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02/11/2022 | FRANCE | N°21/00039

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 02 novembre 2022, 21/00039


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022



(n° 167/2022, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général :21/00039 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3KQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Novembre 2020 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - 2ème chambre - RG n° 2019F00792





APPELANTE



SARL ZAG BIJOUX

Exerçant sous l'enseigne ZAG BIJOUX - AVANTAGE [Loca

lité 7]

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SC...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022

(n° 167/2022, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :21/00039 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3KQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Novembre 2020 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - 2ème chambre - RG n° 2019F00792

APPELANTE

SARL ZAG BIJOUX

Exerçant sous l'enseigne ZAG BIJOUX - AVANTAGE [Localité 7]

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistée de Me Alain CLERY de la SELARL CLERY DEVERNAY, avocat au barreau de PARIS, toque : D0070

INTIMEE

S.A.R.L. ATIWELL

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BOBIGNY sous le numéro 530 049 394

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée et assistée de Me Michael HADDAD de la SELAS HADDAD & LAGACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2092

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente et , Madame Brigitte CHOKRON, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,

Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

Mme Brigitte CHOKRON, magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement contradictoire rendu le 17 novembre 2020 par le tribunal de commerce de Bobigny qui a :

-reçu la société Zag bijoux en ses demandes,

-dit les demandes non fondées,

-débouté les parties des autres demandes,

-laissé à chacune des parties la charge de ses frais et dépens,

-liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 74,54 euros TTC (dont 12,42 euros de TVA).

Vu l'appel de ce jugement interjeté par la société Zag bijoux (SARL) suivant déclaration d'appel remise au greffe de la cour le 23 décembre 2020.

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 25 mars 2022, de la société appelante Zag bijoux qui demande à la cour, au fondement de l'article 1240 du code civil, de:

-dire et juger la société Zag bijoux recevable et bien fondée en son appel,

En conséquence,

-infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

In limine litis,

-dire et juger irrecevables et mal fondés les moyens de la société Atiwell et l'en débouter,

-rejeter la demande en nullité du procès-verbal de constat d'achat du 26 février 2018 de la société

Atiwell,

-rejeter la demande en nullité du procès-verbal de constat sur ordonnance du 18 juin 2018 de la société Atiwell,

-maintenir la pièce n°15 de la société Zag bijoux dans la cause,

Sur le fond,

-dire et juger qu'en commercialisant les bijoux litigieux, notamment ceux référencés dans sa comptabilité sous les « code article » A8293, A840, A8355, 8256, A8301 et A8451, la société Atiwell s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Zag bijoux,

-débouter la société Atiwell de l'ensemble de ses moyens, à toutes fins qu'ils comportent,

En conséquence,

-faire interdiction à la société Atiwell de poursuivre l'importation et l'offre à la vente de tout bijoux reproduisant, sous quelque forme et couleur que ce soit les références SR2821, SB2817, SN2829, SN1688, SB1633, SE1625, SN4373, SB4233, SN4231, SE4230, SB4232, SN3644, SE3643, SN4056, SE4057, SB4058, SN4318, SN4215, SB4216, SB2564, SN2563, SE2562, SN3451, SB3452, SE3752, SR3937, SN3458, SB3459, SR1234, SE0722, SB0049, SN0048, SE3675, SB 3676, SN3677, SN4467, SB3848, SB2508, SN2027, SN2026, SE3008-063002, SB 2472-084002, SN2040-1000002, SE4237, SN3057, SE3058, SB4275, SN4242, SN2118, SB2053 de la société Zag bijoux et, plus particulièrement, les bijoux litigieux référencés dans la comptabilité de la société Atiwell sous les « code article » A8293, A840, A8355, 8256, A8301 et A8451, ou tous autres identiques à ceux ainsi référencés, sous astreinte de 100 euros par infraction commise à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

-ordonner la destruction du stock des produits litigieux référencés dans la comptabilité de la société Atiwell sous les « code article » A8293, A840, A8355, 8256, A8301 et A8451, dans les 15 jours de la signification de l'arrêt à intervenir, aux frais de la société Atiwell et sous le contrôle de la société Zag bijoux, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard,

-se réserver la liquidation des astreintes prononcées,

-condamner la société Atiwell à payer à la société Zag bijoux la somme de 1.000.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial, sauf à parfaire,

-condamner la société Atiwell au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

-ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, dans 3 journaux au choix de la société Zag bijoux et aux frais de la société Atiwell, sans que le coût global de cette insertion à la charge de cette dernière puisse excéder la somme de 8.000 euros HT,

-condamner la société Atiwell à payer à la société Zag bijoux la somme de 25.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société Atiwell aux entiers dépens de l'instance, outre le paiement des frais de constat des 26 février et 18 juin 2018 d'un montant global de 2.709, 20 euros TTC, dont distraction.

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 19 janvier 2022, de la société intimée Atiwell (SARL), qui demande à la cour de :

In limine litis

-réformer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté les exceptions soulevées in limine litis,

Statuant à nouveau,

-prononcer la nullité du procès-verbal d'achat dressé par Me [H] le 26 février 2018,

-prononcer la nullité du procès-verbal de constat dressé par Me [H] le 18 juin 2018,

-écarter des débats la pièce adverse n°15,

Sur le fond,

A titre principal,

-constater l'absence de tout acte de concurrence déloyale et parasitaire de la part de la société Atiwell,

-confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Zag bijoux de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

Si la cour devait estimer les demandes de la société Zag bijoux fondées,

-ramener à une plus juste mesure les préjudices invoqués par la société Zag bijoux en lui allouant une indemnité symbolique,

En tout état de cause,

-débouter la société Zag bijoux de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner la société Zag bijoux à payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 17 mai 2022.

SUR CE, LA COUR :

Il est expressément renvoyé, pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure, au jugement déféré et aux écritures précédemment visées des parties.

Il suffit de rappeler que, depuis plus de dix ans, la société Zag bijoux crée, fait fabriquer et commercialise des collections de bijoux fantaisie, totalisant à ce jour près de 8.000 références, dont le style mêle les genres et allie les influences orientales et occidentales. Elle indique disposer en Chine de son propre atelier de fabrication ce qui lui permet d'avoir le contrôle de la qualité de ses bijoux. Elle précise à cet égard que ses produits sont fabriqués en acier inoxydable, un matériau durable qui leur confère un aspect raffiné et garantit leur innocuité. Elle ajoute sélectionner minutieusement ses revendeurs, 2.000 au total en France et en Europe, consentir des investissements promotionnels importants, assurer une présence sur tous les salons professionnels internationaux ainsi que sur les réseaux sociaux et rencontrer enfin, un succès non démenti tant auprès des clientes que des 'bloggeuses' qui se traduit par des résultats financiers significatifs et en progression constante.

Ayant découvert, courant 2018, l'offre en vente par la société Atiwell de bijoux, en apparence identiques aux modèles de ses collections, mais de qualité médiocre et de moindre prix, la société Zag bijoux a fait procéder le 26 février 2018, par huissier de justice, à un constat d'achat puis, sur ordonnance du président du tribunal de commerce de Bobigny, à des opérations complémentaires au siège de la société, visant notamment ses documents comptables, qui ont donné lieu à un procès-verbal de constat de Me [H] du 18 juin 2018.

Suivant acte du 26 avril 2019, la société Zag bijoux a fait assigner devant le tribunal de commerce de Bobigny la société Atiwell pour répondre du grief de concurrence déloyale et parasitaire.

Le tribunal de commerce de Bobigny a débouté la société Zag bijoux de ses prétentions, jugées mal fondées, ayant retenu, selon les motifs du jugement, que ses bijoux relèvent plus de la fantaisie commune que de produits originaux de joailliers-créateurs. Ce qui est exposé dans la boutique du [Adresse 3] ne présente rien de particulièrement original et créatif ; on en trouve partout. Aucun dessin ou modèle n'a été déposé ; dès lors le demandeur ne saurait invoquer une création originale et/ou protégée. Le Tribunal a constaté que le demandeur, la société ZAG BIJOUX, n'a pas fondé ses prétentions. Enfin, le Tribunal a remarqué, ainsi que l'a exposé le défendeur, qu'aucun dessin et modèle n'a été déposé à l'INPI et que le demandeur s'est gardé d'agir sur le fondement d'un droit d'auteur.

Devant la cour la société Zag bijoux, appelante de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, en critique les motifs et maintient ses prétentions. Elle précise que son action est fondée sur la faute quasi-délictuelle de concurrence déloyale et parasitaire qui est constituée par tout fait contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale tel celui visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur la provenance du produit ou encore à profiter indûment des investissements d'autrui. Elle rappelle que l'action en concurrence déloyale, distincte de l'action en contrefaçon, est ouverte à celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif et que l'imitation d'un produit non couvert par un droit privatif est fautive quand elle est réalisée dans des conditions qui engendrent un risque de confusion et de détournement de la clientèle. En l'espèce, la faute de concurrence déloyale par la création d'un risque de confusion est selon elle caractérisée dès lors que la société Atiwell a reproduit à l'identique 20 modèles issus de ses collections de bijoux qu'elle a déclinés en différentes couleurs (doré, argenté, or rosé), et sur toutes les gammes (bracelets, colliers, boucles d'oreilles, bagues); de plus, la société Atiwell a adopté le même matériau, à savoir l'acier, qu'elle a été la première à utiliser pour des bijoux fantaisie, dans une qualité moins bonne. La société Zag bijoux relève par ailleurs que les prix pratiqués par la société Atiwell sont inférieurs non seulement à raison de la qualité médiocre mais encore à raison des économies réalisées en reproduisant, délibérément, des modèles dont le succès est avéré et en profitant ainsi, sans bourse délier, du courant commercial qu'elle a su développer grâce à ses investissements promotionnels. Elle en conclut que la société Atiwell s'est également rendue fautive de concurrence parasitaire.

La société Atiwell demande à la cour de débouter, par confirmation du jugement entrepris, la société Zag bijoux de toutes ses demandes comme mal fondées. Elle maintient toutefois, à titre liminaire, sa contestation de la validité des procès-verbaux de constat produits aux débats par la société Zag bijoux dont elle entend voir prononcer, par réformation du jugement sur ce point, la nullité.

Il convient pour la cour de statuer sur ces exceptions qui sont préalables.

Sur la validité du procès-verbal du 26 février 2018,

La société Atiwell rappelle que le principe de loyauté qui doit présider à l'administration de la preuve et le droit à un procès équitable commandent que la personne qui assiste l'huissier instrumentaire lors de l'établissement d'un procès-verbal de constat soit indépendante de la partie requérante. De plus, la qualité de cette personne doit être précisément renseignée dans le procès-verbal de manière à ce que ses liens avec la partie requérante puissent être appréciés.

En l'espèce, le procès-verbal de constat d'achat établi par Me [H] le 26 février 2018 présente Mme [A] [X], qui a procédé à l'achat de bijoux dans la boutique Atiwell d'Aubervilliers, comme un ' tiers n'ayant aucun lien de subordination avec le requérant, le conseil du requérant ainsi qu'avec l'Etude'. Or, observe la société Atiwell, la facture établie à l'occasion de cet achat est libellée au nom de la société Deci Delà (enseigne Bain de perles) qui exploite un magasin de bijoux fantaisie à [Localité 6] (95) dont Mme [X] est la gérante. Elle en déduit que Mme [X] serait une cliente de la société Zag bijoux auprès de laquelle elle s'approvisionnerait et estime qu'une telle circonstance aurait dû apparaître dans le procès-verbal.

Cependant, la dépendance de Mme [X] vis-à-vis de la société Zag bijoux n'est pas démontrée, le lien, supposé, entre la cliente et son fournisseur, ne permettant pas de justifier d'un quelconque rapport de subordination ou de soumission de nature à influer sur le déroulement des opérations. En conséquence, l'huissier de justice instrumentaire qui n'a pas fait état de la circonstance, en toute hypothèse non établie, selon laquelle Mme [X] serait cliente de la partie requérante, n'encourt aucun grief.

C'est encore en vain qu'il est soutenu par la société Atiwell que l'huissier de justice instrumentaire ayant omis selon elle de vérifier que Mme [X] n'avait aucun bijou sur elle en entrant dans la boutique, il n'est pas permis d'affirmer que les produits qui lui ont été remis à l'issue des opérations proviennent de la boutique. L'huissier de justice a constaté que Mme [X] est entrée dans la boutique 'sans aucun sac à la main' et qu'elle en est ressortie 'tenant ostensiblement à la main un sac qu'elle me remet aussitôt'. Il résulte du procès-verbal que l'achat a porté sur 62 articles de bijouterie fantaisie et a donné lieu à l'établissement d'une facture, jointe en annexe, datée du 26 février 2018, jour du constat. La société Atiwell ne saurait sérieusement insinuer, en l'état de ces éléments, que les bijoux ont possiblement été introduits dans le magasin sous le manteau d'hiver de Mme [X].

Il en découle que les motifs de nullité invoqués à l'encontre du procès-verbal de constat d'achat du 26 février 2018 sont dénués de toute pertinence et que la demande de nullité ne peut prospérer.

Sur la validité du procès-verbal sur ordonnance du 18 juin 2018,

La société Atiwell soutient, pour conclure à la nullité du procès-verbal, que l'huissier de justice aurait excédé les limites de sa mission d'abord, en laissant sur les lieux du constat les éléments saisis au lieu de les conserver par devers lui, ensuite, en accédant aux fichiers informatiques du 'profil utilisateur' de l'ordinateur, dont le contenu n'est ni comptable ni commercial, se livrant ainsi à une intrusion dans la correspondance personnelle de l'utilisateur.

Or, l'ordonnance autorisant la mesure de constat dans les locaux de la société Atiwell précisait que 'l'ensemble des éléments (copies de documents, copies de supports informatiques et /ou tous autres produits) recueillis par l'huissier de justice seront conservés par lui, en séquestre'. En désignant la société Atiwell gardienne des bijoux recueillis sur les lieux en grande quantité (plus de 300 articles) et rassemblés 'dans une caisse qui sera scellée après l'inventaire' l'huissier de justice n'a pas enfreint l'ordonnance qui ne lui ordonnait pas de transporter les scellés 'chez lui', en son étude, mais de les conserver sous son autorité.

C'est encore à tort que la société Atiwell prétend que l'huissier de justice se serait livré à une mesure d'investigation générale en appréhendant le fichier utilisateur de l'ordinateur. Force est de constater que selon les termes de l'ordonnance l'huissier de justice était autorisé à 'se faire remettre tous documents comptables ou commerciaux tels que les bons de commandes, les bons de livraison, les pièces douanières correspondantes, registres, factures de vente d'où pourrait résulter la preuve et l'étendue de la commercialisation des modèles litigieux, ainsi que leur origine', ainsi qu'à 'se faire remettre l'état des stocks des produits litigieux et à défaut procéder à leur inventaire . L'huissier de justice était autorisé enfin à 'rechercher l'ensemble de ces éléments dans les fichiers informatiques de la société Atiwell et à en prendre copie ou capture d'écran par tous moyens et sur tout support de son choix' . Il s'en déduit que l'huissier de justice se trouvait habilité à accéder à tous les fichiers informatiques de la société Atiwell et qu'il n'est aucunement justifié de l'atteinte alléguée à la vie privée de l'utilisateur de l'ordinateur étant observé que le document '[B]' recueilli par l'huissier de justice dans le fichier en cause ne relève aucunement d'une correspondance personnelle dès lors qu'il est constitué d'une compilation de produits de diverses sociétés concurrentes, dont ceux de la société Zag bijoux, que la société Atiwell déclare se constituer pour s'informer des tendances de la mode.

La société Atiwell soutient enfin qu'il n'est pas permis, en l'absence de mention de l'heure, de s'assurer du délai raisonnable que doit respecter l'huissier de justice entre la signification de l'ordonnance et l'exécution de ses opérations . Or, force est de constater que l'huissier de justice a procédé, préalablement à ses opérations, et conformément aux dispositions de l'article 495 du code de procédure civile, à la signification à la société Atiwell de la requête de la société Zag bijoux ainsi que de l'ordonnance, exécutoire sur minute, rendue sur cette requête le 23 mai 2018 par le président du tribunal de commerce de Bobigny, dont il a remis copie à Mme [P], vendeuse, qui s'était déclarée habilitée à la recevoir ; que, selon les énonciations du procès-verbal de constat, Mme [P] a indiqué à l'huissier de justice que le gérant n'était pas présent mais qu'elle connaissait les produits présentés à elle en vertu de l'ordonnance et ce n'est qu'ensuite, que l'huissier de justice a 'recherché avec elle' chacun de ces produits. Il découle de ces éléments qu'un délai s'est nécessairement écoulé entre la signification de l'ordonnance et le commencement des opérations et que ce délai est raisonnable dès lors qu'il apparaît que Mme [P] a été tenue précisément informée de la teneur de l'ordonnance dont elle a manifestement compris les termes.

En conséquence des observations qui précèdent, la demande tendant à voir prononcer la nullité du procès-verbal en date du 18 juin 2018 n'est pas fondée et doit être rejetée, de même que la demande tendant à voir écarter des débats la pièce produite par l'appelante en pièce n°15 et qui n'est autre que ce procès-verbal.

Sur le fond,

Il importe de rappeler qu'en vertu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie un produit qui n'est pas protégé par droit privatif de propriété intellectuelle peut être librement reproduit mais dans le respect des usages honnêtes et loyaux qui doivent présider à la vie des affaires. La faute de concurrence déloyale est caractérisée quand la commercialisation d'un produit similaire à celui d'un concurrent créé un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit. L'acte de parasitisme est également illicite, consistant pour un opérateur économique, à titre lucratif et de façon injustifiée, à copier ou imiter une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire et d'investissements humains et financiers.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité, la notoriété du produit copié.

Il incombe à celui qui se prétend victime d'actes de concurrence déloyale ou de parasitisme d'en rapporter la preuve et de démontrer que les éléments constitutifs de ces comportements répréhensibles sont réunis.

En l'espèce, la société Zag bijoux qui expose avoir commercialisé entre 2012 et 2018 les collections Ethnic chic, Color inspiration, Nature arabesque, Iconic, Round disco, Geometric art déco, Precious stone, fait grief à la société Atiwell d'avoir reproduit quasi-servilement 20 modèles de bijoux issus de ces collections. Ces 20 modèles sont présentés en photographie en pages 4, 5, 6 et 7 de ses conclusions avec l'indication, pour chacun, des références sous lesquelles ils sont commercialisés, de la collection dont ils relèvent, et enfin, de la date de première commercialisation. La sociétés Zag bijoux expose en outre, en pages 15, 16, 17 et 18 de ses conclusions, un tableau comparatif qui présente côte à côte le modèle reproduit et la copie.

La société Zag bijoux fait valoir que les agissements de la société Atiwell sont délibérés car les 20 modèles reproduits ont été préalablement sélectionnés à raison du succès qu'ils ont rencontré auprès de la clientèle ainsi qu'en atteste le document 'yanzi' recueilli lors des opérations de constat du 18 juin 2018 qui révèle une manière de procéder systématique, consistant à compiler les modèles de la concurrence et à sélectionner ceux qui seront fabriqués en copie en Chine.

Or, il s'infère de l'examen auquel s'est livrée la cour, des modèles invoqués par la société Zag bijoux et des pièces opposées par la société Atiwell, les constatations suivantes:

- le modèle de bague n°1 de la société Zag bijoux, constitué de bandes entrelacées produisant un effet ajouré, n'est pas reproduit à l'identique par la société Atiwell dont la bague litigieuse est constituée de bandes beaucoup plus larges et de jours beaucoup plus discrets qui lui confèrent une apparence différente. Par ailleurs, force est de relever que la bague de la société Zag bijoux s'inspire elle-même de la ligne des bijoux 'zig-zag' de la société Arthus-Bertrand, antérieurement déposés à titre de dessins et modèles en février 2015, peu important que les modèles ne soient pas identiques ne s'agissant pas ici d'opposer des antériorités mais de montrer que les éléments repris correspondent aux tendances de la mode et aux aspirations du consommateur. A cet égard, il doit être souligné enfin que le modèle invoqué a été commercialisé par la société Zag bijoux le 24 août 2015, tandis que la copie incriminée a été constatée en 2018.

- le modèle de médaillon doré n°2 de la société Zag bijoux, orné d'un brillant au centre du médaillon, dont la première commercialisation remonte au 17 février 2014, s'inspire également d'une tendance stylistique dont atteste le dépôt au titre des dessins et modèles, en mars 2014, par la société Arthus-Bertrand, d'un médaillon doré orné en son centre d'un brillant.

-le modèle de médaillon doré n°3 de la société Zag bijoux, sur lequel sont gravées des petites étoiles, imite le médaillon sur lequel sont gravées des petites croix, objet d'un dépôt en octobre 2002 par la société Arthus-Bertrand, qui propose également à la vente, en 2018, un médaillon doré 'lune de miel étoilée' sur lequel sont gravées des petites étoiles. Par ailleurs, un médaillon quasi-identique, est présenté à la vente en juillet 2018 sur le site internet 'Ginette-ny-com'.

-le modèle de sautoir n°4 de la société Zag bijoux auquel est suspendu un objet doré en forme de crayon pointant vers le bas, ne ressemble en rien au modèle incriminé de la société Atiwell constitué d'une figure en forme de rectangle très aplati dont les deux côtés sont rattachés à la chaîne du sautoir.

-le modèle de sautoir n°5 maille rectangle de la société Zag bijoux, commercialisé le 22 août 2017, se rencontre en 2018 sur plusieurs sites internet qui le présentent comme s'inscrivant dans les tendances de la mode, en particulier le site 'Guiot de Bourg'.

-il en est de même du médaillon n°6 de la société Zag bijoux constitué d'un cercle ajouré sur la base duquel est déposée une perle noire que l'on retrouve, à l'identique, en 2018, sur le site 'buzz de bijoux'.

-le modèle n°9 de trèfles à 4 feuilles de la société Zag bijoux s'inspire manifestement de la collection 'Alhambra' de la société Van Cleef et Arpels qui indique dans sa communication utiliser depuis 1968 le trèfle à 4 feuilles qu'elle présente comme un motif iconique et qu'elle a déposé à titre de dessin ou modèle en 2013.

-le pendentif n°11 commercialisé par la société Zag bijoux depuis le 29 juin 2012, en forme de rose des vents, se rencontre quasiment à l'identique, sur le site de la société Cdiscount en 2018 qui en vante le succès ainsi que sur celui de la société Vanille créations.

-le pendentif n°15 de la société Zag bijoux, commercialisé en 2014, en forme d'arabesque, se rencontre quasiment à l'identique sur de nombreux sites internet en 2018.

-il en est de même du pendentif au motif de tête de buffle n° 16 de la société Zag bijoux qui de plus a fait l'objet d'un dépôt à titre de dessin ou modèle français en 2014 par [U] [O].

-le médaillon n°10 de la société Zag bijoux, formé de deux demi-cercles à l'intérieur desquels sont logés des petites perles et dont les diamètres sont joints côte à côte, reprend les caractéristiques du modèle commercialisé par [K] [V] depuis 2015 dont il constitue la copie.

Il découle des constatations qui précèdent que la société Zag bijoux invoque des bijoux qui constituent eux-mêmes des copies de modèles antérieurs et que la société Atiwell, en 2018, date des faits qui lui sont reprochés, a repris des modèles connus, tombés dans le fonds commun de la bijouterie fantaisie et inscrits dans les courants de la mode. Il n'est pas sans intérêt d'observer en outre que la société Atiwell a commercialisé les modèles incriminés en 2018 non pas simultanément mais très postérieurement à l'exploitation qui en a été faite par la société Zag bijoux entre 2012 et 2017.

C'est vainement que la société Zag bijoux se prévaut d'avoir été la première à employer l'acier pour la fabrication des bijoux et d'avoir été imitée également sur ce point. Il ressort en effet des informations, non démenties, extraites du site de la société Cléor, que l'acier est utilisé en bijouterie depuis 1847 et qu'il présente l'avantage d'être un métal robuste, de prix abordable et sans risque pour les personnes allergiques.

C'est encore vainement qu'elle invoque l'effet de gamme par la reprise de plusieurs modèles de ses collections. Force est de constater que les collections concernées ne présentent pas de cohérence thématique, ainsi, les quatre bijoux de la collection Iconic n'offrent pas de point commun, de même que les quatre bijoux de la collection Precious stone dont deux ne comportent pas de pierre. Par ailleurs, l'effet de gamme ne saurait résulter de la déclinaison d'un même motif, banale et usuelle en bijouterie, en collier, bracelet, bague, boucles d'oreilles, ou dans les couleurs or jaune, or blanc, or rose.

En conséquence, le grief de concurrence déloyale n'est pas fondé et la demande formée de ce chef ne peut prospérer.

Le parasitisme, qui implique la captation d'une valeur économique individualisée, fruit d'un savoir-faire et /ou d'investissements, n'est pas davantage établi force étant de constater que la société Zag bijoux se garde d'alléguer que les bijoux invoqués seraient des produits emblématiques de ses collections, aptes à l'identifier, et qu'elle s'abstient, en outre, de justifier des investissements qu'elle aurait spécifiquement consacrés à ces bijoux et de la valeur individualisée de chacun de ces bijoux. Elle se borne en effet à vanter ses bons résultats commerciaux et à se prévaloir des dépenses exposées sur plus de cinq ans pour la promotion de ses articles, dont elle rappelle par ailleurs qu'ils totalisent 8.000 références dont 6.000 en collections permanentes et 2.000 en collections saisonnières (page 2 de ses écritures), ce qui est sans pertinence dans la démonstration qu'il lui incombe d'apporter, de la valeur économique propre à chacun des bijoux qu'elle reproche à la société Atiwell d'avoir voulu capter à son préjudice.

Il s'ensuit que la faute de parasitisme n'est pas caractérisée et que la société Zag bijoux est mal fondée en toutes ses prétentions.

Le jugement déféré est en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

Le sens de l'arrêt conduit à condamner la société Zag bijoux, partie perdante, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En outre, l'équité commande de condamner la société Zag bijoux à verser à la société Atiwell une indemnité de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

LA COUR,

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Condamne la société Zag bijoux à verser à la société Atiwell une indemnité de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/00039
Date de la décision : 02/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-02;21.00039 ?
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