée de 2002 concernant des "travaux d'extension" (garage et non piscine). Un courrier adressé par la mairie du [Localité 7] au conseil des époux [E] le 4 mars 2016, postérieurement au jugement de 2015, confirme ce point, précisant qu'"après recherches, (') cette piscine n'a fait l'objet d'aucune déclaration auprès [des services municipaux]".

L'article L111-12 du code de l'urbanisme, tel qu'en vigueur entre le 16 juillet 2006 et le 1er janvier 2016 et ainsi applicable lors du prononcé du jugement de 2015, énonçait que lorsqu'une construction était achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne pouvait être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme, mais prévoyait six exceptions, notamment lorsque la construction avait été réalisée sans permis de construire (e). Aussi, ainsi que l'affirment les époux [E], la commune "pourrait fonder son refus de permis de construire sur l'irrégularité de la construction initiale". Force est cependant de constater que tel n'a pas été le cas, la commune du Touquet ayant

refusé son autorisation de la construction de l'abri de piscine projeté par les intéressés dans leur demande déposée le 17 avril 2013 du fait de l'implantation de celui-ci en méconnaissance du POS et au regard de son caractère disharmonieux et en incohérence avec le site, sans référence à une irrégularité affectant la piscine elle-même.

Le courrier précité de la mairie du [Localité 7] du 4 mars 2016 laisse en outre apparaître que ce sont les époux [E] qui ont "constaté la mauvaise implantation de leur piscine" et ont eux-mêmes déclaré ce point aux services municipaux, lesquels ne leur ont aucunement imposé une mise en conformité de la piscine, mais "se sont permis de conseiller la mise en conformité par des travaux". Les termes de ce courrier n'auraient donc pas modifié l'appréhension des faits qu'en a eu le tribunal en 2015 par la Cour si elle avait pu statuer au fond sur le recours des époux [E].

Ces derniers, en outre, ne démontrent pas que l'implantation de leur piscine ne serait pas conforme aux nouvelles règles d'urbanisme applicables au Touquet depuis la suppression du POS et l'adoption subséquente d'un plan local d'urbanisme (PLU), arrêté en conseil municipal le 12 décembre 2016 et, après enquête publique, approuvé en conseil de la communauté d'agglomération des Deux Baies en Montreuillois le 29 juin 2017 (puis modifié le 15 juin 2020). Ainsi que l'observent les MMA, la lettre de la mairie du 4 mars 2016 dont se prévalent les époux [E] émet un avis qui repose sur des règles désormais obsolètes. Les intéressés ne produisent aucun document postérieur à l'adoption du nouveau PLU et ne prouvent pas plus que leur projet de construction n'aurait pas pu être modifié pour se conformer aux exigences de la réglementation.

Les époux [E] n'établissent donc pas le caractère obligatoire de travaux de mise en conformité de la piscine leur incombant et, partant, l'impossibilité pour eux d'effectuer des travaux sans avoir à régulariser une situation devenue non conforme aux règles d'urbanisme.

Au vu de ces développements, aucun des moyens développés par les époux [E] en suite du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 21 octobre 2015 ni le courrier de la mairie du [Localité 7] du 4 mars 2016 dont le tribunal n'avait pas eu connaissance ne permettent de garantir la chance de succès de l'appel interjeté contre ce jugement et mis en échec par la faute de Maître KIEFFER-JOLY.

La perte de chance de succès de l'action des époux [E] en garantie des vices cachés n'étant pas démontrée et aucun moyen n'étant avancé quant aux chances d'infirmation de la décision du tribunal de 2015, les premiers juges ont donc justement estimé que les époux [E] avaient échoué à établir l'existence d'une perte de chance en lien avec le manquement, avéré, de Maître KIEFFER-JOLY et rejeté leur demande d'indemnisation présentée contre les MMA, assureurs de l'avocat.

Les premiers juges ont également à juste titre estimé que le manquement de l'avocat avait en revanche causé aux époux [E] des tracas et inquiétudes qui auraient pu être évités, préjudice réparé par l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 3.500 euros, au paiement desquels les MMA ont été condamnées.

Le jugement sera en conséquence confirmé en l'ensemble de ses dispositions principales.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

Ajoutant au jugement, la Cour condamnera les époux [E], qui succombent en leur recours, aux dépens de l'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Tenus aux dépens, les époux [E] seront condamnés à payer aux MMA la somme équitable de 3.000 euros en indemnisation des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La COUR,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 21 novembre 2018 (RG n°17/17436),

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [C] [E] et Madame [X] [I], épouse [E], aux dépens d'appel,

CONDAMNE Monsieur [C] [E] et Madame [X] [I], épouse [E], à payer à la SA MMA IARD la somme de 3.000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/00315
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;19.00315 ?
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