La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2022 | FRANCE | N°22/05851

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 27 octobre 2022, 22/05851


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 27 OCTOBRE 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05851 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFP4I



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Mars 2022 -Président du TJ de Paris / France - RG n° 19/59483





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 3], prise en la personne de Madame

la Maire de [Localité 3], Mme [B] [K], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 6]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVO...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 27 OCTOBRE 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05851 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFP4I

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Mars 2022 -Président du TJ de Paris / France - RG n° 19/59483

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 3], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 3], Mme [B] [K], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

INTIME

M. [W] [Z]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté et assisté par Me Olivier PERSONNAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B1098

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par assignation en date du 8 octobre 2019, la Ville de [Localité 3] a fait assigner M. [T] [Z], devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire de Paris, saisi selon la procédure en la forme des référés, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant l'appartement situé [Adresse 1] (bâtiment B, sixième étage, 1ère porte à gauche, lots n°22 et 23).

Par ordonnance du 8 janvier 2020, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 3] dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3e, 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 3] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie à l'audience du 31 janvier 2022.

Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, la Ville de [Localité 3] demandait de voir :

' condamner M. [Z] à payer à la Ville de [Localité 3] une amende civile de 50.000 euros,

' condamner M. [Z] à payer à la Ville de [Localité 3] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner M. [Z] aux entiers dépens.

En réplique, M. [Z] sollicitait le rejet des demandes et à titre subsidiaire la limitation du montant de l'amende.

Par ordonnance contradictoire rendue en la forme des référés le 07 mars 2022, le magistrat saisi a :

- condamné M. [Z] à payer une amende civile de 4.000 euros, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 3] ;

- condamné M. [Z] à payer à la Ville de [Localité 3] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [Z] aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 18 mars 2022, la Ville de [Localité 3] a relevé appel de la décision.

Dans ses conclusions remises le 20 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de [Localité 3] demande à la cour, au visa de l'article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, de l'article 481-1 du code de procédure civile, de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, de l'article L. 632-1 du code de la construction et de l'habitation, de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, des articles L. 324-1-1, L. 324-2 et L. 324-2-1 du code du tourisme et des articles L. 131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de :

- juger celle-ci, prise en la personne de Mme la maire de [Localité 3], recevable et son appel et en ses conclusions et l'y en juger bien fondé ;

- confirmer l'ordonnance en la forme des référés rendue le 7 mars 2022 en ce que le juge au tribunal judiciaire de Paris a :

'jugé que M. [Z] a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation en louant pour de courte durée l'appartement situé au 6ème étage du bâtiment B de l'immeuble du [Adresse 1] (constituant les lots 22 et 23),

'condamné M. [Z] à une amende civile,

'ordonné que le produit de cette amende soit intégralement versé à la ville de [Localité 3] conformément aux dispositions de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation,

'condamné M. [Z] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à son profit ainsi qu'aux entiers dépens ;

- infirmer l'ordonnance en la forme des référés rendue le 7 mars 2022 sur le quantum de l'amende prononcée par le juge à l'encontre de M. [Z] ;

- condamner M. [Z] à une amende civile de 50.000 euros dont le produit lui sera intégralement versé ;

- condamner M. [Z] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la ville de [Localité 3] ;

- débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner M. [Z] aux entiers dépens d'appel.

La Ville de [Localité 3] soutient en substance :

- que dans le cadre d'une opération de contrôle de l'occupation des locaux d'habitation, une présomption d'infraction (location meublée de courte durée dans un local à usage d'habitation) a été détectée concernant un appartement situé au sixième étage du bâtiment B de l'immeuble du [Adresse 1] (constituant les lots 22 et 23);

- que suite à ce contrôle, les recherches ont permis de déterminer que M. [Z] est propriétaire de cet appartement ;

- que l'examen de la fiche R produite aux débats par la Ville de [Localité 3] montre qu'elle est datée du 25 novembre 1970 et que l'immeuble est entièrement à usage d'habitation à l'exception de deux locaux situés au rez-de-chaussée dont les occupants sont la société Meridiens et la société Equateur ;

- que les biens situés au sixième étage sont tous à usage d'habitation y compris celui litigieux (lots 22 et 23) ;

- que la rubrique 96 « réservée à l'administration » vient confirmer cette analyse dès lors que seuls deux logements font l'objet d'une déclaration modèle « C », cette déclaration étant réservée aux locaux commerciaux ;

- que ce document permet aussi d'établir clairement que la famille [Z] était propriétaire et occupante d'un appartement au troisième étage de cet immeuble et que cet appartement possédait également 3 « chambres de services » situées au sixième étage ;

- que la fiche H2 enregistrée le 9 octobre 1970 établit clairement que le bien a été acquis avant 1970 ;

- qu'elle établit aussi que M. [Z] et sa conjointe sont propriétaires et occupants d'un appartement de 208 m² au troisième étage de cet immeuble et qu'ils possèdent plusieurs chambres de service de 6m² situées au sixième étage de cet immeuble ;

- que deux de ces chambres sont d'une surface de 6 m², la réunion des deux correspondant à l'appartement en cause ;

- qu'en outre, les chambres de services gardent l'usage de l'appartement auquel elles sont rattachées, c'est pour cette raison qu'elles apparaissent sur la même fiche H2 et qu'elles se retrouvent aussi en page verso du modèle H2 : l'une de ces chambres étant bien d'une surface de 9m² et correspondant bien au bien litigieux ;

- que les annuaires des postes et télécommunication, le relevé de propriété et la taxe d'habitation confirment cette analyse selon laquelle le bien était bien à usage d'habitation au 1er janvier 1970 ;

- que le bien litigieux n'est pas la résidence principale du loueur dès lors que, selon ses propres dire, il réside au [Adresse 2] ce qui est confirmé par l'administration des impôts et le relevé de propriété et qu'en tout état de cause, le bien a été loué plus de 120 jours par an ;

- que M. [Z] met son bien en location de courtes durées via une annonce consultable à l'adresse airbnb.fr, l'appartement ayant fait l'objet d'une déclaration en ligne le 20 octobre 2017 ;

- que le bien a été loué 317 nuitées en 2018 et 120 nuitées en 2019 ;

- que ces locaux ont été utilisés à usage de meublé touristique, loués de manière répétée, pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, en infraction à la réglementation du changement d'usage définie dans les articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation et dans le règlement municipal ;

- qu'en l'absence d'autorisation préalable, cette location meublée pour de courtes durées à une clientèle de passage, constitue un changement d'usage d'un local d'habitation pour une activité commerciale et caractérise l'infraction aux dispositions de l'article L. 631-7 réprimée par les dispositions de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation à l'encontre de M. [Z] ;

- que le montant de l'amende mis à sa charge, soit 4.000 euros, n'est pas dissuasif et ne tient pas compte des éléments factuels du dossier ;

- qu'en effet, le gain total illicite généré serait de l'ordre de 83.636 euros.

Dans ses conclusions remises le 13 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [Z] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident et en ses conclusions ;

à titre principal,

- infirmer l'ordonnance en la forme des référés rendue le 7 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a :

'jugé qu'il a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation en louant l'appartement situé au sixième étage du bâtiment B de l'immeuble du [Adresse 1] (constituant les lots 20 et 23),

'condamné M. [Z] à une amende civile de 4.000 euros,

'ordonné que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 3],

'condamné celui-ci au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Ville de [Localité 3] ainsi qu'aux entiers dépens ;

et statuant à nouveau,

- débouter la Ville de [Localité 3] de toutes ses demandes ;

- condamner la Ville de [Localité 3] à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de ces deux instances, dont distraction, pour les dépens concernés, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile ;

à titre subsidiaire,

- infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- fixer le montant de l'amende civile due par celui-ci à la somme de 1 euro ;

- débouter la Ville de [Localité 3] pour le surplus ;

- condamner la Ville de [Localité 3] à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de ces instances, dont distraction, pour les dépens concernés, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile ;

à titre très subsidiaire,

- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

- débouter la Ville de [Localité 3] pour le surplus ;

- condamner la Ville de [Localité 3] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel, dont distraction, pour les dépens concernés, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile ;

à titre encore plus subsidiaire, si par impossible la cour venait à aggraver l'amende civile,

- débouter la Ville de [Localité 3] de sa demande de condamnation de celui-ci au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile que l'équité ne commande pas et d'ordonner que chaque partie conserve la charge de ses frais de procédure et des dépens.

M. [Z] soutient en substance :

- que la ville ne rapporte pas la preuve de l'affectation du local à usage d'habitation au 1er janvier 1970 dès lors que la fiche H2 est postérieure au 1er janvier 1970, puisqu'elle est datée du 5 octobre 1970 et qu'ainsi, elle ne permet pas d'établir que les lots étaient bien affectés à l'habitation au 1er janvier 1970, contrairement à ce qu'indique le premier juge dans son ordonnance ;

- que la fiche R, établie le 25 novembre 1970 par le syndic de l'immeuble n'indique pas son nom pour les lots 22 et 23, la numérotation s'arrêtant à 20, et elle est également postérieure au 1er janvier 1970 ;

- que par ailleurs, la production des annuaires des postes et des télécommunications des années 1968, 1970 et 1972 dans lesquels le nom du propriétaire figure effectivement au [Adresse 1] ne permet pas plus d'apporter cette preuve d'affectation des lots à usage d'habitation au 1er janvier 1970 ;

- qu'en effet, l'examen desdits annuaires officiels des abonnés ne précise aucunement à quel local est attribué la ligne téléphonique de l'abonné et ne permet pas plus de déterminer le statut d'affectation à l'habitation de la chambre de bonne au sixième étage constituant le lot n°19, seule en cause en l'espèce ;

- que de surcroît, la ville n'apporte pas la preuve de la date d'édition de l'annuaire concernant l'année 1970 qui a très probablement été édité postérieurement au 1er janvier 1970 ;

- que l'annuaire de 1972 est lui postérieur de deux ans à la date de référence du 1er janvier 1970 ;

- qu'ainsi, la production de pages extraites de ces annuaires ne peut en aucune manière établir le statut d'affectation à l'habitation des lots n°22 et 23 à la date du 1er janvier 1970 ;

- qu'en second lieu, il n'était plus propriétaire du bien lorsqu'il a reçu le premier courrier de la ville de [Localité 3] le 23 mars 2019 l'invitant « en sa qualité de propriétaire » à organiser une visite du lot n° 19 ;

- qu'en conséquence, les faits présumés ne sont pas établis par les constatations effectuées le 10 avril par Mme [G], qui n'a pas pu constater l'état d'occupation du lot n°19 dont il est démontré que M. [Z] n'était plus propriétaire à cette date ;

- que subsidiairement, il a régularisé la situation et qu'il faudra en conséquence infirmer l'ordonnance déférée et fixer l'amende à la somme symbolique de 1 euro ;

- qu'il a par ailleurs immédiatement coopéré avec la Ville de [Localité 3], que l'infraction invoquée a cessé, que la situation a été régularisée, qu'il avait enregistré le bien comme meublé, qu'il est de bonne foi, que sa situation personnelle sur le plan financier reste précaire.

SUR CE LA COUR

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, tel qu'issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros (anciennement 25.000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Passé ce délai, l'administration peut procéder d'office, aux frais du contrevenant, à l'expulsion des occupants et à l'exécution des travaux nécessaires.

Il résulte en outre de l'article L. 631-7, dans sa version résultant de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, que la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1.

Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H1 rempli à cette époque permettant de préciser l'usage en cause ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment la location saisonnière de son logement résidence principale, pour une durée n'excédant pas 120 jours par an, la location d'un meublé résidence principale (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore la location d'un meublé dans le cadre d'un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).

Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 3] a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.

En l'espèce, les parties s'opposent sur les éléments de preuve à apporter par la ville de ce que le local dont il s'agit est bien un local à usage d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, étant rappelé qu'un local est réputé à usage d'habitation au sens de ce texte s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d'une affectation de fait à l'usage d'habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.

Il revient ainsi à la Ville de [Localité 3], pour caractériser l'infraction dénoncée de changement d'usage illicite, de démontrer avant tout que le local en cause était bien affecté au 1er janvier 1970 à l'usage d'habitation.

La fiche H2 a été ici remplie le 5 octobre 1970.

Elle indique que M. [Z] et sa conjointe sont propriétaires à usage d'habitation d'un appartement de 208 m² au 3ème étage de l'immeuble et qu'ils possèdent plusieurs chambres de service de 6 m² situées au 6ème étage, et fait état d'une occupation par le propriétaire, sans donc mention d'un locataire et d'un loyer au 1er janvier 1970. Elle ne mentionne pas d'acte d'acquisition.

Si ces mentions ont été portées à une date assez proche du 1er janvier 1970, elles ne suffisent cependant à établir un usage d'habitation au 1er janvier 1970, étant observé :

- qu'aux termes de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation, le local doit être affecté à un usage d'habitation au 1er janvier 1970, le texte ne posant pas une simple présomption d'affectation à un usage d'habitation ;

- que la mention de l'occupation du bien par le propriétaire ne se réfère pas à la date du 1er janvier 1970 (contrairement à l'hypothèse de la perception d'un loyer au 1er janvier 1970), en sorte que l'occupation par le propriétaire ne peut être considérée comme étant acquise dès le 1er janvier 1970 ;

- qu'au demeurant, comme le souligne d'ailleurs habituellement la Ville de [Localité 3], la preuve à apporter n'est pas celle de l'occupation du bien au 1er janvier 1970 mais de l'affectation du bien à un usage d'habitation à cette date de référence ;

- que de même, si le local est décrit sur la fiche comme étant à usage exclusif d'habitation, cette description ne vaut qu'à la date à laquelle la fiche est renseignée, soit au 5 octobre 1970.

Si la Ville de [Localité 3] soutient que l'établissement de la fiche H2 impliquerait nécessairement un usage d'habitation au 1er janvier 1970, les dispositions invoquées du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 ne permettent toutefois pas non plus une telle déduction (article 38, les déclarations sont établies sur des formules spéciales fournies par l'administration ; article 39, la date de référence de la première révision foncière quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970 ; article 40, les formules visées à l'article 38 comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l'évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété [...] la date limite d'envoi ou de remise des déclarations est fixées au plus tard en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels au 15 octobre 1970 pour les communes de plus de 5.000 habitants).

La présomption d'usage d'habitation au 1er janvier 1970 telle qu'alléguée ne résulte ainsi ni de ces textes ni, par ailleurs, d'aucun autre texte.

La fiche R, qui n'est datée que du 25 novembre 1970, rappelle que le propriétaire occupe le logement et les chambres de service à usage d'habitation, sans toutefois apporter d'éléments sur l'usage d'habitation à la date du 1er janvier 1970.

De même, les annuaires téléphoniques des années 1968, 1970 et 1972 rappellent aussi que M. [Z] est propriétaire du logement, sans indication cependant sur l'usage d'habitation à la date de référence.

Le relevé de propriété ou l'avis de taxe d'habitation 2018 qui sont enfin produits par la Ville de [Localité 3] n'établissent pas plus l'affectation du bien à un usage d'habitation au 1er janvier 1970, ces documents ayant été établis à la date du constat réalisé par l'agent assermenté de la ville.

La Ville de [Localité 3] ne produit pas l'acte d'acquisition du bien avant la date du 1er janvier 1970, qui aurait été susceptible d'établir que les locaux étaient bien affectés à un usage d'habitation dès cette date.

Aucun autre élément probant n'est versé aux débats s'agissant de la preuve de l'usage d'habitation, qui n'apparaît donc pas établi au 1er janvier 1970.

Dans ces conditions, il y a lieu pour la cour d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance.

Statuant à nouveau, la cour déboutera la Ville de [Localité 3] de ses demandes.

La Ville de [Localité 3] devra indemniser M. [Z] pour les frais non répétibles exposés en première instance et à hauteur d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel avec distraction.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la Ville de [Localité 3] de ses demandes ;

Condamne la Ville de [Localité 3] à verser à M. [T] [Z] la somme de 1.500 euros au titre des frais non répétibles exposés en première instance et de 1.000 euros au titre des frais non répétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Ville de [Localité 3] aux dépens de première instance et d'appel dont distraction pour les dépens concernés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/05851
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;22.05851 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award