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02/11/2022 | FRANCE | N°20/03862

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 02 novembre 2022, 20/03862


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03862 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6QD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/08208



APPELANTE



Madame [J] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée p

ar Me Sandra MORENO-FRAZAK, avocat au barreau d'ESSONNE



INTIMEE



S.A. BNP PARIBAS Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adr...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03862 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6QD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/08208

APPELANTE

Madame [J] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Sandra MORENO-FRAZAK, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMEE

S.A. BNP PARIBAS Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Laurent GAMET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYEN DES PARTIES :

Mme [J] [E] a été mise à disposition de la société BNP PARIBAS par la société Qualis, dans le cadre d'une mission d'intérim, du 28 mars 2019 et jusqu'au 31 juillet 2019, en qualité d'assistante de direction, le motif de recours à ce contrat étant l'accroissement temporaire d'activité.

La BNP PARIBAS occupe à titre habituel plus de onze salariés.

Le 17 septembre 2019, Mme [J] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de voir requalifier son contrat de mission temporaire en contrat à durée indéterminée et la société BNP PARIBAS condamnée à lui payer diverses sommes, notamment une indemnité pour licenciement nul et des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Par jugement du 18 [J] 2020 , le conseil de prud'hommes de Paris , statuant en formation de jugement, a :

- débouté Mme [E] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens,

- débouté la S.A. BNP PARIBAS de sa demande.

Par déclaration au greffe du 01 juillet 2020, Mme [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 août 2020, Mme [J] [E] demande à la cour de :

- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS en toutes ses dispositions,

- REQUALIFIER les relations de travail en contrat à durée indéterminée,

- FIXER la rémunération de Madame [E] à 3.119,48 €,

- CONDAMNER la société BNP PARIBAS au paiement des sommes suivantes :

* Indemnité compensatrice de préavis (Art.7) : 3.119,48 € ;

* Congés payés afférents : 311,95 € ;

* Dommages et intérêts pour licenciement nul : 20.000 € ;

* Dommages et intérêts pour licenciement irrégulier : 3.119,48 € ;

* Dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat : 9.358,44 € ;

* Indemnités de requalification : 3.119,48 € ;

* Article 700 du Code de procédure civile : 1.800 € ;

- DEBOUTER la société défenderesse de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- ASSORTIR la décision des intérêts au taux légal,

- CONDAMNER la société défenderesse aux entiers dépens.

Dans ses conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 septembre 2020, la S.A. BNP PARIBAS demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de PARIS du 18 [J] 2020,

- débouter Madame [E] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Madame [E] à verser à BNP PARIBAS SA la somme de 1.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Madame [E] aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 juin 2022.

Par un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

1-Sur la demande de requalification

Aux termes de l'article L1251-5 du code du travail «  le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ».

Selon l'article L 1251-6 du code du travail, «  sous réserve des dispositions de l'article L1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée « mission '' et seulement dans les cas suivants :

(...)

2º Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ».

Selon l'article L 1251-40 du code du travail, «  lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L.1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ».

En cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire, il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de travail.

Au cas d'espèce, Mme [J] [E] a été mise a disposition de la société BNP PARIBAS du 28 mars 2019 au 31 juillet 2019 inclus, en qualité d'assistante de direction, au motif d' « un accroissement de l'activité liée à l'arrivée de nouveaux managers des équipes FIC ».

Au soutien de sa demande de requalification, la salariée expose qu'elle assistait deux directeurs, messieurs [Z] [C] et [I] [R] et que contrairement à ce que soutient la banque, ces deux directeurs ont intégrés le service en 2017 pour le premier et en 2015 pour le second.

La BNP PARIPAS indique que le motif «  accroissement temporaire de l'activité », prévu par la loi, est indiqué dans le contrat de mission de Mme [E], que ce contrat précise, en allant au delà des exigences légales, que cet accroissement temporaire d'activité est lié à l'arrivée de nouveaux managers au sein des équipes FIC. La banque indique que plusieurs directeurs sont affectés au département FIC et que l'arrivée de nouveaux directeurs a entraîné temporairement une surcharge de travail pour Mme [U] [H], responsable

« Know Your Customer/ Client », qui coordonne également les assistantes.

La cour constate que la BNP BARIPAS procède par affirmations et ne justifie d'aucune manière de l'arrivée de nouveaux managers au sein du département FIC alors que cela est contesté par la salariée. Elle ne justifie pas plus des responsabilités de Mme [H] .

Ainsi la BNP PARIBAS ne justifie pas qu'il n'a pas pourvu durablement un emploi lié à son activité normale et permanente par le recours au contrat de mission de Mme [J] [E].

Dès lors, la demande de requalification du contrat de mission à compter du 28 mars 2019 en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet est fondée.

Le jugement est infirmé de ce chef.

2-Sur les conséquences de la requalification

2-1-Sur la rupture du contrat de travail

Aux termes de l'article L 1226-9 du code du travail « Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie »

L'article L.1226-7 de ce code réserve cette protection aux victimes d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle.

Aux termes de l'article L 1226-13 du code du travail « Toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle »

L'arrêt de travail de M. [E] du 10 juillet 2019 au 15 juillet 2019, consécutif à un malaise sur son lieu de travail, est un arrêt pour accident du travail. Il a été prolongé du 16 au 31 juillet 2019.

Compte tenu de la requalification opérée et du caractère professionnel de l'arrêt de travail, le licenciement de l'intéressée intervenu le 31 juillet 2019 est nul.

2-2-Sur les conséquences financières

2-2-1 Sur l'indemnité de requalification.

Il est dû, en application de l'article L 1251-41 alinéa 2 du code du travail, à Mme. [J] [E] une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, soit la somme de 2.881,73 euros ( salaire hors indemnité de fin de contrat et indemnité de congés payés).

2-2-2 Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Il est dû à la salariée un mois de salaire, soit la somme de 2.881,73 euros, outre la somme de 288,17 euros au titre des congés payés afférents.

2-2-3 Sur l'indemnité pour licenciement nul

En application de l'article L 1235-3-1 du code du travail, Mme [E] peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.

Au cas d'espèce, compte tenu des conditions de la rupture, de l'âge de la salariée et de son ancienneté au sein de la société (4 mois), il lui sera alloué une somme de 17.290,38 euros de ce chef ( 6 mois de salaires).

2-2-4 Sur l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement

L'indemnité pour procédure irrégulière ne se cumule pas avec celle allouée pour licenciement nul.

Mme [E] déboutée de sa demande d'indemnité.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2-2-5 Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

En application de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant notamment des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

La salariée ne rapporte pas la preuve d'une surcharge de travail qu'elle n'a d'ailleurs jamais évoquée durant la relation de travail, que ce soit avec l'entreprise d'intérim ou avec la BNP PARIBAS.

Par ailleurs, elle ne démontre pas la menace de ne pas être payée ou les pressions dont elle indique avoir fait l'objet . A cet égard il est souligné que le mail de Madame [E] en date du 17 juillet 2017 ne peut servir de preuve, personne ne pouvant s'établir de preuve à lui- même.

Elle ne démontre pas que sa santé a été altérée du fait de la carence de l'employeur.

La salariée est déboutée de ce chef.

Le jugement est confirmé.

2-2-6 Sur les intérêts

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.

3-Sur les demandes accessoires

Le jugement est infirmé en ce qu'il a mis à la charge de la salariée les dépens et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Une somme de 800 euros lui est allouée de ce chef. Il est confirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Partie perdante, la SA BNP PARIBAS est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de la salariée, ainsi qu'il sera dit au dispositif.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [J] [E] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et la société de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

REQUALIFIE la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au 28 mars 2019,

CONDAMNE la SA BNP PARIBAS à verser à Mme [J] [E] les sommes de :

- 2.881,73 euros euros à titre d'indemnité de requalification,

- 2.881,73 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 288,17 euros au titre des congés payés afférents,

-17.290,38 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul,

- 800 euros au titre des frais irrépétibles en première instance,

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la présente décision et ceux portant sur les condamnations de nature salariale à compter de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de jugement,

Condamne la SA BNP PARIBAS à payer à Mme [J] [E] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette la demande de la SA BNP PARIBAS au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel,

Condamne la SA BNP PARIBAS aus dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03862
Date de la décision : 02/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-02;20.03862 ?
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