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27/10/2022 | FRANCE | N°22/05932

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 27 octobre 2022, 22/05932


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 27 OCTOBRE 2022



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05932 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQFO



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Mars 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/59127





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 2], prise en la personne de Madame la Maire de [Lo

calité 2], Mme [C] [I], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée et assistée par Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUB...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 27 OCTOBRE 2022

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05932 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQFO

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Mars 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/59127

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 2], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 2], Mme [C] [I], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

INTIME

M. [S] [F]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assisté par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1735

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par exploit du 11 octobre 2019, la Ville de [Localité 2] a fait assigner M. [F] devant le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Paris, saisi selon la procédure en la forme des référés, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L631-7 du code de la construction et de l'habitation concernant l'appartement [Adresse 3] [Localité 2], au 2ème étage (lot n°11).

Par ordonnance du 10 janvier 2020, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la ville de Paris dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov.2018, n° 17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L631-7 du code de la construction et de l'habitation à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Le 22 septembre 2020 la Cour de justice de 1' Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18). Le 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, jugeant notamment que la réglementation locale de la Ville de [Localité 2] sur le changement d'usage était conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie à l'audience du 31 janvier 2022.

Dans le dernier état de ses conclusions déposées et soutenues à l'audience, la Ville de [Localité 2] demandait au premier juge de :

'condamner M. [F] à lui payer une amende civile de 50.000 euros au titre de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation et dire que le produit de cette amende lui soit intégralement versé conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

'ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, sis [Adresse 3],[Localité 2], sous astreinte de 352 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal de fixer et se réserver la liquidation de l'astreinte ;

'condamner M. [F] à payer une amende civile de 5.000 euros ;

'condamner M. [F] à payer une amende civile de 10.000 euros ;

'condamner M. [F] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En réplique, M. [F] demandait le rejet des demandes formées, la condamnation subsidiairement à une amende qui ne saurait dépasser 500 euros, outre 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 7 mars 2022, le magistrat saisi a :

- condamné M. [F] au paiement d'une amende civile d'un montant de 25.000 euros, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 2] ;

- rejeté la demande portant sur le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situés, [Adresse 3] [Localité 2] ;

- condamné M. [F] à payer une amende civile de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 2] ;

- rejeté la demande de la Ville de [Localité 2] fondée sur les dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code de tourisme ;

- condamné M. [F] à payer à la Ville de [Localité 2] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [F] aux dépens.

Par déclaration du 18 mars 2022, la Ville de [Localité 2] a relevé appel de cette décision.

Par déclaration du 13 avril 2022, M. [F] a également relevé appel de la décision.

Les deux procédures ont été jointes le 21 juin 2022.

Dans ses conclusions remises le 11 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de [Localité 2] demande à la cour, au visa de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, des articles L. 324-1-1 et suivants du code du tourisme, de :

- la juger recevable et bien fondée en son appel ;

- confirmer l'ordonnance du 7 mars 2022 en ce qu'elle a condamné M. [F] à payer une amende civile de 25.000 euros au titre de l'infraction au code de la construction et de l'habitation, une amende civile de 3.000 euros au titre de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme, et la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer l'ordonnance du 7 mars 2022 en ce qu'elle a rejeté la demande de la Ville de [Localité 2] de condamnation de M. [F] a payé une amende civile de 10.000 euros sur le fondement de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme ;

- juger que M. [F] a enfreint les dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme ;

- condamner M. [F] à payer à la Ville de [Localité 2] une amende de 10.000 euros ;

- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner M. [F] à payer à la Ville de [Localité 2] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens.

La Ville de [Localité 2] soutient en substance :

- qu'à la suite d'un signalement du syndic de copropriété, la Ville de [Localité 2] a constaté lors d'un contrôle d'occupation des locaux d'habitation effectué le 14 février 2019, la transformation de l'appartement sis au 2ème étage de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 2] en «auberge de jeunesse» ainsi que la présence d'un touriste ;

- que le 20 mars 2019, le propriétaire a fait une déclaration en mairie de « chambre d'hôte » ;

- qu'elle lui a adressé le 1er avril 2019 une lettre recommandée avec accusé de réception lui rappelant la réglementation, lui demandant une prise de rendez-vous et la communication de diverses pièces dont l'historique des réservations et a dressé le 30 avril 2019 un constat d'infraction ;

- que, la preuve de l'usage se faisant par tout moyen, elle verse au débat un relevé de propriété, un extrait de l'état descriptif de division du 16 mai 1990, le permis de construire, la déclaration d'achèvement de travaux, le certificat de conformité ;

- que l'immeuble a été construit après le 1er janvier 1970 (1989), à usage principal d'habitation (47 appartements dont le lot 11, 47 caves, 51 emplacements de parking) ;

- que la fiche H2 atteste que le lot acquis le 28 août 1990, après achèvement de l'immeuble, est à usage d'habitation ;

- que le certificat de conformité atteste de la construction sur le terrain [Adresse 3] [Localité 2], d'un bâtiment d'habitation de 6 étages sur rez-de-chaussée haut et bas et niveaux de sous-sol à usage de stationnement et de caves et d'un bâtiment scolaire sur rez-de-chaussée haut et bas à usage d'école élémentaire et maternelle ;

- que le lot 11 est situé au 2ème étage et est donc à usage d'habitation et n'a pas changé d'affectation depuis cette date ;

- que le bien litigieux n'est pas la résidence principale du loueur, sa domiciliation fiscale est faite au [Adresse 1] à [Localité 2] ;

- que M. [F] prétend que le local litigieux est sa résidence principale, déclarant aux services le 13 mars 2019 élire domicile principal au [Adresse 3] à [Localité 2], réitérant sa demande de rectification de résidence principale les 22 mars et 10 avril 2022 ;

- que, comme l'a justement relevé le tribunal, les lettres des 20 et 22 mars 2019 portaient mention comme adresse [Adresse 1] ;

- qu'il ne peut prétendre que l'appartement était sa résidence principale et/ou celle de sa mère et qu'ils louaient des chambres d'hôtes alors que dans chacune des deux pièces de l'appartement se trouvent deux lits superposés, donc un total de 8 couchages pour une surface de 42m² comportant une salle de bain, un wc, une chambre, un salon ;

- que dans l'appartement se trouvent des affichettes rédigées en anglais pour donner des informations, les commentaires faisant état de l'occupation des 8 couchages et ne mentionnant pas M. [F] en propriétaire occupant ;

- que l'appartement de deux pièces est proposé à la location sur le site airbnb, transformé en « auberge de jeunesse » comportant 8 couchages chacun d'entre d'eux donnant lieu à une annonce distincte avec les mêmes photos et descriptif, l'hôte se prénommant [L] ;

- que M. [F] prétend que le local constitue une chambre d'hôte produisant une déclaration et un récépissé de déclaration du 20 mars 2021 ;

- que celle-ci n'est pas probante et en contradiction avec les constatations faites sur place, les commentaires et la déclaration fiscale sur la résidence principale de M. [F] ;

- qu'il est constant que M. [F] n'occupe pas l'appartement comme résidence principale et le propose à la location meublée pour de courtes durées sans autorisation ni compensation en infraction aux dispositions des article L.631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation, ce que le tribunal a jugé ;

- que l'infraction perdure depuis juillet 2018, le gain peut être estimé à 35.640 euros ;

- que le montant de la compensation nécessaire pour obtenir l'autorisation de changement d'usage du local d'habitation et pouvoir exercer une activité d'hébergement hôtelier est de 25.800 euros ;

- que M. [F] ne s'est pas conformé à l'obligation de déclaration préalable soumise à enregistrement, le tribunal constatant que le local n'avait pas été déclaré sur le service de télédéclaration et a fixé l'amende à 3.000 euros ;

- que M. [F] ne lui a pas communiqué le nombre de jours loués dans le délai d'un mois à compter de la demande qui a été faite le 1er avril 2019 ;

- que le tribunal a débouté la ville de sa demande de condamnation au titre de L.324-1-1 du code du tourisme motif que cette disposition ne concerne que les personnes qui offrent à la location un meublé de tourisme déclaré comme résidence principale ;

- que cependant, en l'absence de déclaration préalable en ligne, la ville ne peut déterminer si le local constitue la résidence principale du propriétaire ;

- que l'effet utile de cette disposition du code du tourisme commande que la ville puisse solliciter des informations sur le nombre de jours de location afin de déterminer quel type de déclaration est nécessaire.

Dans ses conclusions remises le 2 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [F] demande à la cour, au visa des dispositions des articles L. 324-3 et D.324-13 du code du tourisme, des articles L.637-1 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation, de :

à titre principal de,

- juger que l'appartement en cause constituait la résidence principale de M. [F] au moment des locations litigieuses ;

- juger que l'activité de M. [F] était la location de chambre d'hôtes ;

- juger que les formalités d'enregistrement ne s'appliquent pas à M. [F] ;

- juger que les formalités de changement d'usage ne s'appliquent pas à M. [F] ;

- juger que l'ordonnance rendue le 7 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris est dépourvue de base légale ;

en conséquence, et statuant à nouveau,

- infirmer l'ordonnance rendue le 7 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a condamné M. [F] à 25.000 euros sur la base des dispositions des articles L.637-1 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation et qu'elle l'a condamné à l'amende de 3.000 euros pour défaut d'enregistrement et ne prononcer aucune amende à son encontre au titre de l'infraction au changement d'usage et du défaut d'enregistrement ;

- juger que M. [F] ne peut être condamné à l'amende civile de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme ;

en conséquence,

- confirmer l'ordonnance attaquée en ce le tribunal judiciaire de Paris a débouté la ville de [Localité 2] de sa demande en condamnation à l'amende civile de 10.000 euros, à l'encontre de M. [F] ;

à titre subsidiaire, si par extraordinaire l'infraction présumée au changement d'usage devait être caractérisée,

- juger que, compte tenu de la bonne foi, de l'ignorance légitime à la loi sur la location saisonnière, M. [F], de sa situation financière et de la cessation de l'infraction avant l'assignation de la Ville de [Localité 2], qu'il est fondé à n'être condamné qu'à la somme de 500 euros ou toute autre somme plus clémente que l'amende excessive de 25.000 euros prononcée par le tribunal et ne dépassant pas 5.000 euros ;

en conséquence et statuant à nouveau,

- juger que la condamnation du tribunal judiciaire de Paris est disproportionnée au regard de sa situation ;

- fixer le montant de l'amende civile à la somme de 500 euros ;

à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel ne trouvait justifiée la demande de condamnation à la somme de 500 euros,

- infirmer l'ordonnance rendue le 7 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris et condamner M. [F] à une amende civile qui ne pourra excéder la somme de 5.000 euros ou toutes sommes que la cour d'appel jugera équitable au regard des circonstances exceptionnelles et atténuantes liées à l'appelant ;

en tout état de cause,

- juger que l'équité ne commande pas que M. [F] soit condamné au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

en conséquence et statuant à nouveau,

- infirmer l'ordonnance rendue le 7 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a condamné M. [F] à payer 1.500 euros à la Ville de [Localité 2] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Ville de [Localité 2] à payer une somme de 3.000 euros au titre des frais nécessaires pour assurer la défense de M. [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F] soutient en substance :

- qu'en vertu de l'article 2 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 la résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an ;

- que, si la qualification de résidence secondaire a été retenue à son encontre par le tribunal judiciaire, la cour ne pourra que constater que celui-ci a commis une erreur de jugement ;

- que la cour pourra constater, par les avis d'imposition, taxes d'habitation et autre documents versés aux débats, que l'appartement litigieux situé au 2ème étage, lot n°11 de l'immeuble sis [Adresse 3], [Localité 2], constituait sa résidence principale au moment des locations litigieuses ;

- que de nombreux témoignages corroborent cette réalité : il est inscrit à la salle de sport de son quartier, ses voisins d'immeuble attestent de sa présence dans l'immeuble en tant que résident permanent, les employés du magasin situé dans la même rue dans lequel il effectue ses courses attestent qu'il habite en face dudit magasin ;

- que l'adresse du [Adresse 1], [Localité 2] est en réalité l'adresse de sa mère Mme [L] [O] ;

- qu'il s'agit d'une erreur de l'administration et que, l'ayant constatée, il l'a immédiatement rectifiée en adressant un courrier au service des impôts en précisant qu'il s'agissait de sa résidence principale ;

- que, s'il n'assure pas principalement de l'accueil et de la réception des hôtes, cela n'enlève rien le caractère de résidence principale et que plusieurs hôtes attestent qu'il résidait dans l'appartement lors de leur passage ;

- que comme l'atteste la déclaration d'activité de chambres d'hôtes faite à la mairie, sur huit couchages sept étaient réservés à la location, de sorte qu'il dormait dans le lit restant dans l'appartement litigieux ;

- qu'il s'agissait de chambres d'hôtes mises à la disposition des touristes et que le faisceau d'indice établi par la jurisprudence permet de prouver que le logement est bien une résidence principale ;

- que la réglementations sur la location saisonnière a fait l'objet de deux réglementations distinctes à savoir, celle sur la location saisonnière portant sur résidence secondaire et celle sur résidence principale ;

- qu'il résulte de ce qui vient d'être démontré qu'il est fondé à demander l'infirmation partielle pour absence d'infraction au changement dans la mesure où le local visé a en réalité le caractère d'une résidence principale ;

- que l'activité de chambres d'hôtes est inclue dans la location saisonnière sur résidence principale, différente de la location de meublés touristiques ;

- qu'elle ne relève pas du régime juridique de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation mais est encadre par les articles L.324-3 à L.324-5 du code du tourisme et D.324-13 à D.324-16 du même code ;

- qu'il résulte de ces dispositions que le propriétaire réside sur les lieux et l'appartement constitue la résidence principale du propriétaire, cette activité de chambre d'hôtes n'est pas soumise au quota de 120 jours ;

- qu'au vu des précédents développements, il offre à la location des chambres d'hôtes limitées à sept personnes, résidait sur les lieux lors du passage des hôtes et que le local constituait sa résidence principale ;

- que selon les commentaires issus du constat d'infraction, le petit déjeuner était inclus dans les services comme l'impose l'article D. 324-13 du code du tourisme ;

- que l'annonce airbnb est sans équivoque sur le type de location proposée et qu'il a procédé à la déclaration de son activité de location en chambre d'hôtes auprès de la mairie de [Localité 2] en tant que résidence principale conformément à l'article L.324-4 du code du tourisme ;

- qu'il a rempli toutes les conditions législatives et réglementaires pour l'exercice de chambre d'hôtes et n'a jamais exercé une activité de locations de meublés touristiques en violation de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

- qu'ainsi aucun changement d'usage ni de destination n'étaient à effectuer de sa part ;

- que l'activité de chambre d'hôtes n'est pas soumise à l'obligation d'enregistrement ;

- que le changement de qualification entraînant un changement de fondement juridique il en résulte que la décision du tribunal manque de base légale ;

- que, sur l'infraction aux dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme, la Ville de Paris a été déboutée de sa demande de condamnation à ce titre, cet article ne s'appliquant qu'au loueur sur résidence principale et la qualification de résidence secondaire ayant été reconnue par le tribunal ;

- que, si l'appartement constituait sa résidence principale, après réception du courrier du 1er avril 2019 il a répondu à cette dernière dans le délai d'un mois, soit le 8 avril 2019 comme en atteste le tampon sur ledit courrier ;

- qu'il a été démontré que l'appartement en cause constitue la résidence principale de l'appelant et si par extraordinaire la cour n'entend pas la réalité des faits retient le caractère de résidence secondaire à son encontre et entrer en voie de condamnation, elle fixera l'amende à une somme qui ne pourra excéder 500 euros, au regard de la ratio legis et des circonstances exceptionnelles et inhérentes à M. [F] ;

- qu'il a répondu au courrier de la Ville de [Localité 2] qui ne lui a jamais répondu ni demandé aucune communication de pièces relatives à la location litigieuses, rompant le dialogue et le privant de coopération ;

- qu'il ne s'est jamais opposé aux visites de la ville et était seulement absent lors de la visite inopinée du 14 février 2019 car il était en un déplacement professionnel dans le sud de la France ;

- qu'il était au chômage lors des locations litigieuses et n'a eu d'autres choix que de s'adonner à la location de chambre d'hôtes au sein de son appartement pour faire face à ses besoins quotidiens et ceux de sa mère qui ne bénéficie que d'une pension de 252,06 euros et devait rembourser un crédit immobilier ;

- que la supposée infraction au changement d'usage a cessé avant l'assignation de la Ville de [Localité 2], ayant désactivé les annonces dès le début du mois d'octobre 2019 ;

- qu'il a conclu un contrat de commodat avec Mme [O] le 7 octobre 2019 et occupe l'appartement depuis lors ;

- que le tribunal n'a pas tenu compte des circonstances exceptionnelles de sa situation alors qu'il est fondé à solliciter la réduction de l'amende à la somme de 500 euros au regard de sa bonne foi, de son ignorance légitime à la loi, de la cessation totale de la supposée infraction avant l'assignation par la désactivation des annonces et le contrat de prêt à usage.

SUR CE LA COUR

Sur l'infraction aux dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation (changement illicite de l'usage)

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par local irrégulièrement transformé.

Selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque dans le cadre de la législation fiscale permettant de préciser l'usage en cause ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 2] a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.

En l'espèce, s'agissant de l'usage d'habitation, il est ici constant que l'immeuble a été construit après le 1er janvier 1970, en 1989, de sorte qu'il convient d'examiner l'usage pour lequel la construction a été autorisée.

Or, à cet égard, force est de constater que l'état descriptif de division, le permis de construire et le certificat de conformité établissent que le bâtiment a été construit à usage d'habitation sur six étages, la fiche H2, en date du 23 octobre 1990, confirmant que le logement, acquis auprès du promoteur et situé au deuxième étage, d'une superficie de 43 m², est à usage d'habitation.

L'usage d'habitation est ainsi établi, aucun changement d'affectation n'ayant eu lieu depuis cette date.

Il est en outre démontré que le bien a été loué pour de courtes durées à une clientèle de passage sans mesure de compensation, étant observé :

- que l'appartement est proposé sur le site airbnb, ce logement de deux pièces comportant pas moins de huit couchages, chaque couchage donnant lieu à une annonce distincte ;

- que le constat de l'agent de la Ville de [Localité 2] montre que des simulations de réservation ont pu être effectuées, les annonces comportant 443 commentaires qui datent de la période juillet 2018-avril 2019.

Contrairement à ce qu'indique M. [F], il ne saurait être retenu qu'il s'agirait de sa résidence principale et que le local constituerait une chambre d'hôtes, nonobstant les déclarations qu'il a réalisées en ce sens, force étant de constater :

- que M. [F] s'est déclaré fiscalement comme résidant au [Adresse 1], selon le document des services fiscaux du 7 février 2019, ses demandes de changement de résidence principale étant postérieures au contrôle de la Ville de [Localité 2] de sorte qu'elles apparaissent avoir été faites en réaction à la présente procédure, ses deux premiers courriers des 20 mars et 22 mars 2019 à cette fin mentionnant d'ailleurs comme adresse le [Adresse 1] ;

- que, s'agissant des attestations produites, la cour adopte sur ce point les motifs du premier juge qui a rappelé leur caractère imprécis tant dans leur teneur que dans les dates, de sorte qu'elles n'établissent pas que M. [F] habite de manière permanente et continue dans l'appartement litigieux ; que les attestations des propres clients du logement loué par M. [F] (pièces 15) ne peuvent établir que celui-ci a pour résidence principale le logement situé [Adresse 3] ; que les circonstances qu'il soit inscrit à une salle de sport ou fréquente un magasin voisin n'établissement pas plus la réalité de la résidence principale ;

- que, surtout, le constat dressé par l'agent assermenté indique que l'annonce porte sur huit couchages dans un logement de deux pièces, tous les couchages pouvant être loués, l'allégation de M. [F] selon laquelle il dormirait dans le huitième lit en compagnie de sept touristes n'étant dès lors pas établie, aucune mention des annonces ne précisant que le propriétaire dormirait dans les dortoirs ;

- que les commentaires des internautes ne font d'ailleurs jamais état de ce que le propriétaire dormirait dans le logement, comme l'a rappelé de manière précise et détaillée le premier juge ; que les commentaires font d'ailleurs état de ce que "[L]" serait l'hôte des lieux, et non M. [F] ;

- que, dans l'appartement, une affichette en anglais rappelle la nécessité de ne pas faire de bruit après 22 heures, la nécessité de donner des consignes aux occupants par écrit étant à l'évidence incompatible avec la présence de l'hôte.

Ainsi, le logement n'est pas la résidence principale de M. [F], qui dans ces circonstances a de manière incontestable enfreint les dispositions du code de la construction et de l'habitation applicables.

Il faut encore préciser que M. [F] ne peut être suivi lorsqu'il fait valoir qu'il s'agirait de "chambres d'hôtes" au sens de l'article L. 324-3 du code du tourisme, soit des "chambres meublées situées chez l'habitant", alors que le logement ne constitue pas sa résidence principale et que la déclaration de chambres d'hôtes a été effectuée le 20 mars 2019, postérieurement au contrôle effectué par l'agent assermenté, de sorte qu'elle apparaît de pure opportunité dans le but d'éviter la condamnation à une amende civile.

M. [F] a donc bien changé sans autorisation préalable l'usage du lot litigieux, en louant son appartement meublé destiné à l'habitation à une clientèle de passage pour de courtes durées.

Concernant le quantum de l'amende, il y a lieu de rappeler le caractère d'intérêt général de la législation, l'objectif étant de lutter contre les difficultés de logement à [Localité 2].

Il y a lieu de prendre en compte la durée de la location illicite de courte durée, de juillet 2018 à avril 2019, étant observé de plus qu'il résulte du constat complémentaire du 1er octobre 2019 que le local était toujours proposé à la location de courte durée après la mise en demeure du 25 juin 2019.

La Ville de [Localité 2] fait à juste titre état d'un gain illicite de 27.204 euros, le montant de la compensation qui aurait été à payer étant de 25.800 euros.

M. [F] ne peut faire état de son ignorance légitime de la loi pour tenter d'échapper à sa responsabilité civile, ne versant en outre aucune pièce récente sur sa situation financière puisqu'observant simplement qu'il était au chômage lors des locations litigieuses.

Dans ces conditions, l'amende civile a été justement fixée par le premier juge à la somme de 25.000 euros, la cour confirmant la décision de première instance sur ce point.

Sur l'infraction aux dispositions de l'article L. 324-1-1 III du code de tourisme (défaut de déclaration d'un meublé de tourisme)

L'article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose notamment que :

II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.

Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme.

La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.

En l'espèce, le local en cause a été loué à une clientèle de passage de manière répétée pour de courtes durées.

Aucun numéro d'enregistrement ne figure sur l'annonce airbnb et aucun enregistrement du local n'a été trouvé, ainsi qu'il résulte du constat de l'agent assermenté de la Ville de [Localité 2].

Prenant en compte la durée des manquements et l'importance du nombre de locations, le premier juge a à juste titre condamné M. [F] à régler une amende civile de 3.000 euros, ce qui commande de confirmer la décision sur ce point.

Sur l'infraction aux dispositions de l'article L. 324-1-1 IV du code de tourisme (défaut de transmission du nombre de jours loués dans le délai d'un mois)

Il résulte de l'article L. 324-1-1 IV du code de tourisme que, dans les communes ayant mis en 'uvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

La commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros.

En l'espèce, il sera relevé que l'obligation de transmission de l'article L.324-1-1 IV alinéa 2 du code du tourisme ne peut concerner que les locations visés à l'article L.324-1-1 IV alinéa premier, à savoir les locations d'un meublé de tourisme déclaré comme résidence principale, étant rappelé :

- que les textes relatifs à une infraction civile, pouvant conduire au prononcé d'une amende, doivent s'interpréter strictement ;

- que l'article L. 324-1-1 IV, constitué de deux alinéas, doit s'analyser en son ensemble ;

- que la transmission du nombre de jours vise à établir si la limite des 120 jours a été dépassée, de sorte que cette disposition concerne bien logiquement les meublés déclarés comme résidence principale, astreints à cette limite.

Nonobstant le fait que la cour n'a pas retenu que le logement constituait la résidence principale de M. [F], force est de constater que ce dernier n'a pas procédé ici à une déclaration d'un meublé de tourisme comme résidence principale, la déclaration de chambre d'hôtes ne constituant pas une telle déclaration.

Une des conditions de l'article L. 324-1-1 IV du code de tourisme n'étant pas remplie, il y a lieu de confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a rejeté la demande de la Ville de [Localité 2] sur ce point.

Sur les autres demandes

Le sort des dépens et frais de première instance a été exactement réglé par le premier juge, de sorte que la décision sera également confirmée sur ce point.

Les deux parties ont fait appel de la décision, la cour confirmant la condamnation de M. [F] à deux amendes civiles.

Ces éléments commandent de condamner M. [F] à indemniser la Ville de [Localité 2] pour ses frais non répétibles exposés à hauteur d'appel, M. [F] étant condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Condamne M. [S] [F] à verser à la Ville de [Localité 2] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne M. [S] [F] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/05932
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;22.05932 ?
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