REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 2
ARRET DU 26 OCTOBRE 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01160 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4Z3F
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 16/12659
APPELANTES
Société MADURA anciennement dénommée SAS ASTONA
SASU immatriculée au RCS de Paris sous le n°722 016 813
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
ayant pour avocat plaidant : Me Gilles HITTINGER-ROUX, SCP H.B. & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0497
Société LOSCA (Enseigne : MADURA)
SARL immatriculée au RCS de Paris sous le n°500 678 271
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
ayant pour avocat plaidant : Me Gilles HITTINGER-ROUX, SCP H.B. & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0497
INTIME
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 3] représenté par son syndic, la SARL KGS PRESTIGE
C/O Société KGS PRESTIGE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Christophe BORÉ de la SELARL A.K.P.R., avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 19
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre
Madame Muriel PAGE, Conseillère
Mme Nathalie BRET, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors du prononcé.
* * * * * * * * *
FAITS ET PROCÉDURE
La société à responsabilité limitée Losca est propriétaire, suite à l'apport partiel d'actif de la société par action simplifiée Astona, des locaux commerciaux au rez-de-chaussée et à l'entresol d'un immeuble, soumis au statut de la copropriété, situé au [Adresse 3] ; ces deux sociétés, d'un même groupe, y exploitent un commerce de tissus d'ameublement et de décoration intérieure sous l'enseigne 'Madura'.
Saisi par le syndicat des copropriétaires d'une demande de dépose de l'installation d'un écran vidéo publicitaire à images défilant en façade de l'immeuble côté rue et d'un bloc d'extraction de climatisation, le juge des référés a, par ordonnance du 5 janvier 2005, considéré sans objet la demande de dépose du bloc de climatisation, 'la grille de ventilation de la courette paraissait ancienne et la plaque métallique avait été retirée d'un part ; s'agissant de l'écran, il restait une incertitude sur les conditions de son installation, ne donnant pas lieu à référé', d'autre part.
Le 17 mai 2016, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance précitée en tous ses termes sauf en ce qui concerne la dépose du coffrage dont elle a constaté qu'il était déposé ; la demande devenant sans objet, et jugé que l'existence du 'trouble manifestement illicite qui préjudicierait à l'aspect extérieur de l'immeuble n'était pas établie...' et que l'appréciation de l'atteinte esthétique de la façade relevait du juge du fond.
Le 18 août 2016, le syndicat des copropriétaires, a assigné la société Losca et la société Astona aux fins de déclarer recevable son action de suppression des travaux irrégulièrement effectués dans la cour commune et sur la façade extérieure de l'immeuble et à la remise en état de ces façades, sous astreinte de 300 € par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à venir.
Par jugement du 14 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :
- condamné in solidum la société Losca et la société Astona à déposer l'écran vidéo publicitaire à images défilantes dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement puis sous astreinte de 300 € par jour de retard pendant trois mois,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné in solidum la société Losca et la société Astona à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la société Losca et la société Astona aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
La S.AS.U. Madura anciennement dénommée S.A.S. Astona et la S.A.R.L. Losca Enseigne : Madura ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 4 janvier 2018.
La procédure devant la cour a été clôturée le 19 janvier 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions en date du 17 septembre 2020 par lesquelles la S.AS.U. Madura anciennement dénommée S.A.S. Astona et la S.A.R.L. Losca Enseigne : Madura, appelantes, invitent la cour, au visa des articles 9, 25, b, 26 de la Loi du 10 juillet 1965, à :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande tendant à obtenir la dépose du bloc climatisation et coffrage en tôles installé en façade arrière de l'immeuble donnant sur cour et à la remise de cette façade par le rebouchage de l'ouverture créée dans le mur,
statuant à nouveau,
- juger que l'écran vidéo a été installé à l'intérieur du lot de la société Losca, c'est à dire
dans ses parties privatives et que cette installation n'a nécessité aucun travaux ni sur partie
commune ni sur partie privative,
- juger, en conséquence, que la société Losca n'avait pas besoin de solliciter l'autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires pour installer son écran vidéo à l'intérieur de son lot, les dispositions de l'article 25,b de la loi du 10 juillet 1965 n'ayant pas vocation à s'appliquer au cas d'espèce,
- juger que l'installation de l'écran vidéo n'affecte ni l'aspect extérieur de l'immeuble ni son harmonie,
- débouter le syndicat des copropriétaires de l'intégralité de ses demandes,
- condamner le syndicat des copropriétaires aux dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'à leur payer à chacune, la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du même code ;
Vu les conclusions en date du 28 décembre 2021 par lesquelles le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 3], intimé, invite la cour à :
- juger les sociétés Madura (anciennement dénommée Astona) et Losca irrecevables et en tout cas mal fondées en leur appel,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
- condamner in solidum les sociétés Madura et Losca aux dépens d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'à lui payer la somme de 5.000 € à titre
d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du même code en cause d'appel ;
SUR CE,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;
En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;
Le jugement déféré n'est pas contesté en ce qu'il a déclaré recevable l'action du syndicat des copropriétaires et en ce qu'il a rejeté la dépose du bloc de climatisation et la demande de dommages-intérêts des sociétés Madura et Losca ;
Sur la dépose de l'écran vidéo en façade de l'immeuble
Selon l'article 25b de la loi du 10 juillet 1965, ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci ;
Aux termes de l'article 9 de la même loi, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ;
A l'appui de leur appel, les sociétés Madura et Losca soutiennent que n'ayant réalisé aucuns travaux, l'article 25b de la loi du 10 juillet 1965 n'est pas applicable ; qu'interdire à la société Losca, d'installer derrière une vitre un écran vidéo, porte atteinte à la jouissance privative de ses lots et à son droit de propriété ;
Elles ajoutent que la façade de l'immeuble est disparate, que le règlement de copropriété autorise les enseignes lumineuses clignotantes et que l'écran vidéo est éteint la nuit ;
Il résulte du procès-verbal de constat de Maître [S], huissier de justice, en date du 25 juin 2014, que l'écran litigieux à images défilantes occupe la totalité de la surface de la fenêtre de l'entresol de la boutique Madura ;
Le procès-verbal de constat de M. [O], clerc habilité aux constats, du 22 octobre 2014 permet de constater les dimensions imposantes du panneau publicitaire, composé de trappes, positionné à 4cm de la vitre et qui occupe en effet l'intégralité de la surface de la fenêtre ;
Ce positionnement de l'écran à proximité immédiate de la vitre donne l'impression que l'écran est posé en façade de l'immeuble, ainsi que l'a relevé Maître [S] et qu'il ressort des photographies produites aux débats ;
Ainsi, il ne peut être valablement contesté que cet écran vidéo, de grande dimension, dont les images lumineuses à visée publicitaire sont défilantes et visibles depuis la rue, posé à proximité immédiate de la vitre tel qu'il se confond avec la façade de l'immeuble, affecte l'aspect extérieur de l'immeuble ;
Contrairement à l'affirmation des sociétés Madura et Losca, constituent bien des travaux visés par l'article 25 b, l'installation de cet écran lumineux affectant l'aspect extérieur de l'immeuble alors même qu'il s'agit d'un écran posé à l'intérieur de son lot privatif ;
Il sera précisé que si le règlement de copropriété de l'immeuble autorise les propriétaires ou occupants de locaux commerciaux sis au rez-de-chaussée à placer des enseignes lumineuses ou non, clignotantes ou non, sur la façade de lots à usage commercial qu'ils occupent, cette disposition ne les dispensent pas de soumettre à l'agrément du syndic la dimension de leurs plaques ou enseignes lumineuses et l'emplacement envisagé (article 7 alinéa 3) ;
L'atteinte alléguée à la jouissance privative des lots et au droit de copropriété n'est pas établie s'agissant de lots en copropriété ;
Par ailleurs, la question de l'harmonie de l'immeuble est ici indifférente dès lors qu'il est établi qu'aucune autorisation n'a été sollicitée pour l'installation de l'écran lumineux contrairement aux dispositions de l'article 25b de la loi du 10 juillet 1965 ;
A défaut d'autorisation, le syndicat des copropriétaires est en droit d'obtenir la dépose de l'écran litigieux ;
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Madura et Losca à déposer l'écran vidéo publicitaire à images défilantes dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement puis sous astreinte de 300 € par jour de retard pendant trois mois ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les sociétés Madura et Losca, parties perdantes, doivent être condamnées in solidum aux dépens d'appel ainsi qu'à payer au syndicat des copropriétaires la somme supplémentaire de 2.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par les sociétés Madura et Losca ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Condamne la S.AS.U. Madura anciennement dénommée S.A.S. Astona et la S.A.R.L. Losca, aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] la somme supplémentaire de 2.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT