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20/10/2022 | FRANCE | N°19/19249

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 20 octobre 2022, 19/19249


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2022



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/19249 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA2DU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18 / 09004





APPELANTE



Madame [R], [L] [Y] épouse [S]

née le 08 Janvier 1955 à [LocalitÃ

© 7] (Tunisie)

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Jérémie BLOND, avocat au barreau de PARIS, toque : D1151







INTIMÉE



CAISSE NATIONALE DES BARREAUX FRANCAIS

[Adresse 1]

[Localit...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/19249 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA2DU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18 / 09004

APPELANTE

Madame [R], [L] [Y] épouse [S]

née le 08 Janvier 1955 à [Localité 7] (Tunisie)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérémie BLOND, avocat au barreau de PARIS, toque : D1151

INTIMÉE

CAISSE NATIONALE DES BARREAUX FRANCAIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Danielle SALLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2119

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été plaidée le 22 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence PAPIN, Présidente dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

Mme [R] [Y] épouse [S] (ci-après Mme [S]) a exercé la profession d'avocat de février 1979 à juin 2017 et, à ce titre, a été affiliée à la Caisse Nationale des Barreaux Français (ci-après dénommée CNBF) selon les dispositions de l'article L. 723-1 du code de la sécurité sociale.

Préalablement, elle avait travaillé un mois pour la société [5] (septembre 1976) et un mois pour la société [6] (septembre 1978).

Mme [S] est, par ailleurs, la mère de trois enfants.

Contestant l'attribution exclusive au régime général des salariés des majorations liées à ses enfants, Mme [S] a formé un recours à l'encontre de son titre de pension devant la commission de recours amiable qui a rejeté ses demandes par décision du 27 avril 2018.

C'est dans ces conditions que Mme [S] a fait assigner la CNBF par acte d'huissier de justice du 27 juillet 2018.

Par jugement du 9 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris :

- Rejette les demandes de Mme [S] ;

- La condamne aux dépens ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration d'appel du 15 octobre 2019, Mme [Y] épouse [S] a interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance de Paris.

Par ses conclusions en réponse notifiées par voie électronique (RPVA), le 14 janvier 2020, Mme [Y] épouse [S] demande à la cour d'appel de Paris de :

Vu l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

Vu l'article 1 er alinéa 2 de la Constitution du 4 octobre 1958, ensemble les articles 1er et 2ème de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;

Vu l'article L 723-10-1-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable en l'espèce, antérieure à l'ordonnance n° 2018-470 du 12 juin 2018 procédant au regroupement et à la mise en cohérence des dispositions du code de la sécurité sociale applicables aux travailleurs indépendants, ensemble l'article L 351-4 dudit code (majoration de durée d'assurance au titre de la maternité et de l'éducation des enfants) ;

Vu l'article L 351-12 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article R 351-30 (majoration du montant de la pension de retraite pour l'assurée ayant eu un nombre d'enfant au moins égal à 3) ;

Vu l'article R. 723-40-5° du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 173-2-0-2 et R. 173-15 dudit code (coordination entre les régimes de retraite de base obligatoire) ;

- Recevoir Mme [S] en son appel ;

- La déclarant bien fondée en ses demandes, de :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 9 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris ;

Statuant à nouveau, de :

Sur l'attribution des trimestres de majoration de durée d'assurance :

- Dire et juger que l'article R. 173-15, auquel renvoie l'article R. 723-40-5° du code de la sécurité sociale, doit s'interpréter comme donnant lieu à une attribution distributive, au prorata, des trimestres de majoration de durée d'assurance au titre de la maternité, d'une part, et, d'autre part, au titre de l'éducation d'un enfant ;

- Dire et juger, en conséquence, qu'il y a lieu d'attribuer à Mme [S] 166 trimestres de cotisation au régime de base obligatoire de la CNBF et, en conséquence, condamner la CNBF à déterminer, y compris pour l'avenir, le montant de la pension de retraite de base de Mme [S] sur le fondement de 166 trimestres d'affiliation au régime de la CNBF ;

- Condamner la CNBF à verser à Mme [S], au titre des arrérages échus, la somme de 3.076,20 euros bruts correspondant au reliquat restant dû sur les termes échus entre le 1er juillet 2017 et le 31 décembre 2019 (somme à parfaire) au titre de la retraite de base du régime de la CNBF ;

- Condamner la CNBF au paiement des intérêts au taux légal :

o A compter du 2 février 2018 sur les sommes dues, au titre du reliquat, sur les termes échus au jour de la saisine de la Commission de Recours de la CNBF ;

o A compter de la date d'exigibilité des sommes dues au titre du reliquat sur les termes échus postérieurement à la date de saisine de la Commission de Recours de la CNBF ;

Sur la majoration de 10 % du montant de la pension de retraite servie au titre du régime de base de la CNBF :

- Dire et juger que la privation des seuls avocats du bénéfice de la majoration de 10 % du montant des pensions de retraite servies aux assurées ayant eu 3 enfants ou plus, cependant que le régime général octroie une telle majoration, de même que le régime des travailleurs indépendants, cependant que le régime des autres professionnels libéraux prévoit une compensation équivalente, contrevient au principe d'égalité devant la loi tel qu'interprété par le Conseil Constitutionnel, de même qu'au principe de non-discrimination tel qu'interprété, au visa de l'article 14 de la Conv. EDH et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Conv. EDH, par la Cour européenne des droits de l'Homme ;

- Dire et juger, en conséquence, qu'il y a lieu de faire bénéficier Mme [S], qui a eu 3 enfants au cours de sa carrière d'avocate, de la majoration de 10 % du montant de sa retraite de base dont disposent les articles L. 351-12 et R. 351-10 du code de la sécurité sociale et, en conséquence, condamner la CNBF à majorer, y compris pour l'avenir, le montant de la pension de retraite de base de 10 % ;

- Condamner la CNBF à verser à Mme [S], au titre des arrérages échus, la somme de 4.267,92 euros bruts correspondant à la majoration assise sur les termes échus de sa retraite de base entre le 1er juillet 2017 et le 31 décembre 2019 (somme à parfaire) ;

En tout état de cause :

- Condamner la CNBF à verser à Mme [S] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens de première instance comme d'appel.

Par ses conclusions en réponse notifiées par voie électronique (RPVA), le 25 août 2020 , la CNBF demande à la cour d'appel de Paris  :

- De débouter Mme [S] de son appel,

- De confirmer le jugement entrepris ;

- De condamner Mme [S] au paiement d'une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- De la condamner aux entiers dépens d'appel.

L'affaire a été clôturée le 9 mars 2022 et fixée à plaider le 21 avril 2022.

Une note en délibéré a été demandée aux parties, par courrier en date du 20 mai 2022, concernant la version de l'article R173-15 du code de la sécurité sociale qu'elles considèrent applicable en l'espèce. Elles s'accordent sur le fait que la version applicable est celle en vigueur au 1er juillet 2017, date de liquidation des droits.

La CNBF soutient que l'article R173-15 a été modifié par le décret n° 2017-735 du 3 mai 2017 pour globaliser sous l'appellation "régimes des travailleurs indépendants non agricoles "les régimes des professions artisanales, industrielles, commerciales, libérales et des avocats' et que l'erreur concernant la version de cet article cité dans leurs écritures est sans conséquence sur l'argumentation développée qui reste identique ; la nouvelle version n'exclut pas le régime vieillesse des avocats, qui est bien un

régime de travailleur independant. Le législateur a simplement regroupé, sous l'intitule "régimes des travailleurs indépendants non agricoles", l'ensemble des régimes détaillés dans la version précédente.

Par arrêt en date du 16 juin 2022, l'ordonnance de clôture a été révoquée et il a été demandé aux parties de conclure par rapport à la version de l'article R 173-15 du code de la sécurité sociale applicable au litige et sur le fait qu'il ne mentionne plus expressément le régime des avocats.

Madame [S] soutient, aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 juillet 2022, que l'article R 173-15 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au 1er juillet 2017 est au centre des débats en ce que le régime des avocats a été assimilé au régime des travailleurs indépendants.Pour le surplus elle reprend son argumentation et ses demandes formulées par ses conclusions antérieures précitées auxquelles il est fait expressément référence.

Par ses dernières conclusions en réponse notifiées par voie électronique (RPVA), le 12 septembre 2022, la CNBF, intimée, demande à la cour d'appel de Paris de :

- débouter Mme [S] de son appel ;

- confirmer le jugement entrepris ;

- condamner Mme [S] au paiement d'une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens d'appel.

Elle reprend dans ces conclusions le contenu de sa note en délibéré ainsi que son argumentation antérieure.

L'affaire a été à nouveau clôturée le 14 septembre 2022 et fixée à l'audience de ce jour.

MOTIFS :

1- Sur l'attribution des trimestres de majoration de durée d'assurance :

Les parties s'accordent sur le fait que les textes applicables sont ceux en vigueur au jour de la liquidation des droits (date de prise d'effet) soit le 1er juillet 2017.

L'article R173-15 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur au 1er juillet 2017, modifié par Décret n°2017-735 du 3 mai 2017 - art. 3 dispose :

'Les majorations de durée d'assurance prévues à l'article L. 351-4 sont accordées, par priorité, par le régime général de sécurité sociale lorsque l'assuré a été affilié successivement, alternativement ou simultanément à ce régime et aux régimes de protection sociale agricole, aux régimes des travailleurs indépendants non agricoles ou au régime des ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses.

Lorsque l'intéressé a été affilié successivement, alternativement ou simultanément à un ou plusieurs des régimes mentionnés à l'alinéa précédent à l'exception du régime général, les majorations de durée d'assurance sont accordées par le régime auquel l'intéressé a été affilié en dernier lieu et, subsidiairement, en cas d'affiliations simultanées, par le régime susceptible d'attribuer la pension la plus élevée.

Lorsque l'intéressé a été affilié successivement, alternativement ou simultanément à un ou plusieurs des régimes mentionnés au premier alinéa ci-dessus et à un régime spécial de retraite prévoyant une majoration de durée d'assurance au titre de l'accouchement, de la grossesse, de l'adoption ou de l'éducation d'un enfant, cette majoration est accordée en priorité par le régime spécial si celui-ci est susceptible d'accorder en vertu de ses propres règles une pension à l'intéressé. Toutefois, pour l'assuré comptant moins de quinze années de versement de cotisations ou de périodes assimilées au titre du décret n° 90-1215 du 20 décembre 1990 modifié relatif au régime de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires et qui a été affilié soit à un seul des régimes mentionnés au premier alinéa, soit à plusieurs de ces régimes, la majoration n'est pas accordée par le régime spécial dès lors que l'intéressé justifie dans l'autre régime ou l'un des autres régimes concernés d'une durée d'affiliation supérieure à celle du régime spécial. Dans le cas où cette personne justifie dans plusieurs des régimes mentionnés au premier alinéa d'une durée d'affiliation supérieure à celle du régime spécial, la majoration est accordée par le régime qui est prioritaire en application des règles édictées aux premier et deuxième alinéas.

Si les droits à pension statutaire ont été liquidés avant la naissance d'un ou plusieurs enfants, il est fait application des règles de priorité prévues aux premier et deuxième alinéas ci-dessus.

De même lorsque le régime spécial est en concurrence avec les régimes de base mentionnés aux premier et deuxième alinéas ci-dessus et qu'il est tenu de servir une pension proportionnelle de vieillesse calculée selon les règles du régime général au titre de la coordination, il est fait application des règles édictées auxdits alinéas et donnant compétence prioritairement au régime général ou, à défaut, au régime de la dernière affiliation et subsidiairement, en cas d'affiliations simultanées, au régime susceptible d'attribuer la pension la plus élevée. La majoration de durée d'assurance susceptible d'être mise à la charge du régime spécial, dans les cas où la prise en charge de cette majoration lui incombe en vertu des règles de priorité ci-dessus, est celle prévue à l'article L. 351-4.

Les dispositions du présent article sont applicables à la majoration de durée d'assurance des assurés sociaux ayant élevé un enfant handicapé lorsqu'elle est prévue dans les régimes qui y sont mentionnés. Toutefois, lorsque ces assurés ont été affiliés successivement, alternativement ou simultanément à deux ou plusieurs régimes spéciaux ainsi que, le cas échéant, à un ou plusieurs des régimes mentionnés au premier alinéa, la majoration de durée d'assurance est accordée par le régime spécial auquel l'intéressé a été affilié en dernier lieu, et, en cas d'affiliations simultanées, par le régime spécial susceptible d'attribuer la pension la plus élevée.

Les dispositions des deux premiers alinéas sont applicables à la majoration de durée d'assurance instituée à l'article L. 351-4-2, lorsqu'elle est prévue dans les régimes mentionnés aux mêmes alinéas'.

L'article R723-40 dans sa version en vigueur du 30 mai 2011 au 08 juillet 2019, précise ::

« Pour les avocats exerçant à titre libéral, sont comptées comme périodes d'assurance dans le présent régime :

1° Les périodes ayant donné lieu au versement effectif des cotisations. Les cotisations versées à la Caisse nationale des barreaux français sont arrêtées au dernier jour du trimestre civil précédant la date prévue pour l'entrée en jouissance de la retraite de base, sans préjudice des dispositions de l'article L. 723-10 ;

2° Les périodes ayant donné lieu aux exonérations de cotisations prononcées en application des articles L. 723-5-l et R. 723-23 ;

3° Les périodes de perception de l'allocation pour invalidité temporaire prévue à l'article R. 723-54 et de la pension pour invalidité permanente prévue à l'article R. 723-56 ;

4° Les périodes mentionnées à l'article L161-19 et les périodes assimilées définies par les mesures réglementaires d'application de cet article ;

5° Les périodes attribuées au titre des majorations de durée d'assurance pour enfants mentionnées à l'article L. 351-4, lorsque l'assuré n'a relevé d'aucun autre régime que celui de la Caisse nationale des barreaux français, ou lorsque celle-ci a compétence pour attribuer ces majorations en application de l'article R. 173-15.

Ces périodes ne peuvent avoir pour effet de porter le total des périodes d'assurance au-delà de la durée d'assurance mentionnée au 1° de l'article R. 723-37. »

La version de l'article R173-15 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur au 1er juillet 2017 a substitué, alinéa 1, à l'expression 'les régimes des professions artisanales, industrielles, commerciales, libérales et des avocats', l'expression 'aux régimes des travailleurs indépendants non agricoles'.

Les parties s'accordent pour considérer que la nouvelle version de l'article R173-15 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur au 1er juillet 2017 s'applique bien aux avocats.

Il résulte de ces textes précis, qui s'éclairent et se complètent l'un et l'autre, que si l'intéressé a été affilié au régime général et à la CNBF, seule la caisse nationale d'assurance vieillesse lui accordera la majoration de durée d'assurance pour enfants.

Face à une situation de concours de plusieurs régimes dont le régime général, le législateur a choisi de faire primer ce dernier, qui est le régime de référence, concernant les majorations de durée d'assurance pour enfants, d'où l'emploi des termes ' par priorité', sans prendre en compte le critère de durée d'affiliation à chaque régime.

Mme [S] soutient qu'il conviendrait de pratiquer une application distributive au prorata des périodes d'affiliation aux différents régimes, mais si le législateur l'avait ainsi souhaité, d'autres termes auraient été utilisés par lui et il ne peut qu'être observé que les textes sus- visés ne le prévoient pas.

Elle fait valoir que la maternité et l'éducation des enfants ont une incidence de fait reconnue par le conseil constitutionnel sur la carrière des femmes, leurs revenus et leur droit à la retraite, compensée par une majoration de la durée d'assurance et que refuser une attribution proratisée constituerait une discrimination indirecte à raison du sexe et de la grossesse prohibée par la loi du 27 mai 2008 (n° 2008-496) ainsi que de la situation de famille.

Cependant, il n'appartient pas au juge de rajouter à un texte clair et en outre il n'est pas démontré que l'interprétation de ce texte, telle que pratiquée par la CNBF, qui s'applique indifféremment de la situation de famille, aux hommes comme aux femmes, aux familles bi parentales ou monoparentales, aux parents biologiques et adoptifs, crée de discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article premier de cette loi, à raison du sexe et de la grossesse ou de la situation de famille.

Il n'est pas contesté également, comme la CNBF le rappelle, que cette dernière a pris en compte la majoration de durée d'assurance pour enfants en ce que Mme [S] a pu bénéficier d'une retraite à taux plein en juillet 2017 en disposant de 180 trimestres tous régimes confondus, à l'âge de 62 ans et 5 mois, alors que sans cela, elle n'aurait pu profiter d'une retraite à taux plein qu'en janvier 2021 et qu'elle a donc ainsi eu le bénéfice d'un avantage accordé aux avocates dont la carrière a été impactée par la naissance puis l'éducation des enfants.

Dès lors, Madame [S] est déboutée de ses demandes au titre de l'attribution de 166 trimestres de cotisation au régime de base obligatoire de la CNBF, de condamnation de l'intimée à déterminer sur ce fondement sa retraite de base du régime CNBF et de condamner la CNBF au titre d'un reliquat pour la période passée .

La décision déférée est confirmée de ce chef.

2- Sur la majoration de 10 % du montant de la pension retraite servie au titre du régime de base et du régime complémentaire de la CNBF :

Elle soutient que l'article L351-12 du code de la sécurité sociale prévoit une majoration du montant de la pension de retraite de base lorsque l'assuré a élévé 3 enfants et que la privation des seuls avocats, à l'exclusion des autres professions libérales, du bénéfice de cette majoration est contraire au principe d'égalité devant la loi tel qu'interprété par le conseil constitutionnel et qu'il y aurait une atteinte à l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme qui interdit les discriminations fondées sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques et du protocole additionnel n°1

La CNBF réplique que les régimes existant sont marqués du sceau de la diversité, issus de considérations historiques et professionnelles et que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à leur existence .

La cour n'est pas compétente pour examiner l'atteinte évoquée à la constitution en dehors de toute question préjudicielle prioritaire de constitutionnalité

Il résulte de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales telle qu'interprétée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme que dès lors qu'un État contractant met en place une législation prévoyant le versement automatique d'une prestation sociale, que l'octroi de celle-ci dépende ou non du versement préalable de cotisations, cette législation engendre un intérêt patrimonial relevant du champ d'application de l'article 1er du protocole additionnel n° 1.

En application des dispositions combinées des articles 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du protocole additionnel n° 1 de ladite convention, une distinction devient discriminatoire en l'absence de justification objective et raisonnable, ne poursuivant pas un but légitime ou s'il n'y a pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but recherché.

Il appartient en premier lieu à l'appelante de démontrer que la loi instaure une différence de traitement.

Mme [S] critique l'absence de majoration liée à l'éducation de 3 enfants dans le cadre du régime des avocats sans procéder à un examen de ce régime dans son ensemble.

Or un régime ne s'apprécie pas disposition par disposition, chaque régime ayant ses avantages et inconvénients respectifs.

L'appelante, en n'examinant pas les différents régimes dans leur ensemble afin de les comparer, ne démontre pas la différence de traitement entre personnes placées dans une situation identique et dès lors l'atteinte alléguée à l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 1er du protocole additionnel n°1.

Mme [S] est par conséquent déboutée de ses demandes afférentes à ladite majoration et la décision déférée confirmée de ce chef également.

Sur les dépens :

La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens.

Mme [S] est condamnée aux dépens d'appel et à payer à la CNBF la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise,

Y ajoutant,

Condamne Mme [S] à verser à la CNBF une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Mme [S] aux dépens de l'appel,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 19/19249
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;19.19249 ?
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