Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 19 OCTOBRE 2022
(n° /2022, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04438
N° Portalis 35L7-V-B7D-B7NCM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2019 -Tribunal de commerce de Paris RG n° 2017063084
APPELANTE
SAS EDEIS
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Christophe GAGNANT de la SELARL MIELLET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0281
assistée de Me Joseph PANGALLO, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SAS FONCIERE POLYGONE
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
assistée de Me Cindy FLEURY, avocat au barreau de LYON
PARTIE INTERVENANTE
SA POLYGONE, venant aux droits de la SAS FONCIERE POLYGONE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
assistée de Me Cindy FLEURY, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre
Mme Valérie MORLET, Conseillère
Mme Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente placée faisant fonction de Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente placée faisant fonction de Conseillère pour la présidente de chambre empêchée et par Suzanne HAKOUN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
La SCI PALAIS DE LA MUTUALITE a consenti à la société FONCIERE POLYGONE un bail emphythéotique sur l'immeuble dit Palais de la Mutualité à [Localité 6] et, selon contrat du 10 juillet 2010, la société FONCIERE POLYGONE a confié à la SNC GL EVENTS SUPPORT, la maîtrise d'ouvrage déléguée des travaux de rénovation du Centre de Congrès de la Maison de la Mutualité situé [Adresse 2], selon un coût provisionnel provisoire de 17 143 000 euros hors taxe en lots séparés, valeur juin 2009, dont la mission Ordonnancement, Pilotage et Coordination ( OPC) a été confiée à la SAS SIRR INGENIERIE.
La clause 3-4-2 Date de réception des ouvrages, remise de documents prévoit que « L'ensemble des ouvrages doit être proposé à la réception du maître d'ouvrage, réserves levées, au plus tard le 31 août 2011. »
La clause 4-1-1 Contenu et caractère des honoraires énonce que « Sous réserve du respect des dispositions du présent contrat, la mission d'OPC telle que définie donnera lieu à une rémunération forfaitaire correspondant à une enveloppe financière globale à fin de travaux de 18 000 000 euros hors taxe y compris aléas de 218 300 euros hors taxe.
Cette rémunération est exclusive de tout autre honoraire ou remboursement de frais au titre de la même opération.
L'OPC s'engage à ne percevoir aucune autre rémunération de la part de tiers dans le cadre de la réalisation de cette opération. En cas de manquement à cette obligation, le maître d'ouvrage pourra résilier le contrat conformément aux dispositions de l'article 7-2.
Ce montant d'honoraires couvre la totalité des prestations à assurer pour mener la mission définie dans le contrat d'OPC et ses annexes à bonne fin dans les circonstances de complexité, de temps, de lieu et de délai de l'opération que l'OPC est réputé connaître. »
La clause 4-1-3 Révision du montant des honoraires précise que : « Le montant des honoraires est non révisable et non actualisable sur la durée de cette opération de rénovation immobilière par l'application d'indices économiques quels qu'ils soient, dans les conditions de délais prévues au contrat. »
Selon avenant du 1er septembre 2011 la SAS SNC-LAVALIN a repris à compter du 1er janvier 2011 l'ensemble des droits et obligations souscrits par la société SIRR INGENIERIE ensuite de la déclaration de dissolution sans liquidation et de la transmission universelle du patrimoine de la société SIRR INGENIERIE au profit de la SNC LAVALIN décidée par l'associé unique selon procès-verbal du 22 novembre 2010.
Par un avenant n°2 du 1er septembre 2011, les parties convenaient d'un renfort de l'équipe OPC à la suite d'aléas et de difficultés rencontrés en phase de chantier et par les clauses 2-2 et 2-3 Description des moyens complémentaires mobilisés, un montant d'honoraires complémentaires de 55 000 euros hors taxe selon décomposition précisée dans le courrier SNC LAVALIN du 16 mars 2011 référence DF/AME 10190/11 était acté, les frais de déplacement et d'hébergement étant à la charge de la SNC LAVALIN.
Par un avenant n°3 du 20 septembre 2011, ensuite de la description de moyens complémentaires actés à l'article 2-2, un montant d'honoraires complémentaires de 58 334 euros hors taxe selon les taux horaires définis dans le contrat OPC et la décomposition précisée dans le courrier SNC LAVALIN référence DF/AP 10418/11 du 25 août 2011 était convenu, les frais de déplacement et d'hébergement étant à la charge de la SNC LAVALIN.
Par courrier du 27 janvier 2012 la SNC LAVALIN au regard du rallongement du délai d'exécution des travaux sollicitait un honoraire complémentaire à compter du 1er novembre 2011 à hauteur de la somme globale de 238 149 euros HT aux motifs de la découverte d'amiante, du sous-dimensionnement de certaines entreprises par rapport à la taille et à la complexité du chantier, de l'absence de mise en place d'une réelle mission de synthèse technique et architecturale ayant conduit selon elle à une conception du projet finalisée au fur et à mesure de l'avancement des travaux, des nombreuses modifications et adaptations du projet en cours de chantier et d'une certaine confusion entre le rôle de l'OPC et celui de la direction du chantier dévolu contractuellement à la maîtrise d'oeuvre d'exécution.
La société GL EVENTS agissant au nom et pour le compte du maître de l'ouvrage la société FONCIERE POLYGONE acceptait de fixer le montant total des honoraires complémentaires de la SNC LAVALIN pour la période du 1er novembre 2011 jusqu'à la fin de l'exécution de la mission définie au contrat OPC à la somme globale et forfaitaire de 79 696,83 euros hors taxe représentant un montant total de d'honoraires de 411 330,83 euros hors taxe.
Elle indiquait cependant qu'indépendamment du calcul des honoraires complémentaires, la maîtrise d'ouvrage se réservait la faculté d'analyser la responsabilité de la SNC LAVALIN dans le dépassement du délai et des coûts du chantier et d'en répercuter les éventuelles conséquences financières.
La SNC LAVALIN a fait assigner la société FONCIERE POLYGONE par acte du 6 février 2013 en paiement de la somme de 238 149 euros hors taxe devant le tribunal de commerce de Paris lequel, par jugement du 7 novembre 2014 a, entre autres dispositions, condamné la SAS FONCIERE POLYGONE à payer à la SNC LAVALIN la somme de 284 826,20 EUROS TTC avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2012 et 6 000 euros au titre des frais irrrépétibles.
Sur l'appel interjeté le 27 novembre 2014 par la société FONCIERE POLYGONE cette cour, par arrêt du 23 février 2017 a infirmé le jugement en toutes ses dispositions et dit irrecevables tant les demandes de la SNC LAVALIN que celles de la société FONCIERE POLYGONE aux motifs du défaut de mise en 'uvre de la clause de conciliation préalable prévue à l'article 9 du contrat.
Par acte du 5 octobre 2017 la société EDEIS, anciennement dénommée SNC LAVALIN, a fait assigner la société FONCIERE POLYGONE en paiement de la somme de 237 355,17 euros hors taxe soit 284 826,20 euros TTC avec intérêts capitalisés au taux légal à compter de la mise en demeure délivrée le 16 octobre 2012 outre une somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le jugement prononcé le 8 février 2019 par le tribunal de commerce de Paris a :
Dit recevable la demande de la société EDEIS anciennenment dénommée SNC LAVALIN au regard de la mise en 'uvre de la clause de conciliation préalable le 28 mars 2017 soit dans le délai de 2 mois prévu par la clause 9-5 du contrat ;
Dit prescrites les demandes de la société EDEIS anciennement dénommée SNC LAVALIN retenant que le délai de prescription a commencé à courir le 27 janvier 2012, date à laquelle la SNC LAVALIN a formé sa demande d'honoraires complémentaires, que la SNC LAVALIN connaissait depuis le 13 février 2012 ou au plus tard le 19 mars 2012 la proposition de la société FONCIERE POLYGONE limitant à 79 696 euros hors taxe les honoraires complémentaires pour la période de novembre 2011 à février 2012, que cette proposition, par l'effet de l'article 2240 du Code civil a interrompu le délai de prescription de 5 ans lequel s'est achevé le 19 mars 2017, aucune nouvelle interruption n'étant intervenue.
La SAS EDEIS a interjeté appel de ce jugement selon déclaration reçue au greffe de la cour le 25 février 2019.
Par conclusions signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 31 octobre 2019, l'appelante demande à la cour de :
Reformer le jugement contradictoire et en 1er ressort, rendu le 8 février 2019, par la 10ème chambre du tribunal de commerce PARIS (RG 2017063084), en ce qu'il a :
Jugé irrecevable comme prescrite, la demande de la société EDEIS, visant à voir
Condamner la société FONCIERE POLYGONE, à lui payer la somme de 237.355,17 € HT, soit 284.826,20 € TTC à titre d'honoraires complémentaires dans le cadre du contrat du 10 juillet 2010, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure délivrée le 16 octobre 2012,
Débouté la société EDEIS de sa demande de condamnation de la société FONCIERE POLYGONE, à lui payer la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Rejeté les demandes formulées par la société EDEIS plus amples ou contraires,
Condamné la société EDEIS à payer à la société FONCIERE POLYGONE, la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Jugé que les dépens, dont ceux à recouvrer par le Greffe, seront supportés par la société EDEIS.
Statuant à nouveau :
Juger irrecevable et mal-fondée, la Fin de non-recevoir soutenue par la société FONCIERE POLYGONE concernant la prétendue prescription des demandes formulées par la société EDEIS,
Juger recevables les demandes formulées par la société EDEIS,
Juger que la société EDEIS n'a commis aucun manquement dans l'exécution de sa mission,
Condamner la société FONCIÈRE POLYGONE, à payer à la société EDEIS anciennement dénommée SNC LAVALIN, la somme de 237.355,17 € HT, soit 284.826,20 € TTC, avec intérêts capitalisés au taux légal à compter de la mise en demeure délivrée le 16 octobre 2012,
Condamner la société FONCIÈRE POLYGONE au paiement de la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de l'instance d'appel,
Condamner la société FONCIÈRE POLYGONE au paiement de la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la 1ère instance,
Condamner la société FONCIÈRE POLYGONE au paiement des entiers dépens de 1ère instance et d'appel,
Juger que la société EDEIS n'a commis aucun abus de son droit d'ester en justice
Débouter la société FONCIÈRE POLYGONE de l'ensemble de ses demandes,
Par conclusions n°2 signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 31 janvier 2022, la société POLYGONE, intervenante volontaire et intimé, venant aux droits de la société FONCIÈRE POLYGONE, demande à la cour de :
Prendre acte de l'intervention volontaire de la société POLYGONE, venant aux droits de la SAS FONCIERE POLYGONE, et la déclarer recevable et bien fondée
Confirmer le jugement querellé en ce qu'il a :
jugé irrecevable comme prescrite les demandes de la société EDEIS aux fins de condamnation de la société FONCIERE POLYGONE à lui payer la somme de 237.355,17 € HT à titre d'honoraires complémentaires,
Condamné la société EDEIS à payer à la société FONCIERE POLYGONE à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Pour le surplus :
Subsidiairement,
Rejeter les demandes de paiements d'honoraires complémentaires compte tenu du caractère forfaitaire du contrat du 1er juin 2010 ;
A titre infiniment subsidiaire,
Rejeter les demandes de paiements d'honoraires complémentaires dans la mesure où la société EDEIS a participé à la réalisation de son propre préjudice
En tout état de cause :
Condamner la société EDEIS à payer à la société POLYGONE la somme de 10.000 € pour procédure abusive
Rejeter les demandes de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens
Condamner la société EDEIS à payer à la société POLYGONE la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture était prononcée le 10 mai 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 18 mai 2022 date à laquelle elle a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 19 octobre 2022.
SUR QUOI,
LA COURÂ :
1- Sur la prescription
La société EDEIS rappelle que par l'effet des dispositions de l'article 2241 du Code civil, la demande en justice interrompt le délai de prescription même si l'acte de saisine est annulé par l'effet d'un vice de procédure auquel la fin de non recevoir doit être assimilée et qu'ainsi une assignation déclarée irrecevable doit être jugée comme interrompant les délais de prescription.
La société EDEIS fait valoir que la fin de non-recevoir retenue par la Cour d'appel de Paris est sans contestation possible de nature purement procédurale de sorte que celle-ci doit être assimilée à un vice de procédure au sens de l'article 2241 du Code de procédure civile et qu'ainsi, l'acte introductif d'instance du 6 février 2013 a nécessairement interrompu la prescription extinctive de l'article L 110-4 du Code de commerce de sorte que la fin de non-recevoir soutenue par la société FONCIERE POLYGONE doit être rejetée par la cour comme étant mal fondée.
Elle souligne en outre que la société FONCIERE POLYGONE ne peut se contredire au détriment d'autrui et, dans le cadre de la présente instance, soutenir que l'action de la SNC LAVALIN serait prescrite en ce qu'elle aurait dû être introduite dans un délai de 5 ans à compter du 27 janvier 2012 alors qu'elle a toujours prétendu jusqu'au 21 mai 2015 au moins, que la société EDEIS-SNC LAVALIN devait être déboutée de sa demande en raison du fait que sa créance n'était pas encore exigible.
Elle soutient qu'en tout état de cause s'il fallait pour les besoins du raisonnement retenir que le dies a quo doit être fixé au 27 janvier 2012 et que l'assignation du 6 février 2013 n'a pas interrompu la prescription, la créance ne serait pas davantage prescrite au regard des dispositions de l'article 2240 du Code civil et de la reconnaissance par la société intimée de la dette à hauteur de la somme de 79 696,83 euros hors taxe depuis le 27 janvier 2012 et jusqu'aux conclusions signifiées le 21 mai 2015.
La société POLYGONE oppose que dès lors que l'appelante avait connaissance, dès le 27 janvier 2012, date de sa demande, de sa prétendue créance contractuelle, il lui appartenait malgré la poursuite des échanges entre les parties de saisir le juge dans le délai de 5 ans de l'article 2224 du Code civil à savoir avant le 27 janvier 2017.
Sur l'absence d'actes interruptifs de prescription et l'effet non interruptif de l'assignation du 6 février 2013, l'intimée fait valoir que la société EDEIS ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 2241 alinéa 2 du Code civil aux termes duquel la demande en justice est interruptive même lorsque l'acte de saisine est annulé par l'effet d'un vice de procédure puisque le défaut de saisine régulière d'une juridiction constitue une fin de non-recevoir et non un vice de procédure.
L'intimée rappelle la jurisprudence selon laquelle l'interruption de la prescription résultant de l'assignation délivrée est non avenue en raison d'une décision accueillant une fin de non recevoir. Selon elle, la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en 'uvre de la clause contractuelle de conciliation préalable obligatoire rend irrecevable la demande formée par la société EDEIS par exploit d'huissier du 6 février 2013 et, partant, l'assignation du 6 février 2013 n'a pu avoir d'effet interruptif.
Elle souligne que le courrier du 19 mars 2012 n'a pu avoir d'effet interruptif puisque seuls les actes de reconnaissance d'un droit non équivoque ont une valeur interruptive or, les termes du courrier du 13 février 2012 ou du 19 mars 2012 ne peuvent s'analyser en une reconnaissance de dette, la société intimée ayant contesté la créance réclamée dans son principe et n'ayant reconnu qu'à titre infiniment subsidiaire le montant estimé à 79 696,83 euros.
Réponse de la cour :
1-1 La valeur interruptive de prescription du paiement partiel
Selon les dispositions de l'article 2240 du Code civil : « La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. »
En l'espèce par un courrier simple du 13 février 2012 la société GL EVENTS agissant pour le compte du maître de l'ouvrage a expressément rappelé le caractère forfaitaire des honoraires définis au contrat du 1er juillet 2010 compte tenu de l'enveloppe financière des travaux, y compris aléa, et de la durée estimée à 14 mois.
Elle précisait : « Dans ces conditions, le calcul d'honoraires complémentaires ne peut être envisagé que sur la base du montant réel des travaux qui, à ce jour, est arrêté à la somme de 23 000 000 d'euros soit une augmentation de 27,78 % de l'enveloppe financière initialement prévue et sur la base de la durée réelle des travaux soit une durée de 20 mois conformément à l'intention initiale des parties à la signature du contrat. Elle rappelait le caractère dérogatoire des trois avenants signés et concluait : « Par conséquent le maître d'ouvrage accepte de fixer le montant total des honoraires complémentaires de SNC-LAVALIN pour la période du 1er novembre 2011 jusqu'à la fin de l'exécution de votre mission définie au contrat OPC à la somme globale et forfaitaire de 76 696,83 euros hors taxe (4 mois x 19 924,21 euros hors taxe ) soit un montant total des honoraires de SNC-LAVALIN versé par la maîtrise d'ouvrage au titre du contrat de 411 330,83 euros hors taxe (') »
Elle ajoutait : « Enfin et indépendamment du calcul de ces honoraires complémentaires, la maîtrise d'ouvrage se réserve la faculté d'analyser la responsabilité de SNC LAVALIN dans le dépassement du délai et des coûts de ce chantier et de vous en répercuter les éventuelles conséquences pécuniaires. »
Dans son courrier du 19 mars 2012 la société GL EVENTS agissant pour le compte de la société FONCIERE POLYGONE maintenait sa position.
Enfin en réponse à la demande de règlement réitérée par la SNC-LAVALIN par un courrier du 29 octobre 2012 la société GL EVENTS s'étonnait du caractère tardif et malvenu de la réponse de la SNC-LAVALIN indiquant : « Par votre démarche, vous nous obligez donc par la présente à vous réitérer une nouvelle fois notre postion telle que développée aux termes de nos courriers des 13 février et 19 mars 2012 ainsi que notre proposition concernant ces mêmes honoraires complémentaires à hauteur de 79 696 euros hors taxe(...) ajoutant : « Cependant outre la durée de votre intervention que vous n'avez pas été en mesure d'apprécier correctement, il semblerait que la sous-traitance de près de 80% de votre mission à la société GLOBAL ait contribué aux difficultés que vous avez rencontrées dans l'exercice de votre mission, ainsi que cela nous a été très clairement indiqué par Monsieur [Z] [X] lors d'une conversation téléphonique qui s'est déroulée le 11 avril dernier et qui nous a même avoué que cela constituait une erreur manifeste de la SNC-LAVALIN (')
Dans ces conditions non seulement votre demande de paiement de la somme d'un montant de 238 149 euros hors taxe n'est pas recevable mais dans le cas où vous persisteriez dans votre démarche nous ferons également supporter à SNC-LAVALIN les préjudices liés à votre manque flagrant de clairvoyance dans l'appréciation des délais de livraisons, ainsi que les frais de personnel que le Groupe GL EVENTS a dû engager pour palier votre défaillance quant au pilotage des activités de nettoyage, de gardiennage, de gestion des déchets etc... »
Les termes de ces courriers, au regard des plus expresses réserves formulées quant à la responsabilité de la SNC-LAVALIN dans le dépassement des délais et des coûts du chantier et la répercussion financière que le maître de l'ouvrage envisage d'analyser et d'imputer à l'appelante font la preuve que le paiement partiel ne vaut pas reconnaissance de la totalité de la dette et ne saurait dans ce contexte avoir valeur interruptive au sens des dispositions de l'article 2240 précité.
Ce moyen ne saurait donc être retenu.
1-2 L'estoppel
L'estoppel est un comportement procédural constitutif d'un changement de position de nature à induire son adversaire en erreur sur ses intentions.
Tant dans le cadre des courriers échangés préalablement à la procédure qu'en première instance et devant la cour, la société FONCIERE POLYGONE a fait valoir, outre son désaccord sur le mode de calcul des honoraires complémentaires, une mauvaise exécution de la mission de la SNC-LAVALIN, le retard de chantier lui étant selon elle en grande partie imputable et lui ayant causé un préjudice du fait du non-respect de ses engagements de location et de l'atteinte à son image qu'elle a chiffrée à 1 500 000 euros devant le tribunal.
Devant la cour, la société FONCIERE POLYGONE a maintenu l'intégralité de ses contestations soulevant liminairement l'irrecevabilité de la demande en raison de la violation de la clause de conciliation prévue dans la convention OPC du 1er juillet 2010 et sollicitant la condamnation de la SNC-LAVALIN au paiement de dommages et intérêts, réparant le manque à gagner et le préjudice d'image, mettant en cause notamment l'absence de planification des opérations de réception et les manquements à l'exécution de la mission OPC imputable à l'appelante.
Il ne résulte donc pas de l'argumentaire développé par la société FONCIERE POLYGONE que celle-ci ait contesté l'exigibilité de la créance, mais à supposer qu'elle ait opposé ce moyen à titre principal, celui-ci n'affecterait pas la cohérence de la défense de la société EDEIS à même de répondre de manière subsidiaire sur le moyen tiré de la prescription.
Par conséquent le moyen tiré de l'estoppel ne saurait être retenu.
1-3 La valeur interruptive de l'assignation introductive d'instance diligentée le 6 février 2013 devant le Tribunal de commerce de Paris
Selon les dispositions de l'article 224 du code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
Selon les dispositions de l'article 2241 : « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. »
Les dispositions de l'article 2243 du même code précisent en outre que : « L'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance ou si sa demande est définitivement rejetée. »
Ces dispositions ne comportent aucune distinction selon que la demande est définitivement rejetée par un moyen de fond ou qu'elle est repoussée soit par un moyen de forme soit par une fin de non-recevoir laissant subsister le droit d'action.
Il en résulte que la société EDEIS anciennement dénommée SNC-LAVALIN qui a eu connaissance du refus de paiement opposé par la société FONCIERE POLYGONE dès le 13 février 2012, refus réitéré le 19 mars 2012 et le 29 octobre 2012 disposait d'un délai de 5 ans à compter du 13 février 2012 pour former une demande en justice et interrompre le délai de prescription quinquennale cependant que l'irrecevabilité de la demande prononcée par l'arrêt rendu le 23 février 2017 par la cour d'appel de Paris dont nul ne conteste l'irrévocabilité, a pour effet de rendre non avenue l'interruption résultant de l'instance introduite le 6 février 2013 devant le tribunal de commerce de Paris.
Par conséquent aucune valeur interruptive ne peut être attachée à la demande introduite le 6 février 2013 de sorte que l'action nouvellement engagée devant le juge du fond par la société EDEIS après la mise en 'uvre de la clause de conciliation préalable le 5 octobre 2017 est prescrite au plus tôt depuis le 13 février 2017 à minuit et au plus tard depuis le 19 mars 2017 à minuit.
Le jugement sera donc confirmé du chef de la prescription.
2- Les dommages et intérêts pour procédure abusive
L'exercice du droit d'appel est un droit fondamental qui ne trouve de limite que dans la faute faisant dégénérer en abus son exercice or, il ne résulte pas des moyens soulevés par la société EDEIS en cause d'appel que celle-ci ait été animée par une intention dilatoire ou malveillante.
La demande de dommages et intérêts ne saurait donc prospérer.
3- Les frais irrépétibles
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions et la société EDEIS succombante sera condamnée aux dépens ainsi qu'au règlement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DEBOUTE la société POLYGONE anciennement dénommée FONCIERE POLYGONE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE la société EDEIS aux entiers dépens ainsi qu'au règlement d'une somme de 5 000 euros à la société POLYGONE anciennement dénommée FONCIERE POLYGONE au titre des frais irrépétibles ;
La Greffière La Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère
pour la Présidente empêchée