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27/10/2022 | FRANCE | N°22/05808

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 27 octobre 2022, 22/05808


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 27 OCTOBRE 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05808 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFPXW



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Février 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/52056





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 3], prise en la personne de Madame la Maire de

[Localité 3], Mme [M] [P], domiciliée en cette qualité audit siège



Hôtel de Ville

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROI...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 27 OCTOBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05808 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFPXW

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Février 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/52056

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 3], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 3], Mme [M] [P], domiciliée en cette qualité audit siège

Hôtel de Ville

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

INTIMES

M. [H] [T] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Défaillant, signifié le 15.04.2022, PV 659 établi

Mme [A] [U] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Défaillante, signifiée le 15.04.2022, PV 659 établi

M. [X] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Défaillant, signifié le 14.04.2022 à étude

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RENDU PAR DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par exploit délivré le 21 janvier 2019, la Ville de [Localité 3] a fait assigner M. et Mme [D] et M. [K] devant le tribunal de grande instance de Paris devenu tribunal judiciaire de Paris, saisi selon la procédure en la forme des référés, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant 1'appartement du [Adresse 2] (6ème étage, lot n°76).

Par ordonnance du 4 avril 2019, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la ville de Paris dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov.2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L631-7 du code de la construction et de l'habitation à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Le 22 septembre 2020 la Cour de justice de 1'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18). Le 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, jugeant notamment que la réglementation locale de la Ville de [Localité 3] sur le changement d'usage était conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie à l'audience du 7 janvier 2022.

Dans le dernier état de ses conclusions, la Ville de [Localité 3] a demandé à la juridiction saisie de :

' condamner in solidum M. et Mme [D] à lui payer une amende civile de 50.000 euros ;

' condamner M. [K] à lui payer amende civile de 50.000 euros ;

' ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, sous astreinte de 1.000 euros / m² par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal de fixer, celui-ci se réservant la liquidation de l'astreinte ;

' condamner M. et Mme [D] in solidum à lui payer chacun la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

' les condamner aux entiers dépens.

En réponse, M. et Mme [D] et M. [K] ont conclu au rejet des demandes, la condamnation de la ville aux dépens et au remboursement de leurs frais non répétibles.

Par ordonnance en la forme des référés contradictoire du 16 février 2022, le magistrat saisi a :

- débouté la Ville de [Localité 3] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la Ville de [Localité 3] à verser à M. et Mme [D] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- condamné la Ville de [Localité 3] aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 17 mars 2022, la Ville de [Localité 3] a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 25 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de [Localité 3] demande à la cour, au visa de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation et de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, de :

- la juger recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions en ce qu'elle a :

'rejeté la demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

'rejeté la demande portant sur le retour à l'habitation des locaux ;

'condamné la Ville de [Localité 3] à payer à M. et Mme [D] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné la Ville de [Localité 3] aux dépens ;

- juger que les consorts [D] et M. [K] ont enfreint les dispositions de l'article L.637-1 du code de la construction et de l'habitation ;

en conséquence,

- condamner in solidum M. et Mme [D] à payer une amende civile de 50.000 euros ;

- condamner M. [K] à payer une amende de 50.000 euros ;

- ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, sis [Adresse 2]

Exelmans à [Localité 3] ème, lot 76, sous astreinte de 560 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira à la cour de fixer ;

- condamner M. et Mme [D] in solidum, et M. [K], à payer chacun à la ville de [Localité 3] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Ville de [Localité 3] soutient en substance :

- que, lors d'un contrôle effectué le 2 août 2018, 16 Place de la Chapelle, la personne présente indiquait travailler pour Mme [L] [K] qui gère trois «auberges» dont une au [Adresse 2] ;

- que, le 22 août 2018, une visite de contrôle était faite en présence de deux agents du service technique de l'habitat de la Ville de [Localité 3] ;

- que, le 23 août 2018, elle adressait aux propriétaires, M. et Mme [D], une lettre recommandée avec accusé de réception leur rappelant la réglementation sur le changement d'usage, les mettait en demeure le 11 septembre 2018 de cesser l'activité la location de courtes durées ;

- qu'était dressé le 23 octobre 2018 un constat d'infraction, actualisé le 12 décembre 2018 ;

- que le local sis [Adresse 2], lot 76, 6ème étage, d'une surface de 75 m², appartient à M. et Mme [D] et est à usage d'habitation ;

- que le tribunal a jugé que la ville échouait à démontrer l'usage d'habitation au 1er janvier 1970, mais le tribunal a fait une mauvaise appréciation dès lors que la preuve de l'usage se fait par tout moyen, s'agissant d'un fait ;

- que l'usage d'habitation est attesté par un permis de construire du 11 juin 1971 autorisant la construction d'un bâtiment de 7 étages à usage d'habitation et local commercial sur trois niveaux en sous-sol (parking), un certificat de conformité du 21 novembre 1973 délivré pour la construction d'un bâtiment de 7 étages à usage d'habitation et local commercial sur trois niveaux en sous-sol (parking) ;

- que la fiche modèle R atteste que la construction de l'immeuble a été achevée en 1972, qu'un seul local en rez-de-chaussée a été déclaré à usage commercial, les 55 autres ayant été déclarés à usage d'habitation ;

- que le lot 76 situé au 6ème étage est à usage d'habitation, le registre cadastral et le relevé de propriété attestant bien que celui-ci n'a pas changé d'affectation ;

- que les époux [D] et M. [K] ont changé sans autorisation préalable l'usage du local, passant d'un usage de logement d'habitation au sens de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, en louant leur appartement meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ;

- que les consorts [D] résident au [Adresse 1] et n'ont pas déclaré M. [K] comme locataire, qui n'a pas établi sa résidence au [Adresse 2] comme en attestent les constatations de la ville et le nombre important de commentaires relevés ;

- que le bien est proposé à la location sur le site booking et d'autres annonces concernent ce bien sur les sites trivago, kayak, chambre hôtes et bedandbreakfast ;

- que, lors de la visite du 22 août 2018, il a été constaté que l'accueil était assuré par un homme, que quatre personnes occupaient quatre lits dans le dortoir prévu pour huit personnes et une autre personne présente déclarait que le dortoir était quasiment complet toutes les nuits ;

- que M. [D] n'a pas fait de déclaration au titre des revenus des locations meublées et a uniquement déclaré des revenus fonciers en 2015 et 2016 ;

- qu'il est également occupant d'un logement à [Localité 3] et propriétaire de deux autres biens à Paris 10ème et 11ème ;

- qu'était adressé le 6 septembre 2018 la copie d'un bail en date du 17 septembre 2017, au nom de M. [K], stipulant expressément l'autorisation de la sous-location par les époux [D], ainsi qu'un récépissé de déclaration en Mairie de location de chambre d'hôte au nom du locataire du 21 novembre 2017 ;

- qu'il est de jurisprudence que la location donnée avec autorisation expresse de sous location n'exonère par le propriétaire de sa responsabilité ;

- que l'appartement était toujours proposé à la location de courtes durées à la date du constat du 23 octobre 2018 ;

- qu'il est constant que M. et Mme [D], propriétaires, et M. [K], locataire, n'occupent pas l'appartement comme résidence principale et le proposent à la location meublée pour de courtes durées sans autorisation ni compensation en infraction aux dispositions des articles L.631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

La Ville de [Localité 3] a fait signifier la déclaration d'appel aux époux [D] par actes d'huissier de justice du 15 avril 2022 par procès-verbal de recherches infructueuses et à M. [K] par acte d'huissier de justice du 14 avril 2022 par dépôt étude.

La Ville de [Localité 3] a également fait signifier ses conclusions d'appel aux époux [D] par actes d'huissier de justice du 29 avril 2022 par procès-verbal de recherches infructueuses et à M. [K] par acte d'huissier de justice du 3 mai 2022 par dépôt étude.

Les intimés n'ont pas constitué avocat.

SUR CE LA COUR

A titre liminaire, il sera rappelé qu'en vertu de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, les intimés sont réputés s'être appropriés les motifs du premier juge, en l'absence de constitution et de conclusions de leur part.

De surcroît, en application de l'article 472 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne fera droit à la demande de l'appelante que si elle l'estime régulière, recevable et bien fondée.

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par local irrégulièrement transformé.

Selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque dans le cadre de la législation fiscale permettant de préciser l'usage en cause, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 3] a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation qui n'apparaît pas voir été respectée dans le cadre de la présente procédure.

En l'espèce, s'agissant en premier lieu de l'usage d'habitation, il sera rappelé que, pour les locaux construits après le 1er janvier 1970, comme c'est le cas des locaux en cause, l'usage est celui pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Le premier juge avait indiqué que la Ville de [Localité 3] n'avait produit qu'une fiche modèle R, non datée et non signée, dont il résultait simplement que la construction de l'immeuble avait été achevée en 1972, de sorte que la preuve de l'usage d'habitation n'avait pas été établie.

Il faut relever :

- que le permis de construire du 11 juin 1971 (pièce 11) mentionne bien "la construction d'un bâtiment de 7 étages, à usage d'habitation et local commercial, sur 3 niveaux en sous-sol (parking)", étant observé que le terme "local commercial" est au singulier, ce dont il se déduit qu'il n'existe qu'un seul local commercial dans l'immeuble, ce que confirme également le certificat de conformité du 9 décembre 1980 (pièce 14) ;

- que la fiche modèle R (pièce 5, pages 11 et 12) mentionne que, pour cet immeuble, ont été produites 55 déclarations H2 et une seule déclaration C, établissant bien que l'immeuble ne comporte qu'un local commercial, le reste étant à usage d'habitation ;

- que le récapitulatif des locaux et biens à usage privatif de ladite fiche R mentionne que les "logements et appartements" sont situés dans les étages, la rubrique "autres locaux" concernant un seul local, situé au niveau zéro ;

- que, dès lors, le permis de construire a bien été délivré pour un local commercial situé au rez-de-chaussée, les étages étant à usage d'habitation, en ce compris le bien litigieux situé au sixième étage ;

- qu'il est indifférent à cet égard que la fiche modèle R ne comporte ni date ni signature, étant rappelé que cette fiche est bien relative à l'immeuble litigieux construit après le 1er janvier 1970, que cette fiche indique qu'elle a été remplie par les copropriétaires et qu'elle a enfin été enregistrée par l'administration, de sorte qu'elle établit suffisamment la consistance de l'immeuble, conforme au permis de construire ;

- que la mairie observe en outre valablement que le bien n'a pas changé d'affectation, comme en attestent les éditions du registre cadastral et du relevé de propriété (pièce 5).

Dès lors, la cour retiendra que, conformément au permis de construire et aux autres pièces produites, l'appartement en cause est à usage d'habitation au sens du code de la construction et de l'habitation.

En deuxième lieu, s'agissant des locations de courte durée, le constat de l'agent assermenté de la ville établit également :

- que le logement a été proposé à la location de courte durée sur le site booking, l'annonce comportant 23 photographies et 438 commentaires à la date du 16 octobre 2018 (pièce 5), puis 524 commentaires à la date du 12 décembre 2018 (constat actualisé, pièce 7) ; que le premier commentaire date du 22 novembre 2017 ;

- que des simulations de réservation ont pu être effectuées les 9 août, 20 août, 6 septembre et 24 septembre 2018 ;

- que l'annonce précise que sont disponibles une pièce avec huit couchages, une autre pièce avec 4 places et un lit double dans une dernière chambre ;

- que l'appartement est proposé aussi sur les sites trivago, kayak, chambres-hotes et bedandbreakfast ;

- que, lors de la visite du 22 août 2018, l'agent a rencontré plusieurs touristes provenant de plusieurs pays (Royaume-Uni, France, Chine, Colombie), ayant loué des lits dans l'appartement, qui comporte bien un dortoir de huit lits, une chambre avec un lit double, une chambre avec quatre lits ;

- que la touriste colombienne précisait que le dortoir était quasiment plein tous les jours ;

- que le syndicat des copropriétaires s'est par ailleurs plaint des nuisances causées par l'activité de location de courte durée (pièce 5).

Ainsi, le logement, à usage d'habitation, a bien été loué à une clientèle de passage pour de courtes durées.

Il y a lieu de préciser que les consorts [D] résident au [Adresse 1], de sorte que le logement loué, situé au numéro 37, n'est pas leur résidence principale.

M. [K] ne peut non plus, nonobstant le bail signé avec les consorts [D], être considéré comme ayant sa résidence principale dans l'appartement en cause, la totalité des couchages étant proposée à la location de courte durée.

En troisième lieu, la responsabilité de M. et Mme [D], propriétaires du bien, apparaît bien engagée, de même que celle de M. [K], titulaire d'un bail, étant observé :

- que le bail en cause produit fait expressément état de la possibilité de sous-louer l'appartement, pourtant à usage d'habitation ;

- que le nombre de lits loués dans ce logement traduit la mise en place d'une véritable "auberge" pour touristes, eu égard au nombre de lits et à la diversité de provenance des occupants lors du contrôle par l'agent de la ville, dans des circonstances telles que la location de courte durée ne pouvait être ignorée tant des propriétaires que du locataire, le logement ayant été en outre proposé à la location de courte durée sur de multiples sites.

En quatrième et dernier lieu, s'agissant du montant de l'amende, il faut rappeler que la législation poursuit un objectif d'intérêt général, visant à lutter contre la pénurie de logements à [Localité 3], dans la mesure où certains logements à usage d'habitation ne font plus l'objet de baux classiques.

La ville, s'agissant des éléments financiers (sa pièce 6) relève à juste titre que l'infraction, perdure depuis le 22 novembre 2017, que le gain total estimé peut être fixé à 69.300 euros et que la location en usage d'habitation n'aurait procuré qu'un revenu de 17.820 euros, soit un gain illicite de 51.480 euros.

Eu égard à la superficie de l'appartement de 75 mètres carrés, le montant de la compensation peut être estimé à la somme de 52.500 euros.

Il y a lieu de prendre en compte aussi ici la circonstance que le logement a fait l'objet d'une occupation particulièrement intensive, eu égard au nombre de lits loués.

Aussi, conformément à la demande de la ville, M. et Mme [D] seront condamnés in solidum à une amende civile de 50.000 euros, M. [K] étant également condamné à une amende de 50.000 euros.

Le retour à l'habitation sous astreinte sera ordonné, dans les conditions indiquées au dispositif.

Les intimés devront indemniser la ville pour les frais non répétibles exposés et seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne in solidum M. [H] [T] [D] et Mme [A] [U] [D] à régler une amende civile de 50.000 euros dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 3] ;

Condamne M. [X] [K] à régler une amende civile de 50.000 euros dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 3] ;

Ordonne le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 2] (lot n°76) appartenant à M. [H] [T] [D] et Mme [A] [U] [D], bien loué à M. [X] [K], sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, pour une durée maximale de 12 mois ;

Condamne in solidum M. [H] [T] [D] et Mme [A] [U] [D] à verser à la Ville de [Localité 3] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais non répétibles exposés en première instance et en appel ;

Condamne M. [X] [K] à verser à la Ville de [Localité 3] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais non répétibles exposés en première instance et en appel ;

Condamne in solidum M. [H] [T] [D], Mme [A] [U] [D] et M. [X] [K] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/05808
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;22.05808 ?
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