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26/10/2022 | FRANCE | N°20/05426

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 26 octobre 2022, 20/05426


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 26 OCTOBRE 2022



(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05426 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIEK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/09246



APPELANTE



Madame [Z] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée

par Me Yoann ALLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D0152



INTIMEE



S.A.S. SAPIAN SAPIAN venant aux droits de la société ISS HYGIENE ET PREVENTION agissant poursuites et ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 26 OCTOBRE 2022

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05426 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIEK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/09246

APPELANTE

Madame [Z] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Yoann ALLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D0152

INTIMEE

S.A.S. SAPIAN SAPIAN venant aux droits de la société ISS HYGIENE ET PREVENTION agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Franck BLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Août 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Mme [Z] [R] a été engagée par la société ISS Hygiène et Prévention par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2014 en qualité de directrice des ressources humaines, groupe 3 niveau 11.

Elle faisait partie du comité de direction de la société ISS Hygiène et Prévention.

Par avenant du 27 février 2018, elle s'est vu reconnaître le statut cadre dirigeant.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la désinfection, désinsectisation et dératisation.

Mme [R] a été placée en arrêt maladie du 12 novembre 2018 au 7 décembre 2018.

Par lettre datée du 26 décembre 2018, Mme [R] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 7 janvier 2019 en vue d'un éventuel licenciement.

Celui-ci lui a été notifié pour faute grave par lettre datée du 11 janvier 2019 notifiée le 15 janvier 2019, pour différents agissements intervenus depuis octobre 2018, à savoir insubordination, abus de la liberté d'expression et tenue de propos diffamatoires.

Mme [R] avait saisi antérieurement, le 6 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Paris aux fins d'obtenir la résiliation du contrat de travail et le paiement de diverses indemnités.

Dans le dernier état de ses demandes devant le conseil des prud'hommes elle maintenait sa demande de résiliation et sollicitait la condamnation de la défenderesse à lui verser les sommes suivantes :

- 171 618 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

- 17 120,13 euros d'indemnité légale de licenciement ;

- 26 577,76 euros d'indemnité de préavis ;

- 2 657,76 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 171 618 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral ou exécution fautive du contrat de travail ;

- 50 000 euros au titre du bonus annuel ;

- 20 000 euros de reliquat de prime exceptionnelle supplémentaire dite de 'trade' ;

- 37 500 euros de prime d'objectifs supplémentaire ;

- 90 000 euros d'indemnité contractuelle de licenciement ;

- 33 150 euros de bonus annuel ;

- 3 315 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 8 586,99 de rappel de salaire pour heures supplémentaires accomplies de novembre 2017 à février 2018 ;

- 858,69 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 7 480,65 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires accomplies entre mars et septembre 2018 ;

- 748,06 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 85 808,80 euros d'indemnité de travail dissimulé ;

- 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts.

La société a soulevé l'irrecevabilité des demandes additionnelles formulées en première instance, mais non comprises dans la requête initiale, à savoir les demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires accomplies de novembre 2017 à février 2018, d'indemnité de congés payés y afférents et d'indemnité de travail dissimulé. En tout état de cause, elle sollicitait le rejet de l'ensemble des prétentions adverses.

Par jugement du 2 mars 2020, la demande de résiliation a été rejetée, le licenciement pour faute grave a été requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'employeur a été condamné à payer à la salariée les sommes suivantes :

- 17 120,13 euros d'indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision ;

- 26 577,60 euros d'indemnité de préavis ;

- 2 657,76 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- ces deux sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de sa convocation devant le bureau de conciliation ;

- 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ISS Hygiène et Prévention a été condamnée à rembourser à Pôle Emploi la somme de 300 euros au titre des indemnités de chômage perçues par Mme [Z] [R] à la suite du licenciement et à verser à celle-ci la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration du 4 août 2020, Mme [R] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 avril 2021, Mme [R] demande l'infirmation, la résiliation du contrat de travail aux torts de la S.A.S Sapian avec effets d'un licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse et le rejet des demandes adverses. Elle prie la cour de juger qu'elle ne bénéficie pas du statut de cadre dirigeant, que la convention de forfait jours est illicite et de condamner l'employeur à lui verser les sommes suivantes :

- 17 120,13 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 26 577,60 euros bruts d'indemnité de préavis ;

- 2 657,76 euros bruts de congés payés afférents ;

- 171 618 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire, 71,507,35 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 171 618 euros en réparation du harcèlement moral et, à titre subsidiaire, en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution fautive du contrat de travail ;

- 50 000 euros brut de bonus additionnel pour réalisation de la cession ;

- 20 000 euros brut de reliquat de prime exceptionnelle supplémentaire ;

- 37 500 euros brut au titre de la prime d'objectifs supplémentaire ;

- 90 000 euros d'indemnité de licenciement ;

- 33 150 euros brut de bonus annuel 2018 et 3 315 euros brut d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 8 586,99 euros brut au titre des heures supplémentaires accomplies de novembre 2017 à février 2018 et 858,69 euros bruts d'indemnité de congés payés afférents ;

- 7 480,65 euros bruts au titre des heures supplémentaires accomplies entre mars et septembre 2018 et 748,06 euros bruts de congés payés afférents ;

- 85 808,80 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 février 2021, la société Sapian demande la confirmation du rejet de la demande de résiliation, l'infirmation pour les condamnations de la défenderesse. Elle maintient ses prétentions devant le conseil des prud'hommes sauf à élever à la somme de 3 000 euros l'indemnité sollicitée au titre des frais irrépétibles.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 juin 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 30 août 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

1 : Sur le bonus annuel 2018

La salariée sollicite l'allocation de la somme de 33 150 euros brut au titre du bonus annuel, en l'absence de justification par la société des données permettant de l'évaluer.

L'employeur répond que Mme [Z] [R] omet de prendre en compte la somme de 16 554,10 euros qu'elle a déjà reçue en exécution d'une ordonnance du bureau de conciliation à la suite de la reconnaissance par la salariée qu'il ne lui était dû que ce montant. La S.A.S Sapian observe que l'intéressée ne démontre pas avoir atteint ses objectifs.

Sur ce

La somme allouée à titre provisoire par le bureau de conciliation n'a pas lieu être prise en compte s'agissant d'une décision dénuée d'autorité de la chose jugée et dont le sort dépend du présent arrêt.

L'avenant du 27 février 2018 au contrat de travail dispose que Mme [Z] [R] bénéficie d'une prime annuelle qui a pour assiette de calcul la rémunération annuelle brute et qui est plafonnée à 30 % de la rémunération annuelle brute attribuée sur la base de la réalisation des objectifs qui sont fixés pour cet exercice.

Il appartient à l'employeur de fournir les éléments d'évaluation du bonus du salarié, ce qu'il n'a pas fait malgré sommation du 7 mars 2019 et courriel par avocat du 15 mars suivant.

Il n'est pas établi que la salariée ait reconnu que seule la somme versée en application de l'ordonnance du bureau de conciliation lui est due.

Faute par la société de donner les éléments d'évaluation de la prime annuelle de l'année 2018, il sera accordé à la salarie le maximum prévu, soit 30% de son salaire brut annuel, c'est-à-dire la somme de 33 150 euros brut et celle de 3 315 euros brut d'indemnité de congés payés y afférents.

2 : Sur les primes

Mme [Z] [R] sollicite le paiement des primes suivantes :

- un bonus additionnel de 50 000 euros brut pour réalisation de la cession annoncée de la société ISS Hygiène et Prévention ;

- une prime exceptionnelle supplémentaire dont 50 % payable à la date de la signature de la vente à un industriel, montant qui a été payé en octobre 2018, et 50% au moment de la date de cession effective ;

- une prime de 37 500 euros brut liée à l'atteinte d'objectifs économiques à savoir 90 % du budget COCB qui ont été atteints ;

- 90 000 euros d'indemnité contractuelle de licenciement applicable en cas de cession à une société industrielle dans les douze mois suivant la date effective de cession.

Elle souligne que la vente à Ortec devait intervenir le 31 octobre 2018 et qu'elle a échoué en raison du dol commis par certains dirigeants de la S.A.S ISS Hygiène et Prévention qui avaient dissimulé à l'acquéreur l'existence d'un contentieux avec Cegelec connu depuis le 13 juillet 2018.

La S.A.S Sapian répond que ces indemnités ne sont pas dues pour les raisons suivantes.

Selon elle, les primes ne sont dues que si la cession envisagée se faisait, étant précisé qu'il était stipulé que l'employeur est seul décisionnaire et peu mettre un terme au projet de cession.

L'une des primes prévues en cas de rupture du contrat de travail n'était due qu'en cas de rupture dans l'année de la cession, alors que rien ne permet de penser que tel aurait été le cas en l'espèce si le projet avait abouti, d'autant plus qu'il lui avait été offert un poste de reclassement qu'elle a décliné. Il s'agirait au mieux d'une perte de chance.

L'échec de la cession à Ortec n'est pas dû à une manoeuvre du vendeur consistant dans la dissimilation d'un contentieux à l'acquéreur, car le litige avec Ortec portait sur une somme dérisoire de 25 000 euros qui était de plus couvert par une assurance elle n'a pas oeuvré dans l'intérêt de la société et du groupe.

Sur ce

Aux termes de l'article 1304-2 du Code civil est nulle l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. Cette nullité ne peut être invoquée lorsque l'obligation a été exécutée en connaissance de cause.

L'article a) de l'avenant du 7 mars 2018 stipule une prime additionnelle en cas de réalisation effective de la cession d'un montant de 50 000 euros à verser un mois après la date de réalisation effective de la cession, avec la clause suivante : 'en l'absence de réalisation effective et d'abandon de la cession avant le courant 2018, la prime n'est pas due', sauf prorogation avant cette date, 'ISS est seule décisionnaire de la réalisation effective de l'opération et de ses conditions et peut mettre un terme au projet de cession à tout moment'.

La condition de l'obligation au paiement de la prime additionnelle ne s'est pas réalisée, puisque la cession entre société ISS Hygiène et Prévention et Ortec n'a pas eu lieu.

La société ISS était seule décisionnaire de la réalisation de l'opération, de sorte que la réalisation de la condition dépendait de la seule volonté du débiteur. Il était toutefois tenu d'agir loyalement et sans fraude.

Par arrêt du 14 février 2019, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris du 21 décembre 2018, ordonnant à la société Ortec Expension de payer la somme de 117 244 000 euros contre mise à disposition par la société ISS Holding France de l'ordre de mouvements de titres et de fiches individuelles d'actionnaires et des documents stipulés aux paragraphes III et IV de l'article 204 du contrat les liant.

La juridiction du second degré a jugé que ne caractérisait pas nécessairement un dol l'absence de transmission par la société ISS Hygiène et Prévention à Ortec, lors des négociations préalables à la vente, de l'appel en garantie dont la première faisait l'objet en sa qualité de sous traitante de la part de l'entreprise principale la société CEGELEC Missenard. L'arrêt en question relève qu'une attestation de la compagnie d'assurance de la société ISS Hygiène et Prévention certifie que 'sous réserve des conditions générales du contrat', l'assurée était couverte par une assurance sous réserve d'une franchise de 25 000 euros seulement.

L'assignation en garantie a été reçue le 13 juillet 2018, quelques jours avant l'engagement définitif de la société ISS Hygiène et Prévention à l'égard de la société Ortec du 27 juillet, et n'a été transmise à celle-ci que le 26 octobre 2018.

Il n'est pas établi que ce retard dans la transmission d'une pièce susceptible d'avoir peu de poids sur la cession de la société ait été de nature à empêcher la réalisation de la vente, même si la société Ortec s'en est emparée pour faire obstacle à l'opération prévue.

Par suite, il n'est pas établi un manquement de la part de la société susceptible de nuire au déroulement loyal de la cession de société.

Mme [Z] [R] doit donc être déboutée de sa demande de bonus additionnel, dès lors que celui-ci était conditionné par la réalisation de la cession.

Les demandes en paiement de trois autres primes subordonnées à la réalisation de la vente doivent être rejetées pour les mêmes motifs, étant donné les termes du contrat qui les prévoit.

Ainsi Mme [Z] [R] sollicite aussi la prime exceptionnelle supplémentaire ainsi définie par l'avenant du 6 juin 2018 :

'Dans l'hypothèse d'une réalisation effective de la cession de votre entité à une société industrielle, une prime exceptionnelle supplémentaire d'un montant de 40 000 euros vous sera attribuée dans les termes et sous les conditions suivantes :

50 % à la date de signature de la vente à un industriel,

50% au moment de la date de cession effective,

(...) ISS est seul décisionnaire de la réalisation de l'opération et de ses conditions et peut mettre un terme au projet de cession à tout moment'.

Elle demande encore une prime d'objectif supplémentaire liée à l'atteinte des objectifs économiques sous la réserve suivante : 'Cette prime sera versée 1 mois après la date de réalisation effective de la cession (...) ISS est seule décisionnaire de la réalisation de l'opération et de ses conditions et peut mettre un terme au projet de cession à tout moment'.

Elle revendique enfin une prime de 90 000 euros due dans le cas où le contrat de travail avec l'employeur viendrait à être rompu dans les douze mois suivants la date effective de cession, sous la précision suivante : 'ISS est seule décisionnaire de la réalisation de l'opération et de ses conditions et peut mettre un terme au projet de cession à tout moment'.

Le raisonnement suivi du chef de la prime additionnelle peut être repris au sujet des trois dernières primes citées et conduit à rejeter leur demande en paiement.

3 : Sur le harcèlement moral

Mme [Z] [R] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 171 318 euros de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral dont elle dit avoir été victime. Elle soutient que celui-ci est caractérisé par différents agissements de l'employeur :

- Alors que des rumeurs de cession de la société circulaient, le président a nié cette éventualité, pour finalement n'avertir les représentants du personnel du projet de vente à Ortec que par un courriel du 30 juillet 2018 envoyé au nom de la salariée et à son insu, au risque de l'exposer à des poursuites pour délit d'entrave, au point qu'une action en Justice sur ce fondement, finalement abandonnée, a bien été engagée par le comité d'entreprise.

- Lors d'une réunion de présentation des managers de la société ISS Hygiène et Prévention et d'Ortec le 10 octobre 2018, elle a appris à travers des propos violents du président de cette société qu'elle ne serait pas maintenue à son poste par l'acquéreur, sans qu'à la suite de cet incident, l'employeur ne la soutienne et ne la rassure sur son avenir.

- Elle a été 'placardisée' après l'incident du 10 octobre 2018, puisqu'il lui a été demandé de passer brutalement ses dossiers de RH sous deux jours à Ortec, les pouvoirs en matière de représentation auprès des représentants du personnel ont été transférés au DRH du groupe, il ne lui a été proposé comme issue qu'un poste temporaire et elle n'était plus invitée aux réunions du comité d'entreprise ;

- A la suite de son arrêt maladie qui s'est écoulé du 10 décembre 2018 au 21 décembre 2018, elle n'a pas eu de travail, elle était exclue des décisions relevant de ses attributions, comme les échanges par courriels avec le comité d'entreprise, les augmentations de primes aux collaborateurs, tandis que le directeur financier prenait des décisions relevant normalement de la DRH ;

- son état de santé s'est fortement dégradé.

La S.A.S Sapian s'oppose à cette demande et observe que :

- elle a informé les institutions représentatives du personnel du projet de cession dés que les discussions ont été suffisamment avancées pour identifier un acheteur et un projet assez précis, de sorte que Mme [Z] [R] ne courrait pas de risque au regard du délit d'entrave, d'autant plus qu'elle ne présidait pas le comité d'entreprise ;

- à la suite de l'opposition au projet de cession à Ortec manifestée par M. [O] avec le soutien de Mme [Z] [R] lors de la réunion du 10 octobre 2018 par le directeur général, le président de la S.A.S Sapian s'est montré attentif à la situation de la salariée qui pourtant était responsable, par son attitude à l'égard de l'acquéreur de la volonté de celui-ci de ne pas travailler avec elle ;

- devant le refus d'Ortec de la conserver après la cession et les pressions exercées par Mme [Z] [R] pour quitter l'entreprise, il lui a été proposé une promotion au poste de DRH adjoint du groupe France lui conférant des responsabilités plus importantes ;

- la santé de la salariée n'a pas souffert de la situation, puisqu'elle a été déclarée apte lors de la visite de reprise du 12 décembre 2018.

Sur ce

Aux termes de l'article L 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc d'examiner la matérialité des faits invoqués, de déterminer si pris isolément ou dans leur ensemble ils font présumer un harcèlement moral et si l'employeur justifie les agissements invoqués par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S'agissant du risque de poursuites pour entrave, aux termes de l'article L. 2323-1 du code du travail, le comité d'entreprise a pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production.

Il formule, à son initiative, et examine, à la demande de l'employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l'entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale.

Aux termes de l'article L2323-19 du code du travail, le comité d'entreprise est informé et consulté sur les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment en cas de fusion, de cession, de modification importante des structures de production de l'entreprise ainsi que lors de l'acquisition ou de la cession de filiales au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce.

L'employeur indique les motifs des modifications projetées et consulte le comité d'entreprise sur les mesures envisagées à l'égard des salariés lorsque ces modifications comportent des conséquences pour ceux-ci.

Aux termes de l'article L2323-2, les décisions de l'employeur sont précédées de la consultation du comité d'entreprise, sauf, en application de l'article L. 2323-25, avant le lancement d'une offre publique d'acquisition.

Si des articles parus dans la presse à savoir en juin 2018 dans 'Les échos Capitale Finance' et le 4 juillet 2018 dans le magasine 'Bâtiment Entretien' faisaient état d'un projet de cession de la société ISS Hygiène et Prévention, il n'apparaît pas qu'à ces dates le projet fût avancé au point de caractériser une décision de la société susceptible d'être soumise au comité d'entreprise. Au demeurant, quant la décision de cession à Ortec a été prise, la consultation a bien eu lieu.

Il n'est dés lors pas établi que l'employeur ait fait courir à la salariée un risque de condamnation pour délit d'entrave.

S'agissant de l'absence de soutien à la suite de la réunion tenue à [Localité 3] avec Ortec, au cours de laquelle cette dernière a manifesté par la voix de son directeur son hostilité à la DRH en même temps qu'au directeur de la société ISS Hygiène et Prévention, les échanges de correspondances entre le président de cette dernière société et la salariée révèlent que le premier est resté dans un prudent silence, sans pour autant critiquer l'attitude de la seconde vis-à-vis des représentants d'Ortec.

S'agissant de la 'placardisation' avant et après l'arrêt maladie, les échanges de courriels produits, la proposition de reclassement faite à l'intéressée, les procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise et l'attestation de M. [D] font apparaître :

- qu'il a été demandé à Mme [Z] [R] le dimanche 28 octobre 2018 de passer ses dossiers dès le lundi 29 suivant au DRH d'Ortec ;

- le 30 octobre 2018, la directrice des ressources humaines du groupe ISS en France a reçu tout pouvoir pour accomplir l'ensemble des démarches nécessaires pour représenter le président de la société ISS Hygiène et Prévention auprès du comité d'entreprise, à la place de Mme [Z] [R] ;

- elle n'était plus associée aux échanges concernant son secteur de responsabilité comme les rémunérations, négociations et processus d'embauche ;

- elle n'était plus conviée aux réunions du comité d'entreprise ;

- elle n'était plus informée de l'évolution de la cession ;

L'état de santé de l'intéressée en a pâti ainsi qu'en témoigne : l'avis d'aptitude du médecin du travail dans son avis d'aptitude du 18 décembre 2018, qui prévoit la nécessité pour l'intéressée d'être assistée de son médecin traitant ; l'attestation de M. [D] alors responsable RH rappelant qu'elle présentait des signes visibles de souffrances et notamment d'amaigrissement ; et des messages collègues manifestant leur compréhension face aux difficultés qu'elle traversait.

Ainsi sont établies la mise à l'écart et l'absence de soutien pendant les deux mois qui ont précédé la saisine du conseil des prud'hommes, ce qui fait présumer le harcèlement moral.

Pour toute justification, l'employeur évoque le comportement fautif de la salariée lors de la réunion du 10 octobre 2018. Aucune preuve d'une faute de sa part n'est établie, ce qui en tout état de cause ne justifierait pas les faits de harcèlement.

Le préjudice subi sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts.

4 : Sur les heures supplémentaires et l'indemnité de travail dissimulé

Mme [Z] [R] sollicite le paiement de la somme de 8 586,99 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires accomplies de novembre 2017 à février 2018 où elle a été nommée cadre dirigeant, outre 858,69 euros d'indemnité de congés payés y afférents. Elle invoque la nullité du forfait jours auquel elle était soumise, en ce que l'accord collectif relatif à la réduction du temps de travail du 28 avril 2000 ne prévoyait aucune mesure de nature à garantir le respect des durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. A tout le moins, elle estime inopposable cette convention faute par l'employeur d'avoir lui-même pris les mesures adéquates. Elle soutient avoir travaillé à des cadences 'infernales' pour terminer les négociations en 2017, avec des journées excédant régulièrement 13 heures par jour, fins de semaine et jours fériés.

Elle allègue, s'agissant de la période postérieure, que sa désignation par avenant du 27 février 2018 comme cadre dirigeant est sans portée, car elle n'en remplissait pas les critères. En conséquence elle sollicite un rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période comprise entre mars 2018 et septembre 2018, à hauteur de la somme de 7 480,65 euros et de la somme de 746,06 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

La S.A.S Sapian soulève l'irrecevabilité au sens de l'article 70 du code de procédure civile des demandes de rappels de salaire pour heures supplémentaires, comme formées après la requête initiale ayant saisi le conseil des prud'hommes, sans être suffisamment liées aux demandes initiales. Au fond l'employeur objecte que si l'accord collectif ne prévoyait pas expressément les garanties nécessaires pour assurer le respect des durées maximales de travail et l'équilibre entre la vie professionnelle et personnelle, ces garanties étaient concrètement assurées au sein de la société. Quant au statut contesté de cadre dirigeant, la société prétend que le salaire de Mme [Z] [R] était l'un des plus élevés de l'entreprise, qu'elle était autonome notamment en tant qu'interlocutrice privilégiée des institutions représentatives du personnel et membre du comité de direction. Elle estime que les documents versés aux débats pour justifier des prétendues heures supplémentaires sont inopérants, en particulier les courriels qui ne permettent pas de déterminer l'amplitude de travail, puisque la salariée a pu ne pas produire de travail entre eux, tandis que le tableau des heures supplémentaires revendiqué a été établi par l'intéressée elle-même.

4.1 : Sur la recevabilité des demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et travail dissimulé

Aux termes de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Les demandes initiales portaient sur le harcèlement moral, la rupture du contrat de travail, les indemnités subséquentes et les demandes de primes et bonus. Les demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et travail dissimulé n'ont été formées que par des conclusions ultérieures devant le conseil des prud'hommes.

Toutefois, les demandes de rappels de salaires pour heures supplémentaires sont des éléments de salaire au même titre que les primes et bonus réclamé dans la requête, de sorte que leur demande est bien recevable. Quant à la demande d'indemnité de travail dissimulé, elle n'est qu'un complément de rappel de salaire pour les heures supplémentaires, puisqu'il en est la conséquence. En effet, c'est l'absence de déclaration des heures supplémentaires et le défaut de leur mention sur les bulletins de paie qui fondent le travail dissimulé.

4.2 : Sur la nullité ou l'inopposabilité de la convention de forfait jours

Le forfait annuel en jours consiste à décompter le temps de travail en jours ou en demi-journées et non plus en heures. Il fixe le nombre de jours que le salarié doit s'engager à effectuer chaque année. Sa mise en place est subordonnée d'une part à la conclusion d'un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, d'une convention ou un accord de branche qui détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions ainsi qu'à une convention individuelle de forfait passée avec le salarié par écrit.

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté les stipulations de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours et d'établir que le salarié a été soumis à un moment quelconque à un contrôle de sa charge de travail et de l'amplitude de son temps de travail, la convention de forfait en jours étant sans effet à défaut, en sorte que le salarié est en droit de solliciter le règlement de ses heures supplémentaires.

L'article 6 du contrat de travail daté du 1er juillet 2014 stipule un forfait jours de 211 jours par année civile 'conformément au protocole d'accord portant sur la réduction du temps de travail du 28 avril 2020", qui est donc postérieur, ce qui laisse penser que la date d'établissement de l'acte est erronée.

Aux termes de l'article L. 3121-63 du code du travail, les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche, l'article L. 3121-64 du même code édictant que :

I.-L'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine :

1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;

2° La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;

3° Le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours ;

4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;

5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait.'

II.-L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :

'1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;

2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;

3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-8.

L'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l'article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés.

Il est constant que l'accord collectif respecte les exigences communes aux forfait heures et jours requises par l'article L. 3121-64 du code du travail. En revanche, il ne prévoit aucune stipulation concernant les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de l'amplitude et de la charge de travail du salarié ou selon lesquelles tous deux communiquent périodiquement sur celles-ci, sur l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle du salarié, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise, ce dont il se déduit que la convention de forfait en jours est nulle et privée d'effet.

Aux termes de l'article L. 3121-65 du Code du travail applicable à la date de la clause contractuelle relative au forfait jours :

I.-A défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :

1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;

2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

Si l'employeur soutient que toutes ces conditions, faute d'être stipulées, étaient néanmoins respectées au sein de l'entreprise, il ne le démontre pas.

Par suite la convention collective est nulle et la salariée peut prétendre à un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées par définition au-delà de 35 heures chaque semaine.

4.3 : Sur la qualité de cadre dirigeant

L'avenant du 27 février 2018 liant les parties énonce : 'Compte tenu de la nature de vos fonctions et responsabilités confiées, vous bénéficierez du statut de cadre dirigeant, conformément à l'accord relatif à l'organisation du temps de travail du 9 novembre 2017".

Aux termes de l'article 3111-2 du Code du travail sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise.

La qualité de cadre dirigeant ne résulte pas de la qualification donnée par contrat mais des responsabilités effectivement remplies par le salarié.

Pour toute preuve que la salariée a une rémunération se situant dans les plus hauts niveaux de l'entreprise, la cour ne dispose que du bulletin de paie du directeur général du groupe dont la rémunération mensuelle moyenne brute était de 22 924,84 euros et celle de la salariée de 14 243,94 euros.

Quant à l'autonomie, les échanges de courriels internes à l'entreprise et notamment entre Mme [Z] [R] et le président de la société révèlent que la première doit obtenir des instructions précises notamment s'agissant de la manière de négocier l'annonce du projet de cession à Ortec auprès des institutions représentatives ou d'établir des contrats d'embauche, son rôle de dirigeant étant si peu pris en compte, qu'un message annonçant le projet de cession a été établi à son nom comme à celui d'autres personnes, mais sans qu'elle en soit au préalable informée.

L'indépendance dans l'organisation de son emploi du temps par la salariée, ne traduit pas, au vu du développement qui précède, sa participation à la direction de l'entreprise.

Il s'ensuit que le statut de cadre dirigeant n'est pas retenu.

4.4 : Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il est en outre constant qu'un tableau établi par le salarié durant la procédure prud'homale ou après celle-ci peut constituer un élément suffisamment précis de nature à permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Mme [Z] [R] produit un tableau précis des heures effectuées avec heures de début de journées, de fin de journées, le tout illustré par des courriels échangés avec l'employeur.

Celui-ci n'oppose aucun élément de preuve en sens contraire.

En conséquence, les demandes de rappel de salaire seront intégralement accueillies.

4.5 : Sur l'indemnité de travail dissimulé

L'article L8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'intention de l'employeur de se soustraire à ses obligations en n'inscrivant pas les heures supplémentaires sur les bulletins de paie n'est pas établie, puisqu'il pouvait ne pas être conscient de la nullité de la convention collective ou encore de l'absence de qualité de cadre dirigeant de la salariée.

Dès lors la demande en cause sera rejetée.

5 : Sur la demande de résiliation

Mme [Z] [R] sollicite le prononcé de la résiliation du contrat produisant les effets d'un licenciement nul et l'allocation de la somme de 171 618 euros de dommages-intérêts en réparation. Elle fait valoir qu'elle n'a perçu qu'une somme comprise entre 4 701 euros et 4857,70 euros à titre d'indemnité mensuelle nette de Pôle Emploi, qu'elle doit assumer chaque mois à elle seule 4 593 euros de charges incompressibles et n'a pas retrouvé d'emploi. En effet, elle allègue s'être immatriculée au registre du commerce en son nom propre sous le nom Tech Way en percevant l'aide à la reprise ou création d'entreprise

Sur le fondement de l'article 1184 du code civil, l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique justifie la résiliation lorsqu'elle présente une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. La résiliation du contrat de travail à la demande du salarié est encourue lorsque l'employeur a commis des manquements ou des actes suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Par ailleurs, la résiliation judiciaire produit effet au jour où le juge la prononce, à la double condition que le contrat de travail n'ait pas été rompu entre-temps et que le salarié soit toujours au service de son employeur. Si le contrat de travail a été rompu avant le prononcé de la résiliation judiciaire et après la demande de résiliation, c'est à la date de cette rupture qu'est fixée la prise d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail. Si les parties ont cessé leur collaboration au moment où la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée, il y a lieu de faire remonter les effets de la résiliation judiciaire à la date où la collaboration a cessé, peu important que cette cessation totale et définitive de collaboration n'ait pas été formalisée.

Le harcèlement moral tel que décrit précédemment est d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation, puisque Mme [Z] [R] se trouvait marginalisée au sein de l'entreprise et n'entrevoyait pas d'issue sûre, l'offre d'emploi qui lui avait été faite ne présentant pas de garantie de stabilité.

En conséquence la cour prononce la résiliation du contrat de travail qui produira effet au jour de la notification du licenciement soit le 11 janvier 2019.

Selon l'article L. 1235-3-1 du Code du travail, il doit être mis à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [Z] [R], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 86 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les indemnités de licenciement, de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents retenues par le premier juge sur le montant desquelles les parties sont d'accord.

En application de l'article L 1235-4 du Code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois à compter du jour de son licenciement, dès lors qu'il ne s'agit pas du licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés.

6 : Sur les intérêts, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires à compter du présent arrêt, étant précisé que l'indemnité de licenciement a une nature salariale.

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner l'employeur qui succombe sur l'essentiel à verser à Mme [Z] [R] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel.

La société sera déboutée de ses prétentions de ces chefs pour les mêmes motifs et condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Déclare recevables les demandes additionnelles en paiement de rappel de salaire pour heures supplémentaires et d'indemnité de travail dissimulé ;

Infirme le jugement déféré uniquement sur les demandes de résiliation, de dommages-intérêts pour licenciement nul, de dommages-intérêts pour harcèlement moral, de bonus sur 2018 et d'indemnité de congés payés y afférents, de rappel de salaire pour heures supplémentaires et d'indemnité de congés payés y afférents et sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle Emploi ;

Statuant à nouveau ;

Prononce la résiliation du contrat de travail avec effet au 15 janvier 2019 ;

Condamne la S.A.S Sapian à payer à Mme [Z] [R] les sommes suivantes :

- 86 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

- 5 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

- 33 150 euros de rappel de bonus 2018 ;

- 3 315 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 8 586,99 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires effectuées avant février 2017 ;

- 858,69 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 7 480,65 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires effectuées à compter de mars 2017 ;

- 748,06 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

Dit que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales, y compris l'indemnité de licenciement, à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires à compter de la décision qui les a fixées ;

Ordonne le remboursement par l'employeur à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois à compter du jour de son licenciement, dès lors qu'il ne s'agit pas du licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant ;

Rejette la demande de la S.A.S Sapian au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la S.A.S Sapian à payer à Mme [Z] [R] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la S.A.S Sapian aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/05426
Date de la décision : 26/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-26;20.05426 ?
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