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18/10/2022 | FRANCE | N°19/20951

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 18 octobre 2022, 19/20951


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13



ARRET DU 18 OCTOBRE 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/20951 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA7L7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 18/10951



APPELANTE



Madame [N] [H]

Née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 3]

(Maroc)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Rodolfo VIERA SANTA CRUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0205



INTIME



Monsieur [Z] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRET DU 18 OCTOBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/20951 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA7L7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 18/10951

APPELANTE

Madame [N] [H]

Née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 3] (Maroc)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Rodolfo VIERA SANTA CRUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0205

INTIME

Monsieur [Z] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Serge PEREZ de la SCP PEREZ SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0198

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Françoise D'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Françoise D'ARDAILHON MIRAMON, Présidente

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Mme Claire DAVID, Magistrate honoraire juridictionnel

Greffier, lors des débats : Mme Florence GREGORI

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour initialement fixé le 05 octobre 2022 et prorogé au 18 octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre et par Florence GREGORI, Greffier, présente lors de la mise à disposition et à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

***

La société SMP Technologies, qui importait et commercialisait des pistolets à impulsion électrique de marque Tazer et a vu son contrat de distribution non reconduit en 2011, s'est séparée de l'ensemble de ses salariés, à l'exception de Mme [N] [H], née le [Date naissance 1] 1949, qui était employée depuis le 3 février 2007 en qualité de responsable comptable et en arrêt de travail depuis octobre 2011.

N'ayant pas perçu son complément de prévoyance sur la période d'août 2012 à septembre 2013, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en référé, qui a pris acte, par ordonnance du 31 janvier 2014, de ce que l'employeur acceptait de verser la somme de 6 938,68 euros à ce titre et de régulariser la siuation de prévoyance pour le 4ème semestre 2013 et les mois de janvier et février 2014.

Se prévalant d'un non respect de cet engagement et d'un nouveau manquement de son employeur l'ayant radiée de l'institut de prévoyance le 23 octobre 2013, Mme [H], par l'intermédiaire de M. [Z] [Y], avocat, a saisi le conseil des prud'hommes de Paris, le 31 juillet 2014, en résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Son arrêt de travail venant à échéance le 26 octobre 2014, elle a sollicité, le 29 septembre 2014, une visite médicale de reprise auprès de la société SMP Technologies, visite intervenue le 2 décembre 2014 et un avis d'inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise a été dressé par le médecin du travail le 5 décembre suivant.

Le 7 janvier 2015, la caisse nationale d'assurance vieillesse d'Ile-de-France a notifié à Mme [H] l'attribution d'une retraite personnelle au titre de l'inaptitude au travail à compter du 1er novembre 2014.

Mme [H] a fait l'objet d'un premier licenciement pour motif économique le 10 février 2015 puis d'un second licenciement pour inaptitude le 11 mai 2015.

Dans le cadre du contentieux prud'homal, elle a maintenu sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et demandé, à titre subsidiaire, que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse, du fait des deux motifs différents invoqués à quelques mois d'intervalle.

Par jugement du 26 octobre 2016, le conseil de prud'hommes l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions.

L'appel interjeté par Mme [H] a été déclaré irrecevable par ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris du 5 juillet 201.

Par acte du 7 septembre 2018, Mme [H] a fait assigner M. [Y] en responsabilité professionnelle.

Par jugement du 16 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

- débouté Mme [H] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [H] aux dépens,

- condamné Mme [H] à payer à M. [Y] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700

du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 13 novembre 2019, Mme [H] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 11 février 2020, Mme [H] demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement,

statuant à nouveau,

- la recevoir en toute ses demandes et la déclarer bien fondée en y faisant droit,

- juger que du fait de l'appel irrégulier formé M. [Y], la cour d'appel n'a pas pu examiner ses demandes et l'a privée de la possibilité d'obtenir gain de cause,

en conséquence,

- juger que la responsabilité professionnelle de M. [Y] est engagée de ce chef,

- condamner M. [Y] à lui verser la somme de 62 703 euros au titre de la perte de chance,

- condamner M. [Y] à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamner M. [Y] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec faculté de distraction.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 11 mai 2020, M. [Y] demande à la cour de :

- dire Mme [H] tant irrecevable que mal fondée en son appel,

- la débouter de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement dont appel,

- condamner Mme [H] à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 17 mai 2022.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'appel

M. [Y] qui soulève l'irrecevabilité de l'appel devant la cour ne présente aucun moyen au soutien de sa prétention et l'appel doit être déclaré recevable.

Sur la faute

Le tribunal a jugé que M. [Y] a manqué à son devoir de diligence en n'interjetant pas appel du jugement prud'homal litigieux par la voie électronique imposée dans le délai d'un mois imparti comme cela ressort de l'ordonnance d'irrecevabilité du 5 juillet 2017.

Mme [H] soutient qu'elle avait expressément demandé à M. [Y] d'interjeter appel du jugement et que le fait de ne pas avoir accompli les démarches régulières en matière de procédure d'appel l'a empêchée d'obtenir l'infirmation de la première décision.

M. [Y] ne conclut pas sur ce point mais demande à la cour de débouter Mme [H] de l'intégralité de ses demandes.

Lorsqu'il se voit confier un mandat de représentation en justice, l'avocat a le devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de la procédure utiles à la sauvegarde des intérêts de celui-ci ainsi que de le conseiller.

A compter du 1er août 2016, les déclarations d'appel des jugements des conseils des prud'hommes par lettre recommandée avec accusé de réception n'étaient plus recevables, l'appel devant la chambre sociale de la cour d'appel devant être effectué suivant la procédure avec représentation obligatoire, conformément à l'article R 1461-2 du code du travail, soit par déclaration d'appel envoyée par le biais du réseau privé virtuel des avocats.

M. [Y] admet qu'il a été mandaté à nouveau par Mme [H] afin d'interjeter appel du jugement, ce qu'il a fait par courrier recommandé du 16 novembre 2016 et par le biais du réseau privé virtuel des avocats le 3 janvier 2017.

Le conseiller de la mise en état a constaté que l'appel du jugement notifié le 14 novembre 2016 avait été effectué le 16 novembre suivant par lettre recommandée avec accusé de réception et que l'appel effectué par voie électronique le 3 janvier 2017 par l'avocat de Mme [H] après expiration du délai d'un mois pour faire appel, ne pouvait avoir pour effet de régulariser l'appel formé sans l'assistance d'un avocat ou d'un défenseur syndical.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu que l'avocat a commis un manquement à son obligation de diligence.

Sur le lien de causalité et le préjudice

Le tribunal a jugé que Mme [H] ne rapporte pas la preuve d'une perte de chance d'obtenir une remise en cause du jugement du conseil des prud'hommes devant la cour d'appel dans la mesure où :

- il est de jurisprudence constante que lorsque, au moment où le juge statue sur une action du salarié tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, le contrat de travail a pris fin par le départ à la retraite du salarié, sa demande de résiliation devient sans objet,

- le départ volontaire à la retraite du salarié mettant fin au contrat de travail conformément à l'article L1237-9 du code du travail, le licenciement postérieur est non avenu et ne saurait donner lieu à indemnisation,

- Mme [H] avait été déboutée par le conseil de prud'hommes de sa demande en paiement d'indemnités de prévoyance et elle ne s'explique toutjours pas sur le fondement juridique de sa demande,

- il en est de même s'agissant de l'indemnité de congés payés puisque Mme [H] ne produit pas de justificatif du nombre de jours de congé non pris au jour de la rupture de la relation de travail et ne s'explique pas sur la possibilité de réclamer le paiement de jours de congé non pris les années antérieures,

- s'agissant du salaire sollicité pour la période du 1er novembre 2014 au 10 février 2015, Mme [H] n'explique pas en quoi l'employeur pourrait être tenu de lui verser une quelconque rémunération postérieurement à la rupture de la relation de travail par l'effet de son départ à la retraite.

Mme [H] soutient que l'absence de déclaration d'appel régulière l'a privée de la possibilité de faire valoir ses arguments devant la cour d'appel et voir son affaire jugée autrement alors que :

- son employeur avait expressément reconnu devant la juridiction des référés avoir manqué à son obligation contractuelle de paiement du salaire qui s'analyse pour un salarié en arrêt maladie en paiement de la totalités des indemnités journalières de prévoyance et de sécurité sociale et s'était engagé à pallier cette carence pour l'avenir mais a persévéré dans ses manquements en procédant à sa radiation de l'organisme de prévoyance et a commis une violation de ses engagements judiciairement pris suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail à ses torts,

- un avis d'inaptitude avait été remis à l'employeur par le médecin du travail en décembre 2014 et l'employeur ne pouvait pas décider à quelques mois d'intervalles de licencier deux fois sa salariée sur des motifs différents, sans rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- elle avait donc de grandes chances de voir infirmer la décision devant la cour d'appel et d'obtenir :

- que la résiliation judiciaire de son contrat de travail prenne effet à la date de son départ à la retraite puisqu'elle avait introduit sa demande de résiliation judiciaire le 28 juillet 2014 et qu'elle n'est partie à la retraite que le 1er novembre 2014 et que la résiliation produise les mêmes effets qu'un licenciement pour cause réelle et sérieuse, ce qui lui aurait permis de percevoir l'indemnité de préavis, les congés payés sur cette indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement,

- des indemnités de prévoyance puisqu'il ne s'agit pas d'un complément de salaire dû par application de la convention collective mais d'une indemnité de prévoyance due par application d'un contrat de prévoyance pour lequel Mme [H] souscrivait (sic) des cotisations,

- des indemnités au titre de 72,5 jours de congés payés.

M. [Y] soutient que :

- la société SMP Technologies n'a pas été liquidée en 2011 malgré son absence d'activité en raison d'une instance pendante concernant le recouvrement d'une créance et elle avait accepté de conserver Mme [H] à sa demande dans ses effectifs jusqu'en juin 2012 afin de lui permettre de prendre sa retraite dans de meilleures conditions,

- les réclamations de Mme [H] n'avaient aucune chance d'être admises par la cour d'appel et les premiers juges ont conclu à juste titre à une absence de perte de chance,

- pour justifier de la résiliation du contrat aux torts de son employeur, Mme [H] invoque à tort un non paiement de salaire par l'employeur alors qu'il s'agissait d'un non-paiement d'une prestation qui était due par un institut de prévoyance et non par l'employeur, même si par le passé, il avait accepté d'en avancer le montant dans le cadre d'une procédure de référé,

- elle ne démontre pas que son employeur avait l'obligation légale de maintenir pour elle seule le contrat collectif qui la liait à la société Novalis et ne justifie pas d'une faute de l'employeur alors que son contrat de travail était suspendu depuis trois ans et qu'elle n'adressait pas à son employeur ses relevés d'indemnités journalières afin qu'il les transmettent à l'institut Novalis,

- mais surtout, à la date où la cour d'appel aurait dû statuer comme à celle où le conseil des prud'hommes a rendu sa décision, il n'était plus possible de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail puisque ce dernier avait déjà été rompu pour trois motifs distincts,

- le motif de licenciement pour inaptitude est incontestable puisque c'est le médecin du travail qui le 5 décembre 2014 a émis un avis en ce sens, l'employeur avait donc l'obligation de licencier sa salariée,

- Mme [H], sans en avertir son employeur qui a mis en oeuvre des procédures de licenciement inutiles, avait fait valoir ses droits à la retraite, avec effet au 1er novembre 2014 et par conséquent, la cour d'appel n'aurait pas pu résilier judiciairement le contrat de travail d'une personne qui, étant déjà partie en retraite de son propre chef, ne pouvait pas cumuler cette situation avec son ancien contrat de travail,

- elle ne justifie pas d'un préjudice puisqu'elle avait elle-même effectué des démarches au cours des mois précédents pour bénéficier de sa retraite,

- la perte de chance ne peut être indemnisée à hauteur de la totalité des sommes que l'appelante aurait pu obtenir de la cour d'appel,

- les différentes réclamations de Mme [H] se heurtent à des difficultés sérieuses en ce que :

$gt; concernant les indemnités de prévoyance, elle avait en sa qualité de responsable comptable, procédé à la souscription pour le compte de son employeur d'un contrat de prévoyance avec l'institut Novalis et ne démontre pas en quoi son employeur avait une obligation légale, conventionnelle ou contractuelle de souscrire à son profit ce contrat de prévoyance,

$gt; concernant le paiement de salaires du 1er novembre 2014 au 10 février 2015, dans la mesure où elle était à la retraite et prise en charge à ce titre par les organismes sociaux à compter du 1er novembre 2014, elle ne pouvait cumuler ses allocations de retraite avec un salaire, d'autant qu'elle ne travaillait plus dans l'entreprise et qu'elle était déclarée inapte à tout poste depuis le 5 décembre 2014,

- concernant les 72,5 jours de congés payés, elle ne justifie pas de cet arriéré ni du bien fondé de sa demande, comme l'a justement relevé le conseil des prud'hommes,

- concernant les indemnités de préavis et de congés payés sur préavis, étant en retraite depuis le 1er novembre 2014, elle ne pouvait effectuer son préavis et être rémunérée à cet effet,

- concernant l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, Mme [H] ne démontre pas davantage que les licenciements économique puis pour inaptitude sont injustifiés et elle ne peut pas se plaindre de ne pas avoir retrouvé d'emploi alors qu'elle a fait valoir ses droits à la retraite.

L'avocat ayant commis des manquements à son obligation de diligence est tenu de réparer le préjudice direct, certain et actuel en relation de causalité avec les manquements commis, sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil.

Lorsque le manquement a eu pour conséquence de priver une partie d'une voie d'accès au juge, il revient à celle-ci de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de l'événement dont elle a été privée était certaine avant la survenance du fait dommageable, le caractère hypothétique d'une telle perte de chance excluant toute indemnisation. Pour apprécier les chances de succès de la voie de droit envisagée, le juge du fond doit reconstituer fictivement le procès manqué par la faute de l'avocat, à l'aune des motivations de la décision qui a été rendue, des dispositions légales qui avaient vocation à s'appliquer au regard des prétentions et demandes respectives des parties ainsi que des pièces en débat.

La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Le conseil des prud'hommes de Paris, dans son jugement du 26 octobre 2016, a jugé que :

- la situation visée est celle d'une rupture de contrat de travail intervenue postérieurment à l'introduction de la demande de résiliation judiciaire par le salarié mais avant que le juge ait statué,

- l'action en résiliation judiciaire laissant subsister la relation contractuelle, le salarié peut prendre la décision de mettre fin à son contrat de travail ; dans ce cas, la décision de départ à la retraite prise par le salarié rend sans objet la demande de résiliation judiciaire,

- le départ à la retraite de Mme [H] le 1er novembre 2014 rend sans objet sa demande de résiliation judicaire, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande,

- la cessation du contrat de travail par le départ à la retraite ne peut pas produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et Mme [H] doit être déboutée de ses demandes de préavis, d'indemnitésde congés payés afférents,d'indemnité de licenciement et d'indemenité de licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- Mme [H] ne justifie pas d'une obligation liée à la convention collective nationale du commerce de gros ou à son contrat de travail imposant à l'employeur de régler un complément de rémunération en supplément des indemnités journalières et seul l'organisme de prévoyance pourrait être débiteur d'une indemnité de prévoyance,

- Mme [H] fait état de 72,5 jours de congés non pris sans en apporter la moindre justification.

Dans un arrêt publié du 12 avril 2005 (pourvoi n° 02-45.923) la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que : 'Lorsque, au moment où le juge statue sur une action du salarié tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, le contrat de travail a pris fin par la mise à la retraite du salarié, sa demande de résiliation devient sans objet ; il a seulement la faculté, si les griefs qu'il faisait valoir à l'encontre de l'employeur sont justifiés, de demander la réparation du préjudice en résultant'.

Le conseil des prud'hommes a fait une stricte application de cette jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc.,10 avril 2013, pourvoi n° 11-15.651) et Mme [H] ne fait état d'aucune jurisprudence contraire ni même d'une évolution jurisprudentielle.

Dès lors, elle n'établit pas avoir perdu une chance d'obtenir l'infirmation du jugement du conseil des prud'hommes sur ce point et de voir ses demandes tendant à voir déclarer les licenciements intervenus sans cause réelle et sérieuse et ses demandes indemnitaires subséquentes accueillies.

En revanche, Mme [H] était en droit de solliciter la réparation des préjudices résultant des griefs invoqués à l'appui de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, savoir le fait que son employeur n'avait pas respecté l'engagement acté par l'ordonnance de référé du 31 janvier 2014 et qu'elle avait été radiée du bénéfice du contrat de prévoyance souscrit le 23 octobre 2013.

La société SMP Technologies avait souscrit auprès de l'institut de prévoyance Novalis un contrat collectif de prévoyance Décès-Incapacité-Invalidité- en faveur du personnel cadre de la société, à effet au 1er avril 2008, aux termes duquel cette institution devait verser, en cas d'incapacité temporaire complète de travail pour maladie ou accident, des prestations correspondant à 80 % de la rémunération de base y compris les indemnités journalières versées par la Sécurité sociale.

Mme [H] a été radiée du bénéfice de ce contrat de prévoyance souscrit pas son employeur le 23 octobre 2013.

L'ordonnance de référé du 31 janvier 2014 a 'pris acte de ce que la SMP Technologies a remis à Mme [H] un chèque de 6 938,68 euros représentant l'indemnité de prévoyance pour la période d'août 2012 à septembre 2013 et s'est engagée à remettre des bulletins de paie conformes et à faire diligence pour régulariser la situation de Mme [H] relativement à la situation de prévoyance pour le 4ème trimestre 2013 ainsi que les mois de janvier et février 2014".

L'employeur, dans l'instance devant le conseil des prud'hommes, estimait que ces griefs n'étaient pas sérieux dans la mesure où Mme [H] était responsable du fait que le complément prévu au titre de l'indemnité de prévoyance n'avait pas été versé ou ait été versé avec retard puisqu'elle n'avait pas effectué les diligences nécessaires dans la transmission des bordereaux d'indemnités journalières de la sécurité sociale à la société.

La société employeur s'était engagée à 'régulariser la situation relativement à la situation de prévoyance pour le 4ème trimestre 2013 ainsi que les mois de janvier et février 2014" et elle ne justifiait pas l'avoir fait devant le conseil des prud'hommes.

Toutefois, d'une part, la prestation de prévoyance prévue n'était pas due par l'employeur au titre d'un complément de salaire et devait être versée par le seul organisme de prévoyance et d'autre part, l'auteur et le motif de la radiation intervenue en octobre 2013 étant ignorés, il n'est pas établi qu'une régularisation était possible et par voie de conséquence, qu'un manquement aurait pu être reproché à l'employeur.

Dès lors, Mme [H] ne justifie pas d'une perte de chance d'obtenir en appel la condamnation de la société SMP Technologies à l'indemniser du préjudice subi du fait de la non reprise du paiement des prestations dues par l'Institut de prévoyance.

Enfin, s'agissant de la demande au titre des congés payés non pris, Mme [H] ne justifie pas de son allégation à ce titre ni surtout de son droit à solliciter le paiement de congés payés non pris au regard de la règle rappelée par M. [Y] selon laquelle les congés payés non pris au 31 mai de l'année civile ne peuvent plus être réclamés. Surtout, cette absence de paiement n'a jamais été invoquée pour fonder la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Mme [H] échoue à établir qu'elle a perdu une chance d'obtenir le paiement de ces congés payés non pris.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'une perte de chance.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.

Les dépens d'appel doivent incomber à Mme [H], partie perdante, avec les modalités de recouvrement de l'article 699 du code de procédure civile.

La faute de M. [Y] étant retenue, il ne lui est pas alloué, en équité, d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare l'appel recevable,

Confirme le jugement en toute ses dispositions,

Condamne Mme [N] [H] aux dépens, qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à condamnation au profit de M. [Y] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/20951
Date de la décision : 18/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-18;19.20951 ?
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