Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2022
(n° 2022/ , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/11906 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCH5R
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juin 2020 -Tribunal judiciaire de Créteil
- RG n° 19/02106
APPELANTE
[Adresse 6] représentée par son maire en exercice,domiciliè à l'Hôtel de Ville
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Blaise EGLIE-RICHTERS de la SCP LONQUEUE - SAGALOVITSCH - EGLIE-RICHTERS & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0482 substituée par Me Sofije KRASNIQI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
INTIMÉS
Madame [L] [J] [T] veuve [E] née le 18 Août 1943 à [Localité 14]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Monsieur [K] [E] né le 13 Novembre 1962 à [Localité 13]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Tous deux représentés par Me Natacha SODJI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 213 assistés de par Me Julien BOUZERAND de la SELARL JURIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0570
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Monique CHAULET, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Claude CRETON, président de chambre
Mme Monique CHAULET, conseillère
Mme Muriel PAGE., conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Marylène BOGAERS.
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour initialement 09 septembre 2022 prorogée au 07 octobre 2022 et au 14 octorbre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Claude CRETON, président de chambre et par Mme Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
*****
En 1965, la commune de Fontenay-sous-Bois a accordé à M. [C] [E] la jouissance d'un terrain sis au [Adresse 1], soit une parcelle cadastrée [Cadastre 8] d'une surface de 941 m².
En 1966, M. [E] et Mme [L] [T], son épouse, y ont fait installer un chalet en bois de 60 m² qu'ils ont occupé en famille depuis cette date, Mme [E] l'occupant avec son fils, M. [K] [E], depuis le décès de [C] [E] le 8 janvier 2012.
Par acte d'huissier en date du 14 février 2019, Mme [L] [T] veuve [E] et M. [K] [E] (ci-après les consorts [E]) ont fait assigner la commune de [Localité 5] devant le tribunal judiciaire de Créteil en leur qualité d'héritiers de [C] [E] afin que soit constatée l'acquisition par prescription à leur profit de la propriété de cette parcelle.
Par jugement en date du 9 juin 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a :
. dit Mme [L] [T] veuve [E] et M. [K] [E] recevables et bien fondés en leur action,
. jugé que Mme [L] [T] veuve [E] et M. [K] [E], en leur qualité d'ayants droit de [C] [E] sont propriétaires de la parcelle de terrain située [Adresse 3], cadastrée [Cadastre 7], par l'acquisition de la prescription trentenaire prévue par l'article 2272 du code civil,
. condamné la commune de [Localité 5] aux dépens de l'instance,
. condamné la commune de [Localité 5] à payer à Mme [L] [T] veuve [E] et M. [K] [E] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,
. débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que le terrain litigieux relevait du domaine privé de la commune et n'est pas affecté à l'usage du public, de sorte que son assiette est susceptible d'être acquise par prescription trentenaire ; après avoir rappelé, au visa de l'article 2256 du code civil, qu'il existe une présomption de possession pour soi et à titre de propriétaire s'il n'est prouvé qu'on commence à posséder pour un autre et qu'en conséquence il appartient à celui qui conteste la possession de renverser cette présomption, le tribunal a retenu qu'à cet égard, au vu d'un certain nombre d'éléments matériels notamment la viabilisation de la parcelle par les époux [E] en 1967 et 1972 sans accord de la commune, d'attestations et des avis d'imposition, qu'ils ont exercé de façon continue depuis 1967 et pendant plus de trente ans une possession continue, non équivoque et paisible sur la parcelle cadastrée [Cadastre 11] en exerçant divers actes juridiques et matériels caractérisant l'élément matériel, le corpus, de la possession, et en se comportant comme les véritables titulaires du droit de propriété, cet élément caractérisant l'animus alors que la commune ne justifie pas avoir effectué des actes de possession pendant les trente années précédant la revendication.
La commune de [Localité 5] a interjeté appel du jugement.
Les consorts [E] ayant, par conclusions notifiées par la voie du PRVA le 23 novembre 2021, demandé le rejet des conclusions n°2 de l'appelante communiquées le jour de la clôture comportant la communication de trois nouvelles pièces (13 à 15) ainsi que le rejet de ces pièces en raison du caractère tardif de cette communication, la cour a, par arrêt avant dire-droit du 25 mars 2022, ordonné la réouverture des débats pour permettre aux consorts [E] de prendre connaissance des conclusions n°2 de l'appelante et de ses pièces 13 à 15, les a autorisés à conclure en réponse et a autorisé la commune à conclure en réplique, et a renvoyé l'affaire à une nouvelle audience.
Les parties n'ont pas conclu après la réouverture des débats.
Aux termes de ses dernières conclusions, la commune de [Localité 5] demande à la cour de :
. annuler le jugement entrepris en tous ses effets,
. débouter Mme [L] [T] et M. [K] [E] de leurs demandes,
. condamner solidairement Mme [L] [T] et M. [K] [E] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais prévus par l'article 700 du code de procédure civile,
. condamner solidairement Mme [L] [T] et M. [K] [E] aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières écritures, les consorts [E] demandent à la cour de:
Vu notamment les articles 2255, 2256, 2258, 2260, 2261, 2264, 2265, 2266 et 2272 du code civil,
Vu notamment les articles 1380 et 1381 du code général des impôts,
Vu le code général de la propriété des personnes publiques,
Vu l'article 700 du code de procédure civile.
. débouter la Commune de [Localité 5] de l'ensemble de ses demandes,
. confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil le 9 juin 2020 en toutes ses dispositions et, y ajoutant :
. condamner la Commune de [Localité 5] à leur verser la somme 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamner la Commune de [Localité 5] aux dépens de l'instance.
SUR CE
Au soutien de son appel, la commune fait valoir, au visa des dispositions des articles 2255 à 2257 du code civil et 2266 du même code, qu'il ressort des éléments du litige que M. [E] était depuis 1965 locataire de la parcelle [Cadastre 12] mise à sa disposition par son propriétaire, la commune de [Localité 5], ses ayants droit ayant rappelé qu'il s'était vu confier la jouissance du terrain par la commune, de sorte qu'il n'a pu prescrire contre cette dernière.
Aux termes des dispositions de l'article 2256 du code civil, on est toujours présumé posséder pour soi et, à titre de propriétaire, s'il n'est prouvé que l'on a commencé à posséder pour un autre.
L'article 2257 du même code dispose que quand on a commencé à posséder pour autrui, on est toujours présumé posséder au même titre, s'il n'y a preuve du contraire.
L'article 2266 du code civil dispose que ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit et qu'ainsi le locataire, le dépositaire, l'usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire.
Il résulte des dires des parties que la Commune de [Localité 5] a consenti à M. [C] [E], en 1967, la jouissance d'un terrain dont elle était propriétaire à savoir la parcelle litigieuse cadastrée section [Cadastre 10], les consorts [E] ne contestant ni les conditions dans lesquelles ils ont été autorisés à occuper ledit terrain ni la propriété de la commune sur la parcelle à cette date.
Le courrier adressé le 19 décembre 2018 par maître Bouzerand, conseil des consorts [E], à la Commune de [Localité 5], dans lequel il revendique la propriété par prescription acquisitive au profit des consorts [E] précise en effet que Mme [E] est occupante d'un chalet édifié sur la parcelle numéro cadastral section [Cadastre 10] dont la jouissance a été confiée à M. [C] [E] en 1965 par la commune.
Aucun des éléments produits au débat ne démontre qu'il y aurait eu une donation du terrain à M. [C] [E] en 1967 et la commune produit une attestation notariée en date du 29 mars 2002 établie pour les besoins d'un échange de parcelles dans laquelle M. [C] [E] reconnaît que la Commune de de [Localité 5] est propriétaire de ladite parcelle, anciennement cadastrée [Cadastre 9].
Le fait pour la commune d'avoir autorisé les époux [E] à disposer dudit terrain dont elle était propriétaire démontre que la possession de ce terrain par ces derniers est une possession pour autrui, qui ne résulte d'aucun titre mais d'un acte de pure faculté ou de simple tolérance de la Commune de [Localité 5] et il n'est donc aucunement établi que les époux [E] ont commencé à posséder pour eux-mêmes et à titre de propriétaires.
En conséquence les époux [E] n'ont pas pu prescrire la propriété de ce terrain mis à leur disposition de manière précaire et sans titre par la commune, dont la qualité de propriétaire était connue des occupants, peu important en l'espèce la durée de la détention de ce bien.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement, les moyens invoqués par la Commune n'étant pas de nature à justifier l'annulation du jugement, et de débouter les consorts [E] de leur demande visant à se voir déclarer propriétaires de la parcelle cadastrée [Cadastre 8] sise [Adresse 1].
Le jugement sera également infirmé du chef des dispositions de l'article 700 du code de procédure et des dépens et en équité, il ne sera pas fait droit aux demandes formées sur ce fondement pour les frais irrépétibles engagés dans l'instance.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Déboute Mme [L] [T] veuve [E] et M. [K] [E] de leur demande visant à se voir déclarer propriétaires de la parcelle cadastrée [Cadastre 8] sise [Adresse 1],
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens de l'instance à la charge de Mme [L] [T] veuve [E] et de M. [K] [E].
LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT,