Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 11
ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/17320
N° Portalis 35L7-V-B7A-BZN6W
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/02098
APPELANTS
Monsieur [E] [J] représenté par sa tutrice Madame [Y] [W]
[Adresse 6]
[Localité 14]
représentée et assisté par Me Franck ASTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0487
Madame [Y] [W]
[Adresse 6]
[Localité 14]
représentée et assistée par Me Franck ASTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0487
INTIMEES
Madame [Z] [V]
[Adresse 5]
[Localité 17]
n'a pas constitué avocat
SA MUTUELLE DES TRANSPORTS ASSURANCES
[Adresse 8]
[Localité 10]
représentée par Me Ghislain DECHEZLEPRETRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155
assistée par Me Marceau GENIN, avocat au barreau de PARIS
MACIF
[Adresse 4]
[Localité 11]
représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
ayant pour avocat plaidant Me Mathilde CHAUVIN DE LA ROCHE, avocat au barreau de PARIS
CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Laurence LICHTMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0905
SNCF Voyageurs venant aux droits de SNCF Mobilités
[Adresse 12]
[Localité 13]
représentée et assistée par Me Laurence LICHTMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0905
PARTIES INTERVENANTES
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES
[Adresse 9]
[Localité 16]
Représenté et assistée par Me Patricia FABBRO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0302
Maître [B] [L] en qualité de liquidateur judiciaire de la Mutuelle des transports assurances
[Adresse 1]
[Localité 15]
représenté par Me Ghislain DECHEZLEPRETRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155
assisté par Me Marceau GENIN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre
Mme Nina TOUATI, présidente de chambre
Mme Dorothée DIBIE, conseillère
Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE
ARRÊT :
- Défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 9 novembre 2012, M. [E] [J], agent de la SNCF, qui circulait en motocyclette, a été victime d'un accident de la circulation, au cours duquel il a été gravement blessé.
Le 7 novembre 2013, le juge des tutelles du tribunal de grande instance du Raincy a placé M. [J] sous tutelle pour une durée de 5 ans et a désigné Mme [Y] [W], sa compagne, en qualité de tutrice.
Par lettres des 6 octobre 2015 et 25 janvier 2016, le conseil de M. [J] a saisi le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) en indiquant qu'une camionnette Peugeot Partner blanche, qui avait quitté les lieux et dont le conducteur n'avait pas été identifié, et un véhicule Peugeot Expert appartenant à la société Sixt Location, assuré auprès de la société Mutuelle des transports assurances (la société MTA) et conduit par Mme [Z] [V] avaient été impliqués dans l'accident.
Par actes d'huissier de justice en date du 22 mars 2016, M. [J] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, la société MTA, la société MACIF, son assureur dans le cadre d'un contrat d'assurance 'régime de prévoyance familiale accident' et la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (la CPRP), pour obtenir la mise en place d'une expertise médicale et l'allocation d'une provision à valoir sur son indemnisation.
L'EPIC SNCF mobilités est intervenu volontairement à la procédure.
Par jugement du 5 juillet 2016, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit que le véhicule conduit par Mme [V] et assuré auprès de la société MTA n'est pas impliqué dans la survenance de l'accident du 9 novembre 2012,
- débouté M. [J] et Mme [W] de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de la société MTA,
- débouté l'EPIC SNCF mobilités et la CPRP de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de Mme [V] et de la société MTA,
- condamné in solidum Mme [V] et Mme [W] à payer à la société MTA la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [J] et Mme [W] aux dépens,
- dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir perçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 10 août 2016, Mme [W] agissant tant à titre personnel qu'en qualité de tutrice de M. [J] a interjeté un appel total de cette décision.
Par conclusions signifiées le 19 décembre 2016, le FGAO est intervenu volontairement à la procédure.
La société MTA ayant été placée en liquidation judiciaire le 1er décembre 2016, Maître [B] [L], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de cette société, est intervenu volontairement à l'instance par conclusions signifiées le 31 août 2017.
Par ordonnance en date du 8 janvier 2018, le conseiller de la mise en état, saisi par Mme [W] agissant tant à titre personnel qu'ès qualités, a :
- rejeté les demandes de provision de M. [J],
- ordonné une expertise médicale de M. [J] à ses frais avancés, commis à cet effet le Docteur [N] [F], avec mission habituelle en la matière,
- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- déclaré l'ordonnance commune à l'EPIC SNCF mobilités et à la CPRP, et opposable au FGAO en application de l'article R.421-15 dernier alinéa du code des assurances,
- dit que chacune des parties conservera la charge des dépens d'incident exposés par elles.
L'expert, après avoir sollicité les avis sapiteurs de M. [O], architecte, et de Mme [A], psychologue, a établi son rapport définitif le 17 novembre 2020.
L'affaire a été rappelée pour être plaidée à l'audience du 22 janvier 2022.
Par un arrêt rendu le 14 avril 2022, la cour d'appel de Paris, a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de Maître [B] [L], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société MTA,
- constaté l'intervention volontaire de la société SNCF voyageurs venant aux droits de l'EPIC SNCF mobilités,
- infirmé le jugement en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
- mis hors de cause la CRPR,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner une expertise technique en accidentologie,
- condamné Mme [V] à indemniser M. [J] et Mme [W] à concurrence de 60 % des préjudices qu'ils ont subis à la suite de l'accident de la circulation survenu le 9 novembre 2012 au cours duquel M. [E] [J] a été blessé,
- condamné Mme [V] à verser à Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J], les sommes suivantes, provisions non déduites, avec les intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des postes ci-après de son préjudice corporel, après application du coefficient de réduction de son droit à indemnisation et imputation des créances de la société SNCF voyageurs:
- frais divers dont honoraires d'assistance à expertise, frais d'aménagement provisoire du logement et frais d'adaptation du véhicule : 13 183,04 euros
- assistance temporaire par tierce personne : 23 003, 63 euros
- frais d'aménagement du logement dont l'entretien de la plate-forme élévatrice : 207 985,53 euros
- frais de véhicule aménagé : 69 750,63 euros
- assistance permanente par tierce personne : 577 349,77 euros en capital et une rente trimestrielle viagère de 24 581,25 euros à compter de ce jour, avec les intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue, indexée selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et qui sera suspendue en cas de prise en charge de la victime en milieu médicalisé à partir du 46e jour de cette prise en charge,
- déficit fonctionnel temporaire : 23 550,30 euros
- souffrances endurées : 42 000 euros
- préjudice esthétique temporaire : 4 800 euros
- déficit fonctionnel permanent : 133 463,10 euros
- préjudice esthétique permanent : 9 000 euros
- préjudice d'agrément : 3 600 euros
- préjudice sexuel : 18 000 euros,
- dit que la rente trimestrielle viagère allouée au titre de la tierce personne, pourra être révisée en cas de modification des conditions d'hébergement de la victime,
- condamné Mme [V] à verser à la société SNCF voyageurs les sommes suivantes, provisions non déduites, au titre des prestations versées à M. [J] :
- 63 075,06 euros au titre des salaires versés à M. [J] avant la consolidation de son état,
- 46 373,52 euros au titre des salaires versés après la consolidation de l'état de M. [J],
- 115 916,74 euros au titre de la rente accident du travail et de la pension de retraite de réforme,
- 43 929,26 euros au titre des charges patronales,
- condamné Mme [V] à verser à Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] les sommes suivantes provisions non déduites avec les intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices ci-après :
- préjudice d'affection : 6 000 euros
- trouble dans les conditions d'existence, hors préjudice sexuel : 6 000 euros
- préjudice sexuel : 6 000 euros,
avant dire droit sur les postes de dépenses de santé actuelles et de dépenses de santé futures du préjudice corporel de M. [J],
- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 8 septembre 2022 à 14 heures (Salle TOCQUEVILLE),
- invité Mme [W] agissant en qualité de tutrice de M. [J] à communiquer l'état des dépenses de santé, aides techniques, matériels et appareillages pris en charge par le groupe Humanis ou une attestation de celui-ci selon laquelle il a versé et ne lui verse aucune prestation au titre de l'accident du 9 novembre 2012,
- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société MTA, les sommes allouées en principal, hors intérêts, à M. [J], à la société SNCF voyageurs et à Mme [W],
- rejeté la demande fondée sur les article L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances,
- condamné Mme [V] à verser à Mme [W] agissant tant à titre personnel qu'ès qualités la somme globale de 6 000 euros et à la société SNCF voyageurs celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,
- débouté la société MACIF de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles exposés,
- déclaré le présent arrêt opposable au FGAO,
- condamné Mme [V] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les conclusions de Mme [W] agissant tant à titre personnel qu'ès qualités, notifiées le 2 septembre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :
Vu les articles 1 et 3 de la loi du 5 juillet 1985,
Vu l'article 1147 du code civil, l'article 1383-2 du même code,
Vu les articles L. 211-9 et suivants du code des assurances,
Vu les articles L. 421-9 et suivants, l'article R. 421-13 du code des assurances,
Vu l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,
- condamner Mme [V] à payer à M. [J] :
- la somme de 4 016,75 euros au titre des dépenses de santé avant consolidation,
- la somme de 91 005,30 euros, au titre des dépenses de santé futures,
- fixer ces créances au passif de la liquidation judiciaire la société MTA aux mêmes montants que les condamnations prononcées à l'encontre de Mme [V],
- déclarer l'arrêt à intervenir opposable au FGAO.
Vu les conclusions de Maître [B] [L] agissant en qualité de liquidateur de la société MTA, notifiées le 5 septembre 2022, aux termes desquelles il demande à la cour, de :
- déclarer satisfactoires les offres formulées par la société MTA au profit de M. [J] et de la société SNCF voyageurs sous réserve de la production aux débats de la créance de la société Humanis :
' pour les préjudices de M. [J] :
- dépenses de santé actuelles (aides techniques) : sursis à statuer
- subsidiairement : 25,51 euros
- dépenses de santé futures (dispositifs médicaux, aides techniques et appareillages) :
- dispositifs médicaux : 24 641,50 euros
- aides techniques et appareillages : sursis à statuer
- subsidiairement : 36 194,81 euros,
' pour la créance de la société SNCF voyageurs :
- dépenses de santé actuelles : sursis à statuer
- dépenses de santé futures : sursis à statuer,
- débouter les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.
Vu les conclusions de la société SNCF voyageurs et de la CPRP, notifiées le 6 septembre 2022, aux termes desquelles elles demandent à la cour, de :
- condamner Mme [V] à payer à la société SNCF Voyageurs la somme complémentaire de 567 181,17 euros se décomposant comme suit :
- 533 431,16 euros au titre des dépenses de santé actuelles
- 33 750,01 euros au titre des dépenses de santé futures,
- fixer les créances de la société SNCF Voyageurs au passif de la liquidation judiciaire de la société MTA aux mêmes montants que les condamnations prononcées à l'encontre de Mme [V],
- déclarer l'arrêt à intervenir opposable au FGAO,
- juger que la somme allouée à la société SNCF voyageurs portera intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.
Vu les conclusions du FGAO, notifiées le 29 août 2022, aux termes desquelles il demande à la cour de :
- indemniser M. [J] en fixant les indemnités suivantes, sous réserve de la production aux débats de la créance de la société Humanis :
- aides techniques avant consolidation : sursis à statuer
- à titre subsidiaire : 588,63 euros
- aides techniques post consolidation : sursis à statuer
- à titre subsidiaire : 36 194,81 euros
- dépenses de santé futures : 24 641,50 euros,
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société MTA, les sommes qui seront allouées à M. [J], à la société SNCF Voyageurs,
- dire que l'arrêt à intervenir sera déclaré opposable au FGAO.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient d'admettre aux débats la lettre de la société Humanis produite en cours de délibéré par Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] et dont le dépôt a été autorisé à l'audience.
Sur l'indemnisation des dépenses de santé
Il est rappelé que :
- par l'arrêt du 14 avril 2022 la présente cour a condamné Mme [V] à indemniser M. [J] et Mme [W] à concurrence de 60 % des préjudices qu'ils ont subis à la suite de l'accident de la circulation survenu le 9 novembre 2012 au cours duquel M. [E] [J] a été blessé,
- l'expert, le Docteur [F] a indiqué dans son rapport en date du 17 novembre 2020 que l'accident a occasionné à M. [J] un traumatisme crânien grave avec coma prolongé, une fracture fermée des deux os de l'avant-bras droit et une plaie du nez et de la joue et qu'il conserve comme séquelles une diplégie avec syndrome pyramidal des deux membres inférieurs, un syndrome frontal sévère cognitif et comportemental, une épilepsie et une incontinence anale et urinaire et qu'il a conclu notamment ainsi qu'il suit :
- consolidation au 26 juin 2016 (date validée par la cour dans son arrêt du 14 avril 2022)
- aménagement architectural : cf le rapport de M. [O] sur les besoins en aides techniques et d'un domicile adapté,
- frais futurs : utilisation de deux à trois couches par jour et d'un Pénilex par jour, renouvellement du fauteuil roulant selon M. [O] tous les 5 ans, changement des pneus du fauteuil roulant tous les ans, frais du traitement médicamenteux suscité qui est un traitement au long cours, consultation de neurologie une fois par 3 ans et un suivi en MPR ou dans le cadre d'une consultation spécialisée en MPR tous les 6 mois.
Par ailleurs il y a lieu de tenir compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
Enfin, conformément à l'article 1346-3 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations des tiers payeurs ; en ce cas, la victime peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence aux tiers payeurs subrogés ; il en résulte que dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ; ces règles sont d'ordre public et ont vocation à jouer même en l'absence de demande en ce sens du tiers payeur.
Sur les dépenses de santé actuelles
Il résulte des lettres de la société Humanis en date des 7 juin 2022, 17 juin 2022 et 12 septembre 2022 ainsi que de son décompte de 'paiements et remboursements santé' en date du 30 mai 2022 qu'elle n'a pas pris en charge des dépenses de santé actuelles.
Le poste de dépenses de santé actuelles comprend ainsi les frais pris en charge par la société SNCF Voyageurs selon son relevé de 'prestations définitives avec réserves' en date du 17 février 2022 correspondant aux frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transports, frais de 'fauteuil roulant' (le 16 juillet 2013 et le 21 novembre 2016 (achat) et forfait annuel de réparation) frais de 'petits appareillages', frais de 'matériel appareils divers' (notamment locations de fauteuil roulant, livraisons de fauteuil roulant et de ses accessoires et) et frais de 'matériel médical' (coussin anti-escarres et chaussettes de contention) à hauteur de la somme de 891 416,98 euros [891 729,77 euros - les frais postérieurs à la consolidation de 312,79 euros (151,63 euros + 161,16 euros)].
Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] sollicite l'indemnisation de dépenses de santé actuelles restées à la charge de M. [J] pour un montant total de 4 016,75 euros détaillée ainsi qu'il suit :
- coût de la location d'un fauteuil roulant manuel soit 3 061,20 euros (25,51 euros par semaine durant 120 semaines, entre le 14 mars 2014 et le 26 juin 2016)
- achat d'une chaise de douche : 82,85 euros (facture du 13 août 2014)
- achat d'une barre d'appui de lit : 51,90 euros (facture du 16 mars 2015)
- achat d'un fauteuil releveur : 770 euros (facture du 30 mai 2016)
- achat d'un rehausseur de toilette : 50,80 euros (facture du 12 novembre 2016).
Maître [L] ès qualités oppose que la demande portant sur la location du fauteuil roulant n'est pas justifiée en son intégralité puisque Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] n'a produit qu'une seule facture de location pour la seule période du 14 mars 2014 au 20 mars 2014, que la créance de la société SNCF Voyageurs fait état d'une prise en charge à ce titre ainsi que de celle d'une acquisition d'un fauteuil ; ils estiment en outre que la créance de la société SNCF Voyageurs au titre des 'matériels appareils divers' n'étant pas détaillée il n'est pas justifié de frais restés à la charge de M. [J] pour la chaise de douche, la barre d'appui de lit, le fauteuil releveur et le rehausseur de toilette.
Le FGAO soutient que la location du fauteuil roulant est intervenue avant la date du premier remboursement par la société SNCF Voyageurs, qu'elle a donc été ponctuelle et n'autorise pas Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] à en obtenir le remboursement et qu'en toute hypothèse une seule facture a été communiquée ; il précise ne pas contester la demande de Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] pour les autres matériels.
M. [O] a fait état dans son rapport d'expertise des matériels et appareillages acquis par M. [J] selon factures qu'il a examinées et de ceux que son état nécessitait notamment pour la période antérieure à la consolidation en indiquant pour chacun d'entre eux le montant restant à la charge de M. [J] après déduction des sommes remboursées par l'organisme social selon la liste des prestations et produits remboursables par l'assurance maladie (LPPR).
M. [O] a ainsi précisé que le coût restant à la charge de M. [J] pour la location d'un fauteuil roulant pour une semaine a été de 25,51 euros au vu de la facture du 21 mars 2014 ; M. [O] a indiqué que cette location serait remplacée par une acquisition ; néanmoins le relevé des prestations de la société SNCF Voyageurs démontre que cette acquisition n'est intervenue que le 9 janvier 2020, soit après la consolidation.
Selon les relevés de prestations de la société SNCF Voyageurs diverses locations se sont succédées jusqu'au 26 juin 2016, date de la consolidation, pour lesquelles la demande d'indemnisation formée par Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] est fondée, nonobstant l'absence de production des factures, puisque le besoin et la fournitures du matériel sont établis, à savoir, outre la location du 21 mars 2014 retenue par M. [O], des locations échelonnées à compter du 18 avril 2014 pour des nombres de semaines variables et dont le total représente avec la location du 21 mars 2014, 105 semaines ; le montant resté à la charge de Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] est ainsi de 2 678,55 euros (25,51 euros x 105 semaines).
Le montant resté à la charge de Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] a été selon le rapport de M. [O] pour la chaise de douche de 82,85 euros (facture du 13 août 2014) pour l'acquisition d'une barre d'appui de lit de 51,90 euros (facture du 16 mars 2015), pour l'achat d'un fauteuil releveur de 770 euros (facture du 30 mai 2016) et pour l'achat d'un rehausseur de toilette de 50,80 euros (facture du 12 novembre 2016).
Les dépenses de santé actuelles restées à la charge de M. [J] se sont ainsi élevées à la somme de 3 641,10 euros (2 678,55 euros + 82,85 euros + 51,90 euros + 770 euros + 50,80 euros).
Le total du poste de dépenses de santé actuelles est de 895 058,08 euros (891 416,98 euros + 3 641,10 euros ).
Le droit à indemnisation étant limité à 60 % le tiers responsable est tenu à concurrence de 537 034,85 euros (895 058,08 euros x 60 %).
En vertu du droit de préférence de M. [J] la somme de 3 641,10 euros revient à Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] et celle de 533 393,75 euros (537 034,85 euros - 3 641,10 euros) est allouée à la société SNCF Voyageurs.
Sur les dépenses de santé futures
Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] sollicite la prise en charge du coût des couches et alèses utilisées tous les jours par M. [J] et des matériels figurant dans l'expertise de M. [O] outre la prise en charge du coût du remplacement des pneus des roues du fauteuil roulant dont le Docteur [F] a retenu la nécessité.
Maître [L] ès qualités oppose qu'il doit être sursis à statuer dans l'attente de la justification de la créance de la société Humanis et que la demande d'indemnisation des couches et alèses que M. [J] séjournant une partie de l'année en maison d'accueil spécialisée qui prend en charge les changes, il convient de ramener la dépense annuelle de couches à la somme de 900 euros.
Il ajoute s'agissant du fauteuil roulant qu'il convient de déduire du coût annuel la somme de 111,80 euros prise en charge par la société SNCF Voyageurs et de ne pas prendre en compte le remplacement des pneus compris dans le forfait annuel de réparation remboursé par la CPRP.
Le FGAO estime que Mme [W] ès qualités a ajouté indûment au coût annuel des matériels fixé par M. [O] la créance de la société SNCF Voyageurs alors qu'elle doit en être déduite et qu'ainsi le reste à la charge de M. [J] est de 2 132,39 euros et non de 2 244,19 euros ; il conteste la demande portant sur le remplacement des pneus du fauteuil roulant dont le montant n'est pas justifié et alors que la société SNCF Voyageurs prend en charge un forfait annuel de réparation des roues.
Il avance enfin que M. [O] a inclus le prix des coussins dans le coût du fauteuil roulant de sorte qu'aucune dépense supplémentaire à ce titre ne peut être admise.
Sur ce, le poste de dépenses de santé futures comprend les dépenses de santé futures prévues par la société SNCF Voyageurs, soit selon son relevé de 'prestations définitives avec réserves' et son relevé de 'prestations complémentaires' en date du 17 février 2022, correspondant aux frais d'appareillages, pharmacie, matériel médical et de fauteuil roulant qu'elle a pris en charge du 27 juin 2016 au 9 décembre 2021 pour un montant de 15 916,64 euros (312,79 euros + 15 603,85 euros), montant ramené à la somme de 15 603,85 euros pour rester dans les limites de la demande.
Il résulte des relevés de prestations de la société SNCF Voyageurs et de son décompte détaillé, non contestés, que les dépenses de santé qu'elle a pris et va prendre en charge à compter du 10 décembre 2021 s'élèvent à la somme de 101 298,25 euros.
La créance totale de la société SNCF Voyageurs est ainsi de 116 902,10 euros.
Les dépenses de santé prises en charge par la société Humanis s'élèvent selon ses lettres en date des 7 juin 2022, 17 juin 2022 et 12 septembre 2022 ainsi que de son décompte de 'paiements et remboursements santé' en date du 30 mai 2022, à la somme de 44,88 euros, dont 34,91 euros au titre d'une dépense du 12 juin 2020 pour des 'accessoires et appareillages' ; le décompte de la société Humanis fait état pour ces derniers frais d'une dépense de 139,65 euros et d'une prise en charge par la sécurité sociale à hauteur de 104,74 euros ; cette somme de 104,74 euros ne figure pas sur le relevé des 'prestations complémentaires' de la société SNCF Voyageurs ; Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] admet que la somme de 34,91 euros doit être déduite du reste à charge de M. [J].
Les frais futurs restant à la charge de M. [J], qui sont indemnisables sans condition de production de factures, dès lors qu'ils sont rendus nécessaires par les séquelles de l'accident, correspondent selon l'avis du Docteur [F] aux frais de couches à raison de 2 à 3 par jour, pour lesquels la cour est en mesure de fixer la dépense journalière moyenne à 3 euros et aux frais d'alèse à raison d'une alèse par jour, dont le besoin, bien que non mentionné dans l'expertise médicale résulte de la lourdeur du handicap de M. [J] qui entraîne notamment une incontinence urinaire et anale, que la cour est en mesure d'évaluer à la somme journalière de 0,38 euros, étant précisé que ces dispositifs ne sont pas inscrits sur la liste LPPR ni pris en charge par la société Humanis selon la lettre de celle-ci en date du 17 juin 2022 et que la présence de M. [J] durant la journée à la MAS n'a aucune incidence, cet établissement ne fournissant pas les couches.
Les frais futurs de couches et d'alèse sont les suivants pour une dépense totale journalière de 3,38 euros ramenée à 3,33 euros compte tenu des limites de la demande ce qui représente une dépense annuelle de 1 215,45 euros (3,33 euros x 365 jours).
- de la consolidation à la liquidation
3,33 euros x 2 321 jours = 7 728,93 euros
- à compter de la liquidation par capitalisation de la dépense annuelle par un euro de rente viagère pour un homme né le [Date naissance 7] 1960 et âgé de 62 ans à la liquidation, selon le barème de capitalisation publié par la Gazette du palais du 15 septembre 2020, taux d'intérêts 0 % qui est le plus approprié en l'espèce pour s'appuyer sur les données démographiques et économiques les plus pertinentes, soit 21,018
1 215,45 euros x 21,018 = 25 546,33 euros
- total : 33 275,26 euros.
Par ailleurs M. [O] a fixé le montant restant à la charge de M. [J] après intervention de la société SNCF Voyageurs, au titre des appareillages et aides techniques dont l'état de M. [J] rend le recours nécessaire, soit :
- un rollator : montant à charge de 30 euros, rythme de renouvellement 5 ans, soit une dépense annuelle de 6 euros
- un fauteuil roulant manuel : montant à charge de 4 000 euros, rythme de renouvellement 5 ans, dépense annuelle 800 euros
- une motorisation pour fauteuil roulant : montant à charge de 4 330 euros, rythme de renouvellement 5 ans, dépense annuelle de 866 euros
- fauteuil de douche grandes roues : montant à charge de 500 euros, rythme de renouvellement 5 ans, dépense annuelle de 100 euros
- fauteuil releveur : montant à charge de 770 euros, rythme de renouvellement 10 ans, dépense annuelle de 77 euros
- barre d'appui : montant à charge de 51,90 euros, rythme de renouvellement 10 ans, dépense annuelle de 5,19 euros
- lit médicalisé : montant à charge de 3 500 euros, rythme de renouvellement 10 ans, dépense annuelle de 350 euros.
Ces sommes correspondant au coût resté à la charge de M. [J], les remboursements de la CPRP, déjà pris en compte au titre de la créance de celle-ci, n'ont pas à être déduits.
L'expert le Docteur [F] a retenu comme dépenses de santé futures nécessaires le changement des pneus du fauteuil roulant tous les ans ; néanmoins le décompte des prestations complémentaires de la société SNCF Voyageurs fait état de la prise en charge d'un forfait annuel de réparation des roues et des autres réparations dont la sellerie du fauteuil roulant pour un montant de 1 77,21 euros ; Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] ne rapporte pas la preuve que le changement des pneus du fauteuil n'est pas compris dans le forfait, d'autant que M. [O] n'en a pas fait état ; aucune somme supplémentaire ne sera donc allouée à ce titre.
Les parties s'accordent pour fixer la première acquisition des matériels et aides techniques à la date de la consolidation.
La dépense annuelle totale est de 2 204,19 euros (6 euros + 800 euros + 866 euros +100 euros + 77 euros + 5,19 euros + 350 euros).
Les dépenses de santé futures sont ainsi les suivantes au titre des appareils et aides techniques :
- de la consolidation à la liquidation
2 204,19 euros / 365 jours x 2 321 jours = 14 016,23 euros
- à compter de la liquidation
par capitalisation de la dépense annuelle par un euro de rente viagère de 21,018 soit
2 204,19 euros x 21,018 = 46 327,67 euros
- total : 60 343,90 euros.
De cette somme Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] admet qu'il convient de déduire celle de 34,91 euros remboursée par la société Humanis ce qui porte les solde à 60 308,99 euros.
Le total des dépenses de santé futures restant à la charge de Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] est ainsi de 93 584,25 euros (33 275,26 euros + 60 308,99 euros), montant ramené à la somme de 91 005,30 euros pour rester dans les limites de la demande.
Le total des dépenses de santé futures est ainsi de 207 952,28 euros [116 902,10 euros (créance de la société SNCF Voyageurs) + 44,88 euros (créance de la société Humanis) + 91 005,30 euros (montant restant à la charge de M. [J]].
Ces dépenses de santé futures sont indemnisables à hauteur de 60 % soit de 124 771,37 euros.
En vertu de son droit de préférence la somme de 91 005,30 euros revient à M. [J] et celle de 33 766,07 euros (124 771,37 euros - 91 005,30 euros) doit être répartie entre la société SNCF Voyageurs et la société Humanis au marc l'euro.
La répartition entre les deux tiers payeurs est la suivante :
- total des créances de la société SNCF Voyageurs et de la société Humanis 116 946,98 euros (116 902,10 euros + 44,88 euros)
- proportion de la créance société SNCF Voyageurs dans le total des créances 99,96 % (116 902,10 euros /116 946,98 euros)
- part de créance revenant à la société SNCF Voyageurs 33 752, 56 euros (33 766,07 euros x 99,96 %)
- part de créance revenant à la société Humanis13,51 euros (33 766,07 euros - 33 752, 56 euros).
***
Il résulte des motifs qui précèdent que Mme [V] doit être condamnée à verser les sommes suivantes, à :
- Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] la somme de 3 641,10 euros au titre des dépenses de santé actuelles et celle de 91 005,30 euros au titre des dépenses de santé futures exposées par M. [J],
- la société SNCF Voyageurs la somme de 533 393,75 euros au titre des dépenses de santé actuelles et celle de 33 752, 56 euros au titre des dépenses de santé futures prises en charge pour le compte de M. [J].
Les intérêts des sommes allouées à la société SNCF Voyageurs courront à compter du présent arrêt ainsi qu'elle le demande.
Par ailleurs il y a lieu de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société MTA, les sommes allouées à Mme [W] prise en qualité de tutrice de M. [J] et à la société SNCF Voyageurs, hors intérêts.
Enfin, le présent arrêt doit être déclaré opposable au FGAO.
Il a été statué par l'arrêt du 14 avril 2022 sur les dépens et frais irrépétible d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,
Vu l'arrêt du 14 avril 2022
- Condamne Mme [Z] [V] à verser à Mme [Y] [W] agissant en qualité de tutrice de M. [E] [J] la somme de 3 641,10 euros au titre des dépenses de santé actuelles et celle de 91 005,30 euros au titre des dépenses de santé futures exposées par M. [E] [J] et restées à sa charge,
- Condamne Mme [Z] [V] à verser à la société SNCF Voyageurs la somme de 533 393,75 euros au titre des dépenses de santé actuelles et celle de 33 752, 56 euros au titre des dépenses de santé futures prises en charge pour le compte de M. [E] [J] avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
- Ordonne l'inscription au passif de la liquidation judiaire de la société Mutuelle des transports assurances des somems suivantes :
- 3 641,10 euros au titre des dépenses de santé actuelles et celle de 91 005,30 euros au titre des dépenses de santé futures exposées par M. [E] [J] et restées à sa charge,
- 533 393,75 euros au titre des dépenses de santé actuelles et celle de 33 752, 56 euros au titre des dépenses de futures prises en charge par la société SNCF Voyageurs pour le compte de M. [E] [J],
- Déclare le présent arrêt opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE