La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/10/2022 | FRANCE | N°18/05457

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 14 octobre 2022, 18/05457


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 14 Octobre 2022



(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/05457 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5QTM



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Février 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/02889



APPELANTE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires>
[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par M. [B] [N] en vertu d'un pouvoir général



INTIMEE

Société [4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Bruno SERIZAY, avocat au bar...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 14 Octobre 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/05457 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5QTM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Février 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/02889

APPELANTE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par M. [B] [N] en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

Société [4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Bruno SERIZAY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substitué par Me Adeline NAZAROVA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Août 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Pascal PEDRON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Pascal PEDRON, Président de chambre

Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Pascal PEDRON, Président de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par l'Urssaf Ile de France (l'Urssaf) d'un jugement rendu le 06 février 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la société [4] (la société)

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la société a fait l'objet d'un contrôle de législations par l'Urssaf Île-de-France pour la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ; que l'Urssaf a adressé le 12 avril 2016 à la société une lettre d'observations dont il ressortait un redressement au titre de 09 chefs (outre 02 observations pour l'avenir) pour un montant de 51 994 euros en principal, maintenu à l'issue de la période contradictoire ; que l'Urssaf a le 18 juillet 2016 adressé à la société une mise en demeure de payer d'un montant total de 60 124 euros, soit 51 998 euros outre 8 126 euros de majorations de retard provisoires ; qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, lequel par jugement du 06 février 2018 a annulé la mise en demeure du 18 juillet 2016 et la décision de la commission de recours amiable du 31 mars 2017 confirmant la mise en demeure, a débouté l'Urssaf de sa demande reconventionnelle en paiement et a condamné cette dernière à verser à la société la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles au motif essentiel que l'incohérence liée à la différence, même limitée, des montants figurant à la lettre d'observations et à la mise en demeure, a nécessairement empêché la société d'avoir une connaissance exacte et précise de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation.

L'Urssaf a interjeté appel le lundi 23 avril 2018 de ce jugement qui lui avait été notifié le 22 mars 2018.

Par ses conclusions écrites déposées par son représentant qui les a oralement développées et complétées à l'audience, l'Urssaf demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de:

-dire que l'instance d'appel n'est pas "périmée",

-dire valide et bien fondée la mise à demeure suite à contrôle,

-confirmer les chefs de redressement contestés et la décision de la commission de recours amiable,

-condamner la société à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

-rejeter en tout état de cause les demandes de la société.

Par ses conclusions écrites "d'intimée N°2" déposées par son avocat qui les a oralement développées à l'audience, la société demande à la cour de:

-au principal, juger l'appel "périmé" pour défaut de diligence dans le délai requis,

-au subsidiaire, confirmer le jugement déféré, et ordonner à l'Urssaf de lui rembourser l'intégralité des cotisations et contributions sociales, ainsi que toutes majorations et pénalités qu'elle a versées à tort, ce remboursement étant assorti des intérêts légaux,

-à l'infiniment subsidiaire, prononcer l'annulation des chefs de redressement n°1 et 6, et ordonner à l'Urssaf de lui rembourser les cotisations et contributions sociales, ainsi que toutes majorations et pénalités qu'elle a versées à tort au titre des chefs de redressement n°1 et 6, ce remboursement étant assorti des intérêts légaux,

-en toute hypothèse, condamner l'Urssaf, outre aux dépens, à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties, déposées et visées par le greffe à l'audience du 30 août 2022, pour un plus ample exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.

SUR CE, LA COUR

Sur la péremption

Il résulte des dispositions du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 ayant abrogé l'article R.142-22 du code de la sécurité sociale, que l'article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale tant aux instances d'appel initiées à partir du 1er janvier 2019 qu'à celles en cours à cette date.

Lorsque la procédure est orale, les parties n'ont pas, au regard de l'article 386 du code de procédure civile, d'autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l'affaire (Civ. 2, 17 novembre 1993; n°92 -12807; 6 décembre 2018; n°17-26202).

La convocation de l'adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l'accélérer. (Civ. 2, 15 novembre 2012; n°11-25499).

Il en résulte que le délai de péremption de l'instance n'a pas commencé à courir avant la date de la première audience fixée par le greffe dans la convocation.

En l'espèce, la date de première audience fixée par le greffe dans la convocation du 07 septembre 2020 étant celle du 15 septembre2021 et l'affaire ayant été plaidée après renvois à l'audience du 30 août 2022, aucune péremption d'instance ne saurait être retenue, étant précisé qu'aucune diligence n'a été mise par la juridiction à la charge des parties à quelque moment que ce soit.

Le moyen tiré de la péremption de l'instance ne saurait donc prospérer.

Sur la régularité de la mise en demeure

Pour l'infirmation du jugement, l'Urssaf fait valoir que:

-il est de jurisprudence constante que la différence minime entre la somme portée sur la mise en demeure et celle figurant sur la lettre d'observations n'affecte pas la connaissance que le cotisant a de la nature, de l'étendue et de la cause de son obligation.

-en l'espèce, l'écart, peu important, constaté entre le montant des cotisations indiqué sur la lettre d'observations et celui mentionné sur la mise en demeure, soit 4 euros, provenant d'une application de la règle de l'arrondi, n'est pas de nature à remettre en cause la validité de la mise en demeure.

Pour la confirmation du jugement, la société fait valoir que:

-la mise en demeure mentionne un montant différent de celui porté à la lettre d'observation et au courrier de réponse à observation, erreur devant s'assimiler à une absence de précision du montant dès lors qu'elle ne permet pas au cotisant d'avoir connaissance de la natutre et de l'étendue de ses obligations.

-de plus, la mise en demeure ne mentionne aucun des chefs de redressement retenus, aucune annexe n'ayant été jointe à cet envoi.

Il résulte des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elle précise, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

En l'espèce, la lettre d'observations du 12 avril 2016 fait état d' « un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS d'un montant total de 51 994,00 € » (pièce n°1 de l'Urssaf).

La lettre établie le 26 mai 2016 par l'inspecteur du recouvrement en réponse aux observations de la société conclut que « Le rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS d'un montant initial de 51 994 € est donc maintenu » (pièce n°2 de l'Urssaf).

La mise en demeure du 18 juillet 2016 (pièce n°3 de l'Urssaf) mentionne comme motif de mise en recouvrement un « contrôle chefs de redressement notifiés le 12/04/16, Article R 243.59 du code de la sécurité sociale », vise des cotisations du « Régime général », précise au titre de la période allant du « 01.01.13/31.12.13 37 151,00 € de cotisations et 6 315,00 € de majorations », et de celle allant du « 01.01.14/31.12.14 14 847,00 € de cotisations et 1 811,00 € de majorations », soit un total de « cotisations dues de 51 998,00 € » et « 8126 € de majorations », pour un « total à payer de 60 124,00 € ».

La mise en demeure, qui se réfère aux chefs de redressement suite à contrôle notifiés par lettre d'observations du 12 avril 2016 comporte donc, en défaveur du cotisant, un montant à payer en principal (51 998,00 €), différent de celui porté à la lettre d'observations (51 994,00 €) d'ailleurs confirmé par la lettre de réponse du 26 mai 2016, et ce sans le moindre élément porté à la mise en demeure permettant d'expliquer, sinon de justifier cette différence.

Pour motiver cette différence, l'Urssaf qui réclame en fait devant la cour la validation de la mise en demeure pour son montant de 51 998,00 € invoque , non pas une erreur de plume ou de frappe, mais l' "application de la règle de l'arrondi" sans aucunement en justifier, ne fournissant aucun calcul en la matière, alors qu'il apparait que:

-la somme totale visée à la mise en demeure (51 998,00 €) ne fait apparaitre aucune décimale "résiduelle",

-les calculs portés à la lettre d'observations, par chef de redressement, de cotisations et contributions annuelles (2013 et/ou2014) redressées ne font apparaitre aucune décimale "résiduelle», le total des cotisations et contributions redressées étant au contraire exprimé dans le corps de la lettre d'observations, par chef de redressement, sans décimale résiduelle ( 10 509, 00 €, 2 022,00 €, '), étant précisé que la somme des chefs de redressements figurant dans le corps de la lettre d'observations aboutit bien à 51 994,00 € (et non à 51 998,00 €).

Dans ces conditions, cette discordance entre le montant des cotisations figurant sur la mise en demeure et celui mentionné dans la lettre d'observations sans que le moindre élément d'explication n'en soit porté sur la mise en demeure, ne permettait pas au cas d'espèce au cotisant d'avoir connaissance de l'étendue exacte et certaine de son obligation, peu important à cet égard que la différence de montant soit peu importante, dès lors qu'elle a été appliquée en défaveur du cotisant, et qu'elle n'apparaît au surplus toujours pas justifiée.

En conséquence, la mise en demeure, irrégulière de ce fait doit être annulée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a annulé la mise en demeure du 18 juillet 2016 et la décision de la commission de recours amiable du 31 mars 2017 confirmant la mise en demeure, et en ce qu'il a débouté l'Urssaf de sa demande reconventionnelle en paiement

Au cas d'espèce, la nullité de la mise en demeure prive en conséquence de fondement l'obligation au paiement des sommes qui en font l'objet.

La société sollicite en conséquence de l'annulation de la mise en demeure que l'Urssaf lui rembourse les cotisations et contributions sociales dont elle s'est acquittée en la matière ; elle indique avoir en effet, suite à la mise en demeure, réglé à l'Urssaf à titre conservatoire la somme de 51 998,00 €. Elle justifie par sa pièce n° 10 de ce paiement qui n'est pas contesté par l'Urssaf dans ses écritures d'appel. Il sera en conséquence fait droit à la demande de remboursement présentée par la société à hauteur de la somme sollicitée.

Le jugement sera simplement infirmé sur le montant des frais irrépétibles accordés à la société, l'Urssaf devant être condamnée à verser à cette dernière une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles tant de première instance que d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DECLARE l'appel recevable ;

DIT n'y avoir lieu à péremption de l'instance d'appel ;

INFIRME le jugement déféré sur le montant des frais irrépétibles;

LE CONFIRME pour le surplus;

ET statuant à nouveau du chef infirmé ;

CONDAMNE l'Urssaf Ile de France à payer à la société [4] une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

ADDITANT ;

DIT que la nullité de la mise en demeure prive en conséquence de fondement l'obligation au paiement des sommes qui en font l'objet.

DÉBOUTE l'URSSAF Ile de France de ses demandes.

ORDONNE le remboursement à la société [4] par l'Urssaf Ile de France de la somme de 51 998,00 € au titre des cotisations et contributions, laquelle produira intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision.

CONDAMNE l'Urssaf Ile de France aux dépens d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 18/05457
Date de la décision : 14/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-14;18.05457 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award