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19/10/2022 | FRANCE | N°22/12352

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 19 octobre 2022, 22/12352


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15



ORDONNANCE DU 19 OCTOBRE 2022



(n°42, 10 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 22/12352 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCMS



Décision déférée : Décision n°5 (procédure 21-02) en date du 06 mai 2022 rendue par la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers



Nature de la d

écision : Contradictoire



Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15

ORDONNANCE DU 19 OCTOBRE 2022

(n°42, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/12352 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCMS

Décision déférée : Décision n°5 (procédure 21-02) en date du 06 mai 2022 rendue par la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L621-12 du code Monétaire et Financier ;

assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

MINISTÈRE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée et représenté lors des débats par Mme Jocelyne AMOUROUX, avocat général ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 14 septembre 2022 :

Monsieur [P] [B] [T] [K] [S]

Né le 10 Juin 1977 à [Localité 5] (PAYS-BAS)

Demeurant [Adresse 6] (PAYS-BAS)

Élisant domicile au cabinet de Me Hugues BOUCHETEMBLE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Hugues BOUCHETEMBLE, du Cabinet KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J008

REQUÉRANT AU SURSIS A EXÉCUTION

et

L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Prise en la personne de son Président

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Mmes [H] [Y] et [U] [F], dûment mandatées

DÉFENDERESSE AU SURSIS A EXÉCUTION

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 14 septembre 2022, l'avocat du requérant, et la représentante de l'AMF ;

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 14 septembre 2022, Mme Jocelyne AMOUROUX, avocat général ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 19 Octobre 2022 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

Par décision n°5 du 6 mai 2022, notifiée le 12 mai 2022, la Commision des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) retenant que Monsieur [P] [B] [T] [K] [S], de nationalité néerlandaise, avait entre mars 2013 et décembre 2016 commis des manquements de manipulation de cours à raison d'interventions réalisées sur les titres objet de l'enquête cotés sur Euronext Paris, a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 400 000 euros (quatre cent mille euros).

Le 18 juillet 2022, Monsieur [P] [B] [T] [K] [S] a formé un recours en réformation contre cette décision et a déposé à la même date au greffe de la Cour d'appel un recours en sursis à exécution de la décision de la Commission des sanctions de l'AMF, sur le fondement des articles L621-30 et R 621-46 II du code monétaire et financier (CMF) (RG 22/12352).

Par ordonnance du 19 juillet 2022, l'audience pour statuer sur cette demande a été fixée au 14 septembre 2022.

A l'audience du 14 septembre 2022, l'affaire a été plaidée et mise en délibéré au 19 octobre 2022.

Par requête du 18 juillet 2022, observations récapitulatives et responsives déposées au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 6 septembre 2022, et observations récapitulatives et responsives n°2 du 12 septembre 2022, le requérant fait valoir:

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

L'AMF a ouvert une enquête le 29 février 2016 sur plusieurs valeurs admises aux négociations sur Euronext Paris, puis le 14 décembre 2020, le Collège de l'AMF a ouvert une procédure disciplinaire à l'encontre de Monsieur [K] [S] . Le 4 février 2021, un grief unique de 'manipulation de cours par voie d'indication fausse ou trompeuse sur le cours des titres' d'une part et par 'position dominante sur le marché des titres' d'autre part a été notifié à Monsieur [K] [S]. La société [S] Trading BV, détenue intégralement par ce dernier a fait l'objet de la même procédure. Par décision du 6 mai 2022, la Commission des sanctions a prononcé à l'encontre de Monsieur [K] [S] une sanction pécuniaire de 400.000 euros, le plaçant ainsi dans une situation de quasi 'faillite' personnelle, étant observé que les poursuites avaient été dirigées également envers la société [S] Trading BV, dissoute en raison de mésentente entre ses associés et des pertes financières, alors que l'autorité de pouruite y voyait une liquidation de 'convenance' permettant à Monsieur [K] [S] de faire échapper cette société à une potentielle sanction.

I. SUR LA RECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE

Conformément aux termes de l'article L.621-30 et R.621-46 II du CMF, Monsieur [K] [S] a procédé à la déclaration de recours le 18 juillet 2022, soit dans le délai de deux mois suivant la date de réception de la notification de la décision rendue par la Commission des sanctions de l'AMF (le 18 mai 2022), elle sera déclarée recevable.

II. SUR LE CARACTÈRE MANIFESTEMENT EXCESSIF DE LA DÉCISION DU 6 MAI 2022, AU REGARD DE LA SITUATION FINANCIÈRE DE MONSIEUR [K] [S].

Remarques liminaires : Sur les conditions dans lesquelles le montant de l'amende a été déterminé par la Commission des sanctions et la prise en compte-à tort de la liquidation de la société [S] Trading dans le prononcé de la sanction.

Selon le requérant, celui-ci étant le seul actionnaire de la société [S] Trading BV, l'Autorité de poursuite a interprété la liquidation de cette dernière, peu après qu'elle a fait l'objet d'une notification de grief, comme une manière d'échapper à la sanction susceptible d'être prononcée par l'AMF. Il en résulte que la Commission des sanctions a sollicité un montant aussi élevé, sans commune mesure avec une sanction susceptible d'être prononcée à l'encontre d'une personne physique sans emploi.

Par conséquent, il est demandé d' ordonner le sursis à l'exécution de la décision contestée, car susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives, en application des articles L.621-30 et R.621-46 II du CMF, sur la base des moyens exprimés ci-après.

Le requérant explique le contexte de la création de la société unipersonnelle [S] Trading BV. Celle-ci avait été constituée en 2008 pour loger la participation de Monsieur [K] [S], via une société Lankier BV dont la société [S] Trading BV était la seule actionnaire, au sein d'une société commune (la société BMD) détenue avec quatre autres traders. L'objectif était de répartir des coûts de fonctionnement au sein d'une société qui jouait un rôle assimilable à un « GIE ».

Des pertes financières importantes et une mésentente des actionnaires à compter de 2016 ont conduit à une liquidation de la société BMD, sans rapport avec la procédure engagée par l'AMF. BMD a été dissoute le 2 janvier 2019. [S] trading BV qui n'avait plus aucune utilité, a été liquidée à son tour le 18 septembre 2020, soit l'exercice suivant pour des raisons comptables et fiscales. La chronologie démontre que la liquidation n'était pas motivée par la procédure engagée par l'AMF. Malgré les explications de Monsieur [K] [S] dans la réponse à la notification des griefs, l'Autorité de poursuite a considéré qu'il avait usé d'artifice pour échapper à cette procédure, ce qui est inexact.

De toute évidence, le Collège entendait « compenser » sur la personne de Monsieur [K] [S] ce dont il pensait avoir été injustement privé au regard de la société [S] Trading, cette approche du Collège de l'AMF a manifestement guidé la Commission des sanctions dans le cadre de l'amende de 400.000€, alors que cette approche est contraire au principe d'individualisation des poursuites.

Il est rappelé que selon l'article L.621 -15 III ter du CMF, la Commission des sanctions de l'AMF doit prendre en compte pour déterminer le montant d'une sanction ' la situation et la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s'agissant d'une personne physique de ses revenus annuels',

A. Sur la situation patrimoniale et les revenus de Monsieur [K] [S]

Le requérant , marqué par une procédure qui s'est étalée sur près de neuf ans occasionnant des effets dépressifs importants, ne travaille plus depuis le début de l'année 2021. Il ne perçoit aucun revenu et assure le quotidien en puisant dans les réserves qu'il avait pu constituer ou en se faisant assister ponctuellement par la famille de sa concubine par des prêts. L'exécution de la condamnation pécuniaire rend de facto Monsieur [K] [S] en état d'insolvabilité.

Selon sa situation bancaire au 31 août 2022, ses derniers relevés de compte bancaire produits peu avant la décision de la Commission des sanctions, détenus auprès de deux établissements laissent apparaître un solde créditeur à hauteur de seulement 2.676,27€, et le relevé de son compte courant principal arrêté au 25 août 2022 fait apparaître un solde de 4.789,09€.

Selon ses avis d'imposition, ses revenus imposables étaient de 78.335€ pour l'exercice de 2020. L'Autorité de poursuite ayant remis en cause l'authenticité et la véracité des documents produits, celui-ci produit désormais l'intégralité de ses avis d'imposition et ceux de sa conjointe au titre de l'exercice de 2020.

Les revenus déclarés de Monsieur [K] [S] étaient de 82.192€ pour l'ensemble du foyer, au titre de l'exercice 2021. Celui-ci produit l'intégralité de sa déclaration de revenus.

B. Sur les charges de Monsieur [K] [S]

Sur le plan immobilier, le requérant est débiteur d'un crédit hypothécaire d'une durée de 30 ans, le capital hypothéqué restant à rembourser étant de 390.429,56€.

Concernant sa situation familiale, il a la charge de deux enfants âgés de 8 et 6 ans, sa conjointe ne travaille pas. Il fait seul face aux charges courantes du foyer.

C. Sur les dernières observations formulées par l'Autorité des marchés financiers le 9 septembre 2022

Le requérant produit l'intégralité de ses déclarations de revenus pour les exercices 2020 et 2021 comprenant tous ses revenus professionnels et tous les avoirs détenus dans les livres d'établissements bancaires consolidés et déclarés à l'administration fiscale hollandaise. Ce document est, à lui-seul, suffisant pour évaluer ses revenus annuels.

En définitive, la question posée à la Cour est de déterminer si un requérant qui ne travaille pas, qui a déclaré 82.192 € de revenus pour l'exercice 2021, qui subvient seul aux charges du foyer et a la charge de deux enfants, peut faire face immédiatement à une amende de 400.000€, pour laquelle le titre exécutoire a d'ores et déjà été émis.

A supposer qu'il n'ait pas de charges (ce qui n'est pas le cas) et que les revenus du couple se maintiennent, le foyer devra allouer durant 5 ans l'intégralité des revenus dont il dispose pour pouvoir régler l'amende. En prenant en compte un montant théorique d'1/3 de charge, il faudrait que le foyer affecte durant 7 ans l'intégralité de ses revenus.

Enfin, le requérant souhaite préciser que :

- les charges courantes liées à l'éducation de deux jeunes enfants sont reflétées par ses relevés de compte ouvert dans les livres d'ABN AMRO ;

- le salaire de 94.000 € déclaré pour l'exercice 2021 correspond aux salaires anciennement versés par sa société Lankier, conformément à ce qui a été déclaré à la Commission des sanctions ;

- sa compagne ne travaille pas comme l'indique sa déclaration de revenus ;

- les charges dues au titre de son prêt immobilier figurent sur l'avis d'imposition, soit 11.808 € pour l'exercice 2021.

Concrètement, il ne sera jamais en mesure de payer une telle somme dans les semaines qui viennent.

Par ces motifs, il est demandé au Premier Président de la Cour d'appel de Paris de sursoir à l'exécution de la décision rendue le 6 mai 2022 par la Commission des sanctions de l'AMF.

Par observations déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 18 août 2022 et par observations complémentaires du 9 septembre 2022, l'AMF fait valoir:

I. SUR LES FAITS ET LA PROCÉDURE

Monsieur [K] [S] de nationalité néerlandaise et résidant aux Pays-Bas, détient la totalité du capital de la société Lankier BC, société de droit néerlandais qui elle-même détenait entre 2013 et 2020 la totalité de [S] Trading BV, société de droit néerlandais qui exerçait une activité de négociation sur instruments financiers, activité assurée par Monsieur [K] [S] par l'intermédiaire de sociétés tierces de trading. [S] Trading BV a été l'objet d'une liquidation amiable, clôturée le 18 septembre 2020.

Les investigations réalisées lors de l'enquête ouverte par le secrétaire général de l'AMF ont révélé que [S] trading BV et Monsieur [K] [S] avaient effectué des opérations sur les titres objet de l'enquête susceptibles de caractériser des manquements de manipulation de cours.

Par décision du 6 mai 2022, la Commission des sanctions après avoir retenu que le moyen soulevé par Monsieur [K] [S] tiré de la liquidation de la société [S] Trading Bv était fondé, a constaté la disparition de la société [S] Trading BV définitivement liquidée et l'impossibilité de prononcer une sanction à son égard. Elle a retenu les manquements reprochés à Monsieur [K] [S] et a prononcé une sanction pécuniaire de 400.000 euros, dont Monsieur [K] [S] sollicite le sursis à exécution.

II. SUR LE REJET DE LA DEMANDE DE SURSIS À EXÉCUTION

Sur le moyen tiré de ce que la Commission des sanctions aurait pris en compte à tort la liquidation de la société [S] Trading BV dans le prononcé de la sanction.

Il résulte de l'article L621-30 du CMF que la juridiction saisie ne peut ordonner le sursis à exécution de la décision contestée que si celle-ci peut entrainer des 'conséquences manifestement excessives', or le moyen soulevé relève du débat au fond et ne peut être invoqué utilement dans le cadre de la présente instance.

Sur le moyen tiré des conséquences prétendument manifestement excessives attachées à l'exécution de la sanction au regard de la situation financière de Monsieur [K] [S]

Le caractère proportionné de la sanction au regard des critères énoncés à l'article L.621-15, III, ter du CMF relève d'un débat de fond et ne peut être utilement discuté. Dans le cadre de la présente requête, seul est opérant le caractère manifestement excessif des conséquences qui seraient attachées à l'exécution de la sanction prononcée, de plus selon une jurisprudence constante, la charge de la preuve revient à M. [K] [S],

En l'espèce, l'AMF observe, en premier lieu, qu'à l'exception de la mensualité d'un prêt souscrit pour financer l'acquisition d'une maison d'habitation, le requérant, se bornant à affirmer qu'il aurait la charge de deux enfants, que sa femme ne travaille pas et qu'il devait « faire face seul aux charges courantes du foyer », celui-ci ne fournit ni précision, ni justifications relativement à ses charges.

L'AMF s'étonne que le requérant, qui fait état, par ailleurs, de « prêts successifs qui lui sont accordés par sa concubine», ne soit pas en mesure de justifier précisément de sa situation familiale et de ses charges essentielles.

S'agissant des revenus et du patrimoine de Monsieur [K] [S], l'AMF observe, en second lieu, que les pièces produites au soutien de sa demande de sursis à exécution consistent, pour une large part, en des courriers de son conseil ou en des « informations communiquées par un cabinet d'expertise comptable, spécialement mandaté parMVan [S]  ».

Là encore, l'AMF s'étonne que plutôt que de produire un « Récapitulatif déclaration des revenus 2020 » établi par un cabinet d'expertise comptable spécialement mandaté par lui, le requérant ne produise pas sa déclaration de revenus, étant par ailleurs observé que le document produit par le requérant (lettre de l'administration fiscale du 3 septembre 2021) n'a été traduit en ne faisant apparaître que l'intitulé des rubriques sans en indiquer les chiffres, ce qui ne permet pas la bonne compréhension de son contenu. En outre ces documents relatifs à l'année 2020 qui ne rendent pas compte de la situation actuelle de Monsieur [K] [S], ne peuvent être utilement invoqués pour établir les conséquences prétendument manifestement excessives qui seraient induites par l'exécution de la sanction prononcée.

A cet égard, l'AMF observe encore que, lors de son audition par le Rapporteur le 15 octobre 2021, Monsieur [K] [S] avait précisé : « J'ai encore une société « Lankier BV », qui constitue une réserve d'argent, mais est dormante. J'ai versé des fonds auprès de cette société depuis 2008. (') ».

Or, Monsieur [K] [S] n'a fourni et ne fournit dans le cadre de la présente instance, aucune précision sur cette réserve d'argent.

L'AMF observe qu'alors que ses observations formulées en réponse au rapport du Rapporteur faisaient état de la détention de deux comptes bancaires ' dont le relevé d'un, détenu auprès de Saxo Bank, étant d'ailleurs curieusement tronqué ' , il n'est plus joint à la lettre de son conseil du 7 avril 2022 produite à l'appui de sa requête que le relevé de compte ouverts dans les livres de ABN-AMRO.

Il convient d'ajouter que ce relevé concerne la période du 1er février 2022 au 5 avril 2022 sans que Monsieur [K] [S] ait cru bon de produire ses derniers relevés.

Enfin, l'AMF s'étonne d'une part que, Monsieur [K] [S] ne fournisse pas davantage la moindre précision sur le résultat de la liquidation de la société [S] Trading, ni sur celui de la liquidation de la société BMD Trading BV, dont il détenait, via la société unipersonnelle Lankier BV, 28% du capital social 'société BMD Trading BV à laquelle il avait en outre, précisé avoir apporté 350 000€ lors de son audition par le rapporteur.

De plus, le requérant ne précise pas non plus la situation actuelle de la société Lankier BV, dont il indiquait envisager la cession ou la liquidation, ni le résultat éventuel de l'une ou l'autre de ces opérations.

Au total, il apparaît que M. [K] [S] est défaillant dans l'administration de la preuve qui lui incombe en ce qu'il ne démontre pas que le règlement de la sanction qui a été prononcée à son encontre entraînerait des conséquences manifestement excessives eu égard à sa situation financière et patrimoniale.

En conséquence, sa requête aux fins de sursis à exécution ne pourra qu'être rejetée.

Les moyens invoqués par M. [K] [S] apparaissant soit inopérants, soit infondés, l'AMF sollicite le rejet de sa requête aux fins de sursis à exécution de la décision rendue par la Commission des sanctions le 6 mai 2022.

Par avis en date du 9 septembre 2022, le ministère public fait valoir :

DISCUSSION

M. [K] [S] allègue, au soutien de sa demande, que l'exécution de la décision de la Commission des sanctions serait susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives en raison, d'une part, du fait que l'exécution de la condamnation pécuniaire prononcée le rendrait « de facto » « en état d'insolvabilité », et d'autre part, de la « prise en compte ' à tort- de la liquidation de la société [S] Trading BV dans le prononcé de la sanction ».

Sur le moyen tiré de la prise en compte alléguée de la liquidation de la société [S] Trading BV, par la Commission des sanctions dans le prononcé de la sanction.

Le requérant fait valoir qu'en prononçant cette sanction à son encontre, la Commission des sanctions, a, à tort, cherché à le sanctionner pour avoir procédé à la liquidation de la société [S] Trading BV, alors même que celle-ci aurait été liquidée pour des raisons étrangères à la procédure de sanction à son encontre.

Or il est de jurisprudence constante d'une part, qu'il appartient au requérant de rapporter la preuve des conséquences manifestement excessives exigées par les termes de l'article L.621-30 du CMF, et d'autre part, que c'est sur le seul critère du caractère manifestement excessif des conséquences susceptibles d'être entraînées, que la demande de sursis à exécution doit être examinée et appréciée au regard des répercussions financières sur la situation patrimoniale du requérant, il n'appartient pas au Premier Président de la cour d'appel d'apprécier si la sanction pécuniaire prononcée présente ou non un caractère disproportionné au regard de sa situation professionnelle et familiale actuelle.

Il en résulte que les allégations du requérant (fixation du quantum de la sanction et principe d'individualité des poursuites), relèvent du débat au fond et ne peuvent être utilement invoquées dans le cadre de la demande de sursis à exécution, comme l'indique l'AMF dans ses observations.

Sur le moyen tiré des conséquences manifestement excessives liées à l'exécution de la sanction au regard de la situation financière de M. [K] [S].

Le requérant fait valoir que sa situation financière personnelle n'est plus la même que celle de l'exercice 2020, étant sans emploi depuis le début de l'année 2021, ne percevant aucun revenu en dehors des prêts successifs réalisés auprès de sa concubine, vivant sur ses réserves épuisées depuis la fin de l'année 2021. Sur le plan immobilier, il est débiteur d'un crédit hypothécaire dont le capital restant à rembourser est de 390.429,56 euros. Sur le plan familial, il indique qu'il a la charge de deux enfants et que sa femme ne travaille pas.

A l'appui de sa demande, il se borne à produire un avis d'imposition de 2020, partiellement traduit en français, ne faisant apparaître que les intitulés des rubriques mais n'indiquant pas de chiffres, sa déclaration de revenus et celle de sa conjointe étant également librement traduites. Il ne produit que des relevés bancaires concernant une période déterminée (du 1er février au 5 avril 2022 et du 19 au 25 août 2022) d'un compte détenu chez ABN-AMRO. Concernant le crédit hypothécaire dont il est débiteur, il ne produit qu'un document d'estimation de la valeur de sa propriété et un document établi par un cabinet d'expertise comptable mentionnant les principales caractéristiques du crédit souscrit en 2018 sans tableau d'amortissement.

Le requérant ne produit pas de justificatifs (mis à part les certificats de naissance des deux enfants) ni de précision sur sa situation et les charges familiales qu'il allègue, concernant sa situation professionnelle actuelle il se contente d'indiquer qu'il est sans emploi depuis début 2021, sans justifier de recherches d'un nouvel emploi.

En outre, l'AMF relève que le requérant ne fournit pas de précision sur le résultat de la liquidation de la société [S] Trading BV, ni sur celui de la liquidation de la société BMD Trading BV, dont il détenait, via la société unipersonnelle Lankier BV, 28% du capital social et à laquelle il avait déclaré avoir apporté 350 000 euros lors de son audition par le Rapporteur. Il ne précise pas non plus la situation actuelle de la société Lankier BV, dont il indiquait envisager la cession ou la liquidation, ni le résultat éventuel de l'une ou l'autre de ces opérations.

Le requérant affirme que des revenus éventuels issus de la société MBD, liquidée en 2019, et de la société Lankier BV auraient été intégrés à sa déclaration de revenus.

Il conviendra d'écarter son argument selon lequel l'Autorité de poursuite n'apporte pas la preuve du versement du bonis à son égard, dès lors qu'il incombe au requérant lui-même de démontrer l'étendue exacte de son patrimoine et de ses revenus, ainsi que de ses charges.L'AMF relève, en outre, le caractère parcellaire des communications du 6 septembre 2022 du requérant, notamment s'agissant des relevés de compte qui ne concernent qu'une période limitée (du 19 au 25 août 2022), et ne faisant pas apparaître le débit mensuel correspondant au prêt immobilier souscrit pour l'acquisition de sa maison, ou le compte bancaire ouvert dans les livres de Saxo Bank.

Il en résulte que les éléments produits ne rendant pas compte de la situation actuelle du requérant et sont insuffisants pour établir l'étendue exacte de ses charges et des ses revenus et du patrimoine, ainsi M. [K] [S] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que le règlement de la sanction pécuniaire qui a été prononcée à son encontre serait susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

En conséquence, le ministère public invite le Premier Président de la Cour d'appel de Paris à rejeter la requête de M. [K] [S] aux fins de sursis à exécution de la décision rendue par la commission des sanctions de l'AMF le 6 mai 2022.

SUR CE LA COUR

Sur la recevabilité de la requête en Sursis à exécution

Considérant que Monsieur [P] [B] [T] [K] [S] a reçu notification le 18 mai 2022 de la décision de la Commission des sanctions de l'AMF du 6 mai 2022, qu'il a présenté le 18 juillet 2022 une requête en sursis à exécution à l'encontre de ladite décision, soit dans le délai imparti conformément aux termes de l'article L.621-30 et R.621-46 II du code monétaire et financier, cette requête sera déclarée recevable.

Sur la demande de sursis à exécution

Sur le moyen selon lequel les conditions dans lesquelles le montant de l'amende a été déterminé par la Commission des sanctions et la prise en compte de la liquidation de la société [S] Trading dans le prononcé de la sanction sont contestables.

Considérant qu'il résulte de l'article L.621-30 du code monétaire et financier que 'la juridiction saisie peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision contestée si celle-ci est susceptible d'entrainer des conséquences manifestement excessives', que c'est donc à la lumière de ce seul critère, à savoir le caractère manifestement excessif des conséquences susceptibles d'être entraîné que la demande de sursis à exécution doit être examinée et appréciée au regard des répercussions financières sur la situation du requérant, qu'en l'espèce, les arguments développés par le requérant en remarques préliminaires concernant les conditions dans lesquelles le montant de l'amende a été déterminé par la Commission des sanctions relève du débat au fond dans le cadre du recours contre la décision de la commission des sanctions de l'AMF et ne sauraient donc être invoqués dans le cadre de la présente instance.

Ce moyen sera rejeté.

Sur le caractère manifestement excessif de la décision du 6 mai 2022 au regard de la situation financière de Monsieur [K] [S]

Considérant qu'aux termes de l'article L.621-30 du code monétaire et financier, ' l'examen des recours formés contre les décisions individuelles de l'Autorité des marchés financiers autre que celles, y compris les sanctions prononcées à leur encontre, relatives aux personnes et entités mentionnées au II de l'article L 621-9 est de la compétence du juge judiciaire. Ces recours n'ont pas d'effet suspensif sauf si la juridiction en décide autrement. Dans ce cas , la juridiction saisie peut ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de la décision contestée si celle-ci est susceptible d'entrainer des conséquences manifestement excessives'.

Considérant que le requérant allègue que sa situation personnelle, familiale et patrimoniale actuelle ne lui permet pas de régler le montant de la sanction infligée, qu'il évoque sa situation de perte d'emploi et l'absence d'emploi de sa concubine sans pour autant justifier de démarches actives de recherche d'emploi, qu'il fait valoir des charges de famille sans produire aucun justificatif mis à part le certificat de naissance de ses enfants, qu'il produit le justificatif des revenus imposables 2020 et des revenus déclarés en 2021 qui démontrent que le foyer n'est pas privé de toute ressources financières, qu'il produit des relevés d'un compte bancaire faisant état d'un solde créditeur d'une faible montant, mais sur lesquels le prélèvement du remboursement de l'empreint immobilier n'apparaît pas alors que selon l'AMF le requérant aurait fait état d'un autre compte bancaire au cours de la procédure d'instruction devant le Rapporteur, que le requérant ne donne pas de précision sur le résultat de la liquidation de la société [S] Trading BV, ni sur celui de la liquidation de la société BMD Trading BV, dont il détenait, via la société unipersonnelle Lankier BV, 28% du capital social et à laquelle il avait déclaré avoir apporté 350 000 euros lors de son audition par le Rapporteur, qu'il ne précise pas non plus la situation actuelle de la société Lankier BV, dont il indiquait envisager la cession ou la liquidation, ni le résultat éventuel de l'une ou l'autre de ces opérations, qu'il en résulte que Monsieur [K] [S] ne produit pas suffisamment de pièces de nature fiscale,, comptable ou bancaire permettant de révéler l'étendue de sa situation financière et patrimoniale actuelle et ainsi ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que le règlement de la sanction pécuniaire qui a été prononcée à son encontre serait susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Ce moyen sera rejeté.

Considérant qu'il résulte des éléments ci-dessus exposés que les conséquences "manifestement excessives" selon l'article L .621-30 du code monétaire et financier susceptibles d'être entrainées par l'exécution du règlement de la sanction envers Monsieur [K] [S] [P] [B] [T] ne sont pas établies ; qu'il n' y a pas lieu de sursoir à l'exécution de la décision de la Commission des sanctions de l'AMF n° 5 en date du 6 mai 2022.

PAR CES MOTIFS

-Déclarons recevable la requête en sursis à exécution présentée par Monsieur [P] [B] [T] [K] [S] concernant la décision de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n° 5 en date du 6 mai 2022 ;

- Rejetons la demande de sursis à exécution de la décision de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n° 5 du 6 mai 2022 présentée par Monsieur [P] [B] [T] [K] [S] ;

- Disons que les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l'instance au fond.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIERPRESIDENT

Elisabeth IENNE-BERTHELOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 15
Numéro d'arrêt : 22/12352
Date de la décision : 19/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-19;22.12352 ?
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