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18/10/2022 | FRANCE | N°20/06658

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 18 octobre 2022, 20/06658


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 18 OCTOBRE 2022

(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06658 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCPSP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Août 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LONGJUMEAU - RG n° 18/00172





APPELANTE



S.A. ALCATEL-LUCENT INTERNATIONAL

prise en la personne de son représentant légal

domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151



INTIME



Monsieur [Z...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 18 OCTOBRE 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06658 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCPSP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Août 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LONGJUMEAU - RG n° 18/00172

APPELANTE

S.A. ALCATEL-LUCENT INTERNATIONAL

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

INTIME

Monsieur [Z] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Nadège MAGNON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1186

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON Présidente de chambre, et par Madame Figen HOKE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Alcatel-Lucent était une société multinationale française, née en 2006 de la fusion entre Alcatel et Lucent-Technologies.

Pour l'année 2014, la société Alcatel-Lucent International a annoncé un nouveau plan de rémunération variable ' appelé achievement bonus plan (ABP) ' comprenant 3 niveaux d'indicateurs clés de performance (Key Performance Indicators) :

- KPIs d'entreprise (corporate), pondéré à hauteur de 40%,

- KPIs Business pondéré à hauteur de 40%

- KPIs individuel pondéré à hauteur de 20%.

Le 1er janvier 2014, la société Alcatel-Lucent International a absorbé la société Alcatel-Lucent France.

En application de l'article L.1224-1 du code du travail, les contrats de travail des salariés de la société absorbée ont été transférés au sein de la société Alcatel-Lucent International.

Demandant un rappel de bonus pour l'année 2014 et l'application du principe de l'égalité de traitement, M. [Z] [P], ingénieur position IIIA au sein de la SAS Alcatel-Lucent International, a saisi le 30 mars 2018 le conseil de prud'hommes de Longjumeau, qui, par jugement du 28 août 2020 rendu en sa formation de départage, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

- condamne la société Alcatel-Lucent International à payer à M. [Z] [P] :

* la somme de 11.265,40 euros à titre de rappel de bonus 2014 ;

* la somme de 1.126,54 euros au titre de congés payés y afférents ;

avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2018 ;

- rejette le surplus des demandes ;

- fixe à la somme de 7.833 euros la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [Z] [P] ;

- condamne la société Alcatel-Lucent aux dépens ;

- condamne la société Alcatel-Lucent International à payer à M. [Z] [P] la somme de 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 13 octobre 2020, la société Alcatel-Lucent International a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 21 septembre 2020.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 février 2022, la société Alcatel-Lucent International demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [Z] [P] un rappel de bonus 2014, un rappel de congés payés et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- en conséquence, débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

Subsidiairement,

- infirmer le jugement en ce qu'il a appliqué le principe d'égalité de traitement et l'a condamnée à payer au salarié des rappels de bonus 2014 et de congés payés afférents calculés sur la base d'un taux de 12,5% ;

- en conséquence, condamner la société Alcatel-Lucent International aux sommes suivantes calculées sur la base d'un taux de 5% :

* 2.419,46 euros au titre du rappel de bonus corporate 2014 ;

* 241,95 euros au titre des congés payés afférents ;

En tout état de cause,

- débouter le salarié du surplus de ses demandes ;

- condamner le salarié aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 avril 2021, M. [Z] [P] demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Alcatel-Lucent International à payer à M. [Z] [P] les sommes suivantes :

* 11.265,40 euros à titre de rappel de bonus 2014

* 1.126,54 euros au titre des congés payés y afférents

* 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

A titre subsidiaire,

- confirmer la condamnation de la société Alcatel-Lucent International à lui payer la part « entreprise » du bonus 2014 et la condamner à lui payer les sommes suivantes :

* 2.419,46 euros à titre de rappel de bonus 2014

* 241,95 euros au titre des congés payés y afférents

* 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

En tout état de cause,

- ordonner la remise d'un bulletin de salaire conforme à la décision ;

- condamner la société Alcatel-Lucent International à lui la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Alcatel-Lucent International aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mars 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 17 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le bonus corporate

Pour infirmation de la décision entreprise, la société Alcatel-Lucent International soutient en substance que le plan de bonus dit ABP prévoyait en cas de circonstances exceptionnelles un mécanisme de neutralisation des événements susceptibles de faire varier l'un des indicateurs de performance, les organes de direction disposant d'une faculté d'opérer une modification de l'enveloppe budgétaire constituée pour le paiement des bonus, dont il a été fait usage le 9 février 2015 ; que l'indicateur corporate a été déterminé au regard de la notion anglo-saxonne de free cash flow et non de la notion française de flux de trésorerie, en tenant compte du résultat opérationnel dont ont été déduits les variations du besoin en fond de roulement opérationnel ainsi que les dépréciations et amortissements, les variations des autres éléments du besoin en fond de roulement, les intérêts, les impôts, les contributions aux plans de retraite, les ventes de brevets, les dépenses d'investissements et enfin, les dépenses liées aux restructurations ; que la double condition prévue par le plan pour le versement du bonus tenant à l'atteinte des objectifs et à l'absence de circonstances exceptionnelles est licite et connue des salariés et de leurs représentants ; que la décision de ne pas verser la part collective du bonus est fondée sur le constat objectif de l'existence de circonstances exceptionnelles au sens du plan et qui s'analysent comme des événements/opérations non récurrents ayant impacté les résultats de l'entreprise et dont la neutralisation s'impose afin de ne pas fausser la mesure de la performance réelle de l'entreprise ; qu'en raison d'événements extérieurs indépendants de sa volonté sans lien avec son activité opérationnelle, la société s'est retrouvée dans une situation financière plus favorable tels que des décaissements retardés ou inférieurs aux prévisions, une baisse des intérêts, un impact positif des modifications de régimes de retraite ; que l'appréciation de la performance de la société, après retraitement de ces événements exceptionnels, a conduit à un niveau de réalisation de l'indicateur de la part collective du bonus à 0%.

M. [Z] [P] rétorque que la société Alcatel-Lucent International a pris un engagement unilatéral vis-à-vis des cadres de la société d'attribuer 40% du bonus annuel de 2014 en fonction d'objectifs de trésorerie déterminés en février 2014 et connus de tous ; que la société a fixé comme seul indicateur de performance d'entreprise (corporate KPI), le flux de trésorerie pour les participants au plan ABP ; qu'elle persiste à évoquer des circonstances exceptionnelles sans démontrer avoir informé les représentants du personnel et les salariés d'une limitation de l'objectif à certaines opérations récurrentes ou à un « segment » du « free cash flow » ; qu'en application du principe d'exécution de bonne foi du contrat de travail, la société ne peut pas modifier discrétionnairement les règles de son engagement et est tenue de respecter son engagement vis-à-vis des salariés et de payer la part bonus corporate.

***

Vu l'article L.1221-1 du code du travail

Par des motifs, dont les débats devant la cour n'ont pas altéré la pertinence, les premiers juges ont fait une juste application de la règle de droit en retenant que lorsqu'elle est payée en vertu d'un engagement unilatéral, une prime constitue un élément de salaire et est obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par cet engagement, peu important son caractère variable, que seule une clause précise définissant objectivement l'étendue et les limites de l'obligation souscrite peut constituer une condition d'application d'un tel engagement, qu'il en résulte que le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues.

A cet égard, le plan de rémunération variable ABP applicable du 1er janvier au 31 décembre 2014 au sein du groupe Alcatel-Lucent précise d'une part que l'indicateur de performance clés (KPI) Corporate est déterminé au regard des objectifs en termes de « free cash flow » et d'autre part que le niveau d'atteinte de cet indicateur sera mesuré et un score de performance établi début 2015 puis appliqué à l'ensemble des salariés éligibles.

L'article 10 du plan de rémunération ABP 2014 stipule que :

« Il appartient à Alcatel-Lucent de déterminer en quoi et dans quelle mesure les objectifs fixés au titre de l'ABP ont été atteints (notamment les KPIs Corporate, Business et individuel). Plus précisément, le conseil d'administration d'Alcatel-Lucent devra approuver le taux global de réalisation des objectifs Corporate et Business établis en fonction des résultats du groupe et de chaque organisation. En cas de circonstances exceptionnelles, seul le conseil d'administration et le Directeur Général du groupe ont la capacité à leur entière discrétion de modifier l'enveloppe budgétaire définie dans le plan annuel de rémunération variable, de telles modifications pouvant entraîner une augmentation ou une diminution du budget établi.

Alcatel-Lucent se réserve le droit d'amender ou de résilier l'une des dispositions de ce plan à tout moment y compris et non limité à la prise en compte de circonstances exceptionnelles. Cet ABP s'applique pour l'année civile 2014 uniquement. Alcatel-Lucent ne fait aucune promesse à l'égard de tout ABP ou plan de rémunération pour toute année civile subséquente ».

Selon le procès-verbal du conseil d'administration de la société en date du 5 février 2015, motifs pris que « l'objectif de l'ABP est de récompenser les employés pour leurs contributions à la performance du cycle d'exploitation de la société » et « bien que la trésorerie de la société se soit améliorée par rapport à 2013 », l'objectif de Flux de Trésorerie disponible 2014 ayant été atteint « principalement du fait d'éléments hors cycle d'exploitation tels que la réduction des frais financiers et des obligations au titre des régimes de retraite », le conseil d'administration a accepté « la proposition des dirigeants portant sur la détermination du niveau de réalisation du Corporate KPI de l'ABP 2014 en excluant de l'objectif de Flux Trésorerie Disponible les éléments hors cycle d'exploitation tels que la réduction des coûts financiers, des dépenses au régime de retraite et des coûts de restructuration ».

Par courriel en date du 9 février 2015, M. [F], dirigeant de la société, informait l'ensemble des salariés que « les résultats de 2014 permettent de dégager le paiement d'un bonus ; dans la partie Corporate de notre programme ABP, même si notre trésorerie s'est améliorée l'année dernière, je considère que nous n'avons pas tenu notre engagement en dépit de tous les efforts déployés et des progrès réalisés ; notre objectif de trésorerie a été atteint principalement parce que nous avons retardé et dépensé moins au titre des restructurations et parce que nos dépenses non opérationnelles comme nos charges bancaires et les retraites ont été moins importantes ; c'est pourquoi le comité exécutif et le conseil d'administration ont jugé que l'objectif de free cash flow, tel que défini l'année dernière, ne reflète pas la performance opérationnelle réelle de l'entreprise ; nous avons par conséquence décidé de considérer la partie Corporate du programme ABP comme non réalisée et ne donnant donc pas lieu à un paiement ».

La cour relève que la société Alcatel-Lucent Technologie n'établit pas que le « free cash flow » visé par le plan ABP emporte nécessairement l'absence de prise en compte des éléments telle que décidée par le conseil d'administration étant relevé que le cash flow comme le flux de trésorerie en français, est un indicateur comptable qui mesure le flux net de trésorerie entrant et sortant d'une entreprise.

La société ne saurait opposer à M. [Z] [P] des circonstances exceptionnelles pour se dégager du paiement du bonus « Corporate » alors qu'elle n'a pas informé les salariés que l'objectif de flux de trésorerie devait exclure des éléments tels que la réduction des coûts financiers, des dépenses au régime de retraite et des coûts de restructuration, que la maîtrise de son objectif de trésorerie résulte du moindre coût des restructurations engagées par rapport aux prévisions, de la baisse des intérêts suite à la restructuration de la dette et de l'impact positif des modifications du régime des retraites, éléments qui ne sont nullement indépendants de la volonté de ses dirigeants mais sont la résultante des politiques de gestion et de négociation nécessaires au redressement de la société dont les résultats ont été plus favorables que les prévisions. La société ne démontre nullement en quoi ces événements sont exceptionnels et devraient être neutralisés pour mesurer la performance de l'entreprise alors qu'ils participent au niveau réel et objectif de sa trésorerie, aucun événement imprévu n'étant venu en fausser le résultat et qu'ils doivent en conséquence profiter aux salariés au titre de l'indicateur KPIs d'entreprise (corporate), pondéré à hauteur de 40%.

En conséquence, la SA Alcatel-Lucent International sera condamnée à verser à M. [Z] [P] un rappel de bonus corporate pour l'année 2014 et les congés payés afférents. Il convient de déterminer le taux applicable pour le calcul du bonus dans son ensemble.

Sur le taux applicable et le principe d'égalité de traitement

Pour infirmation du jugement déféré, la société Alcatel-Lucent International fait valoir essentiellement qu'il est admis que des opérations de transfert de contrats de travail par application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail puissent avoir pour effet d'engendrer des différences de traitement entre deux populations de salariés ; que la différence de traitement a présenté un caractère très temporaire dès lors qu'un engagement unilatéral du 1er décembre 2014 est venu déterminer pour l'avenir de nouveaux taux applicables à l'ensemble des salariés pour le calcul du bonus ; qu'au sein de la société Alcatel-Lucent International le taux le plus favorable a été contractualisé pour une majorité de salariés ; que le principe d'égalité de traitement ne peut trouver à s'appliquer dès lors que les salariés provenant de la société Alcatel-Lucent France ne sont pas placés dans une situation identique à celle des salariés historiques de la société Alcatel-Lucent International, n'exerçant pas des travaux identiques ou de valeur égale.

M. [Z] [P] réplique que, pour 2014, les cadres en position I, II et IIIA ont subi un traitement différencié concernant le bonus variable annuel suivant le taux applicable dans leur société d'origine ; qu'un taux de 5% pour les anciens salariés de Alcatel-Lucent France

ou 10,6 % pour les anciens salariés de Lucent Technologies France a été appliqué aux anciens salariés de ces sociétés alors que les salariés de la société Alcatel-Lucent International se sont vus appliqués un taux de 12,5% ; que les salariés transférés peuvent demander le bénéfice des avantages collectifs applicables chez le nouvel employeur qui est tenu à une égalité de traitement entre tous les salariés de l'entreprise ; que le taux de 12,5% a été contractualisé à titre informatif pour les salariés concernés ; que la société Alcatel-Lucent International ne peut prétendre pouvoir appliquer un taux différencié au sein d'une même entreprise à des salariés d'une même position suivant qu'ils sont ingénieurs ou cadres alors que le bonus n'est pas lié à la fonction mais aux catégories conventionnelles ; qu'au regard de l'avantage considéré, les ingénieurs et cadres sont placés dans la même situation et la différence de traitement n'est pas justifiée.

En application du principe « A travail égal, salaire égal », il est de droit que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

L'article L.1224-1 du code du travail dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Il est de droit que l'obligation à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en cas de transfert d'une entité économique, de maintenir au bénéfice des salariés qui y sont rattachés les droits qu'ils tiennent d'un usage en vigueur ou de leur contrat de travail au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés.

L'article L.2261-14 du code du travail, dans sa version applicable au litige, précise que lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévu à l'article L.2261-9, sauf clause prévoyant une durée supérieure.

En l'espèce, compte tenu de la fusion-absorption, la société Alcatel-Lucent International était légalement tenue de maintenir au bénéfice des salariés transférés de la société Alcatel-Lucent France les droits qu'ils tenaient de leur contrat de travail ou des usages en vigueur au jour du transfert, cette obligation justifiant la différence de traitement qui en résulte entre les salariés en raison de leur provenance de sociétés différentes.

De surcroît, la cour relève que, dans le délai de l'article L.2261-14 sus-visé, la société absorbante Alcatel-Lucent International a, par engagement unilatéral du 1er décembre 2014, déterminé pour l'ensemble des ingénieurs cadres, un nouveau taux applicable à compter du 1er janvier 2015, soit 10% pour les salariés en position II ou IIIA (5% pour les salariés en position I, 15% pour les salariés en position IIIB et 20% pour les salariés en position IIIC).

Il s'ensuit, par infirmation du jugement déféré dans le quantum des sommes allouées, au vu du tableau produit par les salariés (Pièce commune C12) et non utilement contredit par la société, il convient de condamner la société Alcatel-Lucent International à verser à M. [Z] [P] le bonus 2014 calculé sur la base d'un taux de 0,05 soit la somme de 2.419, 46 euros à titre de rappel de bonus 2014, outre la somme de 241,95 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les frais irrépétibles

La SA Alcatel-Lucent International sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à M. [Z] [P] la somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SA Alcatel-Lucent International à verser à M. [Z] [P] la somme de 2.419, 46 euros à titre de rappel de bonus 2014, outre la somme de 241,95 euros au titre des congés payés afférents ;

Y ajoutant,

ORDONNE la remise par la SA Alcatel-Lucent International à M. [Z] [P] d'un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification ;

CONDAMNE la SA Alcatel-Lucent International aux entiers dépens ;

CONDAMNE la SA Alcatel-Lucent International à verser à M. [Z] [P] la somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 20/06658
Date de la décision : 18/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-18;20.06658 ?
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