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02/11/2022 | FRANCE | N°20/03844

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 02 novembre 2022, 20/03844


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03844 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6K2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 18/02344



APPELANT



Monsieur [N] [Y] [V]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représe

nté par Me Marie-béatrix BEGOUEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2080



INTIMES



Maître [C] [L] agissant en qualité de 'mandataire liquidateur' de la Société YOGASHI...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03844 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6K2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 18/02344

APPELANT

Monsieur [N] [Y] [V]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Marie-béatrix BEGOUEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2080

INTIMES

Maître [C] [L] agissant en qualité de 'mandataire liquidateur' de la Société YOGASHI-RT

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Jean-noël COURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K178

Association DELEGATION UNEDIC AGS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYEN DES PARTIES :

M. [N] [V] indique avoir a été engagé le 12 février 2018 par la société YOGASHI-RT, en qualité de chef boulanger, suivant contrat à durée indéterminée à temps plein moyennant une rémunération mensuelle de 2568,30 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de la boulangerie-patisserie (IDCC 843).

Le 18 avril 2018, M. [N] [V] a été placé en arrêt de travail suite à un accident du travail.

Par jugement du 29 juin 2018, le Tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société YOGASHI-RT et désigné Maître [C] [L] en qualité de mandataire liquidateur. La cessation des paiements a été fixée au 29 décembre 2016.

M. [N] [V] a été licencié pour motif économique le 12 juillet 2018, par le mandataire liquidateur, la société ayant cessé toute activité.

La société YOGASHI-RT occupait à titre habituel moins de onze salariés.

M. [N] [V] a saisi, le 26 juillet 2018, le conseil de prud'hommes de Bobigny afin notamment de voir juger qu'il a fait l'objet d'une exécution déloyale de son contrat de travail et la société condamnée à lui verser diverses sommes, en particulier au titre de rappel de salaires et de primes ainsi que des dommages et intérêts pour travail dissimulé.

Par jugement du 06 février 2020, le conseil de prud'hommes de Bobigny a':

- déclaré irrecevables les demandes de M. [V] et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

- laissé les éventuels dépens à la charge de la partie demanderesse.

Maître [C] [L] , es qualité, a été déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe du 30 juin 2020, M. [V] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 05 mai 2022, M. [N] [V] demande à la Cour de':

- INFIRMER le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bobigny en date du 6 février 2020, en ce qu'il a déclaré irrecevables ses demandes et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

Et, statuant à nouveau,

- CONDAMNER la société YOGASHI-RT à lui verser la somme de 2.883,24 € de rappel d'heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents à hauteur de 288,32 €,

- CONDAMNER la société YOGASHI-RT à lui verser la somme de 232,02 € de rappel de majoration pour travail de nuit, outre les congés payés y afférents à hauteur de 23,20 €,

- CONDAMNER la société YOGASHI-RT à lui verser la somme de 94,33 € de rappel de majoration pour travail le dimanche, outre les congés payés y afférents à hauteur de 9,43 €,

- CONDAMNER la société YOGASHI-RT à lui verser la somme de 1.315,53 € de rappel de salaire au titre du manquement de l'employeur à son obligation de maintien de salaire, outre les congés payés y afférents à hauteur de 131,55 €,

- CONDAMNER la société YOGASHI-RT à lui verser la somme de 18.311,70 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- CONDAMNER la société YOGASHI-RT à lui verser la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- ORDONNER sur l'ensemble de ces condamnations les intérêts au taux légal à compter de la saisine pour les sommes à caractère de salaire et à compter du prononcé du jugement pour les sommes à caractère indemnitaire,

- CONDAMNER la société YOGASHI-RT aux entiers dépens et à verser à Monsieur [V] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- FIXER au passif de la procédure collective les créances précitées,

- DIRE et JUGER que l'AGS interviendra en garantie du paiement de ces créances par la société YOGASHI-RT, prise en la personne de son mandataire judiciaire,

- RENDRE opposable à l'AGS le présent jugement.

Dans ses conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 octobre 2020, Maître [C] [L], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Yogashi-RT demande à la Cour de':

- CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes en date du 6 février 2020 en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire':

- DIRE ET JUGER irrecevables les demandes de Monsieur [N] [V] tendant à la condamnation au paiement de la société YOGASHI-RT,

- DIRE ET JUGER irrecevables les demandes de Monsieur [N] [V] portant sur l'exécution déloyale du contrat de travail et le manquement de l'employeur à son obligation de maintien de salaire pendant l'arrêt de travail, qui ne figuraient pas dans sa requête aux fins de saisine du Conseil de prud'hommes,

- L'EN DÉBOUTER,

A titre infiniment subsidiaire,

- DIRE ET JUGER Monsieur [N] [V] mal fondé en ses demandes,

- L'EN DÉBOUTER,

En tout état de cause,

- CONDAMNER Monsieur [N] [V] à payer à Maître [L], ès qualités, la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- LE CONDAMNER aux entiers dépens.

Dans ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 03 novembre 2020, l'Association AGS CGEA IDF EST, intimée, demande à la Cour de':

- CONFIRMER le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

* En conséquence, débouter Monsieur [V] de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause':

- DECLARER IRRECEVABLES les demandes de Monsieur [V] portant sur l'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail et le rappel des salaires au titre du manquement de l'employeur à son obligation de maintien de salaire,

- DONNER ACTE à l'AGS CGEA IDF EST de ce qu'elle s'en rapporte aux arguments, fins, moyens et conclusions du Mandataire Liquidateur,

* En conséquence, DEBOUTER Monsieur [V] de l'ensemble de ses demandes,

- DIRE ET JUGER que l'AGS I.D.F. EST ne devra procéder à l'avance des éventuelles créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15 à L 3253-21 du nouveau code du travail (plafond 4 de l'année 2018),

- CONSTATER, vu les dispositions de l'article L.622-28 du Code de commerce, que les intérêts ont nécessairement été arrêtés au jour de l'ouverture de la procédure,

- CONSTATER, vu les termes de l'article L.3253-6 du Code du travail, que le paiement d'une somme au titre de l'article 700 du CPC n'entre pas dans le champ d'application de la garantie de l'AGS CGEA IDF EST,

- STATUER ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS CGEA IDF EST.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 juin 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 septembre.

Par un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- Sur la recevabilité des demandes tendant à la condamnation de la société YOGASHI-RT au paiement de diverses sommes

Compte tenu de la liquidation de la société, ces demandes sont irrecevables.

2- Sur la recevabilité des demandes portant sur l'exécution déloyale du contrat de travail et le manquement de l'employeur à son obligation de maintien de salaire pendant l'arrêt de travail

Certes les demandes portant sur l'exécution déloyale du contrat de travail et le manquement de l'employeur à son obligation de maintien de salaire pendant l'arrêt de travail, ne figuraient pas dans les demandes initiales comprises dans la requête qui a saisi le conseil des prud'hommes.

Aux termes de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Les demandes portant sur l'exécution déloyale du contrat de travail était motivée par le refus de payer les nombreuses heures supplémentaires effectuées la nuit et le dimanche ce qui se rattache par un lien suffisant aux demandes de relatives à la demande au titre des heures supplémentaires.

Le manquement de l'employeur à son obligation de maintien de salaire pendant l'arrêt de travail se rattache également par un lien suffisant aux autres demandes qui constituent des demandes de rappel de salaires.

En conséquence, ces demandes sont recevables.

3- Sur la nullité du contrat de travail

En vertu des dispositions de l'article L.632-1, I 2°du code de commerce, est nul lorsqu'il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie. Le contrat de travail est un contrat commutatif en ce qu'il est onéreux et que les parties connaissent, au moment où elles contractent, l'étendue des prestations respectives qu'elles doivent fournir.

Sont ainsi visés tous les contrats de travail notablement déséquilibrés conclus pendant cette période dite « suspecte » entre la date effective de cessation de paiement et celle du jugement d'ouverture de la procédure collective qui constate cet état.

Il appartient au liquidateur qui se prévaut du caractère déséquilibré du contrat de travail conclu pendant la période suspecte de produire des pièces et arguments le démontrant.

Le déséquilibre s'apprécie au moment de la conclusion du contrat et de ses éventuels avenants.

Le liquidateur judiciaire soutient que le contrat de travail est nul en raison de sa conclusion pendant la période suspecte, soit postérieurement à la date de cessation des paiements fixée au 29 décembre 2016.

Il soutient plus particulièrement qu'au regard de l' état de cessation des paiements de la société, son engagement à l'égard de M. [N] [V] impliquant sa rémunération, était manifestement disproportionné.

L'AGS s'associe à cette argumentation.

Le salarié souligne qu'il a été engagé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminé pour un emploi correspondant à l'activité de la société et n'a pas bénéficié d'une rémunération excessive eu égard à sa qualification.

La cour constate que la société a conclu le contrat de travail après la date de la cessation des paiements et de manière très proche de la date de sa liquidation judiciaire, soit à une période où sa situation financière était compromise et où il était particulièrement téméraire de conclure un contrat de travail à durée indéterminée prévoyant un salaire qui excédait notablement les capacités financières.

Cet élément signe une disproportion dans l'exécution du contrat de travail au détriment de la société.

Dès lors, il y a lieu de prononcer la nullité du contrat de travail conclu le 12 février 2018 et de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes financières liées à l'exécution de son contrat de travail ou pouvant en découler, y compris en ce qui concerne les demandes additionnelles.

Le jugement est confirmé.

4- Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

Les dépens d'appel seront à la charge de M. [N] [V].

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement déféré sur l'irrecevabilité';

Infirme pour le surplus';

Déclare recevables les demandes additionnelles de M. [N] [V] en paiement de dommages-intérêts au titre de l' exécution déloyale du contrat de travail et à l'obligation de l'employeur de maintenir le salaire pendant l'arrêt de travail';

Déboute M. [N] [V] de toutes ses demandes';

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel';

Condamne M. [N] [V] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03844
Date de la décision : 02/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-02;20.03844 ?
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