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27/10/2022 | FRANCE | N°21/05538

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 27 octobre 2022, 21/05538


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 27 OCTOBRE 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05538

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDLC7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Octobre 2020 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 18/13043



APPELANTES



S.A. ALLIANZ IARD

[Adresse 1]

[Localité 7]

repr

ésentée et assistée par Me Florent VIGNY de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de PARIS, toque : J133



E.P.I.C. PARIS HABITAT OPH

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée et assistée...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 27 OCTOBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05538

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDLC7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Octobre 2020 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 18/13043

APPELANTES

S.A. ALLIANZ IARD

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée et assistée par Me Florent VIGNY de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de PARIS, toque : J133

E.P.I.C. PARIS HABITAT OPH

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée et assistée par Me Florent VIGNY de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de PARIS, toque : J133

INTIMEE

S.A. MAAF ASSURANCES

[Adresse 8]

[Localité 5]

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée par Me Pierre-Vincent ROUX, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 15 novembre 2013, un incendie s'est produit dans le parking souterrain d'un immeuble situé au [Adresse 2], appartenant à l'établissement public à caractère industriel et commercial, Paris habitat OPH (l'EPIC Paris habitat), assuré auprès de la société Allianz IARD (la société Allianz) au titre d'un contrat d'assurance multirisque immeuble.

Le feu a pris naissance au niveau de deux emplacements de parking sur lesquels étaient stationnés un véhicule de marque Ford Granada appartenant à M. [G], assuré auprès de la société Mutuelle d'assurance des artisans de France assurances (la société MAAF) et un véhicule de marque Renault appartenant à M. [Y] et assuré auprès de la société Aviva.

Une expertise amiable contradictoire a été organisée par la société Allianz.

Par acte d'huissier de justice en date du 9 novembre 2018, la société Allianz et l'EPIC Paris habitat ont fait assigner devant le tribunal de grande de Paris la société MAAF aux fins d'indemnisation de leur préjudice matériel.

Par jugement en date du 5 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- débouté la société Allianz et l'EPIC Paris habitat de leurs demandes,

- condamné in solidum la société Allianz et l'EPIC Paris habitat à payer à la société MAAF la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné la société Allianz et l'EPIC Paris habitat aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 22 mars 2021, la société Allianz et l'EPIC Paris habitat ont interjeté appel de cette décision en critiquant expressément ses diverses dispositions.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de la société Allianz et de l'EPIC Paris habitat, notifiées le 23 août 2021, aux termes desquelles, elle demande à la cour, de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Allianz et l'EPIC Paris habitat de leurs demandes,

et statuant à nouveau,

- juger que la loi du 5 juillet 1985 est applicable à l'incendie survenu le 15 novembre 2015, dans le parking souterrain de l'immeuble situé [Adresse 2],

- juger que le véhicule Ford Granada immatriculé [Immatriculation 6] de M. [G], assuré par la société MAAF est impliqué dans l'incendie,

- juger que les dommages matériels sont chiffrés à 125 493,74 euros,

en conséquence,

- condamner la société MAAF au profit de la société Allianz et de l'EPIC Paris habitat à :

- 125 493,74 euros, en réparation du préjudice matériel

- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Causidicor, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la société MAAF, notifiées le 27 juillet 2021, aux termes desquelles, elle demande à la cour, de :

Vu la loi du 5 juillet 1985 et en particulier son article 1,

- juger que l'incendie objet du litige a une origine volontaire,

- juger en conséquence qu'il ne s'agit pas d'un accident au sens de la loi du 5 juillet 1985,

- juger que cette loi n'ayant pas vocation à s'appliquer au cas d'espèce, le véhicule assuré par la société MAAF assurances n'est donc pas impliqué au sens de cette loi,

pour ces raisons,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de l'ensemble de leurs réclamations à l'encontre de la société MAAF,

- débouter les appelants de leurs demandes,

y ajoutant,

- condamner in solidum la société Allianz et l'EPIC Paris habitat à verser la somme de 10 000 euros à la société MAAF en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la réparation

Le tribunal après avoir énoncé que la loi du 5 juillet 1985 s'applique en cas d'accident, ce qui exclut les événements provoqués par une action volontaire, a considéré que la preuve n'était pas rapportée, alors que l'origine de l'incendie n'avait pas été déterminée, de ce que le véhicule en stationnement avait propagé le feu et était en conséquence intervenu dans la survenance de l'accident.

La société Allianz et l'EPIC Paris habitat rappellent que la loi du 5 juillet 1985 est applicable en matière de dommage causé par la communication de l'incendie d'un véhicule terrestre à moteur en mouvement ou en stationnement, sauf si l'incendie a une origine volontaire, si le lieu du stationnement n'est pas conforme à la destination du véhicule ou si l'accident résulte d'une fonction étrangère au déplacement du véhicule lorsque celui-ci est un véhicule outil.

Ils soutiennent qu'en l'espèce il est démontré que l'accident a pris naissance dans le parking au niveau -5 à l'endroit où stationnaient le véhicule de marque Ford, assuré auprès de la société MAAF et le véhicule de marque Renault assuré auprès de la société Aviva et qu'au regard des procès verbaux des services de police et du rapport du Laboratoire central de la préfecture de police, les circonstances de l'accident restent indéterminées de sorte que la société MAAF ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'origine criminelle de l'accident.

La société MAAF oppose que le caractère accidentel ou non de l'incendie détermine l'application ou non de la loi du 5 juillet 1985 et affirme que l'enquête n'a pas mis en évidence un dysfonctionnement de l'un des véhicules en stationnement.

Elle ajoute que le rapport de police démontre que l'incendie a eu une origine volontaire, excluant l'application de la loi du 5 juillet 1985 et relève ainsi que les experts ont estimé que la zone de départ de l'incendie était localisée entre les véhicules de marque Ford et Renault, qu'au regard de la destruction des deux véhicules il était difficile de déterminer lequel d'entre eux était à l'origine de l'incendie et ont conclu 'compte tenu de ce qui précède, l'hypothèse d'une mise à feu par intervention humaine est probable'.

Sur ce, il résulte de l'article 1 de la loi du 5 juillet 1985, que sauf si son caractère volontaire est certain, l'incendie provoqué par un véhicule terrestre à moteur, ce dernier fût-il en stationnement, est régi par les dispositions de la loi du 5 juillet 1985.

Lorsque l'incendie s'est propagé à ce véhicule, il est impliqué au sens du texte susvisé pour avoir participé à la réalisation du dommage.

En l'espèce, les policiers ont conclu leur procès-verbal en retenant que 'l'origine de l'incendie demeure indéterminée'.

Les experts du Laboratoire central de la préfecture de police désignés dans le cadre de la procédure pénale, ont relevé les éléments suivants :

- la partie la plus dégradée par l'incendie est celle où sont stationnés les véhicules n° 1 de marque Renault Espace et n° 2 de marque Ford Granada,

- le béton du plancher et d'une des poutres le supportant a éclaté en plusieurs morceaux sous les effets thermiques. La partie du mur située derrière les véhicules n° 1 et 2 présente un 'V' de démarcation sur la largeur des véhicules témoignant des effets de la combustion... Le reste du plancher haut et des murs de ce niveau sont recouverts d'une couche de suies générées par la combustion des matériaux des véhicules incendiés,

- le véhicule n° 1 est complètement détruit par l'incendie et d'une façon homogène, le véhicule n° 2 est complètement détruit mais l'avant est relativement moins dégradé que l'arrière, les pneumatiques placés du côté du véhicule n° 1 sont brûlés, les deux autres ne sont pas complètement brûlés,

- la zone de départ du sinistre est localisée au niveau des véhicules n° 1 et n° 2, du fait de l'étendue des dégâts et des différences techniques entre ces véhicules (le véhicule n° 2 [de marque Ford Granada] date des années 70) il est difficile de déterminer lequel des deux véhicules est à l'origine de l'incendie,

- selon les informations communiquées par les services de police le véhicule n° 1 était garé depuis plusieurs mois. Le véhicule n° 2 était garé depuis plusieurs années. Par conséquent, un incendie ayant pour origine un dysfonctionnement d'un équipement appartenant à l'un des deux véhicules est écarté,

- les prélèvements effectués n'ont pas mis en évidence la présence de liquide inflammable. Ceci n'exclut pas le déversement d'un liquide inflammable qui aurait pu être utilisé comme accélérant d'incendie, mais qui se serait totalement évaporé. Le moyen de mise à feu peut aussi être l'inflammation d'un matériau (chiffons, papiers...) au moyen d'une flamme produite par l'utilisation d'un moyen banal tel qu'un briquet ou une allumette,

- l'hypothèse d'une mise à feu par une intervention humaine est probable. De plus l'hypothèse d'un incendie causé par une mise à feu dans chacun des véhicules n° 1 et n° 2 n'est pas à exclure

Ces experts ont conclu leur rapport en indiquant que la zone de départ de l'incendie se situe au niveau des deux véhicules détruits situés aux emplacements n° 201 et n° 202 et 'sur la base de nos investigations techniques et des informations communiquées par les services de police, l'origine de l'incendie serait due à une mise à feu par une intervention humaine. La cause exacte de ce départ de feu n'a pu être techniquement établie'.

Il résulte des éléments qui précèdent qu'il ne peut être retenu de façon certaine que l'incendie a eu une origine humaine et qu'ainsi le véhicule de marque Ford Granada assuré auprès de la société MAAF est impliqué dans l'accident.

La société Allianz et l'EPIC Paris habitat ont communiqué le rapport d'expertise privée établi par M. [K] [Z] le 15 novembre 2013 fixant les travaux de remise en état du parking à la somme totale de 122 057,71 euros ; ce montant n'est pas contesté en lui-même par la société MAAF et est en cohérence avec l'importance des dommages constatés lors de l'enquête pénale.

Il convient pour les motifs qui précèdent d'infirmer le jugement et de condamner la société MAAF à verser cette somme à la société Allianz et l'EPIC Paris habitat.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être infirmées.

La société MAAF qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à la société Allianz et l'EPIC Paris habitat une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter la demande de la société MAAF formulée au même titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Infirme le jugement,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y joutant

- Dit que le véhicule de marque Ford Granada assuré auprès de la société Mutuelle d'assurance des artisans de France assurances est impliqué dans l'incendie du 15 novembre 2013,

- Condamne la société Mutuelle d'assurance des artisans de France assurances à verser à la société Allianz IARD et à l'établissement public à caractère industriel et commercial, Paris habitat OPH, la somme de 122 057,71 euros en indemnisation des dommages matériels consécutifs à cet accident,

- Condamne la société Mutuelle d'assurance des artisans de France assurances à verser à la société Allianz IARD et à l'établissement public à caractère industriel et commercial, Paris habitat OPH, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute la société Mutuelle d'assurance des artisans de France assurances de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles exposés,

- Condamne la société Mutuelle d'assurance des artisans de France assurances aux dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/05538
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;21.05538 ?
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