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20/10/2022 | FRANCE | N°22/04858

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 20 octobre 2022, 22/04858


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 20 OCTOBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04858 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFNDU



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Février 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/56581





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la Maire de

[Localité 6], Mme [C] [F], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-G...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 20 OCTOBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04858 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFNDU

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Février 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/56581

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 6], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 6], Mme [C] [F], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

INTIME

M. [W] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté et assisté par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0043

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par assignation en date du 3 mai 2019, la Ville de [Localité 6] a fait assigner M. [K] devant le tribunal de grande instance de Paris (devenu tribunal judiciaire de Paris), saisi en la forme des référés, en paiement d'une amende civile sur le fondement des articles L. 631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation, concernant l'appartement situé [Adresse 2]) (lot 23).

Par ordonnance du 2 août 2019, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 6] dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3e, 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 6] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

La Ville de [Localité 6] a sollicité la condamnation de M. [K] à une amende civile de 50.000 euros ainsi qu'aux dépens et au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et qu'il soit ordonné sous astreinte le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation.

M. [K] a conclu au débouté et subsidiairement à la réduction de l'amende à un montant symbolique, faisant valoir une insuffisance de preuve quant à l'affectation du bien litigieux et que celui-ci constitue sa résidence principale.

Par ordonnance en la forme des référés rendue le 14 février 2022, le premier juge a :

- rejeté la demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- rejeté la demande portant sur le retour à l'habitation des locaux ;

- condamné la ville de [Localité 6] à payer à M. [K] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la ville de [Localité 6] aux dépens.

Il a considéré que la Ville de [Localité 6] échouait à faire la preuve de l'usage d'habitation du bien au 1er janvier 1970, condition première de l'infraction.

Par déclaration du 02 mars 2022, la Ville de [Localité 6] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 21 avril 2022, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :

- juger que M. [K] a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

En conséquence,

- condamner M. [K] au paiement d'une amende civile de 50.000 euros ;

- ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, sis [Adresse 2] (lot 23), sous astreinte de 122 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira à la cour de fixer ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- condamner M. [K] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 27 juin 2022, M. [K] demande à la cour de :

A titre principal,

- débouter la ville de [Localité 6] de toutes ses demandes de condamnation à son encontre ;

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance rendue le 14 février 2022 (RG n°22/04858) en ce que la ville de [Localité 6] est mal fondée dans sa demande de condamnation reposant sur les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation en raison de l'absence de force probante de la déclaration H2 constituant la base légale de l'assignation ;

- confirmer l'ordonnance rendue en ce qu'elle a débouté la ville de [Localité 6] de toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, l'infraction au changement d'usage devait être caractérisée,

- juger que, compte tenu de sa bonne foi, des diligences et de sa coopération, il est fondé à n'être condamné qu'à une amende symbolique ;

- juger la cessation totale de la supposée infraction avant toute procédure contentieuse ;

En conséquence,

- le condamner à une amende symbolique de 1 euro au regard de la cessation de l'infraction présumée et de sa coopération avec la ville de [Localité 6] ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel de Paris ne trouvait justifiée la demande de condamnation à la somme symbolique de 1 euro,

- juger que le montant de 50.000 au titre de l'amende civile est manifestement disproportionné et injustifié ;

En conséquence,

- le condamner à une somme qui ne pourrait excéder 3.000 euros ou toute somme que l'équité commandera, si la cour d'appel de Paris devait entrer en voie de condamnation ;

En toutes hypothèses,

- condamner la ville de [Localité 6] à lui payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, MOTIFS

Sur le rappel des textes applicables, il convient de se référer à la décision de première instance qui en a fait un exposé exhaustif, la cour rappelant simplement qu'en application des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation et conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à la ville de [Localité 6] d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

En l'espèce, les parties s'opposent d'abord sur les éléments de preuve à apporter par la Ville de ce que le local dont il s'agit est bien un local à usage d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, étant rappelé qu'un local est réputé à usage d'habitation au sens de ce texte s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d'une affectation de fait à l'usage d'habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.

Il revient ainsi à la Ville de [Localité 6], pour caractériser l'infraction dénoncée de changement d'usage illicite, de démontrer avant tout que le local en cause était bien affecté au 1er janvier 1970 à l'usage d'habitation.

Comme en première instance, l'appelante produit une fiche H2, remplie le 14 octobre 1970, qui porte mention du nom du propriétaire et de ce que celui-ci occupe le logement, lequel est décrit comme ayant une surface de 13 m² comportant une chambre et une cuisine, alimenté par l'eau courante, le gaz et l'électricité.

Si ces mentions, qui ont été portées à une date assez proche du 1er janvier 1970, permettent de présumer que le local était déjà affecté à un usage d'habitation au 1er janvier 1970, elles ne suffisent cependant pas à l'établir, étant observé :

- qu'aux termes de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation, le local doit être affecté à un usage d'habitation au 1er janvier 1970, le texte ne posant pas une simple présomption d'affectation à un usage d'habitation,

- qu'en l'espèce, la mention de l'occupation du bien par le propriétaire ne se réfère pas à la date du 1er janvier 1970 (contrairement à l'hypothèse de la perception d'un loyer au 1er janvier 1970), en sorte que l'occupation par le propriétaire ne peut être considérée comme étant effective dès le 1er janvier 1970,

- qu'au demeurant, comme le souligne d'ailleurs habituellement la Ville de [Localité 6], la preuve à apporter n'est pas celle de l'occupation du bien au 1er janvier 1970 mais de l'affectation du bien à un usage d'habitation à cette date de référence,

- que de même, si le local est décrit sur la fiche comme étant à usage exclusif d'habitation, cette description ne vaut qu'à la date à laquelle la fiche est renseignée, soit le 14 octobre 1970.

Le relevé de propriété et le relevé cadastral qui sont produits par la Ville n'établissent pas plus l'affectation du bien à un usage d'habitation au 1er janvier 1970, ces documents ayant été établis en 2020.

Si la Ville de [Localité 6] soutient que l'établissement de la fiche H2 impliquerait nécessairement un usage d'habitation au 1er janvier 1970, les dispositions invoquées du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 ne permettent toutefois pas une telle déduction (article 38, les déclarations sont établies sur des formules spéciales fournies par l'administration ; article 39, la date de référence de la première révision foncière quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970 ; article 40, les formules visées à l'article 38 comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l'évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété [...] la date limite d'envoi ou de remise des déclarations est fixées au plus tard en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels au 15 octobre 1970 pour les communes de plus de 5.000 habitants). La présomption d'usage d'habitation au 1er janvier 1970 telle qu'alléguée ne résulte ni de ces textes ni, par ailleurs, d'aucun autre texte.

L'ordonnance entreprise sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a jugé que la Ville de [Localité 6] échouait à démontrer l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 et que, par suite, l'infraction de changement d'usage n'était pas caractérisée.

L'ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, dont elle a fait une juste appréciation.

Perdant en appel, la Ville de [Localité 6] sera condamnée aux entiers dépens de cette instance, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à ce titre à M. [K] la somme de 1500 euros.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne la Ville de [Localité 6] aux dépens de l'instance d'appel,

La déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et la condamne à payer à ce titre à M. [K] la somme de 1.500 euros.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/04858
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;22.04858 ?
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