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27/10/2022 | FRANCE | N°21/04727

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 27 octobre 2022, 21/04727


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 27 OCTOBRE 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04727

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDISP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2021 -TJ de CRETEIL - RG n° 20/01671



APPELANT



Monsieur [L] [I]

[Adresse 4]

[Localité 5]

né le [Date naissance 2] 1955

à [Localité 8] (TUNISIE )

représenté et assisté par Me Corinne LE RIGOLEUR de la SCP LE RIGOLEUR SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0059



INTIMEES



Mutuelle MAIF

[Adresse ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 27 OCTOBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04727

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDISP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2021 -TJ de CRETEIL - RG n° 20/01671

APPELANT

Monsieur [L] [I]

[Adresse 4]

[Localité 5]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 8] (TUNISIE )

représenté et assisté par Me Corinne LE RIGOLEUR de la SCP LE RIGOLEUR SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0059

INTIMEES

Mutuelle MAIF

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Laetitia WADIOU de la SELARL MODERE & ASSOCIES, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 41

CPAM DU VAL DE MARNE

Contentieux Recours contre Tiers

[Adresse 1]

[Localité 7]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 8 juin 2013, M. [L] [I] a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule conduit par Mme [V] [W] et assuré auprès de la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (la société MAIF).

Un examen médical amiable a été organisé entre les parties.

Par ordonnance du 28 juillet 2016, le juge des référés a alloué à M. [I] une indemnité de 50 000 euros à valoir sur son préjudice corporel.

Par exploit du 26 février 2020, M. [I] a fait assigner la société MAIF et la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la CPAM) devant le tribunal judiciaire de Créteil aux fins d'indemnisation de son préjudice corporel.

Par jugement du 20 janvier 2021, cette juridiction, a :

- condamné le société MAIF à payer à M. [I] les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :

- 53,50 euros au titre des dépenses de santé actuelles

- 1 740 euros au titre des frais divers

- 4 493,70 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire

- 4 300 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 14 000 euros au titre de la souffrance

- 29 084,35 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

- 1 700 euros au titre du préjudice esthétique

- 4 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- rejeté le surplus des demandes indemnitaires de M. [I] en réparation de son préjudice corporel,

- déclaré le jugement commun à la CPAM,

- condamné la société MAIF aux dépens avec possibilité de recouvrement en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné la société MAIF à payer à M. [I] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande tendant à écarter en partie l'exécution provisoire de droit du présent jugement,

- rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

Par acte du 10 mars 2021, M. [I] a interjeté appel de cette décision en ses dispositions relatives à l'assistance par tierce personne temporaire, aux souffrances endurées, au déficit fonctionnel permanent, au préjudice esthétique, au préjudice d'agrément et au rejet du surplus de ses demandes indemnitaires au titre de son préjudice corporel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. [I], notifiées le 20 juin 2022, aux termes desquelles il demande à la cour, de :

Vu les dispositions de la loi du 5 juillet 1985,

- recevoir M. [I] en son appel du jugement rendu le 10 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil en ce qu'il n'a condamné la société MAIF qu'au paiement des sommes suivantes :

- 4 493,70 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire

- 14 000 euros au titre des souffrances endurées

- 29 084,35 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

- 1 700 euros au titre du préjudice esthétique

- 4 000 euros au titre du préjudice d'agrément

et a rejeté le surplus de ses demandes indemnitaires en réparation de son préjudice corporel,

- recevoir l'intégralité des moyens et prétentions de M [I],

en conséquence,

y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu le 10 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil,

statuant à nouveau,

- condamner la société MAIF à payer à M. [I] les sommes suivantes :

' frais de tierce personne temporaire : 5 991,60 euros

- soumis au recours des organismes sociaux pour :

CPAM 0 euros

soit au profit de la victime : 5 991,60 euros

' pertes de gains professionnels actuelles : 53 139,51 euros

- soumis au recours des organismes sociaux pour :

CPAM 41 025,92 euros

soit au profit de la victime : 12 113,99 euros

' pertes de gains professionnels futurs : 139 168,17 euros

- soumis au recours des organismes sociaux pour :

CPAM 21 743,52 euros

soit au profit de la victime : 117 424,65 euros

' incidence professionnelle

- soumis au recours des organismes sociaux pour :

CPAM

capital rente AT43 799,83 euros

sous déduction des arrérages reconstitués et rajoutés

au titre des PGPF =

arrérages du 16.09.2021 au 12.03.2022 (67 ans)

soit sur 178 jours 8,07 x 178 = - 1 436,46 euros

soit au total = 42 363,37 euros

soit au profit de la victime 39 298,63 euros

' souffrances endurées : 20 000 euros

' déficit fonctionnel permanent : 54 000 euros

' préjudice d'agrément : 8 000 euros

' préjudice esthétique permanent : 2 000 euros

- déclarer commun à la CPAM l'arrêt à intervenir en application de l'article 376-1 du code de la sécurité sociale,

y ajoutant,

- condamner la société MAIF aux entiers dépens d'appel dont recouvrement au profit de la SCP Le Rigoleur - Sitbon en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner la société MAIF au paiement de la somme complémentaire de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles devant la cour en application de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant sur l'appel incident de la société MAIF,

- la débouter de ses entières demandes.

Vu les conclusions de la société MAIF, notifiées le 22 juin 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu l'article 1347 du code civil,

- déclarer la société MAIF recevable et bien fondée en ses demandes,

- confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Créteil le 20 janvier 2021 en ce qu'il a fixé :

- l'assistance tierce personne temporaire à la somme de 4 493,70 euros

- les souffrances endurées à la somme de 14 000 euros

- le préjudice esthétique à la somme de 1 700 euros

- le préjudice d'agrément à la somme de 4 000 euros,

- confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Créteil le 20 janvier 2021 en ce qu'il a débouté M. [I] au titre de la perte de gains professionnels actuels alléguée,

ce faisant,

- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes,

- infirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Créteil le 20 janvier 2021 en ce qu'il a fixé :

- la perte de gains professionnels futurs à la somme de 22 006,88 euros et dire et juger que cette somme a d'ores et déjà été allouée à M. [I] par le biais de la créance de la CPAM au titre de la rente (arrérages échus et capital inclus) de sorte qu'aucune condamnation ne sera prononcée à l'encontre de la société MAIF,

- le déficit fonctionnel permanent à la somme de 41 140 euros et déduire la créance de la caisse de sorte qu'il reste dû à M. [I], la somme de 7 482,07 euros à ce titre,

- le préjudice d'incidence professionnelle à la somme de 20 000 euros et statuant à nouveau, le fixer à la somme de 15 000 euros et dire et juger que cette somme a d'ores et déjà été allouée à M. [I] par le biais de la créance de la CPAM au titre de la rente (arrérages échus et capital inclus) de sorte qu'aucune condamnation ne sera prononcée à l'encontre de la société MAIF,

- déduire de la réparation intégrale de l'entier préjudice de M. [I] la somme provisionnelle de 58 000 euros d'ores et déjà allouée,

- dire et juger qu'aucune somme indemnitaire n'est due par la société MAIF à M. [I] au titre de la réparation intégrale de son préjudice,

- condamner M. [I] à verser à la société MAIF la somme de 9 328,97 euros au titre du trop-perçu de la réparation, au besoin par compensation,

en tout état de cause,

- débouter M. [I] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et portant sur les dépens,

- condamner M. [I] aux entiers dépens de la procédure, dont recouvrement pour ceux la concernant par Maître [O] [G] représentant la SELARL Modéré & associés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La CPAM, qui a reçu signification de la déclaration d'appel par acte d'huissier du 26 mai 2021, délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat ; par lettre du 3 novembre 2021, porté à la connaissance des parties par le greffe, elle a communiqué le montant de ses débours définitifs s'élevant à la somme totale de 128 242,41 euros, dont 16 551,68 euros au titre des prestations en nature (frais hospitaliers et médicaux après déduction des franchises de 53,50 euros), 41 025,92 euros au titre des indemnités journalières (versées du 7 septembre 2013 au 27 octobre 2014) et 70 664,81 euros au titre de la rente accident du travail (soit 20 307,06 euros au titre des arrérages échus du 28 octobre 2014 au 15 septembre 2021 et 50 357,75 euros au titre du capital constitutif des arrérages à échoir).

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des appels principal et incident que le jugement est définitif sur les condamnations prononcées aux titres des postes du préjudice corporel de M. [I] relatifs aux dépenses de santé actuelles, aux frais divers et au déficit fonctionnel temporaire.

Sur le préjudice corporel

Les experts, les Docteurs [Y] et [T] ont indiqué dans leur rapport en date du 30 avril 2015 que M. [I] a présenté à la suite de l'accident du 8 juin 2013 une fracture complexe de la rotule droite, une contusion de l'épaule droite, une contusion lombaire et une entorse du gros orteil gauche et qu'il conserve comme séquelles un enraidissement important au niveau du genou droit, un enraidissement de l'épaule droite, un enraidissement du 1er rayon du pied gauche et des troubles psychologiques.

Il ont conclu ainsi qu'il suit :

- gêne temporaire totale du 10 juin 2013 au 14 juin 2013 et du 18 décembre 2013 au 19 décembre 2013

- gêne temporaire partielle de classe IV [75 %] du 8 juin 2013 au 9 juin 2013 et du 15 juin 2013 au 15 juillet 2013

- gêne temporaire partielle de classe III [50 %] du 16 juillet 2013 au 15 septembre 2013 et du 20 décembre 2013 au 20 janvier 2014

- gêne temporaire partielle de classe II [25 %] du 16 septembre 2013 au 17 décembre 2013 et du 21 janvier 2014 à la consolidation du 27 octobre 2014

- assistance temporaire par tierce personne de 3 heures par jour durant la période de gêne temporaire partielle de classe IV, de 1 heure par jour durant la période de gêne temporaire partielle classe III et de 2 heures par semaine durant la période de gêne temporaire partielle de classe II

- consolidation au 27 octobre 2014

- souffrances endurées de 4/7

- déficit fonctionnel permanent de 22 %

- assistance permanente par tierce personne de

- incidence professionnelle : 'L'intéressé nous dit qu'il était plombier chauffagiste. Il nous a indiqué qu'il ne pouvait plus se mettre à genoux, qu'il ne pouvait pas se mettre en position accroupie. Il ne peut plus porter de charges lourdes. Il ne peut plus grimper sur une échelle.

Nous estimons qu'il peut reprendre une activité professionnelle mais avec des limitations notables dans la mesure où il est plombier. Il nous a bien décrit un travail de force. Il nous a rappelé par ailleurs qu'il avait un enraidissement de l'épaule droite qui le gênait lors de l'activité bi-manuelle'.

- préjudice esthétique permanent de 1,5/7

- préjudice d'agrément : 'il a pu reprendre le billard mais à un degré bien moindre qu'auparavant. Il nous dit qu'auparavant il participait à des compétitions nationales et régionales. Il ne fait maintenant plus que des compétitions départementales'

- il n'y a pas de préjudice sexuel.

Ce rapport d'expertise constitue sous les précisions qui suivent, une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi par M. [I] à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de cette victime née le [Date naissance 2] 1955, de son activité de plombier-chauffagiste, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du palais du 15 septembre 2020 taux d'intérêts 0 % dont l'application est sollicitée par la victime et qui est le plus approprié en l'espèce pour s'appuyer sur les données démographiques et économiques les plus pertinentes.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Le tribunal a relevé que le rapport d'expertise ne permettait pas d'imputer la perte alléguée de son emploi par M. [I] à l'accident et que celui-ci ne justifiait ni de sa situation professionnelle ni de ses revenus après la consolidation ; il a ainsi retenu une perte de gains de 21 613,90 euros correspondant à ce qui était admis par la société MAIF sur laquelle il a imputé les indemnités journalières versées par la CPAM.

M. [I] fait valoir qu'il exerçait le métier de plombier chauffagiste et était l'unique salarié de la société Adeluxe concept dont il était également le gérant, que ses revenus étaient fonction des résultats de la société, mais qu'il percevait une rémunération mensuelle de 3 000 euros nets.

Il ajoute qu'après l'accident il a tenté de reprendre son travail mais que ses douleurs au genou l'ont contraint à cesser son activité professionnelle, qu'il a subi une incapacité totale de travail du 10 juin 2013 au 27 octobre 2014, que la CPAM ne lui a versé des indemnités journalières qu'à compter du 7 septembre 2013, de sorte que celles-ci n'ont pas compensé sa perte de gains.

Il calcule sa perte sur la base du taux journalier retenu par la CPAM pour le calcul des indemnités journalières en y réintégrant le montant de la CSG et de la CRDS, ce qui correspond selon lui au montant de son salaire antérieur à l'accident ; il chiffre ainsi sa perte nette à la somme de 53 139,91 euros sur laquelle il impute la créance de la CPAM de 41 025,92 euros et aboutit à un solde de 12 133,99 euros en sa faveur.

La société MAIF répond que les revenus de M. [I] avant l'accident étaient très irréguliers et n'atteignaient pas chaque mois le montant qu'il indique ; elle précise qu'il ressort de l'avis d'imposition sur les revenus de 2012 et des bulletins de salaire communiqués que M. [I] a perçu en 2012 des salaires de l'ordre de 12 000 euros sur quatre mois, en 2013 une somme totale de 3 695,70 euros dont aucun salaire de janvier à avril 2013.

Elle affirme que la CPAM a versé des indemnités journalières pour toute la durée de l'arrêt de travail et que ces prestations ont couvert la perte de salaire.

Sur ce, le calcul de la perte de gains professionnels actuels doit être fait en fonction des revenus nets de M. [I] au jour de l'accident tels qu'il ressortent des justificatifs qu'il a produits aux débats et non par reconstitution à partir du montant des indemnités journalières qu'il a perçues durant la période d'arrêt de travail consécutive à l'accident.

M. [I] a communiqué un seul bulletin de salaire, à savoir le bulletin de salaire du mois de mai 2013 faisant mention d'un salaire net de 3 000 euros ; il ne peut en être déduit que M. [I] percevait chaque mois un salaire mensuel net de 3 000 euros lors de l'accident, alors que cela est contesté par la société MAIF et qu'il est indiqué dans les comptes de résultats de la société Adeluxe Concept des années 2009 à 2012 inclus qu'elle a déclaré au titre de la rémunération de son personnel 16 107 euros en 2009, 11 517 euros en 2010, 0 euro en 2011 et 15 108 euros en 2012 ; M. [I] étant le seul salarié de la société ces montants correspondent aux salaires bruts qui lui ont été versés ; ces montants sont cohérents avec ceux figurant sur les avis d'imposition sur les revenus de M. [I] des mêmes années qui mentionnent un revenu de 9 926 euros en 2010, de 0 euro en 2011 et de 12 430 euros en 2012.

Les éléments qui précèdent permettent de déterminer le revenu annuel moyen net de M. [I], hors l'année 2011 qui doit être écartée comme étant inhabituelle, et de le fixer à la somme de 10 980 euros ; la perte de salaires nets durant la période d'arrêt de travail du 10 juin 2013, date de l'accident au 27 octobre 2014, date de la consolidation est ainsi de 15 191,51 euros ( 980 euros x 505 jours / 365 jours) ; néanmoins la société MAIF admet que M. [I] a subi durant la période d'arrêt de travail du 10 juin 2013 au 27 octobre 2014 une perte de salaires nets de 23 377,09 euros ; ce montant sera donc retenu comme montant de la perte de gains.

Sur cette perte s'imputent les indemnités journalières versées par la CPAM qu'elles ont vocation à réparer ; il a été indiqué que par lettre du 3 novembre 2021, porté à la connaissance des parties par le greffe, la CPAM a communiqué le montant de ses débours définitifs s'élevant à la somme 41 025,92 euros au titre des indemnités journalières versées du 7 septembre 2013 au 27 octobre 2014 ; il s'agit d'un montant brut ; les indemnités journalières nettes s'élèvent à la somme de 38 276,33 euros [41 025,92 - (41 025,92 x 6,7 %)].

Après imputation à due concurrence, il s'avère qu'aucune indemnité ne revient à M. [I].

Le jugement est confirmé.

- Assistance temporaire de tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

Le tribunal a liquidé ce poste de préjudice en fonction du volume horaire retenu par l'expert et d'un taux horaire de 15 euros.

M. [I] sollicite l'application d'un taux horaire de 20 euros en indiquant que la grille tarifaire des services à la personne [J] fait état de coûts horaires supérieurs à 21 euros.

La société MAIF conclut à la confirmation du jugement aux motifs que M. [I] n'a pas eu recours à une aide rémunérée et que le SMIC horaire net est de 9,53 euros.

Sur ce, la nécessité de la présence auprès de M. [I] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son coût.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requis, non spécialisée et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 20 euros.

L'indemnité de tierce personne est la suivante :

- du 8 juin 2013 au 9 juin 2013 et du 15 juin 2013 au 15 juillet 2013

3 heures x 33 jours x 20 euros = 1 980 euros

- du 16 juillet 2013 au 15 septembre 2013 et du 20 décembre 2013 au 20 janvier 2014

1heure x 94 jours x 20 euros = 1 880 euros

- du 16 septembre 2013 au 17 décembre 2013 et du 21 janvier 2014 au du 27 octobre 2014

2 heures x 53,57 semaines x 20 euros = 2 142,80 euros

- total : 6 002,80 euros montant ramené à 5 991,60 euros pour rester dans les limites de la demande.

Le jugement est infirmé.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Le tribunal a estimé non établie la perte de revenus dans la mesure où selon les experts M. [I] pouvait reprendre une activité professionnelle avec des restrictions et où les justificatifs de ses revenus étaient incomplets et insuffisants pour apprécier les répercussions exactes de l'accident ; il a retenu l'offre de la société MAIF puis a imputé la rente accident du travail versée par la CPAM de sorte qu'aucun solde ne revenait à M. [I].

M. [I] soutient que les séquelles de l'accident l'empêchent de reprendre son activité antérieure et même toute activité manuelle puisqu'il n'a jamais exercé d'activité intellectuelle, qu'il était âgé de 59 ans le 27 octobre 2014 et qu'il aurait certainement travaillé jusqu'à l'âge de 67 ans pour bénéficier d'une meilleure retraite, ainsi que cela ressort de son relevé de carrière ; il demande à la cour de calculer l'assiette de sa perte de gains professionnels futurs sur la base du montant retenu par la sécurité sociale dans le cadre de l'attribution de la rente.

La société MAIF conclut à la confirmation du jugement ; elle fait valoir que M. [I] ne démontre pas qu'il aurait pu travailler jusqu'à l'âge de 67 ans pour bénéficier d'une retraite à taux plein ; elle relève que M. [I] a demandé à bénéficier de sa retraite en 2014 (à l'âge de 63 ans) et qu'il n'aurait pas eu le nombre de trimestres suffisants (il aurait dû travailler jusqu'à 68 ans) pour avoir une retraite à taux plein, de sorte que le terme du calcul de la perte de gains professionnels futurs doit être fixé en 2014.

La société MAIF estime que le salaire de référence doit être fixé au montant du SMIC qui correspond à la capacité de gains résiduelle de M. [I] qui selon les experts peut reprendre une activité professionnelle avec restrictions.

Sur ce, les experts ont relevé que M. [I] conserve comme séquelles depuis la consolidation de son état intervenue le 27 octobre 2014 notamment un enraidissement important au niveau du genou droit, un enraidissement de l'épaule droite et un enraidissement du 1er rayon du pied gauche ; dans le corps de leur rapport, en page 6, ils ont relevé que la marche se faisait avec une boiterie et que l'accroupissement et l'agenouillement étaient très réduits du côté droit ; ils ont estimé que M. [I] pouvait reprendre une activité professionnelle mais avec des limitations notables compte tenu de son métier de plombier.

Il ressort des déclarations de revenus et avis d'imposition de M. [I] portant sur les revenus des années 2014 à 2019 inclus et de l'attestation de la société d'expertise comptable Orion fiduciaire en date du 10 décembre 2015 que M. [I] n'a jamais repris son activité professionnelle antérieure à l'accident ni aucune autre activité professionnelle et que la société Adeluxe concept a été liquidée.

Le relevé de carrière qu'il a communiqué établit que M. [I] a régulièrement travaillé en qualité de salarié depuis l'année 1973 hormis 3 années de chômage de 1988 à 1990.

Il est patent, compte tenu de la nature des séquelles de l'accident qui sont incompatibles avec l'exercice du métier de plombier-chauffagiste, de l'âge de M. [I] à la consolidation, soit 59 ans, de son absence de qualification dans un domaine non manuel, que, contrairement aux conclusions des experts, les possibilités d'un retour à l'emploi de M. [I] étaient totalement illusoires et que la perte de son emploi et la perte de tout revenu d'activité professionnelle depuis l'accident jusqu'à ce jour sont imputables à cet accident.

Par ailleurs il résulte du relevé de carrière produit par M. [I] en pièce n° 17 de son bordereau que M. [I] aurait travaillé jusqu'à l'âge de 67 ans, soit jusqu'au 12 mars 2022, afin de percevoir une retraite à taux plein.

La perte de gains professionnels futurs jusqu'à cet âge doit être calculée, non sur la base du salaire annuel retenu par la CPAM mais sur celle du revenu de référence retenu pour le calcul de la perte de gains professionnels actuels, soit un revenu de 12 430 euros admis par la société MAIF et supérieur au revenu annuel moyen net de M. [I] avant l'accident.

La perte de gains est ainsi de la consolidation au 12 mars 2022 d'un montant de 93 225 euros (12 430 euros x 7,5 ans).

Sur cette perte s'impute la rente accident du travail réglée par la CPAM soit la somme de 70 664,81 euros correspondant à hauteur de la somme de 20 307,06 euros aux arrérages échus du 28 octobre 2014 au 15 septembre 2021 et à hauteur de celle de 50 357,75 au capital constitutif des arrérages à échoir, qu'elle a vocation à réparer.

Après imputation à due concurrence une indemnité de 22 560,19 euros (93 225 euros - 70 664,81 euros) revient à M. [I].

Le jugement est infirmé.

- Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap et la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

M. [I] demande à la cour de l'indemniser de la perte de son emploi de plombier chauffagiste et de toute activité professionnelle ainsi que de la perte qu'il va subir sur le montant de sa pension de vieillesse ; il calcule cette perte sur la base du différentiel entre les pensions de vieillesse à l'âge de 67 ans et à l'âge de 62 ans qu'il capitalise de façon viagère.

La société MAIF offre une évaluation de l'incidence professionnelle à hauteur de 15'000 euros au titre de la perte de la profession ; en revanche elle s'oppose à l'indemnisation d'une perte sur la pension de vieillesse puisque la retraite à 63 ans était envisageable.

Sur ce, il a été retenu que sans l'accident M. [I] aurait travaillé jusqu'à l'âge de 67 ans ; M. [I] a arrêté son activité professionnelle à la suite de l'accident et n'a pas retravaillé.

M. [I] justifie par les estimations des montants annuels de ses retraites qu'entre l'âge de 62 ans auquel il a pris sa retraite et l'âge de 67 ans la différence mensuelle de retraite est de 273 euros (972 euros - 699 euros) soit un écart annuel de 3 276 euros pour la retraite de base ; il va également subir une perte sur ses retraites complémentaires ARRCO et AGIRC ; la perte annuelle totale de retraite de M. [I] doit ainsi être fixée à la somme de 3 280 euros qu'il revendique.

Cette perte est ainsi la suivante :

- du 13 mars 2022 à la date de la liquidation

3 280 euros / 12 mois x 7,5 mois = 2 050 euros

- à compter de la liquidation

par capitalisation de la perte annuelle par un euro de rente viagère pour un homme âgé de 67 ans à la liquidation, selon le barème susvisé soit 17,275

3 280 euros x 17,275 = 56 662 euros

- total : 58 712 euros.

La rente accident du travail ayant été totalement imputée sur le poste de perte de gains professionnels futurs cette somme revient en intégralité à M. [I].

M. [I] doit en outre être indemnisé de la dévalorisation sociale qu'il a ressentie du fait de son exclusion définitive prématurée du monde du travail ; une indemnité de 15 000 euros lui sera allouée à ce titre.

Une indemnité totale de 73 712 euros au titre de l'incidence professionnelle revient ainsi à M. [I].

Le jugement est infirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Souffrances endurées

Ce poste comprend l'indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi

que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à dire du jour de l'accident jusqu'à celui de la consolidation

En l'espèce, il convient de prendre en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des hospitalisations, des interventions chirurgicales, des examens et soins notamment de kinésithérapie ; coté 4/7 par l'expert, ce chef de préjudice ce poste de domamge a été justement évalué à hauteur de la somme de 14 000 euros.

Le jugement est confirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par un enraidissement important au niveau du genou droit, un enraidissement de l'épaule droite, un enraidissement du 1er rayon du pied gauche et des troubles psychologiques, conduisant à un taux de 22 % et justifiant compte tenu des souffrances morales et des troubles induits dans les conditions d'existence une indemnité de 48 400 euros pour un homme âgé de 59 ans à la consolidation.

Il n'y a lieu à aucune imputation sur ce poste de préjudice la rente accident du travail ayant été intégralement imputée sur les perte de gains professionnels futurs.

Le jugement est infirmé.

- Préjudice esthétique permanent

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Coté 1,5/7 au titre de l'importante amyotrophie du quadriceps droit, de la boiterie à la marche et de la cicatrice au niveau du genou droit il doit être indemnisé à hauteur de 2 500 euros.

Le jugement est infirmé.

- Préjudice d'agrément

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

M. [I] justifie ne plus pouvoir pratiquer le billard au même niveau qu'avant l'accident dans le cadre des compétitions nationales (4 ème et 22 ème rang en 2012 et 2013 et 315ème rang en 2018), ce qui justifie l'octroi d'une indemnité de 8 000 euros.

Le jugement est infirmé.

Sur les demandes accessoires

Il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt opposable à la CPAM qui est en la cause.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société MAIF qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [I] une indemnité de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel

- Infirme le jugement sur l'assistance temporaire par tierce personne, la perte de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique permanent et le préjudice d'agrément,

- Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne la société Mutuelle assurance des instituteurs de France à payer à M. [L] [I] les sommes suivantes, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites avec les intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus, au titre des postes ci-après de son préjudice corporel :

- assistance temporaire par tierce personne : 5 991,60 euros

- perte de gains professionnels futurs : 22 560,19 euros

- incidence professionnelle : 73 712 euros

- préjudice esthétique permanent : 2 500 euros

- déficit fonctionnel permanent : 48 400 euros

- préjudice d'agrément : 8 000 euros,

- Condamne la société Mutuelle assurance des instituteurs de France à payer à M. [L] [I] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Mutuelle assurance des instituteurs de France aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/04727
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;21.04727 ?
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