La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2022 | FRANCE | N°22/00599

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 20 octobre 2022, 22/00599


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 20 OCTOBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00599 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE65Y



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Novembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/53785





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 9], prise en la personne de Madame la Maire de

[Localité 9], Mme [W] [F], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 8]

[Localité 5]



Représentée et assistée par Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 20 OCTOBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00599 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE65Y

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Novembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/53785

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 9], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 9], Mme [W] [F], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée et assistée par Me Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

INTIMES

M. [S], [M] [N]

[Adresse 7]

[Localité 10] (ISRAEL)

Mme [I] [A] ÉPOUSE [N] épouse [N]

[Adresse 7]

[Localité 10] (ISRAEL)

Représentés par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistés par Me Lorène DERHY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1320

M. [C] [R]

[Adresse 2]

et encore [Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assisté par Me Raphaël BENTOLILA, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 septembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par assignation en date des 23 et 24 janvier 2019, la Ville de [Localité 9] a fait assigner M. et Mme [N] ainsi que M. [R] devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire de Paris, saisi selon la procédure accélérée au fond sur le fondement des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant l'appartement situé [Adresse 4]) (lot 40).

Par ordonnance du 6 juin 2019, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 9] dans l'attente d'une décision de la cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3e, 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la cour de justice de l'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 9] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

Par ordonnance contradictoire du 22 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- rejeté la demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- rejeté la demande de la ville de [Localité 9] fondée sur les dispositions de l'article L. 324-1-1 III du code du tourisme ;

- déclaré irrecevable l'action en remboursement des fruits civils formée par M. [N] et Mme [N] à l'égard de M. [R] ;

- déclaré irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par M. [N] et Mme [N] à l'égard de M. [R] ;

- débouté M. [N] et Mme [N] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamné la Ville de [Localité 9] à payer à M. [N] et Mme [N] la somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Ville de [Localité 9] à payer à M. [R] la somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Ville de [Localité 9] aux dépens ;

- rappelé que la décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 31 décembre 2021, la Ville de [Localité 9] a relevé appel de la décision en ce qu'elle a :

- rejeté la demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- rejeté la demande de la ville de [Localité 9] fondée sur les dispositions de l'article L. 324-1-1 III du code du tourisme ;

- condamné la Ville de [Localité 9] à payer à M. [N] et Mme [N] la somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Ville de [Localité 9] à payer à M. [R] la somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la ville de [Localité 9] aux dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 30 mars 2022, la Ville de [Localité 9] demande à la cour, de :

- juger celle-ci recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer l'ordonnance du 22 novembre 2021 en toutes ses dispositions en ce qu'elle a :

' rejeté la demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

' rejeté sa demande fondée sur les dispositions de l'article L. 324-1-1 III du code du tourisme ;

' condamné la Ville de [Localité 9] à payer à M. [N] et Mme [N] la somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné la Ville de [Localité 9] à payer à M. [R] la somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné la Ville de [Localité 9] aux dépens.

En conséquence,

- juger que les consorts [N] et M. [R] ont enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation et l'article L. 324-1-1 III du code du tourisme ;

- condamner in solidum M. [N], Mme [N] et M. [R] à lui payer une amende civile de 50.000 euros ;

- condamner M. [N] et Mme [N] à lui payer une amende civile de 5.000 euros ;

- condamner M. [R] à lui payer une amende civile de 5.000 euros ;

- condamner M. [N], Mme [N] et M. [R] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter les époux [N] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

- les condamner aux entiers dépens.

La Ville de [Localité 9] soutient en substance que :

- dans le cadre de la veille informatique, une annonce a été contrôlée concernant un local situé au quatrième étage de l'immeuble sis [Adresse 4]) ;

- le 13 juin 2018, un « ami » du propriétaire a indiqué aux services de la ville que l'appartement était donné en location à M. [R] ;

- le 25 juin 2018, elle a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception à M. [R] à ses adresses à [Localité 9], au [Adresse 2] et en Espagne, qui ont été remises au destinataire ;

- le 31 août 2018, lors de la visite, l'appartement était occupé par M. [B], qui s'est dit titulaire d'un bail non daté à effet du 1er octobre 2018 ;

- le local en cause est à usage d'habitation sans aucun changement d'affectation comme l'attestent l'extrait du registre cadastral, le relevé de propriété et la fiche modèle H2 du 1er octobre 1970 ;

-le bien litigieux n'est pas la résidence principale de M. [N] dès lors que celui-ci réside en Israël et que M. [R] ne produit pas d'éléments suffisants et pertinents pour attester que le local était sa résidence principale ;

- ce bien a fait l'objet de locations de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile via le site airbnb ;

- les époux [N] ne peuvent s'exonérer de leur responsabilité de propriétaire alors que de surcroît ils étaient parfaitement informés de l'activité illégale de leur locataire depuis 2015 et qu'ils n'ont pas entrepris de démarches pour la faire cesser ;

- en conséquence, l'infraction aux dispositions des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation est caractérisée à l'encontre de M. et Mme [N] et M. [R] ;

- le gain total peut être estimé à 40.162,50 euros sur base d'un tarif de 105 euros par nuit ;

- M. [R] a fait une fausse déclaration sur la plateforme des meublés touristiques ;

- il ne s'est pas conformé à l'obligation de déclaration préalable soumise à enregistrement ;

- il a par conséquent enfreint les dispositions de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme et il y a lieu de le condamner à une amende civile de 5.000 euros.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 28 avril 2022, M. et Mme [N] demandent à la cour de :

- déclarer recevables l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- débouter la ville de [Localité 9] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires ;

Y faisant droit,

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance rendue le 22 novembre 2021par le tribunal judiciaire en toutes ses dispositions ayant débouté la ville de toutes ses prétentions ;

- infirmer l'ordonnance rendue le 22 novembre 2021 en ce qu'elle a rejeté leur demande de condamnation de la ville de [Localité 9] à la somme de 10.000 euros pour procédure abusive ;

Et statuant à nouveau,

- condamner la ville de [Localité 9] à leur verser la somme de 10.000 euros pour procédure abusive compte tenu du caractère injustifié de la procédure engagée à leur encontre ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire l'ordonnance venait à être réformée,

- prendre acte de leur bonne foi, de la promptitude avec laquelle ils ont régularisé leur situation locative et de l'absence d'enrichissement tiré de l'activité litigieuse ;

- juger que le montant maximal de l'amende civile de 50.000 euros est manifestement disproportionné et injustifié au regard des circonstances de l'espèce ;

En conséquence,

- réduire l'amende civile à un montant ne pouvant excéder 1.000 euros ;

En tout état de cause,

- condamner M. [R] à les relever et garantir indemnes de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre ;

- condamner la Ville de [Localité 9] à verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, et, subsidiairement ordonner que chacune des parties conservent à sa charge les frais de procédure et les dépens compte de l'équité.

M. et Mme [N] soutiennent en substance que :

- la preuve de l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 n'est pas rapportée dès lors que la ville de [Localité 9] verse aux débats une fiche H2 dont la portée est très discutable et qui n'a manifestement pas trait au lot litigieux ;

- en effet, la fiche H2 vise un lot situé au bâtiment A alors que le local litigieux est situé au bâtiment B si bien que la fiche H2 ne correspond manifestement pas au lot litigieux ; elle mentionne un numéro d'escalier qui ne correspond à aucune réalité puisque le lot litigieux est dépendant de l'escalier B et que l'attestation notariée rappelle la composition du lot litigieux telle que définie par le règlement de copropriété, à savoir : deux pièces principales alors que la fiche H2 fait référence à quatre pièces principales ;

- s'il est mentionné un loyer au 1er janvier 1970, il n'en demeure pas moins que le propriétaire a pris soin de préciser que le locataire est entré dans les lieux en février 1970, de sorte que la preuve de l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 n'est pas rapportée ;

- subsidiairement, l'infraction présumée ne leur est pas imputable puisqu'ils ne sont pas à l'origine de l'infraction et qu'ils n'en avaient pas connaissance ;

- la Ville de [Localité 9] n'a pas craint d'interjeter appel à leur encontre alors qu'ils ont été tenus dans une parfaite ignorance de ces locations litigieuses et que M. [R], le locataire de ces derniers est seul responsable si bien que la ville de [Localité 9] sera condamnée à leur payer la somme de 10.000 euros à titre des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- il convient, subsidiairement, de réduire l'amende civile à de plus justes proportions compte tenu de leur bonne foi, de la régularisation de la situation locative avant toute opération de contrôle et de l'absence d'enrichissement tiré de l'activité litigieuse.

- la demande de condamnation à une amende civile de 5.000 euros pour défaut d'enregistrement sera rejetée.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 21 mars 2022, M. [R] demande à la Cour de :

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance rendue le 22 novembre 2021 par le tribunal judiciaire en toutes ses dispositions ayant débouté la ville de [Localité 9] de toutes ses prétentions ;

- débouter la ville de [Localité 9] de l'intégralité de ses demandes ;

Subsidiairement,

- réduire le montant de l'amende civile demandée sur le fondement des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;

- débouter les consorts [N] en leur appel incident ;

En toute hypothèse,

- condamner la Ville de [Localité 9] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les consorts [N] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Ville de [Localité 9] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la société Bdl avocats en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [R] soutient en substance que :

- la fiche H2 et le relevé de propriété ne suffisent pas à établir que le local était à usage d'habitation au 1er janvier 1970 ;

- l'appartement situé [Adresse 3] a constitué sa résidence principale durant un an et six mois entre le 1er janvier 2017 et le 11 juin 2018 ;

- s'agissant de sa résidence principale, il était autorisé à proposer son appartement à la location pour de courtes durées pour un total inférieur à 120 jours ;

- s'il n'a jamais nié avoir proposé son appartement à la location sur des sites tels que airbnb, il n'a jamais dépassé le maximum de jours autorisés ;

- ainsi, la ville de [Localité 9] ne rapporte pas la preuve de l'infraction alléguée et doit être déboutée de ces demandes à ce titre ;

- si par extraordinaire, la cour jugeait l'infraction réprimée à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation constituée, le montant de l'amende civile demandée par la Ville de [Localité 9] devra être limité ;

- la demande au titre de l'infraction aux dispositions du code du tourisme est mal fondée pour des raisons évidentes d'application de la loi dans le temps, de sorte que la cour ne pourra que débouter la Ville de [Localité 9] de ses demandes formulées de ce chef.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Passé ce délai, l'administration peut procéder d'office, aux frais du contrevenant, à l'expulsion des occupants et à l'exécution des travaux nécessaires.

Selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque permettant de préciser l'usage en cause ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, hypothèse excluant notamment la location saisonnière de son logement résidence principale, pour une durée n'excédant pas 120 jours par an, la location d'un meublé résidence principale (titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989) ou encore la location d'un meublé dans le cadre d'un bail mobilité (titre 1er ter de la loi du 6 juillet 1989).

Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 9] a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation qui n'apparaît pas voir été respectée dans le cadre de la présente procédure.

En l'espèce, les parties s'opposent d'abord sur la circonstance que le local dont s'agit est bien un local à usage d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, étant rappelé qu'un local est réputé à usage d'habitation au sens de ce texte s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d'une affectation de fait à l'usage d'habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.

Il revient à la Ville de [Localité 9], pour caractériser l'infraction dénoncée de changement d'usage illicite, de démontrer que le local en cause était bien affecté au 1er janvier 1970 à l'usage d'habitation, étant observé que l'appekante se prévaut ici de la fiche H2 pour démontrer un tel usage ainsi que d'un relevé de propriété et d'un extrait du registre cadastral.

Il sera à cet égard relevé, concernant la fiche H2 versée aux débats que :

- elle a été établie le 1er octobre 1970, et fait état de ce qu'en février 1970, non en janvier 1970, le local était loué à M. [H], avec mention d'un loyer,

- si les seules ratures apportées à la fiche ne peuvent suffire à en invalider le contenu, il n'en demeure pas moins que la portée probatoire de la fiche H2 doit être appréciée au regard de toutes ses mentions,

- tout d'abord, si la mention de deux pièces principales composant le lot selon l'attestation notariée n'est pas nécessairement discordante avec celle de la fiche H2 qui comporte quatre pièces principales mais inclut cuisine et salle de bains dans ce décompte, force est de constater que la fiche H2 produite indique une superficie de 54 m2 tandis que l'attestation notariée mentionne une surperficie de 53 m2, cette discordance minime étant insuffisante à établir qu'il s'agirait d'un lot différent,

- il en est de même de la superficie de 50 m2 mentionnée de manière manuscrite sur les baux consentis à M. [R], cette légère différence n'étant pas suffisante à elle seule à démontrer que la fiche H2 produite ne correspondrait pas au lot concerné,

- mais toutefois, ladite fiche H2 vise un lot situé Bâtiment A/Porte 11, alors que le constat d'infraction est relatif à un lot situé Bâtiment B/Porte 42,

- les intimés produisent en outre une attestation notariée qui vise également la porte 42, tandis que les deux baux consentis à M. [R] mentionnent aussi la porte 42,

- en outre, la fiche H2 mentionne un numéro d'escalier 2043, ce qui ne correspond pas à la numérotation insérée dans le constat d'infraction, étant établi par l'attestation notariée produite que le lot litigieux dépend bien de l'escalier B.

Dans ces conditions, il n'est pas démontré que la fiche H2 produite se rapporte au lot concerné, le relevé de propriété étant en date de l'année 2017 et de ce chef, inopérant et l'extrait de registre cadastral n'apportant qu'une description des lieux.

Aucun autre élément probant n'est produit, s'agissant de l'usage d'habitation au 1er janvier 1970.

Aussi n'est-il pas possible d'affirmer que le local dont il s'agit avait bien un usage d'habitation.

La décision entreprise sera donc confirmée sur ce point.

S'agissant de l'infraction secondaire, l'article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose notamment que :

II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.

Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986.

III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme.

La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.

IV.-Dans les communes ayant mis en 'uvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

La commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration.

V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros.

S'agissant de l'infraction aux dispositions de l'article L 324-1-III du code du tourisme, en l'espèce, il résulte du constat d'infraction établi le 5 octobre 2018 que l'agent vérificateur a nécessairement consulté le fichier des télédéclarations pour relever que l'annonce figurant sur le site airbnb et proposant l'appartement litigieux comportait un numéro d'enregistrement 7511100954144, qui renvoyait à une autre adresse et un autre déclarant (M. [Z] [U]), le mail enregistré s'intitulant "panamloc" . Il s'en déduit que M. [R] qui le reconnaît a procédé à une déclaration qui correspond à un autre meublé et une autre adresse, l'identité du déclarant n'étant ni celle des consorts [N] ni la sienne, le défaut de déclaration préalable étant par voie de conséquence caractérisé.

M. [R] soutient avoir eu l'autorisation de M. [N] pour procéder à des sous-locations de 2015 à octobre 2016. Il doit être relevé que s' il produit des courriels, échangés avec Mme [N], des factures et règlements via le site paypal, la Ville de [Localité 9] poursuit la location du bien en qualité de meublé de tourisme sur la période qui s'étend de décembre 2016 à février 2018, période pendant laquelle il était bien locataire des lieux, aucune des pièces produites par M. [R] ne se rapportant à cette période ainsi considérée. Toutefois, les époux [N] en leur qualité de propriétaires des lieux, seules personnes ayant qualité pour solliciter l'autorisation de changement d'usage, entrent incontestablement dans la catégorie des personnes visées par le texte même de l'article L324-1-1 III du code du tourisme, tandis que M. [R] pour sa part ne conteste pas avoir procédé aux locations litigieuses, se contentant de contester les conditions dans lesquelles ces locations sont intervenues en invoquant une autorisation donnée par les propriétaires des lieux.

L'infraction de défaut de déclaration préalable est donc imputable tant aux époux [N] qu'à M. [R].

Dans ces conditions, le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande de la Ville de [Localité 9] fondée sur les dispositions de l'article L 324-1-1 III du code du tourisme et les époux [N] et M. [R] seront condamnés à ce titre chacun à une amende de 2.000 euros, qui apparait proportionnée et adaptée, tenant compte de la période d'infraction.

Sur la demande de condamnation des époux [N] à se voir relever et garantir par M. [R] de toute condamnation, il apparait que :

- l'article L.324-1-1 III évoque "le loueur" tandis que l'article L 324-1-1 V cite"toute personne" qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.

- les époux [N] ne peuvent prétendre sérieusement "découvrir" que M. [R], titulaire d'un bail qui lui a été consenti par eux n'aurait pas habité les lieux et loué ceux-ci pour de courtes durées à une clientèle de passage alors qu'il résulte des courriels qu'ils ont échangé avec leur locataire sur une période antérieure à la période de poursuite établissent qu'ils étaient informés de l'activité de location et qu'ils en ont perçu les fruits ;

- M. [R] pour sa part ne peut se retrancher derrière la seule supposée responsabilité des propriétaires au regard du dispositif en vigueur dans la Ville de [Localité 9], étant rappelé que M. [R] était le gestionnaire de l'ensemble des locations de courte durée à la clientèle de passage dans un local réputé à usage d'habitation ;

La responsabilité civile des propriétaires et du locataire est ainsi engagée et dans la mesure où les amendes prononcées tiennent compte de la responsabilité de chacun, il n'y a pas lieu de dire que M. [R] sera tenu à garantir les époux [N] de leur condamnation à une amende civile de 2.000 euros.

Eu égard à ce qui précède, il ne peut être fait droit à la demande des époux [N] tendant à voir la Ville de [Localité 9] condamnée à des dommages intérêts pour procédure abusive.

Compte tenu du sens de cette décision, M. [R] et M. et Mme [N] seront condamnés aux dépens de première instance ainsi qu'à verser à la Ville de [Localité 9] une somme au titre de ses frais irrépétibles, l'ordonnance rendue étant infirmée sur ces points.

A hauteur d'appel, M. [R] et M. et Mme [N], qui succombent, devront in solidum indemniser la Ville de [Localité 9] dans les conditions indiquées au dispositif, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et seront condamnés aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance rendue en ce qu'elle a rejeté la demande de la Ville de [Localité 9] fondée sur les dispositions de l'article L 322-1-1 III du code du tourisme, et condamné la Ville de [Localité 9] aux dépens de première instance ainsi qu'à verser aux intimés chacun la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirme l'ordonnance rendue pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;

Condamne M. [R] à une amende civile de 2.000 euros dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 9],

Condamne M. et Mme [N] à une amende civile de 2.000 euros dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 9],

Condamne in solidum M. et Mme [N] et M. [R] à verser à la Ville de [Localité 9] la somme de 1.000 euros en première instance et 1.000 euros à hauteur d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. et Mme [N] et M. [R] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/00599
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;22.00599 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award