REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 24 OCTOBRE 2022
(n°460, 3 pages)
N° du répertoire général : N° RG 22/00464 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPD2
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Octobre 2022 -Tribunal Judiciaire de CRETEIL (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 22/03888
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 20 Octobre 2022
Décision réputée contradictoire
COMPOSITION
Agnès MARQUANT, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,
assisté de Roxane AUBIN, greffier lors des débats et du prononcé de la décision
APPELANT
Monsieur [L] [P] (Personne faisant l'objet des soins)
né le 03/11/1978 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 1]
Actuellement hospitalisé au Centre hospitalier [8]
comparant en personne, assisté de Me Dominique TRICAUD, avocat choisi au barreau de Paris,
CURATEUR
Madame [U] [X] - Protection des majeurs du GH [8]
demeurant [Adresse 2]
non comparante, non représentée,
INTIMÉ
M. LE PRÉFET DU VAL DE MARNE
demeurant [Adresse 4]
non comparant, non représenté,
LIEU D'HOSPITALISATION
CENTRE HOSPITALIER [8]
demeurant [Adresse 3]
non comparant, non représenté,
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme Laure DE CHOISEUL, avocate générale,
DÉCISION
Par arrêté du 19 avril 2005, le Préfet du Val-de-Marne a ordonné l'admission en soins psychiatriques de M [L] [P] sur le fondement des articles L. 3213-1 et suivants notamment L.3214-1 et L.3214-3 du code de la santé publique. Depuis cette date, l'intéressé, alors qu'il était détenu, M [L] [P] a fait l'objet d'une hospitalisation complète au sein de l'unité pour malades difficile (UMD) du groupe hospitalier [E] [W] à [Localité 9]. Il bénéficie d'un régime procédural renforcé.
Par ordonnance du 14 avril 2022, le juge des libertés et de la détention de Créteil a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète du patient.
Par requête du 29 septembre 2022, le préfet du Val-de-Marne a saisi le juge des libertés et de la détention de Créteil aux fins d'examen de la situation de M [L] [P] afin de procéder à un contrôle des six mois de la mesure de soins psychiatriques en vertu des dispositions de l'article L.3211-12-1-I 3° du code de la santé publique.
Par ordonnance du 11 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention de Créteil a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète de l'intéressé.
Par déclaration du 13 octobre 2022, réceptionnée et enregistrée au greffe le même jour, l'avocat de M [L] [P] a interjeté appel de la dite ordonnance.
Les parties ainsi que le directeur de l'établissement ont été convoqués à l'audience du 20 octobre 2022.
L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, en audience publique .
M [L] [P] poursuit l'infirmation de la décision. Au soutien de son appel, il fait notamment valoir qu'il a beaucoup changé et qu'il bénéficie du soutien de sa famille.
Son conseil fait valoir dans son recours , dans ses conclusions complémentaires transmises le 19 octobre 2022 à 16h47 et oralement que le patient doit bénéficier d'une autre prise en charge, au sein d'un autre établissement hospitalier susceptible de lui faire bénéficier d'un traitement plus adapté que la sédation à laquelle il se trouve soumis en permanence. Il sollicite une expertise judiciaire sur la faisabilité d'une hospitalisation de Monsieur [P] au sein du service psychiatrie du Centre Hospitalier [6] de [Localité 7]. Il soulève le moyen tiré de l'absence de certificat médical circonstancié conforme à l'article L. 3213-3 du Code de la santé publique, faisant valoir qu'aucun des derniers certificats mensuels ne précise les caractéristiques de l'évolution des troubles ni ne questionne la forme de la prise en charge actuelle et si celle-ci demeure adaptée. Le patient est passé d'une psychose en cours d'amélioration à une pathologie mentale sans aucune perspective d'évolution. Lors des débats, il demande la désignation judiciaire d'un collège d'experts.
L'avocate générale se réfère aux documents médicaux figurant à la procédure pour requérir le maintien de la mesure d'hospitalisation.
M [L] [P] a eu la parole en dernier.
Le représentant de la préfecture du Val-de-Marne partie intimée n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter.
Le directeur du groupe hospitalier [E] [W] et le service de protection des majeurs de cet établissement en sa qualité de curateur de M [L] [P] n'ont pas comparu et ne se sont pas faits représenter.
MOTIFS,
Vu les articles L 3213-1 et suivants du code de la santé publique et 706-135 du code de procédure pénale,
Au visa de ces textes, il appartient au juge judiciaire d'apprécier si les troubles mentaux qui ont justifié la mesure d'hospitalisation sous contrainte de Monsieur [L] [P] persistent, nécessitent des soins et sont de nature à compromettre la sûreté des personnes ou de porter atteinte de façon grave à l'ordre public.
Il résulte de l'article L. 3211-12, II, du code de la santé publique que le juge ne peut ordonner la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques prononcée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, lorsque les faits sont punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens, qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du code de la santé publique.
Il ressort des pièces de la procédure, notamment de l'arrêt de la cour d'assises de Seine-Saint-Denis du 31 janvier 2007 que M [L] [P] a été initialement admis en soins psychiatriques sous contrainte suite à deux tentatives d'homicides les 14 et 16 mai 2003 sur des codétenus qu'il voulait agresser sexuellement et à des faits de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur un codétenu en avril 2005. Le certificat médical initial du 18 avril 2005 mentionne notamment que M [L] [P] qui a des antécédents psychiatriques lourds se dit envahi par des pulsions sexuelles permanentes l'amenant à chercher des partenaires qui se montrent peu coopérants et entraînant des poussées d'agressivité incontrôlables.
A ce jour, il ressort des certificats médicaux mensuels, du bulletin de situation en date du 22 septembre 2022,de l'avis motivé du collège d'experts du 26 septembre 2022 ainsi que du certificat médical de situation du 17 octobre 2022 du Docteur [S] que l'évolution de l'état de santé de M [L] [P] a été réévaluée dès lors qu'il est mentionné que la dangerosité du patient persiste , qu'il a ainsi a touché le bas du dos d'une soignante, qu'il banalise les circonstances de son hospitalisation et ses pulsions sexuelles permanentes ayant occasionné de multiples agressions sexuelles, qu'il n'a pas acquis de capacités d'empathie pour la victime et pour l'autre de manière générale. Si les idées délirantes ont pris fin, il n'adhère pas au traitement. Le dernier certificat médical de situation relève un rapide vécu d'hostilité lorsqu'il est confronté à la frustration qu'il a du mal à comprendre en raison de son faible niveau intellectuel. Ses limites l'empêchent d'élaborer sur ses passages à l'acte. Il nécessite d'être surveillé en permanence pour contrôler ses pulsions tactiles. Il peut exprimer des idées de violence et de transgression. Il est préconisé le maintien de son hospitalisation dans une stucture contenante et sécurisée.
En l'espèce, l'unité pour malades difficile (UMD) du groupe hospitalier [E] [W] à [Localité 9] constitue une structure contenante et sécurisée.
Force est de constater que ces éléments médicaux concordants caractérisent de façon circonstanciée et précise l'existence actuelle chez le patient de troubles mentaux de nature à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte de façon grave à l'ordre public de sorte que le premier juge ayant dûment rejeté la demande d'expertise judiciaire a nécessairement apprécié cette demande, contrairement à ce qui est soutenu par le conseil de l'appelant.
Le maintien de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte se trouve ainsi justifié.
Par ailleurs, le juge des libertés et de la détention n'est pas compétent pour arbitrer les divergences d'appréciation quant au traitement médical ou au lieu d'hospitalisation dès lors qu'il ordonne la poursuite de la mesure, les contestations de cette nature pouvant être portées devant la juridiction admnistrative.
Il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.
PAR CES MOTIFS,
Le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire,
CONFIRMONS l'ordonnance querellée.
LAISSONS les dépens à la charge de l' Etat.
Ordonnance rendue le 24 OCTOBRE 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 24 Octobre 2022 par fax à :
X patient à l'hôpital
ou/et ' par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
' tiers par LS
X préfet de police
' avocat du préfet
X tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d'appel de Paris