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26/10/2022 | FRANCE | N°18/23139

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 26 octobre 2022, 18/23139


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 26 OCTOBRE 2022



(n° /2022, 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/23139

N° Portalis 35L7-V-B7C-B6T33



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL RG n° 17/00973





APPELANTS



Monsieur [A] [J]

[Adresse 4]

[Localité 6]



Représenté et assisté par

Me Valérie PICHON, avocat au barreau de PARIS, toque : R284



SARL AS ART CONSTRUCTION

[Adresse 4]

[Localité 6]



Représentée et assistée par Me Valérie PICHON, avocat au barreau de PARIS, toque : ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 26 OCTOBRE 2022

(n° /2022, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/23139

N° Portalis 35L7-V-B7C-B6T33

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL RG n° 17/00973

APPELANTS

Monsieur [A] [J]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté et assisté par Me Valérie PICHON, avocat au barreau de PARIS, toque : R284

SARL AS ART CONSTRUCTION

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée et assistée par Me Valérie PICHON, avocat au barreau de PARIS, toque : R284

INTIMES

Madame [Y] [M] épouse [L]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée et assistée par Me Maria MARANHAO GUITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1152

Monsieur [R] [L]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représenté et assisté par Me Maria MARANHAO GUITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1152

Monsieur [X] [L]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représenté et assisté par Me Maria MARANHAO GUITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1152

Monsieur [V] [L]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représenté et assisté par Me Maria MARANHAO GUITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1152

Monsieur [O] [L]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représenté et assisté par Me Maria MARANHAO GUITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1152

SA MMA IARD

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

ayant pour avocat plaidant Me Philippe BALON, avocat au barreau de PARIS

Société civile MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

ayant pour avocat plaidant Me Philippe BALON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre

Mme Valérie MORLET, conseillère

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente placée faisant fonction de Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Valérie MORLET dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Suzanne HAKOUN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE

Monsieur [R] [L] et Madame [Y] [M], épouse [L], ont par acte du 3 novembre 2000 acquis un terrain à [Localité 10] (Val de Marne), 104 bis quai Lucie (donnant, de l'autre côté, sur l'allée Watteau), et y ont entrepris la construction d'une maison. L'acte de vente précise que le terrain est desservi par un réseau d'adduction d'eau.

Les époux [L] sont entrés en contact avec Monsieur [A] [J], architecte et/ou architecteur, assuré auprès de la SAM MUTUELLE des ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) et/ou la SAM MUTUELLES du MANS ASSURANCES IARD, et avec la SARL AS ART CONSTRUCTION (représentée par son gérant, Monsieur [J]), assurée auprès de la SAM MUTUELLES du MANS ASSURANCES IARD et la SA MMA IARD.

Plusieurs contrats de construction sont versés aux débats.

Les époux [L] ont le 1er décembre 2000 signé un contrat de construction de maison individuelle avec fournitures de plans avec la AS ART CONSTRUCTION, pour un prix convenu de 1.390.127 francs HT (1.662.592 francs TTC - 253.460,51 euros TTC), des travaux nécessaires à l'habitabilité non compris dans le prix convenu de 206.103,67 francs HT (246.500 francs HT), soit un prix total de construction de 1.596.230,76 francs HT (1.909.092 francs TTC - 291.039,19 euros TTC). Le délai de construction a été initialement fixé à 16 mois (hors mois d'août).

Une demande de permis de construire a été déposée en mairie par Monsieur [J], architecte, et l'autorisation a été accordée par arrêté du 13 février 2001.

Est également versé aux débats un contrat de construction de maison individuelle signé entre les époux [L] et la société AS ART CONSTRUCTION le 25 avril 2001, pour un prix convenu de 1.390.127 francs HT (1.662.592 francs TTC - 253.460 euros TTC), des travaux nécessaires à l'habitabilité non compris dans le prix convenu de 75.213 francs HT (90.000 francs HT), soit un prix total de construction de 1.465.377,90 francs HT (1.752.592 francs TTC - 267.180 euros TTC). Le délai de construction y est là encore fixé à 16 mois (hors mois d'août). Une mention manuscrite apposée en tête du document peut laisser entendre qu'il s'agit d'un avenant, mais ce point est contredit par le document évoqué ensuite, qui semble constituer le premier avenant.

En effet, par avenant n°1 au contrat du 25 avril 2001, daté du 13 février 2001 (manifestement par erreur, datant plus vraisemblablement du 13 février 2002), des modifications ont été apportées prévoyant un agrandissement de la chaussée, une modification d'implantations et d'autres modifications diverses et augmentant le délai d'exécution des travaux de six mois (hors mois d'août).

La société AS ART CONSTRUCTION a justifié d'une garantie de remboursement des acomptes apportée par la SA Le MANS CAUTION le 19 juillet 2001.

Pour les besoins de l'opération, la société AS ART CONSTRUCTION a, pour le compte des époux [L], souscrit un contrat d'assurance dommages-ouvrage auprès de SAM MUTUELLES du MANS ASSURANCES IARD (police n°108366945 R).

Les travaux ont démarré au mois de juillet 2001 selon les époux [L], et au mois de septembre 2001 selon Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION. Les premiers travaux ont révélé que le terrain n'était pas desservi en eau potable (contrairement aux précisions en ce sens de l'acte de vente).

Un permis de construire modificatif a été demandé et accordé par arrêté du 7 janvier 2002.

Des travaux ont été exécutés.

Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION affirment avoir convoqué les époux [L] pour des opérations de réception devant se tenir le 15 décembre 2002. Aucun procès-verbal de réception de travaux n'a jamais été signé par les époux [L], en présence de l'entreprise.

A cette date, la maison n'était pas raccordée au réseau d'eau potable de la commune. Par courrier du 16 janvier 2003, la COMPAGNIE GENERALE des EAUX a informé les époux [L] de la nécessité de travaux de raccordement depuis leur maison.

Les époux [L] ont mandaté un architecte, Monsieur [H] [U], qui a déposé un rapport le 24 mars 2004 faisant état de malfaçons et non-façons concernant la maison.

*

Plusieurs instances judiciaires distinctes ont été engagées (venant s'ajouter à des procédures administratives) et un exposé strictement chronologique est malaisé, ce d'autant plus que toutes les décisions rendues n'ont pas été communiquées à la Cour.

Les époux [L] ont courant 2003 assigné la commune de [Localité 10], la COMPAGNIE GENERALE des EAUX, Monsieur [S] et Madame [N], le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] et Madame [W], propriétaires voisins, et Monsieur [J], architecte, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil aux fins d'expertise. Monsieur [K] [F] a été désigné en qualité d'expert par ordonnance du 11 ou 14 octobre 2003, avec pour mission, notamment, de dire dans quelles conditions un branchement d'eau définitif pourrait être réalisé. Les opérations d'expertise ont été rendues communes à Monsieur [J], architecteur, selon ordonnance du 5 décembre 2006.

Les époux [L] ont par acte du 20 avril 2004 assigné Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil aux fins de condamnation provisionnelle au titre des travaux de raccordement. Le magistrat, par ordonnance du 10 juin 2004, a rejeté leur demande de provision et a désigné Monsieur [E] [P] en qualité d'expert pour analyser les malfaçons et non façons notamment dénoncés dans le rapport de Monsieur [U]. Les époux [L] ont interjeté appel de cette ordonnance et la Cour d'appel de Paris, par arrêt du 8 décembre 2004, l'a partiellement infirmée et a condamné Monsieur [J] et la Société AS ART CONSTRUCTION au paiement de la somme provisionnelle de 48.500 euros entre les mains des époux [L]. Les MMA, assureurs dommages-ouvrage, ont réglé la somme de 47.383,37 euros aux époux [L]. L'expert Monsieur [P], décédé, a été remplacé par Monsieur [T] [O] selon ordonnance du 31 mai 2012.

Entre-temps et pendant les opérations d'expertise (des deux techniciens désignés), les époux [L] ont par acte du 24 mai 2004 assigné (vraisemblablement devant le tribunal de grande instance de Créteil) le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] et d'autres voisins aux fins de voir constater l'existence d'une servitude de conduite d'eau par voie souterraine entre les divers fonds. Le tribunal (de Créteil ') a par jugement du 7 septembre 2004 dit que le fonds appartenant aux époux [L] bénéficiait d'une servitude de passage souterrain pour le raccordement au réseau public d'eau potable situé allée Watteau (servitude grevant les fonds voisins), débouté les époux [L] de leur demande de provision et sursis à statuer sur l'aménagement du droit de passage et l'indemnité due aux propriétaires des fonds servants dans l'attente du dépôt par Monsieur [F] de son rapport. Ce jugement a été confirmé par la Cour d'appel de Paris, par arrêt du 26 avril 2006.

Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION font état d'une ordonnance du 30 novembre 2005, rendu par un juge de la mise en état (mais aucun élément n'est donné concernant la procédure au fond concernée), ordonnance ayant condamné la société Le MANS CAUTION (qui s'était engagée en qualité de caution au profit de la société AS ART CONSTRUCTION) à payer la somme de 58.802,88 euros aux époux [L] à titre de provision à valoir sur les pénalités de retard. Sur le recours de Monsieur [J] et de la société AS ART CONSTRUCTION, une Cour d'appel aurait par arrêt du 6 juin 2007 infirmé l'ordonnance ainsi rendue (sans plus d'information). Aucune de ces décisions n'est versée aux débats.

L'expert Monsieur [F] a clos et déposé son rapport le 15 octobre 2008.

Les époux [L] et leurs trois enfants, Messieurs [X], [V] et [O] [L], ont par actes des 26 et 27 octobre 2010 assigné la société AS ART CONSTRUCTION, Monsieur [A] [J], la société VEOLIA EAU (venant aux droits de la COMPAGNIE GENERALE des EAUX), le syndicat des copropriétaires du bien voisin [Adresse 3] (représenté par son syndic le cabinet QUENOT) et la commune de [Localité 10] en indemnisation devant le tribunal de grande instance de Créteil.

Dans le cadre de cette instance, le juge de la mise en état, saisi d'une exception d'incompétence, a, par ordonnance du 28 septembre 2011, déclaré le tribunal judiciaire incompétent (renvoyant les parties à mieux se pourvoir) pour statuer sur les demandes formées à l'encontre de la commune.

Par jugement du 13 novembre 2012, le tribunal a :

- dit le rapport d'expertise déposé par Monsieur [F] le 31 octobre 2008 inopposable à la société AS ART CONSTRUCTION,

- déclaré Monsieur [J] entièrement responsable des dommages subis par les consorts [L] (résultant de la réalisation d'une construction sur un terrain non alimentée en eau),

- condamné Monsieur [J] à payer aux consorts [L] les sommes de :

. 18.565,18 euros TTC au titre du préjudice matériel,

. 23.424 euros au titre des loyers,

. 7.144,08 euros au titre des frais de garde-meubles,

. 20.000 euros au titre du trouble de jouissance,

- rejeté les appels en garantie de Monsieur [J],

- condamné in solidum les consorts [L] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] (représenté par son syndic le cabinet QUENOT) la somme de 6.000 euros au titre de l'autorisation de passage sur sa propriété,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné Monsieur [J] à payer aux consorts [L] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise.

Sur le cours de Monsieur [J], la Cour d'appel de Paris, par arrêt du 21 septembre 2016, a :

- confirmé ce jugement sauf en ce qu'il a condamné Monsieur [J] à payer aux consorts [L] les sommes de 18.565,18 euros TTC au titre du préjudice matériel et celle de 23.424 euros au titre des loyers et rejeté la demande de ces derniers au titre du préjudice moral et au titre du coût de la redistribution de l'arrivée d'eau dans le sous-sol,

Statuant à nouveau,

- condamné Monsieur [J], sous la garantie de son assureur la compagnie des MMA, à payer aux consorts [L] les sommes de :

. 16.556,75 euros au titre des loyers,

. 500 euros au titre du préjudice moral,

. 9.884,94 euros au titre du coût de la redistribution de l'arrivée d'eau dans le sous-sol,

- débouté les consorts [L] de leur demande formée au titre des frais de branchement définitif de leur terrain au réseau d'eau potable,

- ordonné en tant que de besoin la compensation entre les créances et dettes respectives des parties,

- condamné Monsieur [J], sous la garantie des MMA, à payer la somme de 2.000 euros, chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

. aux consorts [L],

. au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3],

. à la société VEOLIA EAU COMPAGNIE GENERALE des EAUX,

- condamné Monsieur [J], sous la garantie des MMA aux dépens, incluant les frais d'expertise.

*

Dans le cadre de la seule instance qui intéresse la Cour de céans, plusieurs décisions ont également été rendues.

Les consorts [L] ont par actes des 7, 8 et 25 février 2005 assigné la société AS ART CONSTRUCTION, Monsieur [J], la MAF, les MMA en sa qualité d'assureur dommages ouvrage et assureur de responsabilité de la société AS ART CONSTRUCTION devant le tribunal de grande instance de Créteil.

Par ordonnance du 15 mars 2011, le juge de la mise en état a constaté la péremption de l'instance.

Sur le cours des consorts [L], la Cour d'appel de Paris a, par arrêt du 15 novembre 2011, confirmé cette ordonnance.

L'expert Monsieur [O] a clos et déposé son rapport le 5 décembre 2014.

Au vu du rapport d'expertise de Monsieur [O], les consorts [L] ont à nouveau, par actes du 11 janvier 2017, assigné la société AS ART CONSTRUCTION, Monsieur [J], la MAF et les MMA, assureur dommages ouvrage et assureur de responsabilité de la société AS ART CONSTRUCTION devant le tribunal de grande instance de Créteil.

Le tribunal, par jugement du 30 mars 2018, a :

- dit recevables les demandes des consorts [L],

- condamné la société AS ART CONSTRUCTION à payer aux consorts [L] les sommes, augmentées de la TVA au taux applicable au jour du jugement, de :

. 5.120 euros HT au titre des garde-corps,

. 1.940 euros au titre du nettoyage du chantier,

. 220 euros HT au titre des prises de courant,

. 3.516 euros au titre de la reprise de la bande d'ourlet,

. 4.576 euros au titre des revêtements muraux de façade,

. 2.530 euros HT au titre de l'installation de chantier,

. 704 euros HT au titre des plinthes dans les WC,

- condamné les MMA à garantir la société AS ART CONSTRUCTION, au titre de la police d'assurance Multirisques constructeurs maisons individuelles, garantie de la responsabilité civile professionnelle, des condamnations prononcées à son encontre, excepté de l'indemnité au titre des plinthes dans les WC,

- dit que la compagnie des MMA est fondée à opposer aux tiers lésés la franchise contractuelle et le plafond de garantie,

- rejeté les demandes formulées à l'encontre de Monsieur [J] et de la MAF,

- ordonne l'exécution provisoire du de la décision,

- condamne la société AS ART CONSTRUCTION, garantie par son assureur les MMA, à payer aux consorts [L] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société AS ART CONSTRUCTION, garantie les MMA, aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire de Monsieur [O], avec distraction au profit de Maître Maria MARANHAO-GUITTON,

- rejeté toutes les autres demandes, plus amples ou contraires, des parties.

Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION ont par acte du 29 octobre 2018 interjeté appel de ce jugement, intimant les consorts [L] et les MMA devant la Cour. Le dossier a été enrôlé sous le n°18/23139.

Le tribunal de grande instance de Créteil, saisi par Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION d'une demande de rectification d'une erreur matérielle, par jugement rectificatif du 4 décembre 2018, a :

- complété et rectifié le jugement en y ajoutant la mention du rejet de la demande de la société AS ART CONSTRUCTION tendant à voir condamner les consorts [L] à lui payer la somme de 45.694,56 euros au titre du solde du chantier avec intérêts au taux contractuel à compter du 1er juillet 2003, le reste sans changement,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la mention du complément sur la minute du jugement,

- laissé les dépens à la charge du Trésor Public.

Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION ont par acte du 6 mars 2019 interjeté appel de ce jugement, intimant les consorts [L] et les MMA devant la Cour. Le dossier a été enrôlé sous le n°19/5128.

*

Le conseiller de la mise en état a par ordonnance du 1er octobre 2019 joint les appels enregistrés sous les n°18/23139 et 19/5128, ensuite appelés sous le seul n°18/23139.

*

Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION, dans leurs dernières conclusions n°4 signifiées le 1er mai 22, demandent à la Cour de :

- infirmer les termes de la décision rendue du chef des condamnations allouées aux consorts [L] et du rejet de la demande reconventionnelle formée par la société AS ART CONSTRUCTION,

Et statuant à nouveau,

- déclarer irrecevables et en tout cas mal fondés les consorts [L] de l'ensemble de leurs demandes,

- en conséquence, les en débouter,

- à titre subsidiaire, dire que la compagnie des MMA sera tenue à garantir tant la société AS ART CONSTRUCTION que son architecte, Monsieur [J], de toute condamnation mise à leur charge,

A titre reconventionnel,

- fixer la date de réception au 1er janvier 2003,

- condamner les consorts [L] à payer à la société AS ART CONSTRUCTION la somme de 45.694,56 euros au titre du solde du chantier avec intérêts au taux contractuel à compter du 1er juillet 2003,

- condamner les consorts [L] à payer à la société AS ART CONSTRUCTION la somme de 17.940,59 euros au titre de l'avenant en date du 10 décembre 2003,

- condamner "conjointement et solidairement" les consorts [L] à payer à la société AS ART CONSTRUCTION et à Monsieur [J] la somme de 3.000 euros, chacun, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner en outre, sous la même solidarité, aux entiers dépens de l'instance.

Les MMA, assureurs dommages-ouvrage et assureurs de Monsieur [J] et de la société AS ART CONSTRUCTION, dans leurs dernières conclusions signifiées le 4 février 2022, demandent à la Cour de :

A titre principal,

- juger que dans son rapport d'expertise, Monsieur [O] ne retient l'existence d'aucun désordre de nature décennale,

- juger que les consorts [L] ne démontrent pas l'existence d'un quelconque désordre de nature décennale,

- en conséquence, infirmer le jugement,

- débouter tout demandeur de toutes demandes dirigées à leur encontre au titre de la police responsabilité décennale souscrite par la société AS ART CONSTRUCTION,

- juger que Monsieur [J] n'était en charge que d'une mission relative à l'obtention du permis de construire,

- juger que Monsieur [J] n'était pas en charge d'une mission de maitrise d''uvre d'exécution,

- juger que les consorts [L] ne rapportent pas la preuve de ce que Monsieur [J] aurait commis une faute dans sa mission qui serait en lien avec leurs préjudices,

- juger que Monsieur [J] n'a commis aucune faute de nature à entrainer sa responsabilité, l'obtention de la DROC étant à la charge du maitre d'ouvrage,

- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il n'a pas prononcé de condamnations à leur encontre, prises en qualité d'assureur de responsabilité de Monsieur [J],

- juger irrecevable et mal fondée toute demande de condamnation à leur encontre au titre de la police dommages-ouvrage et de la police de responsabilité civile décennale de la société AS ART CONSTRUCTION,

En tout état de cause,

- juger que les postes relatifs au garde-corps sur l'escalier d'accès à l'ancien garage porte fenêtre et toiture terrasse, et les modalités d'accès entre la porte fenêtre du rez-de-chaussée sur la façade avant de l'immeuble, le déplacement des prises de courant dans les chambre 4 et 5, et le rabaissement du plafond du placard dans la chambre 2, sont des prestations ne figurant pas au descriptif de vente,

- juger que ces postes ne sauraient engager la responsabilité de la société AS ART CONSTRUCTION et doivent donc rester à la charge des consorts [L],

- juger que la police souscrite par la société AS ART CONSTRUCTION exclut expressément les dommages résultants de l'absence de travaux, prévus ou non au marché, qui auraient été nécessaires pour compléter la construction et dont la non-exécution a entrainé des dommages ainsi que les désordres résultant d'un élément extérieur à l'intervention de l'assuré,

- en conséquence, débouter la société AS ART CONSTRUCTION de toute demande de condamnation au titre des désordres relatifs aux garde-corps ou au nettoyage des abords du chantier,

- débouter tout demandeur de toute demande de condamnation à leur encontre au titre de ces postes ainsi que sur les postes ayant traits à des désordres non décennaux,

- débouter tout demandeur de toute demande de condamnation à leur encontre au titre des préjudices de jouissance et moral allégués par les consorts [L],

- débouter les Epoux [L] ou toute autre partie de toute demande formée à leur encontre,

- juger qu'elles sont en droit d'opposer les plafonds et franchises contractuels contenues dans les polices responsabilité civile décennale de la société AS ART CONSTRUCTION et responsabilité civile de Monsieur [J],

- condamner tout succombant à leur payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Monsieur et Madame [L] et leurs enfants, dans leurs dernières conclusions n°4 signifiées le 15 avril 2022, demandent à la Cour de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes,

Au principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

. rejeté la demande de la société AS ART CONSTRUCTION tendant à les voir condamner à lui payer la somme de 45.694,56 euros au titre du solde du chantier avec intérêts au taux contractuel à compter du 1er juillet 2003,

. condamné Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION à leur payer les sommes suivantes, augmentées de la TVA :

. 5.120 euros HT au titre des garde-corps,

. 1.940 euros au titre du nettoyage du chantier,

. 220 euros HT au titre des prises de courant,

. 3.516 euros HT au titre de la reprise de la bande d'ourlet,

. 4.576 euros HT au titre des revêtements muraux de façade,

. 2.530 euros HT au titre de l'installation de chantier,

. 704 euros HT au titre des plinthes dans les WC,

. infirmer le jugement en ses autres dispositions et faisant droit à l'appel incident des intimés au principal,

Statuant à nouveau,

- entériner le rapport d'expertise de Monsieur [O] déposé le 5 décembre 2014 et notamment en ce qu'il a retenu la responsabilité de Monsieur [J], architecte, et de la société AS ART CONSTRUCTION en qualité de concepteur et maître d''uvre,

- juger que Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION sont responsables de l'intégralité des préjudices qu'ils ont subis,

- juger que la réception de l'ouvrage est fixée au 24 octobre 2005 avec réserves,

- en conséquence, juger que l'assureur responsabilité civile professionnelle de Monsieur [J] la MAF, l'assureur dommage-ouvrage "de la société AS ART CONSTRUCTION" les MMA et l'assureur de livraison à prix et délai convenus, compagnie COVEA CAUTION aux droits de laquelle viennent les MMA, garantiront leurs assurés du montant des condamnations qui seront prononcées, en application de leurs garanties et dans les proportions fixées par le tribunal, en application des dispositions de l'article L124-3 du code des assurances,

- et sous cette garantie, et "en application des dispositions des articles 1147 (devenu 1231-1) et 1792 et suivants du code civil" [sic], condamner "conjointement et solidairement" la société AS ART CONSTRUCTION et Monsieur [J] à leur payer les sommes suivantes :

. 750 euros indûment payée au titre d'un permis de construire modificatif,

. 1.040 euros au titre de la réfaction des joints de dilatation,

. 5.000 euros en réparation de l'absence de DROC,

. 1.235 euros HT pour la réalisation du rabaissement du plafond du placard de la chambre 2,

- condamner la société AS ART CONSTRUCTION à leur payer la somme de 13.146.94 euros TTC au titre des pénalités de retard,

- condamner "conjointement et solidairement" la société AS ART CONSTRUCTION et Monsieur [J] à leur payer les sommes suivantes en réparation de leurs préjudices immatériels :

. 50.000 euros au titre du trouble de jouissance pour la période du 1 er novembre 2005 à ce jour,

. 25.000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral,

Sur l'appel incident des MMA,

- débouter les MMA de leur appel incident,

- juger que les MMA devront garantir la société AS ART CONSTRUCTION et Monsieur [J] de toutes les condamnations prononcées à leur encontre,

- compte tenu de l'ancienneté des faits et en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile, ordonner l'exécution provisoire [sic],

- et parce qu'il serait inéquitable de laisser à leur charge la totalité des frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'exposer dans la présente procédure, condamner "solidairement et conjointement" tous les défendeurs à leur payer 20.000 euros "au titre de l'article 700 dont distraction au profit de Maître MARANHAO-GUITTON" [sic],

- condamner les mêmes aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître MARANHAO-GUITTON, conformément aux dispositions de l'article 699 du "NCPC", en ce compris les frais d'expertise pour un total de 25.827,92 euros (payés à Monsieur [P], 1er expert, à hauteur de 13.563,92 euros, et à Monsieur [O], 2ème expert, à hauteur de 12.264,00 euros).

*

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 29 octobre 2022, l'affaire plaidée le 14 juin 2022 et mise en délibéré au 26 octobre 2022.

MOTIFS

Il est à titre liminaire relevé que les consorts [L] présentent des demandes à l'encontre de la MAF, en qualité d'assureur dommages-ouvrage "de la société AS ART CONSTRUCTION". Il est donc précisé que la MAF, vraisemblablement assureur de Monsieur [J], n'est pas l'assureur dommages-ouvrage dans le cadre du projet de construction en cause (lequel est la compagnie des MMA) et que la MAF, certes partie en première instance, n'a pas été intimée devant la Cour.

Sur la recevabilité des demandes des consorts [L]

Les premiers juges ont écarté le moyen soulevé par Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION tiré de l'autorité de la chose jugée, puis, concernant la prescription, ont estimé que celle-ci avait été interrompue par plusieurs assignations en référé ou au fond.

Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION considèrent que l'action des consorts [L] à leur encontre est prescrite. Ils affirment que l'architecte a terminé sa mission en 1999, année au cours de laquelle "le désordre litigieux" a été révélé, qu'il a bien été assigné en référé et que la prescription a recommencé à courir à la date du dépôt par l'expert de son rapport, le 15 octobre 2008, mais que l'assignation subséquente a fait l'objet d'une péremption, de sorte qu'elle est non avenue et que l'assignation délivrée le 29 novembre 2016 n'a pas été délivrée en temps utile. L'architecte et la société AS ART CONSTRUCTION rappellent ensuite le principe de l'unicité d'instance, reprochent aux consorts [L] la multiplication des procédures et rappellent que l'autorité de la chose jugée s'oppose à toute remise en question de ce qui a été décidé sur la base d'une situation donnée. Ils affirment que le comportement des maîtres d'ouvrage a généré une confusion et que l'affaire a déjà été plaidée en première instance, donnant lieu à un jugement du 13 novembre 2012 et un arrêt de la Cour du 21 septembre 2016.

Les consorts [L] font valoir l'absence de toute prescription de leur action, rappelant notamment la longueur et les vicissitudes des opérations d'expertise et rappellent que leur assignation en ouverture du rapport d'expertise a été délivrée dans les deux ans de son dépôt et que l'ordonnance de péremption a interrompu les délais de prescription. Sur le moyen de l'unicité de l'instance, ils font valoir que cette règle ne s'appliquait que devant les juridictions prudhommales avant d'être abandonnée en 2015, et qu'en tout état de cause ils ne présentent pas les mêmes demandes dans le cadre d'instances distinctes.

Sur ce,

L'irrecevabilité est une fin de non-recevoir qui sanctionne, sans examen au fond, un défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée (article 122 du code de procédure civile).

1. sur l'autorité de la chose jugée

Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION font à la fois état de l'autorité de la chose jugée et de l'absence de demandes d'indemnisation présentées par les consorts [L] dans le cadre des instances ultérieures, alors que les préjudices étaient connus.

Aucun texte n'impose au justiciable de concentrer toutes ses demandes contre une personne dans le cadre d'une instance unique.

La multiplicité des instances tend certes à générer une certaine confusion, bien perceptible en l'espèce. Mais, quand bien même toutes les décisions judiciaires rendues entre les parties n'ont pas été communiquées à la Cour, de sorte que l'exposé complet et précis du litige n'a pas été possible, il apparaît que les instances ont été engagées aux fins d'indemnisation de préjudices distincts : dommages résultant des problèmes de raccordement des réseaux d'évacuation des eaux au réseau public, dommages résultant d'un retard de livraison des travaux et, enfin, dommages résultant de malfaçons, non-façons, non-conformités et désordres.

Les époux [L] ont au mois d'avril 2004 sollicité la désignation d'un expert aux fins d'examen des désordres affectant leur maison. Celui-ci a été désigné au mois de juin 2004 et les intéressés ont au mois de février 2005 engagé une instance au fond aux fins d'indemnisation des préjudices résultant desdits désordres. Ils ont laissé l'instance se périmer. L'expert, remplacé au mois de mai 2012, n'a déposé son rapport qu'au mois de décembre 2014.

L'instance initiée par les consorts [L] au mois d'octobre 2010 concernait essentiellement les préjudices subis du fait du retard pris par le chantier de construction de leur maison. Le jugement du 13 novembre 2012 a été rendu avant que le rapport d'expertise relatif aux désordres affectant la maison ait été déposé au mois de décembre 2014. Il ne peut donc être reproché aux consorts [L] de ne pas avoir présenté l'intégralité de leurs demandes indemnitaires dans le cadre de cette instance, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges.

L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandé soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit présentée entre les mêmes parties et formées par elles et contre elles en la même qualité (article 1351 ancien - 1355 nouveau - du code civil).

Ainsi, l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée de manière générale, la présente instance, en appel du jugement du tribunal de Créteil du 30 mars 2018 (et de la décision qui le rectifie), ne concernant pas exactement les mêmes demandes que l'instance qui a donné lieu à un jugement du 13 novembre 2012 et un arrêt du 21 septembre 2016.

Une certaine confusion nait par ailleurs, au-delà de la multiplication des procédures, du fait que Monsieur [J] exerce ses activités sous la formes de deux structures, une société de construction dont il est le gérant (la société AS ART CONSTRUCTION) et une activité libérale d'architecte. Il se présente par ailleurs en qualité de gérant de sa société, d'architecte (maître d''uvre) ou d'architecteur, selon les situations. La responsabilité qu'il encourt dans chacun de ces cadres est différente.

La longueur des instances opposant les parties, par ailleurs, laisse apparaître que des préjudices qui se déroulent dans le temps (et notamment les préjudices locatifs) ont pu n'être indemnisés que pour une période donnée dans le cadre d'une précédente instance et ont pu se poursuivre ensuite de sorte qu'une nouvelle demande à ce titre n'est pas affectée de l'autorité de la chose jugée.

Si, plus spécifiquement et lors de l'examen d'une demande particulière, il s'avère que celle-ci a déjà fait l'objet d'une décision, alors la Cour la dira irrecevable, déjà jugée.

2. sur la prescription

Les faits de la cause sont antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile. L'article 26 III de ladite loi, portant dispositions transitoires, précise que lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, qui s'applique alors également en appel et cassation. Sont donc applicables en l'espèce les dispositions anciennes du code civil, antérieures à l'entrée en vigueur de ladite loi.

Or, dès avant cette loi de 2008, les actions en responsabilité civile contractuelle contre les constructeurs et réputés tels (incluant les constructeurs de maisons individuelles) se prescrivaient par dix ans à compter de la réception des ouvrages ou, à défaut de réception, à compter de la manifestation du dommage. L'article 1792-4-1 du code civil, issu de la loi de 2008, consacre ce point, qui n'est d'ailleurs discuté d'aucune part.

Alors que les consorts [L] sollicitent l'indemnisation de préjudices résultant de désordres affectant leur maison, Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION ne peuvent situer le point de départ de la prescription de l'action à son encontre "en 1999" (sans plus de précision), époque à laquelle l'architecte aurait terminé sa mission et "le désordre allégué" serait apparu. Il n'est en effet pas contesté que Monsieur [J] a déposé une demande de permis de construire en mairie à la fin de l'année 2000 ou au début de l'année 2001 (l'autorisation initiale ayant été accordée le 13 février 2001) et a déposé un dossier de demande de permis de construire modificatif à la fin de l'année 2001 (un permis de construire modificatif ayant été accordé le 7 janvier 2002).

Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION ne peuvent ensuite conclure à la prescription sur la base de l'expertise confiée à Monsieur [F]. En effet, si le problème de raccordement des réseaux d'eau a été révélé dès cette époque courant 2001/2002, donnant lieu à la désignation le 14 octobre 2003 de Monsieur [F] et dépôt du rapport de celui-ci le 15 octobre 2008, ce point a été jugé.

Le présent litige est relatif aux préjudices résultant des désordres affectant la maison, lesquels ont été relevés par un architecte mandaté par les époux [L], Monsieur [U], dans un rapport daté du 24 mars 2004. A cette date les consorts [L] ont pris connaissance des désordres justifiant leur action. A cette date se situe donc le point de départ de la prescription de leur action en indemnisation des désordres.

Le cours de la prescription a été interrompu par l'assignation en référé délivrée par les époux [L] le 20 avril 2004 aux fins d'expertise pour examiner les malfaçons et non-façons, conformément aux termes de l'article 2244 ancien du code civil.

Cette interruption a produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. Or si Monsieur [P] a été désigné en qualité d'expert par ordonnance du 10 juin 2004, d'autres assignations ont par la suite été délivrées aux fins d'opérations d'expertise communes et un appel a été interjeté contre l'ordonnance ayant désigné l'expert. La prescription n'a donc recommencé à courir, pour un nouveau délai de dix ans, qu'à compter de l'arrêt du 8 décembre 2004 qui a éteint l'instance en référé, infirmant partiellement l'ordonnance précitée mais confirmant la désignation de l'expert.

Antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de 2008 et de l'article 2239 nouveau du code civil, la prescription n'était pas suspendue pendant le cours des opérations d'expertise.

Les consorts [L] ont d'ailleurs pendant ces opérations et par actes des 7, 8 et 25 février 2005 assigné au fond en indemnisation Monsieur [J], la société AS ART CONSTRUCTION, la MAF et les MMA devant le tribunal de grande instance de Créteil, interrompant à nouveau le cours de la prescription (article 2244 ancien du code civil).

Les consorts [L] ont cependant laissé l'instance se périmer. La péremption a été constatée par ordonnance du juge de la mise en état du 15 mars 2011, confirmée par arrêt du 15 novembre 2011. Or l'article 2247 ancien du code civil énonçait que si le demandeur laissait périmer l'instance, alors l'interruption était regardée comme non avenue.

Ainsi, le dernier acte interruptif d'instance émanant des consorts [L] contre Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION en l'espèce a été l'assignation en référé du 10 juin 2004, précitée. La prescription était donc acquise dix ans après l'arrêt rendu le 8 décembre 2004 (sur l'appel interjeté contre l'ordonnance de référé du 10 juin 2004), soit le 8 décembre 2014.

L'assignation de Monsieur [J] et de la société AS ART CONSTRUCTION par les consorts [L], par actes du 11 janvier 2017, a donc été délivrée tardivement, au-delà du délai de prescription. Leurs demandes sont donc irrecevables.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a déclaré recevables les demandes des consorts [L]. Statuant à nouveau, la Cour dira lesdites demandes irrecevables, pour cause de prescription.

Il n'y a donc pas lieu de statuer au fond sur les demandes indemnitaires des consorts [L] ni, partant, sur la garantie des MMA.

Sur l'exécution provisoire

L'arrêt de la Cour n'étant susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution, la demande des consorts [L] tendant au prononcé de l'exécution provisoire est sans objet.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à l'infirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement, la Cour condamnera Monsieur et Madame [L] et leurs enfants qui succombent en leurs demandes, aux dépens de première instance et d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. Il n'y a pas lieu à distraction des dépens, demandée par le conseil des succombants seul.

Tenus aux dépens, les consorts [L] seront condamnés à payer la somme équitable de 8.000 euros à Monsieur [J] et la société AS ART CONSTRUCTION (ensemble), en indemnisation des frais exposés en première instance et en cause d'appel et non compris dans les dépens, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le même fondement et pour les mêmes motifs, les consorts [L] seront condamnés à payer la somme équitable de 2000 euros aux MMA en indemnisation de leurs frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La COUR,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 30 mars 2018 (RG n°17/973),

Vu le jugement rectificatif du tribunal de grande instance de Créteil du 4 décembre 2018 (RG n°18/6552),

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,

DIT Monsieur [R] [L], Madame [Y] [M], épouse [L], Monsieur [X] [L], Monsieur [V] [L] et Monsieur [O] [L] irrecevables en leurs demandes présentées contre Monsieur [A] [J] et la SARL AS ART CONSTRUCTION, prescrites,

DIT n'y avoir lieu à examen au fond desdites demandes ni de la garantie de la SAM MUTUELLES du MANS ASSURANCES IARD et de la SA MMA IARD,

CONDAMNE Monsieur [R] [L], Madame [Y] [M], épouse [L], Monsieur [X] [L], Monsieur [V] [L] et Monsieur [O] [L] aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE Monsieur [R] [L], Madame [Y] [M], épouse [L], Monsieur [X] [L], Monsieur [V] [L] et Monsieur [O] [L] à payer la somme de 8.000 euros à Monsieur [A] [J] et la SARL AS ART CONSTRUCTION, ensemble, d'une part, et 2.000 euros à la SAM MUTUELLES du MANS ASSURANCES IARD et la SA MMA IARD, ensemble, d'autre part, en indemnisation de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/23139
Date de la décision : 26/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-26;18.23139 ?
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