La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2022 | FRANCE | N°22/02269

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 13 octobre 2022, 22/02269


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 13 OCTOBRE 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02269 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFENY



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Octobre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19 / 54264





APPELANT



M. [X] [M]



[Adresse 1]

[Localité 4]

>
Représenté par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assisté par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1735







INTIMES



M. [N] [S]



[Adress...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 13 OCTOBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02269 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFENY

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Octobre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19 / 54264

APPELANT

M. [X] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assisté par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1735

INTIMES

M. [N] [S]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Mme [F] [S]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentés par Me Patrice ITTAH de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120

Assistés par Me Servane MEYNIARD, avocat au barreau de PARIS

LA VILLE DE [Localité 4], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 4], Mme [W] [Z], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée et assistée par Me Fabienne DELECROIX de l'ASSOCIATION DELECROIX GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Septembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller chargé du rapport et Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par assignations en date des 7 et 8 mars 2019, la Ville de [Localité 4] a fait assigner Mme [F] [S] et M. [N] [S], en tant que propriétaires, et M. [X] [M], en tant que locataire, devant le tribunal de grande instance de Paris saisi en la forme des référés, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant l'appartement situé [Adresse 3]) (lot n°54).

Par ordonnance du 19 juin 2019, le tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 4] dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3ème, 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

La Cour de justice de l'Union européenne a statué par un arrêt du 22 septembre 2020 par lequel elle considère la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 sept. 2020, Cali Apartments, affaires joints C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 4] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

L'affaire a été rétablie à l'audience du 27 septembre 2021.

Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, la Ville de [Localité 4] demandait de voir :

' constater l'infraction commise par Mme [S], M. [S] et M. [M],

' condamner in solidum Mme [S], M. [S] et M. [M] à payer à la Ville de [Localité 4] une amende civile de 50.000 euros,

' ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, sis [Adresse 3]) (lot n°54), sous astreinte de 700 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal de fixer,

' se réserver la liquidation de l'astreinte,

' condamner in solidum Mme [S], M. [S] et M. [M] à payer à la Ville de [Localité 4] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner in solidum Mme [S], M. [S] et M. [M] aux entiers dépens.

M. et Mme [S] demandaient au juge de rejeter les demandes, de condamner M. [M] à les garantir, de prononcer la résiliation du bail à titre reconventionnel et d'ordonner l'expulsion, de condamner M. [M] à leur payer 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

M. [M] demandait au juge de se déclarer incompétent sur les demandes en résiliation et en expulsion, d'écarter des débats la pièce 5, de débouter la Ville de [Localité 4], de la condamner à lui verser 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, de ramener subsidiairement le montant de l'amende civile à un montant symbolique, de condamner la Ville de [Localité 4] à lui régler 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, invoquant aussi subsidiairement sa bonne foi sur l'amende.

Par ordonnance contradictoire du 25 octobre 2021, le magistrat saisi a :

- déclaré irrecevables les demandes de résiliation de bail, d'expulsion et de garantie formées par Mme [S], M. [S] à l'égard de M. [M] ;

- débouté M. [M] de sa demande visant à écarter des débats la pièce 5 ;

- condamné in solidum Mme [S] et M. [S] à payer une amende civile de 25.000 euros, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 4] ;

- condamné M. [M] à payer une amende civile de 45.000 euros, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 4] ;

- ordonné le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 3]) (lot n°54) appartenant à Mme [S], M. [S], loué à M. [M] sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision à Mme [S], M. [S] et M. [M] pour une durée maximale de 12 mois ;

- dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- condamné in solidum Mme [S], M. [S] et M. [M] à payer à la Ville de [Localité 4] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum Mme [S], M. [S], M. [M] et la Ville de [Localité 4] aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 28 janvier 2022, M. [M] a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 27 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [M] demande à la cour, au visa des dispositions des articles L.637-1 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation, de :

à titre principal,

- juger que la Ville de [Localité 4] est mal fondée dans sa demande en raison de l'absence de force probante des pièces justificatives versées au dossier en vue de démontrer le changement d'usage du lot litigieux et constituant la base légale de sa demande ;

en conséquence,

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 25 octobre 2021 (RG n°19/54264) en ce qu'elle l'a condamné au paiement d'une amende de 45.000 euros et ordonné le retour à l'habitation sous astreinte provisoire de 100 euros par mois ;

à titre subsidiaire, si par extraordinaire, l'infraction et la force probante du constat d'infraction devaient être caractérisées,

- juger que M. [S] et Mme [S] ont manqué à leur obligation de délivrance des locaux non conformes à l'objet des baux conclu ;

- débouter M. [S] et Mme [S] de leur demande de garantie financière et condamnations financières dirigée contre lui ;

en conséquence,

- infirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle l'a condamné à une amende civile de 25.000 euros et condamner M. [S] et Mme [S] à supporter seuls le paiement de l'amende civile de 25.000 euros ou de toute amende retenue par la cour ;

à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la responsabilité de M. [M] devait être retenue,

- compte tenu de sa bonne foi, et de son ignorance en sa qualité de simple locataire du lot litigieux, il est fondé à n'être condamné qu'à une amende symbolique ;

en conséquence,

- infirmer l'ordonnance en référé rendue le 25 octobre 2021 (RG n°19/54264) en ce qu'elle l'a condamné au paiement d'une amende de 45.000 euros et ordonné le retour à l'habitation sous astreinte provisoire de 100 euros par mois ;

- dire et juger que sa condamnation s'élèvera à une amende civile d'un euro symbolique ou d'une amende civile ne dépassant pas 3.000 euros ou toute somme équitable ;

en conséquence,

- fixer le montant de l'amende civile à la somme symbolique de 1 euro et ne pouvant dépasser la somme maximale de 3.000 euros ou toute somme équitable ;

en tout état de cause,

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamné à une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la Ville de [Localité 4] et M. [S] et Mme [S] à lui payer une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance ;

- ordonner l'exécution provisoire.

M. [M] soutient en substance :

- que la fiche H2 est entachée d'irrégularité et qu'aucun changement d'usage n'a été opéré contrairement à ce qu'invoque la Ville de [Localité 4] ;

- que M. [M] a fait preuve de bonne foi ;

- qu'il n'existe pas d'éléments permettant de faire douter M. [M] de la commercialité du bien ;

- que pour ne pas contrevenir aux dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, il n'exploite des activités de locations qu'au sein de locaux commerciaux, afin qu'il ne puisse lui être fait grief d'un changement d'usage non autorisé ;

- que la consultation de la base vidoc, par le biais de son notaire habituel, avait confirmé à M. [M] la nature commerciale de ces locaux, lors de la révision foncière de 1970 ;

- que ceci n'est d'ailleurs pas contesté et est confirmé par le règlement de copropriété du 27 avril 1978, une convocation à une assemblée générale du syndicat des copropriétaires du 15 mars 2018, un mail du syndic en date du 20 septembre 2021 ;

- qu'il ressort du contrat de location que M. [M] a clairement indiqué souhaiter exercer l'activité de location saisonnière ;

- que la Ville de [Localité 4] prétend que le local, commercial, a fait l'objet d'une autorisation de changement d'usage alors que les lots 53 et 54 ont toujours été des locaux commerciaux ;

- qu'il est établi qu'au 1er janvier 1970, les locaux étaient à usage commercial et que les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

- que quand bien même il serait considéré qu'une autorisation a été accordée pour en changer la destination, il n'est pas rapporté la preuve que les travaux envisagés ont été entrepris et surtout, une fois l'autorisation accordée, le local concerné ne change pas définitivement de statut ;

- que la fiche H2 ne permet aucunement de prouver l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 et présente des irrégularités ;

- qu'il conviendra d'infirmer l'ordonnance attaquée et de débouter la Ville de [Localité 4] de toutes ses demandes en ce qu'elle échoue à démontrer le changement d'usage intervenu après l'obtention du permis de construire ;

- que la fiche d'évaluation foncière du 20 mai 1999 ne précise pas les lots concernés pas le changement d'usage ;

- que subsidiairement les époux [S] sont les seuls responsables de cette situation juridique ;

- qu'il ressort des deux baux que la sous-location saisonnière était possible ;

- que M. [M] a pu légitimement penser que les consorts [S] avaient régularisé leur situation en conséquence, d'autant qu'il était certain de la nature commerciale des locaux ;

- que les époux [S] n'ont pu proposer à la location trois biens de même nature à la même personne en ne sachant pas que cette même personne n'y habiterait pas et exploiterait ces locaux;

- qu'il convient dès lors de leur attribuer la responsabilité du défaut de diligences pour le retour à l'usage d'habitation du bien litigieux ;

- qu'en consentant à l'insertion d'une clause de sous-location saisonnière, les époux [S] ont induit M. [M] en erreur ;

- qu'il ressort de ces éléments qu'il a exercé une activité de location saisonnière dans des locaux commerciaux non soumis aux dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

- qu'il est de bonne foi en ce qu'il a cherché à se conformer à la réglementation en vigueur en concluant un bail avec la certitude que les locaux loués étaient effectivement commerciaux ;

- qu'il n'était pas propriétaire du lot litigieux et ne pouvait être informé d'un prétendu changement d'usage ;

- qu'il n'y avait chez lui aucune intention frauduleuse.

Dans leurs conclusions remises le 22 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [S] demandent à la cour; au visa de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789, de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentale, de :

- recevoir ceux-ci en leurs conclusions d'intimés et les dire bien fondés ;

- recevoir ceux-ci en leur appel incident et le dire bien fondé ;

en conséquence,

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le Président du tribunal judiciaire de Paris en date du 25 octobre 2021 (RG n°19/54264), en ce qu'elle les a condamnés à une amende civile de 25.000 euros ;

- débouter la Ville de [Localité 4] et M. [M] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à leur encontre ;

à titre subsidiaire, et pour le cas où la cour retiendrait l'existence d'une infraction,

- infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Paris en date du 25 octobre 2021 (RG n°19/54264), en ce qu'elle a retenu leur responsabilité ;

statuant à nouveau,

- juger M. [M] seul responsable des infractions commises et le condamner à payer toute amende qui serait retenue par la cour ;

- condamner M. [M] à payer l'amende civile mise à sa charge d'un montant de 45.000 euros, ainsi que celle mise à la charge des concluants d'un montant de 25.000 euros et en tout état de cause condamner M. [M] à garantir ceux-ci de toutes condamnations éventuelles prononcées à leur encontre ;

à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire leur responsabilité était retenue et compte tenu de la bonne foi de ces derniers,

- infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Paris en date du 25 octobre 2021 (RG n°19/54264), en ce qu'elle les a condamnés à une amende civile de 15.000 euros ;

- juger que leur condamnation s'élèvera à une amende civile ne dépassant pas la somme de 2.000 euros ;

- fixer le montant de l'amende civile à la somme maximale de 2.000 euros ;

en tout état de cause,

- infirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Paris en date du 25 octobre 2021 (RG n°19/54264), en ce qu'elle les a condamnés à la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum M. [M] et la Ville de [Localité 4] à leur payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux dépens de l'instance.

M. et Mme [S] soutiennent en substance :

- qu'ils ignoraient la destination réelle du bien loué et n'avaient à aucun moment autorisé à leur locataire ce genre d'activité, a fortiori sachant que le bail interdit expressément ce genre de pratique ;

- que le tribunal retient qu'en raison de la rédaction du bail, les consorts [S] ont expressément autorisé M. [M] à effectuer des locations saisonnières alors que la sous-location des lieux est interdite sans accord écrit du bailleur ;

- que ce faisant et sans motif légitime, le tribunal a considéré que les consorts [S] ont changé sans autorisation préalable l'usage du lot litigieux en louant leur appartement et en autorisant les locations saisonnières ;

- que ce n'est qu'à réception de la lettre de la mairie qu'ils apprenaient l'existence des sous-locations de courte durée illégales des biens dont ils sont propriétaires ;

- que l'amende civile ne peut donc être prononcée qu'à l'encontre du responsable des sous-locations et non du propriétaire, si, en ce qui le concerne, il loue normalement son bien ;

- qu'une condamnation ne peut être prononcée qu'à l'encontre de la personne qui tire un bénéfice anormal desdites sous-locations ;

- qu'ils n'ont tiré aucun bénéfice autre que la perception normale du loyer, lesquels n'ont au demeurant jamais autorisé une quelconque activité illégale ;

- que M. [M] prétend à tort qu'il pensait que le logement litigieux est et a toujours été à usage commercial ;

- que les lots litigieux ont été acquis fin décembre 1998 avec pour clause suspensive la possibilité de réaliser sur ce plateau commercial, trois logements d'habitation ;

- que M. [M] était parfaitement informé de cet état de fait, qu'un des lots sera vendu à sa femme et qu'il a toujours payé la taxe d'habitation, d'autant qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier de tourisme, il avait le devoir de se renseigner sur l'usage du bien avant de procéder aux locations de tourisme ;

- qu'ainsi les locations litigieuses ont directement été commises par M. [M] sans que les consorts [S] n'aient aucunement favorisé la commission de cette dernière ;

- que la cour ne pourra que retenir et constater la bonne foi des consorts [S] qui n'ont d'aucune manière cherché à manquer à la réglementation en vigueur ;

- qu'aucun incident locatif ne leur avait été signalé et que ce n'est que dans la lettre de la mairie de [Localité 4] qu'ils ont appris l'existence de multiples sous-locations de courte durée illégales des biens.

Dans ses conclusions remises le 4 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de [Localité 4] demande à la cour, au visa de l'article 492-1 du code de procédure civile, de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, de :

- juger celle-ci recevable et bien fondée en ses conclusions ;

- débouter M. et Mme [S] et M. [M] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions;

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- condamner M. et Mme [S] et M. [M] à lui payer chacun la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens.

La Ville de [Localité 4] soutient en substance :

- que, lors d'une campagne de contrôle d'occupation des locaux d'habitation du 15 mars 2018 et d'une visite du 19 juin 2018, la Ville de [Localité 4] a constaté l'occupation de l'appartement du 1er étage du [Adresse 3]) par des touristes qui ont indiqué avoir réservé pour quelques jours via le site booking.com ;

- que le local en cause est à usage d'habitation sans aucun changement d'affectation comme l'attestent l'extrait du registre cadastral, le relevé de propriété, la fiche modèle R du 14 septembre 1970, la fiche modèle H2 du 10 mai 1999, la délivrance du permis de construire du 26 février 1999, la fiche d'évaluation foncière du 20 mai 1999 et le procès-verbal d'assemblée générale du 04 décembre 1998 ;

- que c'est à tort que M. [M] prétend que la preuve de l'usage d'habitation ne serait pas rapportée au 1er janvier 1970 au motif que la fiche H2 datée de 1999 ne comporte aucune date de mise en cachet ;

- que le bien litigieux n'est pas la résidence principale du propriétaire ;

- que le bien a fait l'objet de locations de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ;

- qu'en effet, le logement est proposé à la location sur plusieurs sites internet, comportant 15 commentaires au total, et les annonces étaient toujours actives le 29 juin 2021 ;

- que M. [M] a pratiqué la sous-location saisonnière illégale, peu importe que les époux [S] aient manqué à leur obligation de délivrance en omettant sciemment de préciser la destination du local, d'autant qu'en professionnel de l'immobilier, il était parfaitement au fait de la réglementation applicable et il lui appartenait de s'assurer de l'usage du bien ;

- que les époux [S] ont expressément autorisé la sous-location saisonnière, qu'ils ne pouvaient ignorer que M. [M] ne pouvait occuper deux logements en même temps en résidence principale ;

- que l'infraction aux dispositions des articles L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation est caractérisée à l'encontre de Mme et M. [S] ainsi qu'à l'encontre de M. [M] ;

- que le différentiel peut être estimé 329.130 euros par rapport à une location régulière ;

- que l'infraction a perduré malgré la mise en demeure de la Ville de [Localité 4], que M. [M] prétend au bénéfice de sa bonne foi alors qu'il a continué son activité illicite jusqu'en juin 2021, que les époux [S] prétendent avoir coopéré alors qu'ils ne justifient d'aucune démarche pour mettre fin à l'infraction et notamment pour résilier le bail avec M. [M], qu'il n'a pas été justifié du retour à l'habitation.

SUR CE LA COUR

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par local irrégulièrement transformé.

Selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque dans le cadre de la législation fiscale permettant de préciser l'usage en cause ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 4] a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation qui n'apparaît pas voir été respectée dans le cadre de la présente procédure.

En l'espèce, s'agissant d'abord de l'usage d'habitation, il sera rappelé qu'ici, le bien en cause a fait l'objet d'un permis de construire obtenu le 26 février 1999, de sorte que le logement est réputé avoir l'usage pour lequel les travaux ont été autorisés.

Il sera donc observé que l'usage du logement au 1er janvier 1970 importe peu, dans la mesure où des travaux sont intervenus avec une autorisation administrative, postérieurement à cette date. Les développements sur ce point sont donc inopérants.

Le permis de construire vise notamment, ainsi d'ailleurs qu'il résulte explicitement du vote lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 4 décembre 1998, à transformer en usage d'habitation les lots 52, 53 et 54, alors à usage commercial.

La déclaration H2 subséquente, nonobstant l'absence de date de mise en cachet, est en date du 10 mai 1999 et est bien relative au lot 54, explicitement désigné, mentionnant que "le local est destiné à l'habitation principale", la fiche d'évaluation foncière éditée le 20 mai 1999, même si elle ne mentionne pas le numéro de lot, faisant elle aussi état d'une affectation "H", pour habitation.

La destination du bien résultant de l'autorisation administrative est donc bien un usage d'habitation, de sorte que ce dernier apparaît établi au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, étant indifférente l'absence de production d'un certificat de conformité, dans la mesure où la loi vise l'usage pour lesquels les travaux ont été autorisés et non les conditions de leur réalisation effective.

Le bien en cause est donc réputé à usage d'habitation.

Le logement en cause n'est en outre pas la résidence principale des propriétaires ou de l'occupant, M. [M], et a fait l'objet de locations de courte durée à une clientèle de passage, ainsi qu'en attestent les annonces publiées à cette fin sur plusieurs sites (constat de l'agent de la ville, pages 30 à 43), l'hôte mentionné se prénommant [X], tout comme M. [M], le contrôleur indiquant aussi que l'appartement était occupé par des touristes lors de sa visite du 19 juin 2018.

Il a été également relevé par la ville que les annonces étaient toujours actives le 29 juin 2021, l'historique sur le site Airbnb attestant de 13 nuitées en 2019 et de 14 nuitées en 2020.

Concernant la responsabilité des propriétaires et du locataire, il sera relevé :

- que l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation dispose que "toute personne" qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 peut être condamnée à une amende civile ;

- que le bail signé entre les époux [S] et M. [M] prévoit la possibilité pour le locataire de sous-louer l'appartement à titre d'habitation saisonnière, le bail précisant aussi qu'il s'agit de la location d'un meublé "ne constituant pas la résidence principale" ;

- que M. [M], qui ne conteste pas être un professionnel de l'immobilier, dont l'activité est la location saisonnière comme étant gérant d'une société de réservation et de conciergerie ([X] [M] Services SARL), ne pouvait ignorer la réglementation applicable et le changement illicite d'usage résultant de son activité ;

- qu'il ne saurait ainsi pouvoir se retrancher derrière la seule supposée responsabilité des propriétaires au regard du dispositif en vigueur dans la Ville de [Localité 4], l'invocation d'un "principe de transparence" et de la nécessaire transmission de l'information n'empêchant pas de constater l'infraction, étant rappelé que M. [M] était le gestionnaire de l'ensemble des locations de courte durée à la clientèle de passage dans un local réputé à usage d'habitation ;

- que, de même, M. et Mme [S], qui ont signé un bail avec M. [M] précisant que le bien loué n'était pas sa résidence principale et autorisant la sous-location, ne pouvaient eux aussi ignorer l'utilisation des locaux aux fins de location de courte durée, et ce alors que les propriétaires eux-mêmes ont obtenu un permis de construire, visant justement à transformer les lieux en local d'habitation, et qu'ils ont par ailleurs loué un autre bien, dans le même immeuble, à M. [M], aux mêmes fins, la circonstance qu'ils n'aient pas tiré de bénéfices des locations de courte durée important peu.

La responsabilité civile des propriétaires et du locataire est ainsi engagée.

Sur le quantum des amendes, il sera relevé :

- que l'infraction s'est poursuivie sur une longue période, entre 2014 et 2021 ;

- que, par référence à un gain total de 422.145 euros sur la base d'un prix de location de 354 euros par nuit et compte tenu d'un loyer médian de 1.755 euros par mois, la part du gain illicite peut être estimé, comme l'indique la ville, à la somme de 329.130 euros ;

- que le coût de la compensation aurait été de 97.500 euros.

Ainsi, les amendes prononcées par le premier juge, 25.000 euros pour les propriétaires et 45.000 euros pour le locataire, apparaissent proportionnées et adaptées, tenant compte des gains perçus par les diverses parties, du coût de la compensation et de l'objectif d'intérêt général de la législation, qui tend à répondre à la difficulté de se loger à [Localité 4], toutes les parties, M. [M], comme gestionnaire des locations de courte durée, et M. et Mme [S], propriétaires ayant signé un bail permettant une telle activité illicite, ayant contribué à la réalisation de l'infraction dans les proportions justement estimées en première instance.

C'est aussi à juste titre que le premier juge a ordonné le retour à l'habitation conformément à la législation applicable, aucun élément ne venant attester d'un tel retour, eu égard aux pièces versées aux débats.

S'agissant enfin de la demande de garantie des condamnations formées par les époux [S] à l'encontre de M. [M], il sera d'abord observé que c'est à tort que le premier juge a estimé que cette demande ne relevait pas des pouvoirs de la juridiction saisie, alors qu'aucune disposition n'empêche le juge saisi selon la procédure accélérée au fond, et donc la cour, de statuer sur ce point.

En revanche, dans la mesure où les amendes prononcées tiennent compte de la responsabilité de chacun, il n'y a pas lieu de dire que M. [M] sera tenu à garantir les époux [S] de leur condamnation à une amende civile de 15.000 euros, chacune des amendes apparaissant justement proportionnée à la responsabilité des diverses parties.

Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, la décision du premier juge sera confirmée, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé, sauf en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande en garantie, celle-ci étant toutefois rejetée compte tenu des éléments de l'espèce.

A hauteur d'appel, M. [M] et M. et Mme [S], qui succombent, devront in solidum indemniser la Ville de [Localité 4] dans les conditions indiquées au dispositif, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et seront condamnés aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande en garantie formée par M. [N] [S] et Mme [F] [S] ;

Statuant à nouveau du chef infirmé ;

Déclare recevable la demande en garantie formée par M. [N] [S] et Mme [F] [S] à l'encontre de M. [X] [M] ;

Rejette la demande en garantie formée par M. [N] [S] et Mme [F] [S] à l'encontre de M. [X] [M] ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [N] [S], Mme [F] [S] et M. [X] [M] à verser à la Ville de [Localité 4] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne in solidum M. [N] [S], Mme [F] [S] et M. [X] [M] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/02269
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;22.02269 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award