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27/10/2022 | FRANCE | N°21/03605

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 27 octobre 2022, 21/03605


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 7



ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022



(n° 28, 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/03605 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDFLN



Décision déférée à la Cour : Décision de l'Autorité de régulation des transports n° 2021-16 rendue le 11 février 2021





REQUÉRANTE :



LA RÉGION NOUVELLE AQUITAINE

Prise en la personne

de son représentant légal M. [M] [F], président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Dont le siège social est [Adresse 12]

[Adresse 2]

[Localité 5]



Élisant domicile au cabinet ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022

(n° 28, 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/03605 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDFLN

Décision déférée à la Cour : Décision de l'Autorité de régulation des transports n° 2021-16 rendue le 11 février 2021

REQUÉRANTE :

LA RÉGION NOUVELLE AQUITAINE

Prise en la personne de son représentant légal M. [M] [F], président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine

Dont le siège social est [Adresse 12]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Élisant domicile au cabinet de la SELARL D4 AVOCATS ASSOCIÉS

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Aurélien BUREL de la SELARL D4 AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1337

DÉFENDERESSE AU RECOURS :

SNCF GARES & CONNEXIONS S.A.

Prise en la personne de son représentant légal

Immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 507 523 801

Dont le siège social est [Adresse 3]

[Localité 9]

Élisant domicile au cabinet de la SCP AFG AVOCATS

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Arnaud GUYONNET, de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée de Me Philippe HANSEN, de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261

EN PRÉSENCE DE :

L'AUTORITÉ DE RÉGULATION DES TRANSPORTS

Prise en la personne de son président

[Adresse 1]

[Adresse 11]

[Localité 10]

Représentée par M. [I] [U], dûment mandaté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

' Mme Agnès MAITREPIERRE, présidente de chambre, présidente,

' Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre,

' Mme Sylvie TRÉARD, conseillère,

qui en ont délibéré.

GREFFIER, lors des débats : Mme Véronique COUVET

MINISTÈRE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée et représenté lors des débats par Mme Jocelyne AMOUROUX, avocate générale.

ARRÊT :

' contradictoire

' prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

' signé par Mme Agnès MAITREPIERRE, présidente de chambre et par Mme Véronique COUVET, greffière à qui le minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Vu la déclaration de recours déposée au greffe le 1er mars 2021 par la Région Nouvelle-Aquitaine contre la décision n° 2021-016 de l'Autorité de Régulation des Transports (ART) du 11 février 2021 relative au différend l'opposant à la société SNCF Gares & Connexions, enregistrée sous le numéro de RG 21/03605 ;

Vu la déclaration de recours déposée au greffe le 10 mars 2021 par la Région Nouvelle-Aquitaine contre la décision susvisée comprenant un exposé sommaire des moyens, enregistrée sous le numéro de RG 21/04383 ;

Vu l'exposé complet des moyens, commun aux affaires RG n° 21/03605 et 21/04383, déposé au greffe le 31 mars 2021 par la Région Nouvelle-Aquitaine ;

Vu l'ordonnance du 25 mai 2021 ayant prononcé la jonction des deux instances sous le RG n° 21/03605 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe le 12 octobre 2021 par la société SNCF Gares & Connexions ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe le 18 janvier 2022 par l'Autorité de régulation des transports ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe le 17 mai 2022 par la Région Nouvelle-Aquitaine ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe le 23 juin 2022 par l'Autorité de régulation des transports ;

Vu l'avis de ministère public du 16 septembre 2022 transmis le même jour aux parties ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 22 septembre 2022, le conseil de la Région Nouvelle-Aquitaine, celui de la société SNCF Gares & Connexions, le représentant de l'Autorité de régulation des transports ainsi que le ministère public.

FAITS ET PROCÉDURE

1.La Cour est saisie du recours formé par la Région Nouvelle-Aquitaine (ci-après « la Région ») contre une décision du 11 février 2021 adoptée par l'Autorité de régulation des transports (ci-après « l'Autorité ») en règlement du différend l'opposant à la société SNCF Gares & Connexions (ci-après « SNCF Gares & Connexions »).

2.Ce différend porte sur le tarif de la redevance due à SNCF Gares & Connexions, gestionnaire unique des gares de voyageurs, pour l'utilisation de ces gares et des services qui y sont fournis.

I. LE CADRE JURIDIQUE

3.Le cadre juridique est constitué de la directive n° 2012/34/UE du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen (ci-après la « Directive »), qui a abrogé et refondu les directives n° 91/440, 95/18 et 2001/14. Cette directive, modifiée en 2016, a été transposée en droit national, notamment par les lois n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire (ci-après la « loi du 4 août 2014 ») et n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire (ci-après la « loi du 27 juin 2018 »).

4.Ce cadre juridique est fondé sur deux grands principes.

5.Le premier, posé à l'article 4 de la Directive, est celui de la séparation de l'activité de gestion des infrastructures ferroviaires (réseau ferré) et de transport ferroviaire.

6.Le second principe, posé à l'article 13 de la Directive, est celui de l'accès transparent et non discriminatoire des entreprises de transports au réseau ferroviaire, d'une part, et à ses installations de service (visées au point 2 de l'annexe II de la Directive), d'autre part.

7.L'installation de service est définie par la Directive comme l'installation, y compris les terrains, bâtiments et équipements qui ont été spécialement aménagés pour permettre la fourniture d'un ou plusieurs des services visés à l'annexe II, points 2, 3 et 4 de ladite Directive, dont notamment l'accès au gares de voyageurs, leurs bâtiments et les autres infrastructures, y compris l'affichage d'informations sur les voyages et les emplacements prévus pour les services de billetterie.

8.La Directive précise que pour assurer la totale transparence et le caractère non discriminatoire de l'accès aux installations de service, l'exploitant d'installation de service, lorsqu'il est sous le contrôle direct ou indirect d'une entreprise qui occupe une position dominante sur des marchés nationaux de services de transport ferroviaire pour lesquels l'installation est utilisée, doit être organisé de manière à assurer son indépendance organisationnelle et décisionnelle vis-à-vis de cette entité ou entreprise.

9.Enfin, l'article 55 de la Directive prévoit l'institution par chaque État membre d'un organisme de contrôle, qui doit être autonome, juridiquement distinct et indépendant sur les plans organisationnel, fonctionnel, hiérarchique et décisionnel, de toute autre entité publique ou privée. Ses missions sont précisées à l'article 56 de la Directive.

10.En droit interne, la mise en 'uvre des principes précités (séparation des activités de gestion du réseau et de transport, et l'indépendance de l'exploitant des installations de service) a nécessité une refonte de la gestion et de l'exploitation du réseau ferré national, jusqu'alors concédée toutes les deux par l'État à une entité unique, la SNCF.

11.Dans un premier temps, la gestion du réseau a été confiée à Réseau ferré de France, RFF, établissement public et commercial (ci-après « EPIC »), tandis que la SNCF exerçait l'activité de transport ferroviaire de marchandises et de voyageurs. La gestion des gares et autres infrastructures de services était partagée entre ces deux entités. Chacune d'entre elles disposait en effet d'un patrimoine propre dans les gares. Selon une ligne de partage grossièrement tracée, RFF était propriétaire des quais et verrières, SNCF des autres bâtiments et installations dont la gestion était assurée par l'une de ses directions, la direction « Gares et Connexions ».

12.En 2014, le législateur a créé trois EPIC: la SNCF, EPIC de tête, SNCF Réseau (gestionnaire du réseau) et SNCF Mobilités (activité de transport). La gestion des gares et autres infrastructures de services liées au réseau était toujours partagée entre, d'une part, SNCF Réseau et, d'autre part, SNCF Mobilités par le biais d'une direction autonome « Gares & Connexions ».

13.En 2018, ces trois établissements ont été transformés à compter du 1er janvier 2020 en sociétés anonymes : SNCF, SNCF Réseau et SNCF Voyageurs. La gestion des gares a été unifiée et confiée à la société SNCF Gares & Connexion, filiale à 100 % de la société SNCF Réseau.

14.SNCF Gares & Connexions est ainsi un exploitant d'installations de service au sens de la Directive. Elle est tenue, à ce titre, de garantir à toutes les entreprises ferroviaires un accès non discriminatoire aux gares et aux services qui y sont fournis, en contrepartie de la perception d'une redevance dont le montant ne doit pas dépasser le coût de la prestation majoré d'un bénéfice raisonnable (art.31 de la Directive).

15.Le tarif de ces redevances est fixé dans un document dit « document de référence des gares de voyageurs » (ci-après « DRG »), également désigné sous le nom « horaire de service », établi depuis le 1er janvier 2020 par la société SNCF Gares & Connexions, annexé au « document de référence du réseau » (ci-après « DRR ») établi par SNCF Réseau.

16.Le DRG précise pour chaque gare les prestations régulées qui y sont rendues, dans quelles conditions et à quel tarif. Ce tarif est rendu exécutoire sur avis conforme de l'Autorité conformément à l'article L.2133-5, II du code des transports (dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2014) et selon une procédure prévue à l'article 3 du décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 relatif aux installations de service du réseau ferroviaire.

17.Avant la gestion unifiée des gares et autres installations de services, les redevances étaient établies annuellement par RFF et par la SNCF, sur proposition de sa direction autonome Gares & Connexions, chacune pour les biens et services qu'elle gère. Le DRG, établi par la direction Gares & Connexions, intégrait les données fournies par RFF relatives à son patrimoine en gare. Le tarif de ces redevances faisait alors l'objet d'un avis simple de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (l'ARAFER devenue l'ART le 1er octobre 2019), puis d'un avis conforme de cette autorité de régulation à compter du 1er janvier 2015, avis qu'elle a émis pour la première fois sur le DRG de 2016 (article L.2133-5, II du code des transports).

18.Le projet de DRG est également soumis pour avis aux autorités organisatrices de transports et aux entreprises de transport ferroviaire utilisant le réseau.

19.Les prestations de services fournies en gare, dites prestations régulées, comprennent des prestations de base et des prestations complémentaires, chacune de ces catégories étant définie dans le décret n° 2012-70 précité. La prestation régulée dite de base comprend pour l'essentiel l'usage des installations aménagées pour la réception des passagers et du public jusqu'au train, ainsi que les services d'accueil, d'information et d'orientation des passagers et du public.

20.Lorsque la gestion des gares était partagée entre deux entités distinctes, cette prestation régulée « de base » se décomposait en une part correspondant au périmètre du patrimoine géré par la direction autonome Gares & Connexions de SNCF Mobilités (auparavant SNCF), donnant lieu à une redevance dite « transporteur », et une part correspondant au périmètre du patrimoine géré par SNCF Réseau (auparavant RFF), donnant lieu à une redevance dite « quai ».

21.À compter de 2020, la gestion des gares de voyageurs ayant été unifiée, une prestation de base unique a été proposée par la société SNCF Gares & Connexions, portant sur la totalité du périmètre des gares de voyageurs et donnant lieu à une redevance unique.

22.Le DRG 2020, soumis pour avis à l'Autorité le 29 octobre 2019, prévoyait que les redevances dues pour les 3017 gares rattachées au réseau, réparties en 56 périmètres de gestion, étaient calculées à la maille de chaque périmètre de gestion de chacun d'entre eux. Le montant de la redevance de base était déterminé pour chaque périmètre de gestion, selon un principe identique à celui retenu par les DRG précédents, consistant à diviser le total des coûts du périmètre par le nombre de départs de train prévus dans ce même périmètre.

23.Ce projet de tarif a fait l'objet d'un avis conforme de l'ART du 28 février 2020 à l'exception des tarifs des redevances pour deux périmètres de gestion (Occitanie et Centre Val de Loire).

24.Ni cet avis, ni le DRG 2020 approuvé, n'ont fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative compétente.

25.À la date de la demande de règlement de différend, la Région avait confié à SNCF Voyageurs l'exploitation du service de transport ferroviaire régional de personnes de voyageurs.

26.Pour l'exercice de cette activité, SNCF Voyageurs a conclu avec SNCF Réseau un contrat lui permettant l'accès au réseau ferroviaire et avec SNCF Gares & Connexion un contrat lui permettant l'accès aux installations de services, dont les gares de voyageurs.

II. LE DIFFÉREND OPPOSANT LES PARTIES ET LA DÉCISION ATTAQUÉE

27.La Région, en désaccord depuis plusieurs années sur le modèle économique retenu pour le calcul de la redevance due en contrepartie de l'accès aux gares et aux services qui y sont rendus, a saisi l'Autorité d'une demande de règlement de différend sur le fondement de l'article L.1263-2 du code des transports, demande enregistrée le 12 janvier 2021.

28.Cet article dispose que :

« Tout candidat, tout gestionnaire d'infrastructure ou tout exploitant d'installation de service au sens du livre Ier de la deuxième partie peut saisir l'Autorité de régulation des transports d'un différend, dès lors qu'il s'estime victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice liés :

(')

2° A l'accès aux installations de service, y compris la fourniture et la mise en 'uvre de la tarification des services de base fournis dans ces installations et des prestations complémentaires ou connexes ».

29.Est un candidat au sens de ce texte l'autorité organisatrice de transports ferroviaire en application de l'article L.2122-11 du code des transports.

30.Dans sa saisine, la Région a demandé à l'Autorité d'enjoindre à la société SNCF Gares & Connexions de :

' 1° modifier le DRG de 2020 afin que les charges couvrant des prestations à usage exclusif de certaines entreprises ferroviaires n'impactent que ces seules entreprises ;

' 2° modifier le DRG 2020 afin que le montant de la redevance dite « redevance quai » soit modulé non seulement au regard de l'unité « départ - quai » mais également de la longueur des trains, du nombre de voyageurs et de l'accessibilité des quais ;

' 3° mettre en 'uvre ces modifications tant pour l'avenir que rétroactivement à compter de 2014 en procédant aux régularisations qui s'imposent.

31.Faisant application de l'article 27 du règlement intérieur de l'Autorité qui permet à celle-ci de statuer sans instruction préalable et sans audience sur une demande de règlement de différend lorsqu'il apparaît qu'elle est manifestement irrecevable ou que l'Autorité n'est pas compétente, le secrétaire général de l'Autorité a saisi le collège à cette fin, ce dont il a préalablement informé la Région par une lettre du 4 février 2021 invitant cette derrière à présenter ses observations dans un délai de cinq jours, ce qu'elle a fait par un courriel du 8 février 2021.

32.L'Autorité, par une décision n° 2021-016 du 11 février 2021, a rejeté la saisine de la Région.

33.Aux termes de sa décision, elle a considéré qu'il se déduisait des termes de l'article L.1263-2 du code des transports qu'elle était compétente pour régler des différends portant sur la mise en 'uvre de la tarification des redevances d'accès aux services des gares et non sur la tarification de ces redevances pour laquelle elle dispose déjà d'un pouvoir de contrôle ex ante en application de l'article L.2133-5, II du code des transports. Puis, constatant que les demandes de la Région tendaient à remettre en cause la tarification de la redevance d'accès aux services des gares qui a été fixée sur son avis conforme, elle les a rejetées.

III. LE RECOURS ENTREPRIS

34.Par son recours, formé par une déclaration déposée au greffe le 1er mars 2021, réitérée par une seconde déclaration contenant un exposé sommaire des moyens et déposée le 10 mars 2021, soit dans le délai imparti par l'article R.1263-2 du code des transports, la Région demande à la Cour de déclarer son recours recevable, d'annuler la décision de l'Autorité, et statuant à nouveau par l'effet dévolutif du recours, d'enjoindre à SNCF gares & Connexions de procéder aux modifications du DRG 2020 avec effet rétroactif à compter de 2014, telles que sollicitées dans sa demande de règlement de différend adressée à l'Autorité.

35.SNCF Gares & Connexions conclut au rejet des demandes et à la condamnation de la Région à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

36.L'Autorité demande à la Cour de rejeter les demandes de la Région.

37.Le ministère public invite la Cour à rejeter le recours.

MOTIVATION

I. SUR LA VIOLATION DE L'OBLIGATION DE MOTIVATION

38.La Région soutient que l'Autorité n'a pas répondu à sa demande tendant à ce que les modifications du RDG 2020 soient appliquées de manière rétroactive à compter de 2014, et que de ce seul fait, sa décision est entachée de nullité faute de motivation suffisante.

39.SNCF Gares & Connexions souligne qu'il est constant que l'Autorité ne s'est pas prononcée sur le fond du différend dès lors qu'elle a rejeté les demandes de la Région comme étant portées devant une autorité incompétente. Elle précise qu'aucun texte ne lui imposait de les examiner au fond dans une telle hypothèse d'incompétence manifeste. Elle souligne que la décision attaquée contient les motifs au soutien de sa décision de rejet pour incompétence.

40.L'Autorité répond qu'il résulte clairement des motifs de la décision attaquée que l'intégralité des demandes de la Région, y compris la troisième, a été rejetée.

41.Le ministère public partage cette analyse.

Sur ce, la Cour,

42.Le défaut de motivation reproché ne vise pas les deux premières demandes de règlement de différend présentées par la Région, mais uniquement la troisième, laquelle était rédigée de la manière suivante : « Mettre en 'uvre l'ensemble des demandes précédentes dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision à venir, en mettant à jour en conséquence les documents de référence à compter des horaires de service 2014, en procédant aux régularisations qui s'imposent et en appliquant ces principes pour l'avenir.» (soulignement ajouté par la Cour).

43.Cette troisième demande tendait donc à la fois à voir fixer un délai à SNCF Gares & Connexions pour procéder aux modifications du DRG 2020, objet des deux premières demandes, à étendre ces modifications aux DRG à compter de 2014, à obtenir les régularisations induites par ces modifications, et à l'application de ces modifications pour l'avenir.

44.Or, l'Autorité a rejeté, par une décision motivée, ce qui n'est pas contesté, les deux premières demandes, celles portant sur les modifications du DRG 2020, au motif qu'elles ne relevaient pas de la procédure de règlement de différend. Elle a également précisé que cette incompétence résultait des textes applicables à la date de la demande de règlement du différend de sorte qu'elle n'avait pas à rechercher à quelle date les redevances en cause avaient été fixées. Ce faisant, elle a, par voie de conséquence, nécessairement rejeté par une décision motivée, la troisième demande qui, dans la dépendance des deux premières, était devenue sans objet devant elle.

45.Le moyen est rejeté.

II. SUR LA VIOLATION DU PRINCIPE DE LA CONTRADICTION

46.La Région soutient que la procédure suivie devant l'Autorité traduit une violation du principe du contradictoire, dans la mesure où, d'une part, le secrétaire général de l'Autorité, en cours d'instruction et donc, selon elle, en pré-jugement d'une partie du différend, a considéré que « l'Autorité est manifestement incompétente pour connaître de ce différend, en tant qu'il porte sur les horaires de service 2016 à 2020, dès lors, notamment, que les demandes de la Région Nouvelle-Aquitaine tendent à contester la fixation des redevances relatives à l'accès aux gares de voyageurs ainsi qu'aux prestations régulées qui y sont fournies, sur laquelle l'Autorité a déjà statué, pour ces horaires de service, dans le cadre des avis conformes qu'elle a rendus sur le fondement du II de l'article L.2133-5 du code des transports » (Pièce n° 25).

47.Elle fait valoir, d'autre part, que l'argument tiré de la limitation de la compétence de l'Autorité à la seule mise en 'uvre du tarif de la redevance et non à la fixation de ce tarif, n'a pas été porté à sa connaissance par le secrétaire général, de sorte qu'elle n'a pas été en mesure de présenter ses observations sur ce point.

48.Elle ajoute, d'autre part, que le secrétaire général ne l'a pas avisée de la date de la séance du collège, que ce dernier a pris sa décision trois jours après qu'elle ait communiqué ses observations, auxquelles le collège n'a pas répondu. Elle soutient encore que SNCF Gares & Connexions n'a pas été en mesure de présenter des observations.

49.SNCF Gares & Connexions conclut au rejet du moyen. Elle soutient qu'il résulte des termes de la lettre du secrétaire général que celui-ci, en indiquant envisager de proposer au collège de statuer en application de l'article 27 du règlement intérieur au motif de l'incompétence de l'Autorité, n'avait pas encore soumis de décision au président de l'Autorité et qu'il n'a fait que proposer une solution au collège qui seul prend la décision.

50.Elle ajoute que le raisonnement exposé par le secrétaire général dans la lettre du 4 février 2021 est exactement celui suivi par l'Autorité dans la décision attaquée, et que ni la circonstance que la Région n'ait pas été informée de la date de la séance du collège, ou encore qu'elle-même n'ait pas été en mesure de présenter ses observations, ne peut constituer une violation du principe de la contradiction.

51.L'Autorité répond, en premier lieu, que la décision appartient au collège de l'Autorité et non au secrétaire général qui ne lui soumet qu'une proposition de sorte que, quelle que soit la position prise par ce dernier, celle-ci ne saurait constituer un pré-jugement. Elle constate que la Région n'entend pas remettre en cause l'existence de la procédure de tri prévue à l'article 27 du règlement intérieur, qu'elle ne tire aucune conséquence juridique de l'absence d'indication de la date de la séance du collège par le secrétaire général dans sa lettre du 4 février 2021 et qu'elle a été mise en mesure de présenter ses observations sur l'incompétence de l'Autorité.

52.Elle expose, en second lieu, que les termes de cette lettre ont permis à la Région de comprendre, que la « mise en 'uvre » de la tarification devait être distinguée de sa « fixation », et que l'exercice d'un contrôle ex ante, sous la forme d'un avis conforme rendu sur la fixation de la tarification, était exclusif d'un pouvoir de règlement de différend sur cette même question. Elle en déduit que la Région a eu l'occasion de faire valoir sa position sur ce point avant l'adoption de la décision attaquée par le collège de l'Autorité.

53.Le ministère public partage cette analyse.

Sur ce, la Cour,

54.Par la lettre du 4 février 2021, le secrétaire général de l'Autorité a avisé la Région de l'éventualité de la mise en 'uvre de la procédure simplifiée, sans instruction et sans audience, en raison, selon lui, de l'incompétence manifeste de l'Autorité pour statuer sur sa demande de règlement de différend, et l'a invitée à adresser ses observations éventuelles sur ces points.

55.Cette lettre avait donc pour objet d'ouvrir une phase contradictoire de la procédure à l'égard de la Région. La critique, reprochant une violation du principe de la contradiction du fait de cet envoi, n'est pas fondée.

56.La circonstance alléguée qu'aux termes de cette lettre, le secrétaire général ait pris parti sur la compétence de l'Autorité pour statuer sur le différend est sans incidence pour déterminer si la Région a été mise en mesure de présenter ses observations sur le recours à la procédure simplifiée et sur la compétence de l'Autorité. Elle ne saurait donc méconnaître le principe de la contradiction. Elle ne saurait en tout état de cause caractériser un pré-jugement, la décision de rejet pour incompétence ayant été prise uniquement par le collège et non par le secrétaire général.

57.Au surplus, dans cette lettre, le secrétaire général, après avoir rappelé les termes de la demande de règlement de différend et le fondement juridique invoqué (l'article L.1263-2 du code des transport), a notamment indiqué à la Région que « l'Autorité est manifestement incompétente pour connaître de ce différend ['], dès lors, notamment, que les demandes de la Région Nouvelle Aquitaine tendent à contester la fixation des redevances relatives à l'accès aux gares de voyageurs ainsi qu'aux prestations régulées qui y sont fournies, sur laquelle l'Autorité a déjà statué, pour ces horaires de service, dans le cadre des avis conformes qu'elle a rendus sur le fondement du II de l'article L.2133-5 du code des transports ».

58.Il s'en déduit que selon le secrétaire général, les demandes de la Région n'entraient pas dans la compétence d'attribution de l'Autorité en matière de règlement différend dès lors qu'elles portaient sur la fixation des redevances d'accès aux gares de voyageurs et aux services de gares.

59.De tels motifs appelaient à se reporter à l'article L.1263-2 du code des transports qui détermine la compétence de l'Autorité en matière de règlement de différend et précise que l'Autorité peut être saisie en cas de différend relatif notamment à « la mise en 'uvre de la tarification » de ces redevances, et ce d'autant que la Région avait expressément invoqué cette disposition, dont elle avait elle-même rappelé partiellement les termes dans sa saisine, au soutien de la compétence de l'Autorité.

60.La Région, qui était représentée par son conseil au cours de la procédure suivie devant l'Autorité, a ainsi été mise en mesure de comprendre que, selon le secrétaire général, la fixation du tarif des redevances, adoptée sur avis conforme de l'Autorité, devait être distinguée de la mise en 'uvre de cette tarification et n'entrait donc pas dans le champ de compétence de l'Autorité en matière de règlement de différend.

61.Invitée par la lettre du 4 février 2021 à présenter ses observations, ce qu'elle a fait par courriel du 8 février 2021, il était donc loisible à la Région de contester l'analyse du secrétaire général sur la portée et l'interprétation de l'article L.1263-2 du code des transports au regard notamment de l'article L.2133-5 du même code, qui dispose que l'Autorité émet un avis « conforme » sur « la fixation des redevances ».

62.La circonstance que la Région n'a pas été avisée de la date de la séance du collège est sans incidence dès lors que la procédure simplifiée, dont la légalité n'est pas contestée en son principe, prévoit que le collège statue sans instruction et sans audience.

63.La Région, demanderesse au différend, n'a pas qualité à invoquer, en lieu et place de SNCF Gare & Connexions, défenderesse au différend, le fait que celle-ci n'a pas été mise en mesure de présenter des observations sur l'incompétence envisagée, cette circonstance ne lui faisant pas personnellement grief.

64.Enfin, dès lors que la Région a été mise en mesure de présenter ses observations, le délai de trois jours qui s'est écoulé entre leur réception par l'Autorité et la décision attaquée, ne saurait induire une violation du principe de la contradiction.

65.Le moyen, mal fondé, est rejeté.

III. SUR LE FOND

66.La Région soutient qu'aucun texte n'interdit à l'Autorité de modifier un DRG dans le cadre d'une procédure de règlement de différend quand bien même ce DRG aurait fait l'objet d'un avis conforme, et que l'Autorité l'a déjà admis par deux décisions de 2015 et une troisième de 2017. Elle rappelle que dans la décision n° 2017-008 du 1er février 2017 de règlement de différend entre la Région Nouvelle-Aquitaine et SNCF Mobilités relatif aux prestations rendues dans les gares de voyageurs par SNCF Gares & Connexions, l'Autorité a estimé que « l'avis conforme sur la tarification des prestations rendues dans les gares de voyageurs (') ne saurait remettre en cause la compétence de l'Autorité au titre de l'article L.1263-2 dès lors qu'elle n'est pas exclusive de toute autre procédure devant l'Autorité et n'a, en tout état de cause, par le même objet qu'une procédure de règlement de différend ». Elle précise que, par cette dernière décision, l'Autorité a enjoint à SNCF Gares & Connexions de modifier le DRG en « fixant le coût moyen pondéré du capital servant à l'établissement des redevances pour le service de base dans l'ensemble des gares de voyageurs à un plafond de 6,9% avant impôts et de procédure aux régularisations correspondantes au bénéfice de l'ensemble des opérateurs ». La Région ajoute que la faculté de l'Autorité de modifier, dans le cadre d'un règlement de différend, un DRG, pourtant adopté sur son avis conforme, a été confirmée par la cour d'appel par un arrêt du 9 mars 2017 (RG n° 15/16315).

67.Elle souligne que l'argumentation de l'ART fondée sur l'évolution des textes n'explique pas le revirement qu'elle a opéré dans la décision attaquée, sa précédente décision de 2017 ayant été adoptée sous l'empire de l'article L.1263-2 du code des transports, rédigé en termes similaires, c'est-à-dire donnant compétence à l'Autorité pour statuer en matière de règlement du différend sur la mise en 'uvre de la tarification.

68.Elle fait valoir que l'interprétation retenue par l'Autorité revient à vider de sa substance la procédure de règlement de différend en cette matière, et est contraire à l'article 56, 1., d) de la Directive qui permet de saisir le régulateur en règlement de différend d'un litige portant sur « le système de tarification ».

69.La Région demande, à titre subsidiaire, d'écarter l'application de l'article L.1263-2 au motif qu'il est contraire à la directive précitée en ce qu'il interdit à un opérateur de saisir l'Autorité de régulation d'un règlement de différend portant sur la tarification. À titre infiniment subsidiaire, elle demande à la Cour de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après « CJUE ») d'une question préjudicielle.

70.L'Autorité et SNCF Gares & Connexions développent une argumentation similaire.

71.Elle exposent, en premier lieu, que l'évolution de la rédaction des différentes dispositions en cause dans le cadre du présent litige, à savoir la disposition fondant le pouvoir d'avis conforme (article L.2133-5 du code des transports) et celle fondant le pouvoir de règlement des différends (article L.1263-2 du code des transports, anciennement L.2134-2 du code des transports), montre qu'en matière de tarification de l'accès aux gares, l'exercice du pouvoir ex ante de l'Autorité, sur le fondement de l'article L.2133-5 du code des transports, est exclusif de l'exercice de son pouvoir ex post sur le fondement de l'article L.1263-2 de ce même code, comme le démontrent les travaux parlementaires ayant présidé à l'adoption de ces textes qui soulignent que l'Autorité ne peut être à la fois juge et partie, l'Autorité, en adoptant des avis conformes sur la tarification des prestations en gare, devenant co-auteur de la norme.

72.Elles ajoutent que les précédents invoqués par la Région ont été adoptés dans un contexte juridique où l'Autorité ne disposait pas encore d'un pouvoir d'avis conforme sur le tarif des redevances d'accès aux gares et aux services de gare mais simplement d'un avis motivé, non contraignant et qu'il convient de lire les motifs de ces décisions, en particulier de celle de 2017, à la lumière du grief auquel ils répondaient.

73.Elles exposent qu'une telle analyse n'est pas contraire à l'article 56 de la Directive, dont il résulte que l'objectif du législateur européen est d'assurer, à travers l'organisme de contrôle, un contrôle effectif de la conformité des redevances fixées par un gestionnaire d'infrastructure ou par un exploitant d'installation de service aux principes et règles de tarification, et que ce contrôle peut prendre la forme d'un contrôle effectué d'office par l'autorité de contrôle qui se distingue de celui pouvant être exercé dans le cadre d'une procédure de règlement de différend, et ce, comme l'a récemment rappelé la CJUE (arrêt du 9 septembre 2021, LatRailNet, C-144/20). Elle souligne que le législateur français, en confiant à l'Autorité un pouvoir d'avis conforme sur la fixation des tarifs des redevances relatives aux gares de voyageurs, a instauré un dispositif de contrôle ex ante qui est non seulement effectif mais également plus efficace qu'un seul pouvoir d'intervention ex post.

74.Le ministère public partage cette analyse.

Sur ce, la Cour,

75.Ainsi qu'il a déjà été exposé, relève de la procédure de règlement de différend prévue à l'article L.1263-2, I, 2°, du code des transports :

« Tout candidat, tout gestionnaire d'infrastructure ou tout exploitant d'installation de service au sens du livre Ier de la deuxième partie peut saisir l'Autorité de régulation des transports d'un différend, dès lors qu'il s'estime victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice liés :

(')

2° A l'accès aux installations de service, y compris la fourniture et la mise en 'uvre de la tarification des services de base fournis dans ces installations et des prestations complémentaires ou connexes » (soulignement ajouté par la Cour).

76.Il se déduit du terme « mise en 'uvre de la tarification » que ce texte limite l'intervention de l'Autorité, en matière de règlement de différend, à un litige portant sur l'application du tarif et non sur le tarif lui-même, tel qu'il est prévu dans le DRG.

77.Une telle interprétation littérale est confortée par le pouvoir de contrôle ex ante confié à l'Autorité qui, outre l'avis conforme qu'elle délivre sur le tarif des redevances d'accès à l'infrastructure de réseau, émet également un avis conforme sur la tarification des redevances des services de gares depuis la loi du 4 août 2014. En effet, l'Autorité, qui ne dispose pas d'organe décisionnel distinct de son collège pour statuer en matière de règlement de différend, ne saurait être le juge d'un différend portant sur le tarif rendu exécutoire par l'avis conforme qu'elle a émis, sauf à méconnaitre l'exigence d'impartialité qui s'impose à elle lorsqu'elle statue sur un différend.

78.À cet égard, et comme le montrent les travaux préparatoires de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports, (ci-après « la loi ORTF ») ayant créé l'autorité de régulation et lui ayant confié le pouvoir d'avis conforme sur le tarif des redevances d'accès à l'infrastructure de réseau précité, cette exigence d'impartialité a conduit le législateur à prévoir la possibilité de saisir cette autorité d'un différend portant sur un traitement inéquitable, une discrimination ou tout autre préjudice liés à l'accès au réseau ferroviaire, et en particulier, « aux redevances à acquitter en application de la tarification ferroviaire », par préférence au libellé initial du projet de loi, lequel prévoyait que le pouvoir de règlement des différends aurait trait « au système de tarification ainsi qu'au niveau et à la structure des redevances d'utilisation de l'infrastructure empruntée ».

79.De la même manière, à la suite de la loi du 4 août 2014 ayant confié à l'autorité de régulation un pouvoir d'avis conforme sur le tarif des redevances des gares, l'ordonnance de mise en cohérence prise en application de l'article 38 de ladite loi (ordonnance n° 2015-855 du 15 juillet 2015) a modifié l'article L.2134-2, 6°, du code des transports, alors applicable, dans sa rédaction issue de la loi ORTF. En effet, ce texte disposait que l'Autorité pouvait trancher un différend relatif à un préjudice lié « à la fourniture des prestations minimales, complémentaires ou connexes liées à l'infrastructure ainsi qu'à l'accès aux infrastructures de services, y compris les gares ». Depuis sa modification, il prévoit l'intervention de l'Autorité pour régler un différend relatif à « l'accès aux installations de service, y compris la fourniture et la mise en 'uvre de la tarification des services de base fournis dans ces installations et des prestations complémentaires ou connexes » (article L.2134-2, 6°, recodifié au 2° de l'article L.1263-2 du code des transports).

80.Cette nouvelle rédaction a ainsi réduit le champ d'intervention de l'Autorité en matière de règlement de différend sur la tarification des redevances d'accès aux services de gares, en limitant ce champ, jusqu'alors défini très largement, aux différends relatifs à la mise en 'uvre de cette tarification.

81.Il résulte de ce qui précède que l'attribution à l'autorité de régulation du pouvoir de contrôle ex ante du tarif de ces redevances est exclusive d'un pouvoir de contrôle ex post de ce tarif dans le cadre d'une procédure de règlement de différend.

82.C'est en vain que la Région invoque la pratique décisionnelle de l'Autorité issue des décisions n° 2015-017 du 13 mai 2015, n° 2015-028 du 15 juillet 2015 et n° 2017-008 du 1er février 2017 dès lors que les deux premières ont été adoptées avant la modification, par l'ordonnance précitée, du texte définissant le champ matériel de la procédure de règlement des différends et que la troisième concernait des éléments tarifaires du DRG de 2014 et de 2015 encore non soumis à la procédure d'avis conforme de l'Autorité. Quant à la décision n° 2019-035 du 13 juin 2019 portant sur un différend relatif à la définition de périmètres de gestion, l'Autorité a pris soin, avant de trancher le différend sur le fond, de réserver sa compétence en précisant : « qu'en admettant même que l'Autorité puisse se prononcer, dans le cadre d'un règlement de différend introduit sur le fondement de l'article L.1263-2 du code des transports, sur les modalités de fixation des redevances figurant dans le DRG pour les horaires de service 2018-2019, sur lesquelles elle a déjà rendu un avis conforme (') ».

83.En tout état de cause, la pratique décisionnelle de l'Autorité en matière de règlement de différend ne saurait lier la Cour.

84.Quant à la conformité de l'article L.1263-2 du code des transports à l'article 56 de la Directive, il convient de rappeler que, si le paragraphe 1 de cet article 56 prévoit que l'organisme national de contrôle peut être saisi d'un différend portant notamment sur « le système de tarification » (point d).) et sur « l'accès aux services et leur tarification » (point g).), le paragraphe 2 précise quant à lui que « 'l'organisme de contrôle vérifie le respect du paragraphe 1, points a) à j), de sa propre initiative en vue de prévenir toute discrimination à l'égard des candidats » et le paragraphe 9 indique que « l'organisme de régulation prend, le cas échéant, de sa propre initiative les mesures appropriées pour corriger toute discrimination à l'égard des candidats, toute distorsion du marché et toute autre évolution indésirable sur ces marchés, notamment eu égard au paragraphe 1, points a) à j). » (soulignements ajoutés par la Cour).

85.Ainsi, l'article 56, paragraphes 2 et 9, octroie à l'organisme de contrôle la possibilité de vérifier d'office la conformité du système de tarification des redevances d'accès aux installations de services aux règles et principes fixés par la Directive.

86.La CJUE a d'ailleurs jugé que les dispositions de l'article 56, paragraphe 9 conféraient à l'organisme de contrôle ce même pouvoir de contrôle d'office de la tarification des redevances d'accès à l'infrastructure, en dehors de toute plainte d'un candidat (CJUE, 9 septembre 2021, Aff. LatRailNet. C-144/20, points 35 à 37 et, dans le même sens, 3 mai 2022, CityRail, C- 453/20, points 55 à 57).

87.Il s'en déduit, sans qu'il y ait lieu de saisir la CJUE d'une question préjudicielle, que l'article L.1263-2 du code des transports, en ce qu'il limite le pouvoir de l'Autorité de statuer en matière de règlement de différend sur la seule mise en 'uvre de la tarification des redevances d'accès aux gares et installations de service, ne méconnaît pas la Directive dès lors que le droit interne confère par ailleurs à l'Autorité, en application de l'article L.2133-5, II du code des transports, le pouvoir de contrôler ex ante cette tarification, en dehors de toute demande de règlement de différend, suivant une procédure associant, à des fins consultatives, les autorités organisatrices de transports, et donnant lieu à une décision susceptible d'un recours.

88.Il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est par une juste application de l'article L.1263-2, 2° du code des transports que l'Autorité a retenu que les demandes de la Région, qui tendaient à modifier les principes de tarification des redevances d'accès aux gares prévu dans le DRG de 2020, ce qui n'est pas contesté, et d'appliquer ces modifications au tarif prévu par les DRG de 2014 à 2019, qui étaient fondés sur les mêmes principes, ne relevaient pas de la procédure de règlement de différend.

89.S'agissant en particulier des DRG 2014 et 2015, qui n'ont fait l'objet que d'un avis simple, c'est également à juste titre que l'Autorité, tenue par les termes de la disposition précitée applicable à la date à laquelle elle a été saisie du différend, a rejeté les demandes portant sur ces DRG, dès lors que ces demandes étaient présentées par voie de conséquence de l'application des règles et principes que la région invoquait et qui se heurtaient à l'avis conforme déjà émis.

90.La Région succombant à son recours, il y a lieu de la condamner aux dépens et à payer à SNCF Gares & Connexions la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement,

DÉCLARE la Région Nouvelle-Aquitaine recevable en son recours contre la décision n° 2021-016 de l'Autorité de Régulation des Transports du 11 février 2021 relative au différend l'opposant à la société SNCF Gares & Connexions ;

Sur le fond,

REJETTE le recours de la Région Nouvelle-Aquitaine contre ladite décision ;

CONDAMNE la Région Nouvelle-Aquitaine à payer à la société SNCF Gares & Connexions la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Région Nouvelle-Aquitaine aux dépens.

LA GREFFIÈRE

Véronique COUVET

LA PRÉSIDENTE

[B] [N]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/03605
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;21.03605 ?
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