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13/10/2022 | FRANCE | N°21/14213

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 13 octobre 2022, 21/14213


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 13 Octobre 2022

(n° 80 , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14213 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFCT



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juillet 2021 par le juge de l'expropriation de PARIS - RG n° 20/00036





APPELANTE

Société SNCF RESEAU

Siège social :

[Adresse 10]

[Localité 66]

représentée par Me St

éphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131et substitué par Me Grégoire DUCONSEIL, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉS

Monsieur [NV]...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 13 Octobre 2022

(n° 80 , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14213 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFCT

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juillet 2021 par le juge de l'expropriation de PARIS - RG n° 20/00036

APPELANTE

Société SNCF RESEAU

Siège social :

[Adresse 10]

[Localité 66]

représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131et substitué par Me Grégoire DUCONSEIL, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

Monsieur [NV] [VH]

[Adresse 73]

[Adresse 73]

[Localité 31]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Madame [A] [VH]

[Adresse 25]'

[Localité 57]

représentée par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Madame [Z] [VH]

[Adresse 32]

[Localité 57]

représentée par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [TB] [VH]

[Adresse 45]

[Localité 28]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [H] [VH]

[Adresse 23]

[Localité 57]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Madame [Y] [VH] épouse [J]

'La Verchère'

[Localité 50]

représentée par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Madame [L] [VH]

[Adresse 17]

[Localité 57]

représentée par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Madame [W] [VH]

[Adresse 58]

[Localité 29]

représentée par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [E] [VH]

[Adresse 69]

[Localité 37]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Madame [X] [R]

[Adresse 27]

[Localité 54]

représentée par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [YN] [R]

[Adresse 19]

[Localité 22]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Madame [U] [R]

[Adresse 5]

[Localité 62]

représentée par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Madame [S] [VH]

[Adresse 8]

[Localité 57]

représentée par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [GF] [VH]

[Adresse 42]

[Localité 57]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [WK] [VH]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [O] [VH]

[Adresse 68]

[Adresse 15]

[Localité 74], PÉROU

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [P] [VH]

[Adresse 23]

[Localité 57]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [NV] [J]

[Adresse 83]

[Localité 49]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [KO] [J]

[Adresse 46]

[Localité 52]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Madame [CZ] [J]

[Adresse 61]

[Localité 44]

représentée par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [CK] [R]

[Adresse 30]

[Localité 51]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Madame [D] [R]

[Adresse 34]

[Localité 55]

représentée par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [JL] [R]

[Adresse 9]

[Localité 53]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [M] [R]

[Adresse 24]

[Localité 48]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Madame [G] [I] épouse [EC]

[Adresse 33]

[Localité 56]

représentée par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [V] [I]

[Adresse 63]

[Adresse 63]

[Localité 65]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

Monsieur [K] [I]

[Adresse 59]

[Localité 53]

représenté par Me Sophie MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE [Localité 57]

Service local du domaine de [Localité 57]

[Adresse 14]

[Localité 57]

représentée par M. [T] [UE], en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Hervé LOCU, Président

Marie MONGIN, Conseillère

Raphaël TRARIEUX, Conseiller

Greffière : Florence GREGORI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dominique CARMENT, Greffière, présente lors de la mise à disposition et à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par arrêté inter-préfectoral du 31 janvier 2013, les préfets d'Ile-de-France, des Hauts-de-Seine, des Yvelines et du Val d'Oise ont déclaré d'utilité publique le prolongement de la ligne E du RER, projet EOLE, de la gare [72] à [Localité 75], et emportant mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes de [Localité 57] (75), [Localité 76] et [Localité 80] (92), [Localité 79], [Localité 67], [Localité 71], [Localité 75], [Localité 75] et [Localité 81] (78).

Il est prévu à l'article 3 de l'arrêté précité que, pendant un délai de 5 ans, RFP et SNCF sont autorisés à procéder à l'acquisition, soit à l'amiable, soit par voie d'expropriation, des emprises de terrains nécessaires à la réalisation du prolongement à l'ouest de la ligne E du RER E - projet EOLE de la gare [72] (75) à [Localité 75] (78).

Le tracé de référence du prolongement de la ligne E du RER aménagé par la SNCF RESEAU passera sur et sous le territoire de la commune de [Localité 57].

Le tréfonds de la parcelle cadastrée section CJ n°[Cadastre 36] située [Adresse 3] est inclus dans le périmètre des expropriations.

La parcelle se situe en zone UGSU et UG du plan local d'urbanisme de la ville de [Localité 57], dans la partie centrale du 8ème arrondissement, dans le quartier administratif dit '[Adresse 70]", entre la [Adresse 78] et la [Adresse 77].

Le bâtiment bénéficie de deux accès, l'un situé [Adresse 3] et l'autre [Adresse 40]. Il est situé à proximité de la gare Saint Lazare et de la station de métro Saint-Augustin et est ainsi desservi par de nombreux moyens de transports (métros, RER, trains, bus et stations de taxis). Il bénéficie de toutes les commodités du [Localité 57].

La parcelle représente une surface de 630 m², occupée par un immeuble en pierre de taille de type haussmanien avec façade sur rue. Le bâtiment est en R + 4 et comporte une cour d'environ 100 m². L'immeuble est très bien entretenu. L'emprise de la SNCF RESEAU sous la parcelle concernée sera d'une surface en tréfonds de 295 m².

Les consorts [VH], [J] et [R] sont propriétaires de la parcelle concernée.

Par mémoire valant offre visé par le greffe le 12 août 2020, la SNCF RESEAU a demandé au juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Paris de fixer l'indemnité due aux consorts [VH], [J] et [R] au titre de l'expropriation du tréfonds de la parcelle cadastrée section CJ n°[Cadastre 36] située [Adresse 3].

Par jugement du 08 juillet 2021 après transport sur les lieux le 03 mars 2021, le juge de l'expropriation de [Localité 57] a':

-Fixé à la somme de 209.654 euros selon la méthode [C] [F] (soit 189.685 euros au titre de l'indemnité principale et 19.969 euros au titre des frais de remploi) l'indemnité de dépossession à revenir aux consorts [VH], [J] et [R], pour la dépossession en tréfonds de la parcelle désignée ci-dessous :

Cadastrée section CJ n°[Cadastre 36] située [Adresse 3] dans le 8ème arrondissement de [Localité 57], Contenance cadastrale : 630 m², Emprise en tréfonds : 295 m², Profondeur de l'emprise : 17,5 mètres.

Le premier juge sur l'évaluation a écarté la méthode bilan promoteur sollicitée par les expropriés et retenu la méthode par comparaison avec une valeur de 20 000 euros/m², sans appliquer d'abattement pour encombrement ; il a retenu un coefficient de nappe de 0, 5;

-Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

-Condamné la SNCF RESEAU à payer aux consorts [VH], [J] et [R] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Rappelé que les dépens sont de droit supportés par l'expropriant en vertu de l'article L.312-1 du code de l'expropriation pour cause d'uti1ité publique ;

La SCNF RESEAU a interjeté appel le 03 août 2021 limité au montant de la valorisation du terrain nu et libre à 20000 euros/m².

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- Adressées au greffe, par la SNCF RESEAU, appelante, le 28 octobre 2021 notifiées le 02 novembre 2021 (AR des 3, 4, 5, 6, 12, et 15 novembre 2021) aux termes desquelles elle demande à la cour de :

-Dire l'appel de SNCF RESEAU recevable et bien fondé,

-Infirmer le jugement en tant qu'il a retenu une valeur de terrain nu et libre de 20.000 euros/m²,

Statuant à nouveau,

-Fixer l'indemnité à revenir aux expropriés selon la méthode dite [C] [F], en retenant une valeur de terrain nu et libre de 12 000 euros /m²,

-Fixer en conséquence à la somme globale de 126.192 euros, tous chefs de préjudices confondus, l'indemnité devant revenir conjointement aux expropriés pour l'expropriation du bien situé [Adresse 3].

-Confirmer le jugement dont appel pour le surplus.

- Adressées au greffe, par les consorts [VH], [J] et [R] , intimés et appelants incidents, le 27 janvier 2022 notifiées le 02 février (AR du 7 février 2022) aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

-Dire les consorts [VH], [J] et [R] recevables et bien fondés en leurs écritures et appel incident ;

- Confirmer le jugement du 8 juillet 2021 en ce qu'il ne retient pas d'abattement pour encombrement,

- Infirmer le jugement en ce qu'il fixe la valeur unitaire du terrain de surface à la somme de 20 000 euros et retient un coefficient de nappe Ke de 0,5,

En conséquence : A titre principal

- Fixer l'indemnité de dépossession foncière leur revenant comme suit, sur la base d'une valeur de terrain de surface de 26 300 euros/m² :

-Parcelle cadastrée section CJ n°[Cadastre 36] :

-Indemnité principale 498 887,55 euros

-Frais de remploi : 20 % sur 5000 euros 1.000,00 euros 15 % de 5.000 à 15.000 euros 1.500,00 euros, 10 % sur le reste : 48 388,75 euros

-Total 549 776,30 euros

A titre subsidiaire :

- Fixer l'indemnité de dépossession foncière leur revenant comme suit, sur la base d'une valeur de terrain de surface de 20 000 euros/m²:

-Parcelle cadastrée section CJ n°[Cadastre 36] :

-Indemnité principale 379 370 euros

-Frais de remploi : 20 % sur 5.000 euros. 1.000,00 euros 15 % de 5.000 à15.000 euros, 1.500,00 euros, 10 % sur le reste : 36 437,00 euros

-Total': 418 307,00 euros

En toute hypothèse :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a alloué aux expropriés une indemnité au titre des frais irrépétibles de première instance

-Condamner SNCF RESEAU au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de ces frais.

-Adressées au greffe, par le commissaire du Gouvernement, intimé et appelant incident, le 13 janvier 2022 notifiées le 18 janvier 2022 (AR du 20 ,21, 22, et 24 janvier 2022) aux termes desquelles il demande à la cour de :

-Établir une indemnisation calculée à partir d'une valeur unitaire de sol de surface de 16 800 euros /m² et de fixer l'indemnisation en réparation du préjudice subi pour la somme totale de 176 269 euros ';

EXPOSE DES PRÉTENTIONS et MOYENS DES PARTIES

La SCNF RESEAU fait valoir que':

- elle conteste que le jugement ait retenu une valeur de 20'000 euros/m² s'agissant de la valorisation du terrain': elle produit une nouvelle liste des références (pièce n°6), comprenant les références de publications qui n'étaient pas mentionnées initialement, ainsi que de nouvelles références'; l'article L322-8 du code de l'expropriation fait obligation au juge de l'expropriation de « tenir compte '' des accords intervenus entre l'autorité expropriante et les divers titulaires de droits réels à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique et, lorsque les critères quantitatifs visés par le juge de première instance (moitié des propriétaires et deux tiers des superficies ou l'inverse) sont atteints de « prendre pour base '' ces accords'; elle propose à la cour de croiser ces références avec les huit ventes produites initialement par le commissaire du gouvernement faisant ressortir une même moyenne de 12 024 euros/m²'; mais la Cour ne devra pas retenir les ventes de terrains à bâtir sur Paris citées par le commissaire du gouvernement sélectionnées « à partir des annonces de vente d'appartement neufs en Vefa ainsi que des DIA (Déclaration d'intention d'Aliéner) adressées par la Ville de [Localité 57] au service des Domaines '', lesquelles ne correspondent pas à des ventes effectives'; elle produit trois récents arrêts de la cour d'appel (pièces n°9 à 11) ayant confirmé des décisions de première instance fixant, dans le même secteur, d'esprit de terrain nu et libre à 12 000 euros /m². Rien ne justifie une augmentation de plus de 60 %, ce marché étant relativement stable s'agissant de biens rares.

Les consorts [VH]-[J]-[R] répondent que :

- il est patent que les conditions de l'article L. 322-8 précité ne sont pas remplies en l'espèce et la SNCF Réseau ne rapporte pas la preuve du contraire, se bornant à invoquer la jurisprudence de la Cour de cassation qui sanctionnerait les juges du fond qui statueraient sans tenir compte des accords amiables intervenus entre les autorités expropriantes et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations donnant lieu à expropriation';

- il a été relevé infra que sur les 17 termes de comparaison dont se prévalait la SNCF Réseau, 13 références dataient de 2015 et devaient nécessairement être écartées parce que trop anciennes';

- la Cour d'appel de Paris a, en tout état de cause, elle-même déjà écarté les termes de comparaison de l'expropriante dans un dossier portant également sur une expropriation de tréfonds dans le cadre du projet EOLE après avoir jugé, pour ceux dont les références de publications étaient précisées, qu'ils portaient sur des biens incomparables';

- L'abattement de 40% au motif que la parcelle serait encombrée à 100% n'est pas justifié puisque :

- D'une part et surtout les éléments de comparaison de l'expropriante portent sur des terrain encombrés (faute de vente de terrains à bâtir dans le secteur), étant encore relevé que, comme les expropriés, le commissaire du gouvernement n'applique pas non plus d'abattement pour encombrement, ses éléments de comparaison portant également sur des terrains encombrés ;

- D'autre part et subsidiairement, la parcelle n'est pas encombrée à 100% comme abusivement soutenu par la SNCF Réseau';

- on remarquera que cette valorisation résulte de la seule méthode de calcul que le commissaire du gouvernement propose de retenir consistant à calculer le prix du m² de terrain en rapportant la valeur de l'immeuble à la surface bâtie mais qu'une telle valorisation ne ressort pas des actes. Il ne ressort pas non plus des actes que la restructuration se fera sans création de surface';

- ils sollicitent qu'une valeur de 26 300 euros/m² soit retenue, cette valeur ressortant tout à la fois des termes de comparaison dont ils se prévalent, mais également de la détermination de la valeur du terrain par application de la méthode du bilan promoteur'; la cour d'appel de Paris, s'agissant de l'expropriation de tréfonds, a rappelé qu'il y avait lieu de retenir la méthode permettant de répondre au mieux à l'objectif d'une réparation appropriée du préjudice subi par les expropriés (CA Paris, 29 juin 2017, n°10/07984 - Pièce n°3)';

-ils ont enfin fait établir un rapport d'expertise qui fait application, compte tenu de l'absence d'éléments de comparaison pertinents permettant de fixer la valeur du terrain bâti en milieu urbain, de la méthode dite du bilan promoteur où «'Cette méthode nous semble la plus pertinente en l'absence de comparables pour approcher la valeur du terrain en tant que composant de l'immeuble bâti, notamment en milieu urbain '' (pièce n°12 - pages [Cadastre 35] et 45)'; il ressort du rapport d'expertise une valeur unitaire de 26 300 euros/m²';

-contrairement à ce qui a été jugé, ce coefficient de 0,5 pour la nappe phréatique n'apparaît pas justifié. En premier lieu, les notes en question, outre qu'elles n'aient pas été établies de façon contradictoire, sont incompréhensibles pour le public non averti, le niveau moyen d'étiage déterminé à +21,5m NGF selon les deux notes a été contredit par un rapport d'expertise judiciaire dont les conclusions ont été validées par la cour d'appel de Paris dans le cadre de la même opération que celle donnant lieu à la présente expropriation, il ressort de l'arrêt du 28 mars 2019 de la cour d'appel de Paris (pièce n°4) que l'expert a validé l'existence d'une nappe phréatique au droit de l'immeuble situé [Adresse 41] (l'exproprié était en effet la société SDC DE L'IMMEUBLE SIS [Adresse 41]) dont le tréfonds était exproprié et qu'il a fixé le niveau moyen d'étiage à 17 m'; il y a donc lieu de retenir un niveau moyen d'étiage de 17 m NGF.

Le commissaire du Gouvernement conclut que':

-il propose 5 termes de comparaison font apparaître une valeur moyenne de : (14.176 + 15.555 + 14.990 + 17.612,64 + 21.827,50) = 84.161,14 euros / 5 = 16.832,23 euros, arrondi à 16 800 euros. Cette valeur moyenne des surfaces de plancher, de 16 800 euros /m² est donc retenue pour déterminer la valeur du sol de surface appliquée dans le cadre du barème [C]-[F]. Il convient de préciser également que cette valeur est comprise encombrement inclus de sorte qu'aucun abattement ne sera appliqué à cette moyenne.

MOTIVATION DE LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R 311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 3 août 2021, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de SNCF RESEAU du 28 octobre 2021, des consorts [VH]-[J]-[R] du 27 janvier 2022 et du commissaire du gouvernement du 13 janvier 2022 déposées ou adressées dans les délais légaux sont recevables.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel principal de la SNCF RESEAU et l'appel incident du commissaire du gouvernement portent sur le motant de la valorisation du terrain ; l'appel incident des consorts [VH]-[J]- [R] concerne également ce point, mais également le coefficient de nappe.

S'agissant de la date de référence, le premier juge a retenu en application des article L322-2 et L213-6 du code de l'expropriation la date du 27 aout 2016 ; les appels des parties ne concernent pas la date de référence.

Les consorts [VH]-[J]- [R] précisent qu'ils ne contestent pas cette date de référence et indiquent comme la SNCF RESEAU que la parcelle est située à cette date en zone UGSU et UG du PLU de [Localité 57].

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit de la parcelle CJ [Cadastre 36] sise [Adresse 3], avec une surface d'emprise en tréfonds de 295 m², et une profondeur variant de : niveau haut du tunnel : 17, 1 m côte altimétrique système NGF IGN 69, l'altitude de la surface étant de 34, 6 m (données IGN), l'emprise se situant à une profondeur, par rapport au niveau de sol de :

34,6 - 17, 1 = 17,5 m (pièce N°1: plan coupe EDDV).

Les consorts [VH]-[J]- [R] soulignent que leur parcelle est particulièrement bien située à proximité immédiate de la place de la Madeleine, de la place de l'opéra, de la gare Saint-Lazare et donne à la fois sur le [Adresse 3] et la [Adresse 82], qu'elle est desservie par les ligne 9 et 13 du métro, les stations de Saint-Augustin et Miromesnil étant à moins de 5 minutes à pied et qu'elle dispose d'une double façade sur voie, donnant à la fois sur le [Adresse 3] et la [Adresse 40].

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 8 juillet 2021.

1° sur l'indemnité principale

a) sur la méthode

Le premier juge conformément à l'accord des parties a retenu comme méthode d'évaluation de l'indemnité d'expropriation la méthode des experts judiciaires, Messieurs [C] et [F].

Les parties s'accordent également en appel pour retenir cette méthode.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

La détermination de la valeur d'indemnisation pour l'expropriation d'un volume de tréfonds requiert d'une part de fixer la valeur en surface de la parcelle en fonction du prix unitaire au mètre carré (A), de pondérer cette valeur en fonction du taux dit « d'encombrement » de la parcelle (B), et d'autre part d'appliquer à cette valeur les paramètres de la méthode de calcul spécifique au tréfonds (C).

Cette détermination est régie par des paramètres largement issus de la méthode dite [C] et [F] du nom des experts désignés par arrêt de la cour d'appel du 16 décembre 1993 afin de prendre en compte la spécificité de l'expropriation totale ou partielle du tréfonds au regard de l'évolution des techniques mises en 'uvre pour les ouvrages à construire et des caractéristiques des sols.

La méthode [C] et [F] détermine la valeur du tréfonds de façon dégressive en neutralisant les trois premiers mètres cinquante de sous-sol (qualifiée de profondeur minimale dans l'arrêt du 7 décembre 1995 rendue par cette cour dans l'affaire RATP C/Cts Beauchataud -Segalen), car le propriétaire d'un immeuble peut sans difficulté utiliser ses caves ou les infrastructures de ses fondations, sur ce qui correspond à un premier sous-sol ; qu'en dessous de 3,50 m de profondeur, les prix de construction et le coût d'exploitation ont, ainsi que l'ont alors estimé les experts précités, une répercussion qui justifie la diminution de la valeur d'un tréfonds en fonction de la profondeur.

b) évaluation

Le premier juge a retenu la méthode par comparaison, et après avoir écarté l'emploi des trois méthodes proposées par les expropriés, a retenu une valeur unitaire de 20'000 euros/m² sans application d'un abattement pour encombrement.

La SNCF RESEAU demande de retenir une valeur de terrain nu et libre de 12'000 euros/m², les consorts [VH]-[J]-[R] à titre principal par la méthode par comparaison une valeur de 26'300 euros/m², à titre subsidiaire une valorisation par la méthode du bilan promoteur pour une valeur de 26'300 euros et le commissaire du gouvernement une valeur de 16'800 euros/m².

Il convient en conséquence d'examiner la méthode par comparaison, et ce n'est qu'à défaut, que sera étudiée la méthode subsidiaire bilan promoteur proposée par les expropriés.

Il n'est pas contesté comme l'indiquent les expropriés, qu'à la date de référence la parcelle CJ n°[Cadastre 36] était classée en zone UG'secteur privilégiant l'habitation, la superficie minimale des terrains n'étant pas réglementée et la parcelle ne comprend pas l'indication d'une emprise constructible maximale et qu'en application des dispositions de l'article L 322-3 du code de l'expropriation, le terrain doit être qualifié de terrain à bâtir.

Il convient en conséquence d'examiner les références des parties :

1) Références de la SNCF RESEAU

Elle propose tout d'abord 13 références à [Localité 57] (pièce n°6) avec les références de publication toutes datant de 2015.

Ces références sont trop anciennes, datant de plus de 5 ans et seront donc écartées.

Elle propose ensuite huit références incluses dans ses conclusions, produites initialement par le commissaire du gouvernement faisant ressortir une moyenne de 12'024 euros avec les références de publication.

Cependant, ces références sont trop anciennes, datant de 2015 et 2016, et étant toutes de plus de 5 ans, seront écartées.

Elle propose également 3 références citées par le commissaire du gouvernement en première instance, dont deux sont également proposées par le commissaire du gouvernement en appel et seront donc examinés ci après, et une référence non reprise du 24 novembre 2016, terme cité par une expertise de CBRE dans un autre dossier.

Cependant cette référence est trop ancienne datant de plus de 5 ans et sera donc écartée.

SNCF réseau invoque enfin 3 arrêts récents de la cour d'appel (pièces n°9 à n°11).

Ces arrêts se basent sur des références beaucoup plus anciennes que celles proposées en l'espèce, notamment par le commissaire du gouvernement ; ils seront donc écartés.

2) Références des consorts [VH]-[J]-[R]

Ils proposent quatre termes portant sur des ventes d'immeubles récents d'immeubles situés dans le 8e arrondissement [Localité 57] avec les références de publication :

'vente du 29 décembre 2020 d'un immeuble situé [Adresse 20] (pièce n°8) : section BS [Cadastre 7], immeuble de rapport usage d'habitation, commercial de bureaux et boutiques, 5'200'000 euros, soit 33'986, 93 euros/m² de surface utile

'Vente du 6 juillet 2020 : immeuble situé [Adresse 39] (pièce n°9) : section BJ n°[Cadastre 43], immeuble de rapport à usage d'habitation, commercial et professionnel, 25 millions d'euros, soit 40'000 euros/m² de surface utile

'vente du 10 juillet 2019 d'un immeuble situé [Adresse 47] (pièce n°10) : section CI n°[Cadastre 60], immeuble de rapports à usage d'habitation, 43'100'000 euros, soit 29'683,20 euros/m²

-vente du 25 septembre 2019 d'un immeuble situé [Adresse 6] (pièce n°11) : section CJ n°[Cadastre 35], immeuble à usage de commerce et d'habitation, 13'500'000 euros, soit 27'663 93 euros/m² de surface utile.

Ils indiquent qu'il ressort de ces quatre termes de comparaison une valeur moyenne de 32'830,51 euros/m² supérieure à la valeur de 26'300 euros/m² qu'ils demandent, en indiquant que compte-tenu de l'absence de vente de terrain nu et libre d'occupation dans le 8e arrondissement, cette valorisation repose sur des éléments de comparaison portant sur des ventes d'immeubles dans le 8e arrondissement sur lesquelles un abattement de 20 % est appliqué correspondant à la baisse qui pourrait être induite si leur immeuble exproprié était à restructurer.

Dans le cadre de la méthode par comparaison, ces références ne sont pas comparables, puisque les expropriés eux-mêmes reconnaissent qu'il convient de leur appliquer un abattement.

En outre, comme l'indique le commissaire de gouvernement, les expropriés estiment que les prix de vente de ces immeubles doivent être rapportés à la surface des parcelles, alors que les prix exprimés doivent être rapportés à leur surface bâtie et non à la surface des parcelles ; en effet, ces bâtiments ne font pas l'objet d'une démolition puis d'une reconstruction mais d'une restructuration lourde et d'une rénovation complète, et les prix exprimés dans ses actes de vente doivent donc être rapportés à leur surface bâtie et non directement à partir de la surface des parcelles.

3) Références du commissaire du gouvernement

Le commissaire de gouvernement indique que s'agissant de l'estimation d'une valeur de sol de surface sur [Localité 57], compte tenu de leur extrême rareté, elle ne peut être extraite des mutations de terrain nu à bâtir sur [Localité 57] ; il a donc recherché cette valeur à partir des ventes d'immeubles bâtis, mais vendus en étant assujettis à la TVA, permettant à un acquéreur de récupérer la TVA sur les travaux entrepris, tout en s'engageant à soumettre la future opération de revente de l'immeuble rénové à la TVA ; ces bâtiments ne sont donc pas l'objet d'une démolition puis d'une reconstruction mais d'une restructuration lourde et d'une réelle rénovation complète ; dès lors, les prix exprimés dans les actes de vente doivent être apportés à leur surface bâtie et non directement à partir de la surface des parcelles ; en outre, les immeubles vendus ne font pas l'objet d'une construction nouvelle ou d'une surélévation, il n'y a pas de création de surface de plancher, elles ne font pas l'objet d'une démolition puis d'une reconstruction mais d'une restructuration et rénovation ; il s'agit uniquement de restructuration avec application du régime fiscal des terrains à bâtir accompagnés d'autorisation d'urbanisme, permis de construire et déclaration d'ouverture de chantier ; les prix exprimés dans les actes de vente sont donc retenus en fonction de la surface de plancher des bâtiments permettant ensuite d'établir une valeur du sol de surface dans le cadre de l'application du barème [C]' [F] ; les surfaces exprimées dans les actes doivent donc être rapportées à leur surface bâtie et non à la surface des parcelles.

Le commissaire du gouvernement précise que le commissaire du gouvernement de première instance avait proposé trois études de marché décomposées de la manière suivante :

'vente d'immeubles à restructurer pour lesquels il ressort une valeur moyenne de terrain à partir de 12'024/m², à partir de la présentation de huit termes de comparaison tous situés au sein du même arrondissement ;

'les ventes considérées comme des terrains à bâtir pour lesquels, il ressort une valeur moyenne de 15'450 euros/m² à partir des trois ventes plus élevés sur les dix ventes recensées, sélection effectuée à partir des annonces de vente d'appartements neufs en VEFA (vente en état futur d'achèvement ainsi que des DIA (déclaration d'intention d'aliénéer) sans publication foncière officielle ;

'les ventes de surface de plancher d'immeubles à restructurer sans création de surfaces pour lesquels il ressort une valeur de terrain à bâtir est de 16'100 euros/m².

Il indique qu'en raison de la dispersion des valeurs qui apparaît dans chaque étude et dans un but de présenter une synthèse plus homogène, il propose cinq ventes avec les références de publication, dont trois situées au sein du 8e arrondissement et deux autres situées dans un arrondissement plus proche avec des dates plus récentes afin notamment de prendre en compte l'évolution à la hausse des prix du marché depuis 2016 :

'vente d'immeubles à restructurer sur le 8e arrondissement :

'vente du 10 janvier 2017, terrain de 508 m², CO - [Adresse 16], 20'300'000 euros, surface utile de 1432 m², prix d'acquisition mètres carrés de surface bâtie de 14'176 euros/m² (20'300'000/1432).

'vente du 6 décembre 2016, terrain de 234 m², BZ 16, 17 rue de Bucarest, 7 millions d'euros, surface utile de 450 m², prix d'acquisition de 15'555 euros/m²(7 000 000/450)

'vente du 2 février 2016 : terrain de 1422 m², A.S. [Cadastre 35], [Cadastre 35]/48, rue de Bassano, 69'974'350 euros, surface de 4668 m², soit une valeur de 14'990 euros/m² (69'974'350/4668).

'vente d'immeubles à restructurer situés dans d'autres arrondissements avec des dates plus récentes (2018 et 2019)

'vente du 8 octobre 2018 à [Localité 57] 2e arrondissement : [Adresse 18], [Adresse 26], [Adresse 64], AG-[Cadastre 11],AG [Cadastre 12] et AG [Cadastre 13], pour respectivement, 1678 m², 3176 m² et 1411 m², ventes enregistrées le 16 octobre 2018, surface totale de 6265 m², surface utile de 29'788,80 m², prix de 524'659'529,49 euros hors TVA, prix du m² de surface utile de : 17'612,64 euros/m²(524'659'529,49/29'788,80).

L'immeuble est à usage de bureaux, en R+7, avec un étage de sous-sol dédié aux services généraux du bâtiment

'Vente du 25 juillet 2019 à [Localité 57] première arrondissement : [Adresse 21], AU - 21 pour 550 m², bâtiments édifiés en R+ 8, 2 étages mansardés de niveaux de sous-sol, immeubles à usage de bureaux : la vente comprend un projet de restructuration lourde, les surfaces sont indiquées partiellement dans l'acte, une reconstitution à partir de la surface de la parcelle est toutefois possible et permet de reconstituer la surface de plancher totale :

550 m² x 7 niveaux droits (rez-de-chaussée + 6 étages) = 550 x 0,85 (déduction 15 % pour l'emprise des murs et trémies), soit 467,5 x 7 = 300 372,5 m².

Deux niveaux de sous-sol et deux étages mansardés sont affectés d'un coefficient de 08 : (550 x 0, 8 x 0,85) = 374 m² x 4 = 1496 m²

total : (300 372,5 + 96) = 4868,5 m².

Le prix de vente et 206'260 200 euros hors TVA, soit un prix au m² de :

(106'267'200/4868,5) = 21'827,50 euros/m².

Le commissaire de gouvernement indique que ces ventes portant sur des immeubles bâtis destinés à être transformés sans création de surface de plancher nouvelle, sont comparables à la situation correspondant à la valeur du sol de surface de l'immeuble déjà bâti du [Adresse 4], faisant ressortir une moyenne de :

(14'176 + 15'555 + 14'990 + 17'612,64 + 21'827,50) = 84'161,14 / 5 = 16'832,23 euros arrondis à 16'800 euros.

Les parties s'accordent s'agissant de l'estimation d'une valeur de sol sur [Localité 57] du fait que compte tenu de leur extrême rareté, elle ne peut être extraite des mutations de terrain nu à bâtir sur [Localité 57].

D'ailleurs, l'expertise immobilière versée par les expropriés (pièce n°7), indique qu'elle se fonde en l'absence de termes comparables, sur la méthode du bilan promoteur.

Dans le cas de la méthode par comparaison afin de fixer la valeur de sol de surface, il convient, comme proposé par le commissaire du gouvernement de rechercher cette valeur à partir des ventes d'immeubles bâtis, mais vendus en état assujettis à la TVA, permettant à un acquéreur de récupérer la TVA sur les travaux entrepris, tout en s'engageant à soumettre la future opération de revente de l'immeuble rénové à la TVA ; en effet, ces bâtiments ne font pas l'objet d'une démolition puis d'une reconstruction puis d'une restructuration lourde et d'une rénovation complète et les prix exprimés dans ses actes de vente doivent donc être rapportés à leur surface bâtie et non comme demandé par les expropriés directement à partir de la surface des parcelles.

Dans le cadre de la méthode par comparaison, il convient cependant d'écarter les termes du commissaire du gouvernement correspondant à des ventes d'immeubles à restructurer dans le 8e arrondissement, celles-ci étant trop anciennes, datant de plus de cinq ans.

Les ventes d'immeubles à restructurer dans le 2ème arrondissement et le 1er arrondissement correspondant au secteur le plus proche, comparables en consistance seront retenues, celles-ci datant de moins de 5 ans, pour une valeur de :

17'612,64 + 21'827,50 = 39'440,14 / 2 = 19'720,07 euro/m².

Il n'y a pas lieu en conséquence, de retenir la méthode du bilan promoteur, qui en outre dépend de facteurs futurs qui sont incertains.

En raison de l'ancienneté de ces références datant de 2018 et 2019, et afin de tenir compte de l'évolution du marché, le premier juge a exactement retenu une valeur supérieure à cette moyenne de 20'000 euros/m².

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

c) Pondération de valeur

Le premier juge a exactement dit que les termes de comparaison du commissaire du gouvernement concernent des terrains encombrés raison pour laquelle la valeur du terrain de surface a été retenue par la division du prix de vente à la surface de plancher de l'immeuble sur la parcelle et en conséquence a dit n'y avoir lieu à appliquer un taux pour encombrement sauf à pénaliser les expropriants tenant compte du fait que leur parcelle est bâtie donc encombrée.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

d) Calcul de la valeur d'indemnisation du tréfonds

Les parties indiquent qu'elles adoptent la méthodologie d'estimation des tréfonds telle qu'elle a été retenue par le jugement entrepris, à savoir la méthode [C] -[F].

Rappelant que dans le cadre de cette méthodologie le coefficient de profondeur retient :

-pour une profondeur de l'expropriation en tréfonds inférieure ou égale à 3,5m, une indemnisation égale à 100% de la valeur du terrain de surface,

-pour une profondeur de l'expropriation en tréfonds comprise entre 3,5m et 6,5m, une indemnisation égale à 30% de la valeur du terrain de surface,

En l'absence de contestation des parties, le jugement sera confirmé en ce qu'il a appliqué le coefficient de profondeur à 6,43 % conformément à la formule de calcul habituellement appliqué : (90/(H-3,5)) % ou H est égal à 17,5, l'emprise de la parcelle concernée s'élevant à 295 m².

Sur le coefficient Ke au titre de la présence d'une nappe phréatique, le premier juge a rappelé qu'en application de cette méthode, le coefficient de nappe Ke permet de tenir compte du handicap que constitue la présence d'une nappe phréatique qui rend la réalisation de tout ouvrage particulièrement onéreuse en-dessous de ce seuil, qui est fixé à 0,5 si le niveau haut de l'ouvrage est sous le niveau d'étiage, à 1 si le niveau haut de l'ouvrage est égal ou supérieur au niveau d'étiage.

Au regard des pièces versées par la SNCF RESEAU, le premier juge a retenu un coefficient Ke de 0, 5.

Les consorts [VH]-[J]-[R] demandent l'infirmation en indiquant que les notes versées par la SNCF RESEAU n'ont pas été établies de façon contradictoire et sont donc incompréhensibles pour le public non averti, et que dans un arrêt du 28 mars 2019 la cour d'appel de Paris, avait ordonné avant dire droit une expertise pour un immeuble situé [Adresse 82] dans le 8e arrondissement et fixé le coefficient de nappe à 1 ; ils ajoutent qu'on ne comprendrait pas que ce qui a été jugé [Adresse 41] ne s'applique pas au 48.

Conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. La présence de nappe phréatique s'analysant en un fait juridique, la preuve s'établit par tout moyen.

En l'espèce, la SNCF réseau verse aux débats trois pièces qui sont recevables ayant été soumises au débat contradictoire :

-pièce n°3 : note technique sectorielle : une note technique générale de 13 pages rédigée par la maîtrise d''uvre des infrastructures souterraines groupement SEO (Stetec-Egis-agence Duthilleul) visée le 23 octobre 2017 intitulée : 'Éole'tronçon Salazar'[Localité 76] Lafolie'tronçon souterrain HSL'Lafolie, note justificatif de niveau de nappe'tronçon du PM 2200 au PM 3100 de la rue du Havre à l'avenue de Messine', contenant son objet, et les documents de référence, le contexte hydrogéologie dans le secteur du tronçon entre les PM 2200 au PM 3100, les données actualisées sur les niveaux des aquifères, évaluation des niveaux représentatives d'étiage et les niveaux de référence de la nappe phréatique sur le tronçon du PM 2200 au PM 3100.

Cette note indique que : ' la nappe phréatique intéresse sur le tronçon compris entre les PM 2200 et PM 3100 les horizons aquifères des Calcaires grossiers (CG), Marnes et Caillasses (MC) et localement des alluvions anciennes (AA). Son niveau se situe dans les Marnes et Caillasses et mouille partiellement les alluvions anciennes. Par extrapolation des valeurs observées aux piézomètres du secteur, les niveaux de références qui peuvent être retenus pour la nappe phréatique à l'étiage sur le tronçon sont les suivants (tableau 6) », étant précisé qu'il s'agit d'une moyenne de 2003'2016.

'Une note technique complémentaire (pièce n°4) qui concerne le secteur du 126, [Adresse 3] dans le 8e arrondissement de [Localité 57] visée le 5 décembre 2019 et établie par les mêmes acteurs. Elle comprend page 4 une légende géologique sur laquelle est matérialisée la parcelle concernée et la nappe.

Il est conclu : « au droit du bâti de l'immeuble [Adresse 3], entre les PM 2900 et PM 3000 du tracé du tunnel EOLE, la nappe phréatique ennoie les horizons aquifères des alluvions anciennes du quaternaire des Marnes et Caillasses du Lutétien. Son niveau moyen d'étiage se situe à la cote +21,5 NGF, à une profondeur de 12,1 m du sol. Le niveau moyen d'étiage se situe donc à 4,4 m au-dessus de la cote supérieure de référence de + 17,1 GF pour le tréfonds EOLE (figure 2). »

Cette note technique complémentaire se termine par un schéma qui montre que l'emprise haute du tunnel est en dessous du niveau d'étiage de la nappe phréatique.

-L'extrait de la thèse de doctorat soutenue par Madame [B] [N] (pièce n°5) à l'école nationale supérieure des Mines de [Localité 57] qui donne des indications générales sur la réalité des nappes aquifères. Il apparaît ainsi que le réseau RER serpente dans le sous-sol parisien sur 66 km dont 24 interfèrent directement avec les nappes. La station du RER EOLE de Saint Lazare est construite à une trentaine de mètres de profondeur et recoupant à la fois les nappes du Lutétien et de l'Yprésien supérieur sur 20 m de hauteur. Ainsi, dès le départ de la ligne E secteur Ouest, l'ouvrage se trouve donc dans les nappes aquifères qui ne peuvent interférer sur l'ensemble du tronçon en raison d'une attitude pratiquement similaire sur la totalité du tracé.

De leur côté, les consorts [VH]-[J]-[R] versent aux débats un arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 mars 2019 (pièce n°4), qui a ordonné une expertise avant dire droit afin de dire s'il existait une nappe phréatique au droit d'un immeuble situé [Adresse 82], et qui a retenu un coefficient ke de 1 ; ils indiquent en conséquence, que ce qui a été jugé aux [Adresse 41] doit s'appliquer au 48 cette rue.

Cependant, la cour statue pour chaque cas d'espèce ; la situation du [Adresse 38] ne peut être assimilée au [Adresse 41] et l'expertise évoquée n'est donc pas transposable.

En outre, ils se contentent d'indiquer que ces notes ne sont pas compréhensibles, alors qu'elles sont accompagnées de schémas.

Enfin, les expropriés ne versent aucune pièce technique ou expertise amiable à l'appui de leur argumentation et ne sollicitent pas d'expertise judiciaire.

Il convient en conséquence, au vu des pièces versées par la SNCF RESEAU d'adopter les motifs pertinents du premier juge aux termes desquels si la note générale qui est fondée sur une extrapolation des valeurs observées aux piézomètres du secteur est insuffisante à elle seule pour établir la présence d'une nappe phréatique au droit du bâti, elle est cependant corroborée par la note complémentaire susvisée, laquelle contient des conclusions individualisées concernant la parcelle expropriée et rapportant la preuve qu'au droit du bâti, il y a la présence d'une nappe phréatique et qu'en outre cette preuve est corroborée par l'extrait de la thèse de doctorat susvisée.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a exactement retenu un coefficient de nappe de Ke de 0, 5.

Les autres paramètres de la méthodologie n'étant pas contestés, l'application de la formule [ V = Vu x S x Tr x Kp x Ks x Ke] permet de fixer comme suit l'évaluation de l'indemnisation : 20'000 x 6,43 % x 1 x 1 x 0,5 x 295 = 189'685 euros.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

2° sur l'indemnité de remploi

Les taux habituels ne sont pas contestés :

20 % entre 0 et 5000 euros : 6000 euros

15 % entre 5001 et 15'000 euros : 1500 euros

10 % pour le surplus, soit 17'468,50 euros

soit une indemnité de remploi totale de 19'968,50 euros.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité totale de dépossession à la somme de : 189'685 (indemnité principale) + 19'968,50 (indemnité de remploi) = 209'653,50 euros soit 209'654 euros arrondis.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SNCF réseau à payer aux consorts [VH]-[J]- [R] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter les consorts [VH]-[J]- [R] de leur demande sur ce fondement en cause d'appel.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer la condamnation de l'expropriant aux dépens de première instance en application de l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

Les consorts [VH], [J]-[R] et [R] perdant le procès seront condamnés aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Déboute les consorts [VH], [J] et [R] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les consorts [VH], [J] et [R] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/14213
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;21.14213 ?
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