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19/10/2022 | FRANCE | N°18/01239

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 19 octobre 2022, 18/01239


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2022

(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01239 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B44U4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Décembre 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL - RG n° 14/01345





APPELANT



Monsieur [M] [P]

Chez Mademoiselle [Z] [K] [C]



[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Isabelle SAMAMA SAMUEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB196







INTIMÉE



SARL EIGEN FRANCE

[Adresse 1...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01239 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B44U4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Décembre 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL - RG n° 14/01345

APPELANT

Monsieur [M] [P]

Chez Mademoiselle [Z] [K] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Isabelle SAMAMA SAMUEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB196

INTIMÉE

SARL EIGEN FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexis NGOUNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1615

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [P] a été engagé par la société 3K Services à compter du 1er décembre 2010 par contrat de travail à durée déterminée en qualité d'agent de propreté.

Les relations contractuelles entre les parties se sont poursuivies sous la forme d'un contrat de travail à durée indéterminée.

La société Eigen France a repris le marché de propreté du site sur lequel était affecté M. [P] et le contrat de travail de ce dernier a été transféré à celle-ci à compter du 1er janvier 2014, en application de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011.

La société Eigen France emploie habituellement plus de 10 salariés.

Le 21 février 2014, M. [P] a présenté une demande de congés pour la période du 11 mars 2014 au 14 avril 2014 qui lui a été refusée avec la précision de l'employeur : 'Possible à partir du 29/04/2014".

Par lettre du 21 mars 2014, la société Eigen France a accusé réception de l'attestation du décès de la mère de M. [P] déposée en ses bureaux le 20 mars 2014 et a indiqué au salarié qu'en application de la convention collective des sociétés de nettoyage, il bénéficiait de trois jours de congés payés et, sur demande, de un à deux jours supplémentaires non rémunérés.

Par lettre du 31 mars 2014, la société Eigen France a notifié un avertissement à M. [P] pour absence sans justificatif depuis le 26 mars, demandant par ailleurs au salarié de régulariser sa situation dans les 72 heures.

Par lettre du 8 avril 2014, la société Eigen France a mis en demeure M. [P] de reprendre rapidement le travail.

M. [P] n'ayant pas répondu à ces courriers, la société Eigen France l'a convoqué, par lettre du 14 avril 2014, à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 22 avril 2014 et l'a licencié pour faute grave par lettre du 30 avril 2014.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été intégralement rempli de ses droits durant la relation contractuelle de travail, M. [P] a saisi, le 11 juin 2014, le conseil de prud'hommes de Créteil afin d'obtenir la condamnation de la société Eigen France à lui payer les sommes suivantes :

- 25'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 299,97 euros à titre de rappel de salaire du 26 mars au 30 avril 2014,

- 130 euros à titre de congés payés afférents,

- 2 565,66 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 256,56 euros à titre de congés payés afférents,

- 919,34 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 1 282,83 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,

- 585 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de la mention du DIF dans la lettre de licenciement,

- 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de la mention de la portabilité du contrat de prévoyance dans la lettre de licenciement,

- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Eigen France a conclu au débouté du salarié à la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 décembre 2017, le conseil de prud'hommes de Créteil a débouté M. [P] de ses demandes, la société de la sienne, et a condamné le salarié aux dépens.

M. [P] a interjeté appel du jugement le 3 janvier 2018.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 novembre 2021, il demande à la cour d'infirmer le jugement, de condamner la société Eigen France au paiement des sommes suivantes :

- 234,75 euros à titre de rappel de salaires du 26 mars au 30 mars 2014,

- 25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 565,66 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 256,56 euros au titre des congés payés afférents,

- 919,34 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 1 282,83 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure ,

- 585 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de mention du DIF dans la lettre de licenciement,

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de mention de la portabilité du contrat de prévoyance dans la lettre de licenciement,

- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 juin 2020, la société Eigen France demande à la cour de confirmer le jugement, de rejeter l'ensemble des demandes de M. [P], et de le condamner au paiement de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire a été plaidée le 7 décembre 2021 et, par arrêt du 5 janvier 2022, suite à un accord entre les parties, la cour a désigné une médiatrice.

La médiation n'ayant pas abouti, l'instruction a été clôturée le 17 mai 2022 et l'affaire plaidée le 21 juin 2022.

MOTIFS

Sur le licenciement

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

« Nous vous avons convoqué le mardi 22 avril 2014 à 09h00 pour vous faire savoir qui nous envisagions de prendre des sanctions à votre encontre pouvant aller jusqu'au licenciement.

Lors de cet entretien, nous voulions vous entretenir de votre absence depuis le 26 mars 2014. Vous ne vous êtes pas présenté à l'entretien.

Votre comportement a abouti à créer une désorganisation du service auquel vous êtes rattaché. Ces faits mettent en cause la bonne marche de l'entreprise et nous oblige à vous remplacer de manière définitive.

Par conséquent, nous sommes malheureusement contraints de vous licencier pour faute grave. »

M. [P] soutient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que l'employeur connaissait le motif de son absence, à savoir qu'il devait partir pour le Ghana pour l'enterrement de sa mère puisqu'il était en possession du justificatif de décès, qu'en tout état de cause, l'employeur ne prouve pas l'existence d'une faute grave dès lors que la désorganisation de l'entreprise entraînant la nécessité de le remplacer définitivement, seul grief visé dans la lettre de licenciement, n'est pas démontrée, et à titre subsidiaire, que la sanction est disproportionnée.

La société Eigen France réplique qu'il n'est pas contesté que M. [P] s'est absenté de son poste de travail sans aucune autorisation de son employeur depuis le 26 mars 2014 alors même que le refus de sa demande de congés aux dates qu'il souhaitait lui avait été notifié, que le motif invoqué, à savoir le décès de sa mère, est totalement infondé, non seulement, parce qu'il n'est pas justifié mais, aussi et surtout, parce que, quand bien même il l'aurait été, le salarié ne pouvait se permettre une absence sur une aussi longue période sans l'accord de son employeur.

Cela étant, selon les termes de la lettre de licenciement qui fixent les limites du litige et lient ainsi la juridiction prud'homale, il n'est pas reproché à M. [P] une absence injustifiée qui, comme indiqué par l'employeur dans ses conclusions, caractériserait une insubordination, mais une absence ayant provoqué une désorganisation de son service affectant la bonne marche de l'entreprise et nécessitant son remplacement.

Or, comme justement relevé par M. [P], la société Eigen France ne verse aucun élément relatif aux répercussions de l'absence de son salarié durant presqu'un mois sur la bonne marche de l'entreprise et ne justifie pas avoir dû remplacer définitivement son salarié.

Le licenciement de M. [P] par la société Eigen France sera donc, par infirmation du jugement entrepris, déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Sur la base d'un salaire de référence de 1 282,83 euros et d'un préavis de deux mois en application de l'article.4.11.2 de la convention collective applicable, la société Eigen France sera condamnée à verser à M. [P] la somme de 2 565,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 256,66 euros au titre des congés payés afférents.

Aux termes de l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.

Pour le calcul de l'indemnité, le nombre d'années de service doit être apprécié à la fin du délai de préavis, même si l'employeur a dispensé le salarié de l'exécuter. Les années incomplètes sont appréciées au prorata du nombre de mois effectués.

Ainsi, pour une ancienneté de 3 ans et 7 mois, il est dû à M. [P] une indemnité légale de licenciement d'un montant de 919,34 euros. La société Eigen France sera condamnée au paiement de cette somme.

En application de l'article L1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'ancienneté (voir ci-dessus), de l'âge (52 ans) et de la rémunération (voir ci-dessus) du salarié à la date de la rupture et compte-tenu également du fait que M. [P] ne donne aucun élément sur sa situation postérieure au licenciement et se contente d'indiquer qu'en raison de son âge, ses chances de retrouver un travail sont minces, il convient d'allouer au salarié la somme de 7 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'article L.1232-2 du code du travail énonce que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. Un jour ouvrable est un jour de la semaine à l'exception du dimanche et d'un jour férié et, en application des articles 641 et 642 du code de procédure civile, le jour de la première présentation de la convocation ne compte pas dans la computation du délai de l'article L. 1232-2.

Il s'ensuit que M. [P] n'a pas disposé du délai de cinq jours entre la première présentation de la lettre de convocation et l'entretien préalable mais de trois jours seulement, à savoir le jeudi 17 avril, vendredi 18 avril et samedi 19 avril en ce que le dimanche 20 avril et le lundi de Pâques 21 avril ne sont pas deux jours ouvrables et que l'entretien a été fixé le mardi 22 avril 2014.

Cependant, la simple référence à l'article L. 1232-2 ne dispense pas M. [P] de rapporter la preuve d'un préjudice qu'il prétend subir du fait de l'irrégularité du licenciement.

Faute de cette preuve, M. [P] sera débouté, par confirmation du jugement entrepris, de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure.

M. [P] ne démontre pas, autrement que par des affirmations de principe, l'existence d'un préjudice causé par l'absence de mention du DIF et du droit à la portabilité du contrat de prévoyance. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] de ses demandes en dommages et intérêts à ces titres.

M. [P], justifiant du décès de sa mère, a le droit au paiement de trois jours d'absence en application de la convention collective nationale applicable.

La société Eigen France sera condamnée, par infirmation du jugement entrepris, à lui verser la somme, au montant non autrement contesté de 243,75 euros, à titre de rappel de salaire du 26 mars au 30 mars 2014.

Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la société Eigen France sera condamnée à verser à M. [P] la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'appelant qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [P] de ses demandes en dommages et intérêts pour procédure de licenciement irrégulière, et pour absence de mention du DIF et du droit à la portabilité du contrat de prévoyance dans la lettre de licenciement,

INFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs du dispositif infirmés,

DIT que le licenciement de M. [P] est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Eigen France à verser à M. [P] les sommes suivantes :

° 2 565,66 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

° 256,56 euros au titre des congés payés afférents,

° 919,34 euros à titre d'indemnité de licenciement,

° 7 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° 243,75 euros à titre de rappel de salaire du 26 mars au 30 mars 2014,

CONDAMNE la société Eigen France à verser à M. [P] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Eigen France aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/01239
Date de la décision : 19/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-19;18.01239 ?
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