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19/10/2022 | FRANCE | N°21/11886

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 19 octobre 2022, 21/11886


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2022



(n° 158/2022, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/11886 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD527



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mai 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 19/01435





APPELANT



M. [X] [Z] [M]

Né le 07 octo

bre 1944 à [Localité 15] (ESPAGNE)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 7]



Représenté par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2022

(n° 158/2022, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/11886 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD527

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mai 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 19/01435

APPELANT

M. [X] [Z] [M]

Né le 07 octobre 1944 à [Localité 15] (ESPAGNE)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assisté de Me Geoffroy LACROIX du cabinet OLLYNS, avocat au barreau de PARIS, toque T12

INTIMES

M. [E] [C]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 8]

N'ayant pas constitué avocat

S.A.S.U. SLVB

Ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 9]

N'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 août 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,

Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

Mme Deborah BOHEE, conseillère.

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Yulia TREFILOVA

ARRET :

Réputé contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [X] [Z] [M] expose créer depuis 40 ans des souliers pour hommes pour différentes marques de sport et de luxe telles que SEBAGO, BOWEN ou encore MARKOWSKI.

Il est le titulaire, notamment, de la marque semi-figurative française 'SEPTIEME LARGEUR', déposée le 10 juin 2009 et enregistrée sous le n° 3656152, dûment renouvelée, pour désigner en classe 25, notamment, les « chaussures ».

Il expose que les chaussures de cette marque sont commercialisées à [Localité 12] dans deux magasins situés dans le [Localité 5], exploités respectivement par les sociétés MEC et HOC, ainsi qu'à [Localité 11], Singapour et Taïwan.

En avril 2011, M. [E] [C] a été engagé par la société HOC où il exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable des ventes de la boutique à l'enseigne 'Septième Largeur' [Adresse 14].

En février 2013, MM. [C] et [Z] [M] se sont associés au sein de la société MARKETING EVENTS COMMUNICATION (MEC).

Courant 2014, la société MEC a relancé la marque 'ORBAN'S' créée par M. [Z] [M] dans les années 2000, sous laquelle sont proposés des modèles de chaussures de ville pour homme 'à prix compétitif', et à cette fin, a pris à bail une boutique située [Adresse 13].

Fin 2015, M. [C] a souhaité ouvrir une boutique à son compte sous l'enseigne 'Septième largeur' dans le 17ème arrondissement et, en janvier 2016, il a revendu ses parts de la société MEC à M. [Z] [M] et obtenu une rupture conventionnelle de son contrat de travail avec la société HOC.

Le 4 mars 2016, M. [C] a créé la société SLVB dont le siège et l'établissement principal sont situés [Adresse 6] et, suivant un contrat du 15 mars 2016, M. [Z] [M] a consenti à la société SLVB une licence non exclusive de la marque 'SEPTIEME LARGEUR'.

En juin 2016, la société MEC a ouvert une boutique à l'enseigne 'Orban's', [Adresse 4], à proximité de la rue [Adresse 6].

Par une lettre RAR du 18 septembre 2018, signifiée par acte d'huissier de justice du 2 octobre 2018, la société SLVB a informé M. [Z] [M] de la résiliation du contrat de licence, au visa de son article 10, au motif du développement de la marque concurrente 'ORBAN'S' et de l'ouverture de la boutique de l'avenue de Wagram à l'enseigne 'Orban's', à 480 mètres de sa boutique exploitée [Adresse 6].

La société SLVB a déposé l'enseigne 'Septième largeur', pour la remplacer par l'enseigne 'Malfroid' correspondant à une marque française 'MALFROID' déposée notamment par M. [C] le 22 décembre 2017.

Par une lettre du 1er octobre 2018, signifiée par acte d'huissier de justice du 2 octobre 2018, M. [Z] [M], par l'intermédiaire de son conseil, a de son côté mis en demeure la société SLVB de commander l'intégralité des produits de la marque, visant l'article 1er du contrat de licence, indiquant qu'à défaut d'exécution, il considérerait le contrat de licence comme résilié à ses torts exclusifs en application de l'article 10 dudit contrat.

C'est dans ce contexte que, par acte d'huissier de justice du 24 janvier 2019, M. [Z] [M] a fait assigner la société SLVB et M. [C] devant le tribunal judiciaire de Paris en résiliation fautive du contrat de licence de marque.

Par une ordonnance du 19 décembre 2019, le juge de la mise en état a débouté la société SLVB et M. [C] de leur demande de production de pièces. Par une autre ordonnance du 26 novembre 2020, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer dans l'attente des suites données à une plainte pour faux initiée contre la pièce n°26 du demandeur.

Par jugement du 27 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- constaté la résiliation du contrat de licence de marque par la société SLVB aux torts exclusifs de M. [Z] [M], à effet du 2 octobre 2018 ;

- condamné M. [Z] [M] à payer à la société SLVB la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice commercial causé par l'exécution déloyale du contrat de licence de marque ;

- rejeté la demande de réparation d'un préjudice moral formée par M. [C] ainsi que toutes les demandes formées par M. [Z] [M] ;

- condamné M. [Z] [M] aux dépens et au paiement à la société SLVB ainsi qu'à M. [C] de la somme de 7 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 25 juin 2021, M. [Z] [M] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 octobre 2021, une médiation judiciaire a été ordonnée. Les parties ne sont toutefois pas parvenues à trouver une solution amiable à leur litige.

Dans ses dernières conclusions numérotées 2 transmises le 22 mars 2022, M. [Z] [M] demande à la cour :

- de le recevoir en ses demandes,

- en conséquence,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- constaté la résiliation du contrat de licence de marque prononcée aux torts exclusifs de M. [X] [Z] [M] à effet du 2 octobre 2018 par la société SLVB ;

- condamné M. [X] [Z] [M] à payer à la société SLVB la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice commercial causé par l'exécution déloyale du contrat de licence de marque ;

- rejeté toutes les demandes formées par M. [X] [Z] [M] ;

- condamné M. [X] [Z] [M] aux dépens ;

- condamé M. [X] [Z] [M] à payer à la société SLVB ainsi qu'à M. [E] [C] la somme de 7 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau,

- de débouter la société SLVB et M. [C] de toutes leurs demandes,

- de constater la résiliation fautive du contrat de licence non exclusive de marque « SEPTIEME LARGEUR » aux torts exclusifs de la société SLVB et M. [C], avec effet au 2 octobre 2018,

- de condamner solidairement la société SLVB et M. [C] à payer à M. [Z] [M] la somme de 14 856,20 euros au titre des redevances impayées entre juillet

2018 et le 2 octobre 2018, date de résiliation fautive du contrat de licence non exclusive par la société SLVB et M. [C],

- de condamner solidairement la société SLVB et M. [C] à payer à M. [Z] [M] :

- la somme de 15 633 euros au titre du préjudice constitué par la perte des redevances pour la période allant du 2 octobre 2018 au 31 décembre 2018,

- la somme de 73 600 euros au titre au titre du préjudice constitué par la perte des redevances pour l'année 2019,

- la somme de 17 391,78 euros au titre du préjudice constitué par la perte des redevances pour l'année 2020, arrêté au 15 mars 2020,

- la somme de 100 000 euros au titre des préjudices matériels et économiques d'atteinte à l'image et la valeur de la marque « SEPTIEME LARGEUR » du fait de la résiliation fautive du contrat de licence non exclusive,

- la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait de la résiliation fautive du contrat de licence non exclusive,

- de condamner M. [C] à payer à M. [Z] [M] la somme de 110 000 euros au titre de la réparation de l'ensemble des préjudices matériels et moral subis par ce dernier du fait des actes de concurrence déloyale,

- de condamner la société SLVB et M. [C] à payer chacun pris séparément la somme de

10 000 euros en application de l'article 700 du code procédure civile.

La société SLVB et M. [C] n'ont pas constitué avocat. M. [Z] [M] leur a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions par actes d'huissier de justice, le 5 octobre 2021, à personne pour l'une et pour l'autre.

L'ordonnance de clôture est du 17 mai 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Il sera rappelé que l'article 472 du code de procédure civile dispose que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée, cette disposition étant applicable en cause d'appel lorsque l'intimé n'est pas constitué.

Sur le chef du jugement non contesté

M. [C] étant défaillant, le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle en réparation d'un préjudice moral né d'actes de concurrence déloyale de M. [Z] [M].

Sur les demandes de M. [Z] [M] relatives à la résiliation du contrat de licence de marque

M. [Z] [M] soutient que la résiliation du contrat de licence de marque par la société SLVB est totalement injustifiée. Il fait valoir de première part que formellement, la société SLVB n'a pas respecté les modalités de mise en oeuvre de la clause résolutoire du contrat de licence (article 10) puisqu'il n y a pas eu, préalablement au courrier de résiliation du 2 octobre 2018, de mise en demeure par LRAR faisant état de l'intention de faire application de la clause résolutoire et d'une défaillance clairement identifiée. Il argue de seconde part qu'il n'y a pas eu de sa part d'exécution déloyale du contrat de licence non exclusive dès lors que (i) la société SLVB et M. [C] avaient parfaitement connaissance du développement de la marque «ORBAN'S » et de l'ouverture de la boutique « Orban's » au [Adresse 4], (ii) que la licence de marque étant une licence non exclusive, il avait en tout état de cause le droit de développer sa marque 'ORBAN'S' et d'ouvrir une boutique éponyme [Adresse 10], (iii) qu'aucun risque de confusion n'est possible entre les marques « SEPTIEME LARGEUR » et 'ORBAN'S', (iv) que les produits concernés se distinguent eux mêmes par des détails tenant aux finitions (en particulier la patine), par la qualité des matières premières, par les prix de vente et par les segments de clientèle concernés, les produits sous la marque «ORBAN'S» étant commercialisés à un prix inférieur aux produits sous la marque «SEPTIEME LARGEUR» plus haut de gamme, (v) que la boutique ORBAN'S est à 600 mètres de la boutique 'Septième largeur' alors que pas moins de 8 magasins de chaussures de semi-luxes comparables sont situés dans un rayon de 500 mètres de la boutique exploitée par la société SLVB, (vi) que les attestations adverses sont sans valeur probante, (vii) que la création et le développement de la marque 'ORBAN'S', visant une autre clientèle, n'ont jamais nuit au développement de la marque 'SEPTIEME LARGEUR'. Il ajoute que la société SLVB et M. [C] ne démontrent aucun préjudice.

Selon M. [Z] [M], la résiliation du contrat de licence doit être prononcée aux torts exclusifs de la société SLVB et de M. [C], celui-ci ayant engagé sa responsabilité personnelle par ses agissements fautifs. Il fait valoir que l'une et l'autre ont en effet fautivement exécuté le contrat en cessant de commander les nouvelles collections de la marque « SEPTIEME LARGEUR » à compter de la fin de l'année 2017 en violation des articles 1, 4 et 8 du contrat, en refusant de commercialiser les produits « Femmes » de la marque « ORBAN'S », en retirant l'enseigne 'Septième largeur' de leur boutique en septembre 2018 alors que le contrat de licence était en vigueur, et en pratiquant une politique tarifaire très agressive à compter de juillet 2018 au détriment de l'image de marque 'SEPTIEME LARGEUR'.

Sur les conditions de mise en oeuvre de la clause résolutoire par la société SLVB

L'article 10 du Contrat de licence non exclusive prévoit une clause résolutoire en ces termes : 'RESILIATION ANTICIPEE - Le présent contrat pourra être résilié par anticipation, par l'une ou l'autre des parties, en cas d'inexécution ou de non-respect de l'une quelconque des obligations contenues dans les présentes. La résiliation anticipée interviendra automatiquement un mois après une mise en demeure signifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à la partie défaillante, indiquant l'intention de faire application de la présente clause résolutoire expresse demeurée infructueuse (...)'.

Le tribunal a rappelé à juste raison que la mise en oeuvre d'une clause résolutoire de plein droit, suppose, pour être valable, même si elle ne reprend pas les termes de la clause elle-même, une mise en demeure préalable se rapportant expressément à la clause et à une défaillance clairement identifiée.

En l'espèce, M. [C] a adressé deux lettres de mise en demeure à M. [Z] [M], en date des 19 janvier et 12 février 2018 qui, si elles font expressément état de faits de concurrence déloyale résultant de l'ouverture par ce dernier d'une boutique concurrente à l'enseigne 'Orban's' à 480 mètres de celle dans laquelle la société SLVB exploite la marque sous licence, la déloyauté tenant, selon lui, à la vente de modèles de chaussures ne se distinguant pas significativement des produits sous licence et à l'imitation des couleurs et décors de la boutique, ne font aucunement mention de la clause résolutoire contenue dans le contrat de licence et de l'intention de M. [C] de s'en prévaloir.

Il s'en déduit, non pas que la société SLVB a méconnu les modalités de mise en oeuvre de la clause résolutoire comme il est soutenu, mais seulement que la lettre de mise en demeure en date du 18 septembre 2018 remise en main propre à M. [Z] [M] par huissier de justice le 2 octobre 2018, dans laquelle la société SLVB annonce clairement son intention de faire application de la clause résolutoire prévue à l'article 10 du contrat en raison des faits de concurrence déloyale qu'il dénonce de nouveau, n'a pu entraîner une résiliation anticipée automatique du contrat de licence qu'un mois plus tard, conformément aux termes de la clause, soit le 2 novembre 2018.

Il convient donc d'examiner si les manquements contractuels invoqués par la société SLVB à l'encontre de M. [Z] [M] sont avérés et, M. [Z] [M] sollicitant également de son côté la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société SLVB et de M. [C], d'examiner si les manquements contractuels reprochés aux intimés sont établis.

Sur le respect par les parties de leurs engagements contractuels

Selon l'article 1134 du code civil dans son ancienne version applicable à l'espèce,'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.'

En application du principe d'exécution de bonne foi du contrat qui résulte du dernier alinéa de l'article 1134, une partie ne doit pas sciemment placer son cocontractant en situation de ne pouvoir exécuter ses obligations.

Le contrat de licence non exclusive de marque conclu entre les parties prévoit en son article 8, reprenant le principe posé par l'article 1134 précité, que 'Les parties s'engagent à toujours se comporter l'une envers l'autre comme des partenaires loyaux et de bonne foi, et notamment à signaler sans délai toute difficulté qu'elles pourraient rencontrer dans le cadre de l'exécution du présent contrat'.

L'article 1 du contrat prévoit par ailleurs : 'OBJET - (...) La licence qui est concédée sans autre garantie que celles du fait personnel du Concédant et de l'existence matérielle de la marque susvisée, est consentie et acceptée en vue de vendre et distribuer la totalité des produits couverts par la marque à l'adresse exclusive du [Adresse 6]'.

L'article 4 du contrat stipule encore que ' Le licencié s'engage, pendant toute la durée du présent contrat, à exploiter au mieux de ses possibilités la marque dont la licence lui est présentement conférée, et à effectuer toutes les actions et démarches utiles et nécessaires en vue de sa promotion et de la commercialisation, dans des conditions optimales'.

L'article 6 du contrat prévoit également le versement par le licencié d'une redevance à compter de janvier 2017, égale à 10 % du chiffre d'affaires HT réalisé au cours de l'année civile au titre de l'exploitation de la marque concédée.

M. [Z] [M] conteste toute exécution déloyale de sa part du contrat de licence. Toutefois, comme l'a retenu le tribunal, l'ouverture à son initiative, 3 mois après la signature du contrat, d'une boutique située [Adresse 4] pour y commercialiser des chaussures pour hommes très comparables à celles sous licence qui sont proposées, dans le même arrondissement, à quelques centaines de mètres (450 mètres selon le tribunal, 600 m selon l'appelant), par la société SLVB n'est pas conforme à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat résultant de l'article 1134 du code civil et de l'article 8 du contrat de licence conclu entre les parties.

Comme le tribunal l'a retenu, le risque de confusion entre les deux boutiques et les produits qui y sont commercialisés est établi au vu des attestations de MM. [G] ('j'ai toujours été intrigué par les mêmes modèles entre les deux marques mais la différence de prix importante. Orban's étant à moitié moins cher... on m'a dit chez Orban's que je pouvais acheter des chaussures chez eux et les faire patiner chez 7ème largeur sans difficulté'), [P] ('J'ai été client chez 7ème largeur. J'ai découvert la boutique Orban's à quelques mètres au métro Ternes. J'ai vu que les modèles e chaussures étaient les mêmes mais deux fois moins chers. J'ai voulu acheter une paire de richelieux (...) marron foncé mais dans ma pointure, le vendeur m'a dit qu'il ne restait que du noir. J'ai demandé si je pouvais en trouver dans la boutique d'à côté, on m'a répondu 'certainement, c'est la même maison'...'), [O] ('atteste sur l'honneur avoir confondu les magasins... dans la mesure où ils vendent les mêmes chaussures, sur les mêmes présentoirs en métal. Les couleurs des boutiques et les lumières sont exactement les mêmes, j'ai vraiment cru qu'il s'agissait de la même maison...'), [W] ('Client habitué de Septième largeur St Lazare, on m'avait parlé de l'ouverture d'une boutique 7ème largeur dans le quartier des ternes. Je tombe avenue Wagram sur une boutique de chaussures en tout point comparable à la boutique Septième largeur St Lazare... le responsable me dit que c'est bien la même personne qui possède les deux marques, les modèles sont en tous points les mêmes car dessinés par la même personne, cette marque ORBAN'S est pratiquement 100 € moins cher'). Ces témoignages produits en première instance par M. [C] qui, si ils ne comportent pas la mention qu'ils sont établis en vue de leur production en justice et que leurs auteurs ont connaissance qu'une fausse attestation de leur part les expose à des sanctions pénales, ne doivent pas pour autant être automatiquement écartés dès lors qu'ils sont suffisamment précis et concordants, et donc probants, les conditions de l'article 202 du code de procédure civile n'étant pas prescrites à peine de nullité. Ces témoignages ne sont pas utilement contrebattus par le rapport d'expertise privé établi par Mme [V], expert judiciaire près cette cour, selon lequel l'apparence des boutiques et les modèles vendus ne confère pas une impression d'ensemble similaire au vu des différences relevées et des contraintes techniques communes à toutes les chaussures, mais dont il ressort également des photographies qu'il contient que les modèles proposés dans les deux boutiques ne se distinguent que par des détails (finitions, couture arrière, absence de trépointe bourrelet...).

S'il est vraisemblable, comme le soutient M. [Z] [M], que M. [C], en sa qualité d'associé minoritaire de la société MEC, a eu connaissance du développement de la marque 'ORBAN'S' et de l'ouverture de la boutique ORBAN'S au [Adresse 4] en juin 2016, rien n'indique qu'il ait eu connaissance des conditions d'exploitation de cette boutique, constitutives selon lui d'actes de concurrence déloyale, et qu'il y ait consenti. M. [C] conteste au demeurant avoir eu à connaître des détails du 'projet de marque ORBAN'S' dans un courrier RAR du 12 février 2018, indiquant que si ce projet a été effectivement évoqué devant lui, M. [Z] [M] ne lui a donné aucune précision et qu''il n'a jamais été convenu que cette marque distribue des produits en tous points identiques à ceux distribués par 7ème largeur et encore moins dans une boutique à proximité immédiate ou pis, à l'agencement similaire'.

Le fait que le contrat de licence consenti à la société SLVB ne lui donnait qu'une autorisation non exclusive d'exploitation de la marque 'SEPTIEME LARGEUR' ne permettait pas à M. [Z] [M], via la société MEC qu'il contrôlait entièrement après la cession des parts de M. [C], d'ouvrir une boutique concurrente non loin de celle dans laquelle étaient vendus les produits sous licence sans contrevenir à son engagement d'exécuter le contrat de bonne foi, dans des conditions exemptes de toute déloyauté. La présence de plusieurs magasins de chaussures dans ce quartier du [Localité 2] est sans emport, de même que l'augmentation du chiffre d'affaires de la société SLVB entre 2016 et 2017 dès lors qu'il ne peut être exclu que cette progression n'aurait pas été plus forte en l'absence des faits constatés.

Il apparaît ainsi que M. [Z] [M] a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de licence de marque.

Cependant, M. [Z] [M] produit une photographie datée du 29 septembre 2018 montrant la façade de la boutique exploitée par la société SLBV [Adresse 6] dépourvue d'enseigne 'Septième Largeur', ainsi que plusieurs publications sur le réseau social Facebook concernant l'enseigne 'Malfroid' montrant notamment la présence de cette enseigne 'Malfroid' sur la façade (repeinte en bleue) de ladite boutique à la date du 19 octobre 2018. Les dates figurant sur ces photographie et publications sont corroborées par le courrier RAR du 7 novembre 2018 adressé par M. [Z] [M] à M. [C] indiquant notamment : 'Vous avez cesser d'exploiter la marque Septième Largeur fin octobre au profit de Malfroid (sms reçus par tous les clients de Septième Largeur) en ma possession' et par la copie d'un sms manifestement envoyé par M. [C] à un client : 'Cher Mr... Je vous annonce avec grand plaisir l'ouverture de la toute 1ère boutique MALFROID en lieu et place de la boutique Septième Largeur au [Adresse 6]. Vous y trouverez une qualité de chaussant et de fabrication accrue, des tarifs identiques, vos services patine sur mesure, l'entretien et les conseils que vous connaissez déjà (...) [E] [C]'. La suppression par la société SLVB de l'enseigne 'Septième Largeur' et son remplacement par l'enseigne 'Malfroid' alors que le contrat de licence était encore encours d'exécution sont fautifs au regard notamment de l'article 4 précité du contrat de licence.

Par ailleurs, il résulte de la lettre de mise en demeure précitée du 1er octobre 2018 remise par huissier le 2 octobre 2018 à la société SLVB que celle-ci a cessé depuis plus de 6 mois de commander les produits de la marque 'SEPTIEME LARGEUR' et a en outre toujours refusé de commercialiser les produits 'femme' de la marque. Dans un courriel à M. [C] du 8 juin 2018, M. [Z] [M] fait état de cette situation. Ces refus de commande contreviennent aux articles 1, 4 et 8 du contrat de licence.

Par ailleurs, il résulte d'une lettre de mise en demeure RAR de M. [Z] [M] du 7 novembre 2018 que la société SLVB s'est abstenue de régler les redevances dues au titre de la période juillet à octobre 2018 (soit 4 mois), somme dues dès lors que le contrat était en cours d'exécution.

Il apparaît dès lors que la société SLVB a également manqué de son côté à ses engagements contractuels.

La résiliation du contrat de licence sera par conséquent prononcée aux torts partagés de M. [Z] [M] et de la société SLVB.

Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat de licence de marque par la société SLVB aux torts exclusifs de M. [Z] [M], à effet du 2 octobre 2018, et condamné ce dernier à payer à la société SLVB la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice commercial causé par l'exécution déloyale du contrat de licence de marque.

La résiliation du contrat lui étant partiellement imputable, M. [Z] [M] sera débouté de sa demande indemnitaire (130 000 €) au titre de préjudices résultant de la résiliation fautive du contrat de licence du fait des intimés, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur les demandes de M. [Z] [M] en paiement de redevances

Les redevances résultant du contrat de licence sont dues par la société SLVB jusqu'à la résiliation marquant le terme de l'exécution du contrat, soit jusqu'au 2 novembre 2018.

Au vu des décomptes au dossier, les sommes dues s'élèvent au titre des mois de juillet, août, septembre et octobre 2018 à la somme de 14 856,20 € + 5211 €, soit 20 067,20 €. Cette somme sera mise à la charge de la seule société SLVB, licenciée et donc débitrice des redevances, le non paiement de ces redevances, dans un contexte conflictuel entre les parties et de torts partagés dans la mauvaise exécution du contrat, ne pouvant être considéré comme une faute d'une exceptionnelle gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions de M. [C] de dirigeant de la société SLVB, susceptible d'engager sa responsabilité personnelle.

Le surplus des demandes de M. [Z] [M] en paiement de redevances (redevance de décembre 2018, perte de redevances pour les année 2019 et 2020), concernant la période postérieure au 2 novembre 2018, date de la résiliation du contrat de licence, sera rejeté.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur la demande indemnitaire de M. [Z] [M] relative à des actes de concurrence déloyale imputés à M. [C]

M. [Z] [M] reproche, de première part, à M. [C] des actes de parasitisme en ce que ce dernier, pour lancer et développer sa marque 'MALFROID', se serait placé dans le sillage de la marque « SEPTIEME LARGEUR » et de son créateur, pour tirer profit sans rien dépenser de la notoriété acquise de la marque 'SEPTIEME LARGEUR' et du savoir-faire de M. [Z] [M]. Il argue que dans un sms, M. [C] s'adresse aux clients de la marque « SEPTIEME LARGEUR » en leur annonçant la vente des produits de la marque 'MALFROID' « en lieu et place » de ceux de la marque 'SEPTIEME LARGEUR' et que le site internet de la société MALFROID constitue la reprise du site internet de la marque 'SEPTIEME LARGEUR'. De seconde part, M. [Z] [M] fait grief à M. [C] d'actes de dénigrement résultant de l'envoi d'un sms dénigrant la marque 'SEPTIEME LARGEUR' à l'ensemble des clients de la boutique de la société SLVB, M. [C] n'ayant pas hésité à affirmer que la marque 'MALFROID' propose une « qualité de chaussant et de fabrication accrue » à des tarifs identiques à ceux de la marque 'SEPTIEME LARGEUR'.

Les actes de concurrence déloyale sont sanctionnés au titre de la responsabilité de droit commun prévue à l'article 1240 du code civil lorsqu'ils excédent les limites admises dans l'exercice des activités économiques, au nom du principe de la liberté du commerce. Ils peuvent revêtir la forme d'agissements parasitaires, se définissant comme l'appropriation de façon lucrative et injustifiée de la valeur économique acquise par autrui au moyen d'un savoir faire, d'un travail de création, de recherches ou d'investissements de façon à en retirer un avantage concurrentiel, ou de dénigrement consistant, au delà d'une forme de critique admissible parce qu'objective et mesurée, à divulguer une information de nature à jeter le discrédit sur l'activité d'un concurrent et à en tirer profit.

Faute de justifier de ses investissements, de sa particulière notoriété, de son image de qualité et de la valeur économique individualisée qui aurait été captée par M. [C], M. [Z] [M] sera débouté de ses demandes sur le fondement du parasitisme. L'indication par M. [C] dans le sms précité adressé à sa clientèle en novembre 2018 pour lui annoncer qu'elle trouvera désormais une boutique MALFROID 'en lieu et place' de la boutique SEPTIÈME LARGEUR au [Adresse 6], correspond à la réalité du début du changement de marque et d'enseigne de la boutique après la résiliation du contrat de franchise et n'est pas reprochable en soi. Aucune comparaison n'est par ailleurs fournie entre les sites internet des deux marques permettant de vérifier une éventuelle reprise.

Aucun dénigrement ne ressort du sms adressé par M. [C] à ses clients, s'agissant tout au plus d'une forme de valorisation courante de ses produits par un commerçant, admissible dans le monde du commerce.

M. [Z] [M] sera en conséquence débouté de ses demandes en concurrence déloyale et le jugement confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société SLVB, partie perdante, gardera à sa charge les dépens les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant infirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société SLVB au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. [Z] [M] peut être équitablement fixée à 7 000 € pour la première instance et l'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la demande reconventionnelle de M. [C] en réparation d'un préjudice moral né d'actes de concurrence déloyale de M. [Z] [M],

- débouté M. [Z] [M] de ses demandes au titre de préjudices résultant de la résiliation fautive du contrat de licence du fait de la société SLVB et de M. [C],

- débouté M. [Z] [M] de sa demande en concurrence déloyale à l'encontre de M. [C],

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Prononce la résiliation du contrat de licence de marque aux torts partagés de M. [Z] [M] et de la société SLVB, à effet du 2 novembre 2018,

Déboute M. [Z] [M] de sa demande en réparation du préjudice matériel causé par l'exécution déloyale du contrat de licence de marque,

Condamne la société SLVB à payer à M. [Z] [M] la somme de 20 067,20 € au titre des redevances dues pour la période juillet à octobre 2018 et déboute M. [Z] [M] du surplus de ses demandes au titre de redevances,

Y ajoutant,

Déboute M. [Z] [M] de toutes ses demandes contre M. [C],

Condamne la société SLVB aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société SLVB payer à M. [Z] [M] la somme de 7 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute demande contraire ou plus ample.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/11886
Date de la décision : 19/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-19;21.11886 ?
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