La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2022 | FRANCE | N°21/04345

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 13 octobre 2022, 21/04345


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04345

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDHLJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Mars 2021 -Tribunal de Grande Instance de paris - RG n°13-07275



APPELANTE



Madame [Z] [O]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représentÃ

©e et assistée par Me Vincent JULÉ-PARADE de l'AARPI JSL & Associés, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/004121 du 19/02/2021 accordée par le...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04345

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDHLJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Mars 2021 -Tribunal de Grande Instance de paris - RG n°13-07275

APPELANTE

Madame [Z] [O]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représentée et assistée par Me Vincent JULÉ-PARADE de l'AARPI JSL & Associés, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/004121 du 19/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Paris)

INTIMÉES

S.A. ALLIANZ IARD

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Ghislain DECHEZLEPRETRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155

assistée par Me Julia CAGNAN, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE L'ORNE

[Adresse 3]

[Localité 4]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 17 septembre 1999, alors qu'elle circulait au volant de son véhicule, Mme [Z] [O] a été victime d'un accident de la circulation impliquant le véhicule que conduisait M. [L] [U], assuré auprès de la société AGF La Lilloise.

Plusieurs expertises médicales amiables ont été diligentées par la société AGF La Lilloise.

Par actes d'huissier de justice en date des 28 janvier et 1er février 2010, Mme [O] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société Allianz IARD (la société Allianz), venant aux droits de la société AGF La Lilloise et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne (la CPAM) aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par ordonnance du 15 novembre 2010, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une mesure d'expertise médicale de Mme [O] confiée au Docteur [J] et au Professeur [D].

Ces experts ont établi leur rapport le 15 novembre 2011, en retenant une absence de consolidation de la victime sur le plan stomatologique.

Par ordonnance du 15 février 2016, le juge de la mise en état a ordonné une nouvelle expertise, confiée au Professeur [M] qui a établi son rapport le 6 juin 2018 en retenant une consolidation au 16 janvier 2003.

Par jugement en date du 8 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- condamné la société Allianz à payer à Mme [O], en deniers ou quittance, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, les sommes suivantes en réparation des préjudices subis :

- dépenses de santé actuelles : les demandes formées à ce titre seront tranchées au titre des dépenses de santé futures

- frais de consultation de spécialistes pour préparer la procédure judiciaire : 5 880 euros

- assistance par tierce personne temporaire : 5 904 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 17 955 euros

- souffrances endurées : 28 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 1 500 euros

- préjudice esthétique permanent : 3 000 euros

- préjudice d'agrément : 13 000 euros

- préjudice sexuel : 3 000 euros

- rejeté les demandes formulées par Mme [O] au titre :

- des frais de véhicule adapté

- des frais de remplacement du véhicule

- des pertes de gains professionnels

- du préjudice moral,

- réservé la liquidation des postes de préjudices suivants :

- dépenses de santé futures

- pertes de gains professionnels futurs

- incidence professionnelle

- déficit fonctionnel permanent,

- déclaré le jugement commun à la CPAM,

- condamné la société Allianz aux dépens, qui comprendront les frais d'expertise et à payer à Mme [O] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire à concurrence des deux tiers des indemnités allouées et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 5 mars 2021, Mme [O] a interjeté appel de cette décision en critiquant expressément :

- la condamnation de la société Allianz à lui payer en deniers ou quittance, provisions non déduites, les sommes suivantes en réparation des préjudices ci-après

- souffrances endurées : 28 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 1500 euros

- préjudice esthétique permanent : 3 000 euros

- préjudice d'agrément : 13 000 euros

- préjudice sexuel : 3 000 euros,

- les dispositions rejetant les demandes formulées par Mme [O] au titre de des frais de véhicule adapté, des frais de remplacement de véhicule, des pertes de gains professionnels et du préjudice moral, ainsi que les dispositions réservant la liquidation des postes de dépenses de santé futures, pertes de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de Mme [O], notifiées le 2 juin 2021, aux termes desquelles, elle demande à la cour, de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

- déclarer Mme [O] recevable et bien fondée en son appel,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a réservé la liquidation des postes de préjudices suivants :

- dépenses de santé futures

- pertes de gains professionnels futurs

- incidence professionnelle

- déficit fonctionnel permanent,

pour le surplus,

- infirmer le jugement entrepris sur les postes de préjudices suivants :

- souffrances endurées

- préjudice esthétique temporaire

- préjudice esthétique permanent

- préjudice d'agrément

- préjudice sexuel

- frais de véhicule adapté et frais de remplacement de véhicule

- préjudice moral,

ce faisant et statuant a nouveau,

- condamner la société Allianz à verser à Mme [O] en réparation de son préjudice découlant de l'accident du 17 septembre 1999, les sommes suivantes :

- souffrances endurées : 40 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 3 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 7 000 euros

- préjudice d'agrément : 20 000 euros

- préjudice sexuel : 6 000 euros

- frais de véhicule adapté et frais de remplacement de véhicule : 24 837,49 euros

- préjudice moral : 70 000 euros,

- condamner la société Allianz à verser à Mme [O] une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la société Allianz aux entiers dépens d'appel y compris aux frais d'exécution et de recouvrement des sommes allouées prévus à l'article A. 444-31 du code du commerce dans l'hypothèse où ces dernières ne seraient pas versées de bonne foi par la partie condamnée,

- dire l'arrêt à intervenir commun aux organismes sociaux appelés à la cause et notamment à la CPAM.

Vu les conclusions de la société Allianz notifiées le 27 août 2021, aux termes desquelles, elle demande à la cour, de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

Vu les dispositions des articles 699, 700 et du code de procédure civile,

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 8 janvier 2021 en ce qu'il a :

- réservé la liquidation des postes de dépenses de santé futures, pertes de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent

- déclaré prescrite l'action de Mme [O] visant à obtenir réparation de son préjudice matériel relatif au rachat d'un véhicule des suites de l'accident du 17 septembre 1999,

- débouté Mme [O] de sa réclamation au titre du préjudice matériel d'acquisition d'un véhicule à hauteur de 12 990 euros

- débouté Mme [O] de sa réclamation au titre du préjudice matériel de remplacement d'un véhicule à hauteur de 11 847,49 euros

- condamné la société Allianz à payer à Mme [O] la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément,

- débouté Mme [O] de sa réclamation au titre du préjudice moral à la hauteur de 70 000 euros

- prononcé les condamnations en deniers ou quittance,

- infirmer le jugement entrepris s'agissant de l'évaluation des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire, du préjudice esthétique permanent et du préjudice sexuel,

- déclarer satisfactoires les offres de la société Allianz au profit de Mme [O] et évaluer son préjudice corporel ainsi qu'il suit :

- souffrances endurées : 16 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 1 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 2 500 euros

- préjudice sexuel : 0 euros

- total général : 19 500 euros,

- déduire des sommes allouées à Mme [O] la somme de 123 598 euros correspondant au total des provisions déjà versées par la société Allianz,

- débouter Mme [O] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

- réduire à de plus justes proportions la somme qui sera allouée à Mme [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens dont distraction au profit de Maître Ghislain Dechezleprêtre,

à titre subsidiaire,

- déclarer satisfactoire l'offre de la société Allianz d'un montant de 6 966,42 euros (1 500 euros + 5 466,42 euros) au titre des frais de véhicule adapté.

La CPAM, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée par acte d'huissier de justice en date du 23 avril 2020, délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les parties s'accordent devant la cour pour que le jugement soit confirmé en ce qu'il a réservé l'indemnisation des postes du préjudice corporel de Mme [O] de dépenses de santé futures, pertes de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent.

Par ailleurs Mme [O] déclare ne pas maintenir sa demande d'indemnisation d'une perte de gains professionnels actuels.

Le jugement est donc confirmé en ses dispositions relatives aux postes de dépenses de santé futures, pertes de gains professionnels dont perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent.

Sur le préjudice corporel

L'expert le Professeur [M] a indiqué dans son rapport en date du 6 juin 2018 que Mme [O] a présenté à la suite de l'accident du 17 septembre 1999 un traumatisme crânien sans perte de connaissance, une plaie cutanée du menton, une fracture des maxillaires, une fracture du col du condyle de la branche montante droite de la mandibule, une fracture de l'articulation temporo-mandibulaire droite, des bris dentaires, un traumatisme du rachis dorso-lombaire sans fracture, ni luxation ni déficit neurologique, deux fractures de côtes à droite, un traumatisme de la région du coude gauche avec fracture de l'olécrane gauche, un traumatisme de la jambe et du genou droits avec fracture de la tête du péroné droit non compliquée et une entorse, un traumatisme du genou gauche sans fracture, un traumatisme du pied gauche avec fracture du cuboïde gauche et fracture de la tête des deuxième, troisième, quatrième, et cinquième métatarsiens gauches.

Il a estimé qu'elle conserve comme séquelles un retentissement psychologique, un syndrome algo-dysfonctionnel temporo-mandibulaire sévère avec ouverture de bouche à 13,5 mm, gênant la victime pour mastiquer, s'alimenter, avec impossibilité de manger des bananes et des sandwiches, dix pertes dentaires, une perte de sensibilité de cinq dents, quelques douleurs lombaires, des douleurs à la mobilisation du coude gauche, des douleurs à l'effort au niveau du membre inférieur droit, une augmentation de volume de l'avant pied gauche, des troubles d'appui à gauche, un hallux valgus à gauche de 15°, un trouble de l'appui à gauche dans la région externe qui ne repose pas sur le sol, un appui unipodal non stable à gauche, une boiterie à la marche, des cicatrices.

Il a conclu ainsi qu'il suit :

- arrêt des activités professionnelles du 4 décembre 1999 au 1er février 2000 au rythme de trois heures par jour, total du 17 septembre 1999 au 12 janvier 2003, à compter du 19 septembre 2004 pendant trois mois, du 3 janvier 2005 au 25 février 2005, à compter du 6 avril 2006 pendant trois mois et du 21 août 2006 au 15 février 2007

- déficit fonctionnel temporaire total du 17 septembre 1999 au 3 décembre 1999 correspondant aux hospitalisations et à une période intermédiaire de confinement

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75 % du 4 décembre 1999 au 1er février 2000, de 50 % du 2 février 2000 au 12 janvier 2003 en dehors des périodes d'hospitalisation, et de 45 % du 13 janvier 2003 à la consolidation du 16 janvier 2003

- assistance temporaire par tierce personne, type auxiliaire de vie non médicalisée pour la toilette, l'habillage la préparation des repas les courses le ménage les déplacements' de quatre heures par jour du 17 septembre 1999 au 3 décembre 1999 hors hospitalisation

- consolidation au 16 janvier 2003

- souffrances endurées de 5/7

- préjudice esthétique temporaire de 3/7 du 17 septembre 1999 au 1er février 2000 au titre des lésions faciales et dentaires importantes de l'utilisation d'un fauteuil roulant, des immobilisations et de différentes plaies puis du 2 février 2000 jusqu'à la consolidation 2,5/7 au titre des lésions faciales et dentaires en cours de soins

- déficit fonctionnel permanent de 15,5 %

- assistance permanente par tierce personne : sans objet

- incidence professionnelle : la victime est apte à un travail avec un aménagement et une limitation des déplacements en raison des troubles d'appui du pied

- préjudice esthétique permanent de 2,5/7 au titre de l'état cicatriciel intéressant le genou droit, pied gauche, la région crânienne et des modifications faciales

- préjudice d'agrément : l'état séquellaire orthopédique n'autorise plus les activités du membre inférieur notamment en appui sachant que globalement il y a des affections associées portant sur la hanche gauche et le rachis

- frais de véhicule adapté : sans objet.

Ce rapport d'expertise constitue sous les amendements qui suivent, une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 2] 1961, de son activité professionnelle d'aide soignante, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue.

Sur les frais de véhicule adapté

Ce poste comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l'acquisition ou à l'adaptation d'un ou de plusieurs véhicules aux besoins de la victime atteinte d'un handicap permanent, incluant le ou les surcoût(s) lié(s) au renouvellement du véhicule et à son entretien ou les surcoûts en frais de transport rendus nécessaires à la victime en raison de ses difficultés d'accessibilité aux transports en commun survenues depuis le dommage.

Le tribunal a considéré que la demande de Mme [O] d'indemnisation des frais de remplacement de son véhicule accidenté dans l'accident était prescrite depuis le 19 septembre 2009 en application des articles 2270 et 2224 du code civil et 26 II de la loi du 17 juin 2008.

Il a débouté Mme [O] de sa demande d'indemnisation formée au titre du renouvellement, à titre viager, du surcoût entraîné par l'acquisition d'une boîte de vitesse automatique.

Mme [O] fait valoir, sur sa demande de prise en charge du coût de remplacement du véhicule détruit dans l'accident, que lors de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription de cinq ans était en cours, qu'un nouveau délai de cinq ans a commencé à courir à compter du 19 juin 2008 et que son action engagée le 28 janvier 2010 a interrompu le cours de la prescription.

Elle estime par ailleurs que ses séquelles orthopédiques justifient l'utilisation d'un véhicule muni d'une boîte automatique qui facilitera la conduite, lui évitera d'utiliser son pied gauche et d'en subir des douleurs.

La société Allianz conclut à la confirmation du jugement aux motifs d'une part, que la demande d'indemnisation du coût de remplacement du véhicule endommagé dans l'accident est une action en indemnisation d'un préjudice matériel qui s'est manifesté dès le jour de l'accident et est prescrite en application de l'article 2270-1 du code civil, l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ne pouvant avoir pour effet de rallonger la prescription initiale et ayant ainsi été sans incidence et d'autre part, que l'expert n'a retenu aucun besoin de Mme [O] de disposer d'un véhicule muni d'une boîte automatique.

Sur ce, les demandes de Mme [O] doivent s'analyser en des demandes d'indemnisation de son préjudice corporel au titre du coût d'acquisition d'un véhicule muni d'une boîte automatique et du surcoût d'achat, lors des renouvellements, d'un véhicule équipé d'une boîte automatique.

Ces demandes n'étaient pas prescrites lors de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 au regard des dispositions de l'article 2270-1 du code civil en vigueur à la date de l'accident, selon lesquelles 'les actions en responsabilité civile extra-contractuelles se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation', étant précisé que la date de la manifestation du dommage doit être fixée à la date de la consolidation qui seule permet à la victime de connaître l'étendue de son dommage.

La loi du 17 juin 2008 a repris ces éléments dans l'article 2226 du code civil qui indique l'action se prescrit par dix ans 'à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé'.

L'état de Mme [O] ayant été consolidé le 16 janvier 2003, ses demandes introduites par l'assignation du 28 janvier 2010 ne sont donc pas prescrites.

La société Allianz ne remet pas en cause le fait que le véhicule que conduisait Mme [O] a été détruit lors de l'accident ; si l'expert a estimé que le poste de frais de véhicule adapté était sans objet il a relevé que Mme [O] présente comme séquelles physiques de cet accident notamment des douleurs à l'effort au niveau du membre inférieur droit, une augmentation de volume de l'avant pied gauche, un hallux valgus à gauche de 15°, un trouble de l'appui à gauche dans la région externe qui ne repose pas sur le sol, un appui unipodal non stable à gauche et une boiterie à la marche.

L'ensemble des ces séquelles justifie contrairement à l'avis de l'expert, que Mme [O] soit dispensée de faire des longues marches, de prendre les transports en commun et d'actionner la pédale d'embrayage à l'aide du pied gauche ; en outre elle doit être rétablie dans la situation qui était la sienne avant l'accident ; il est ainsi patent que depuis la consolidation des blessures occasionnées par l'accident, son état physique nécessite qu'elle se déplace à l'aide d'un véhicule muni d'une boîte de vitesses automatique.

Mme [O] capitalise de façon viagère le surcoût annuel des frais d'équipement du véhicule par une boîte de vitesses automatique en retenant un âge à la capitalisation de 42 ans ; elle sollicite ainsi l'indemnisation du surcoût d'adaptation à compter de l'année 2003, soit l'année de la consolidation.

L'indemnisation étant fonction du besoin, les frais d'acquisition d'un véhicule automobile muni d'une boîte automatique en 2003, doit être fixé, eu égard à la facture communiquée, qui doit être retenue la cour devant évaluer le dommage au jour où elle statue 12 990 euros ; le surcoût de renouvellement de l'équipement d'une boîte de vitesses automatique sera chiffré à 2 100 euros.

L'indemnité est la suivante :

achat du véhicule avec boîte de vitesses automatique : 12 990 euros

boîte automatique :

- surcoût annuel d'achat d'un véhicule avec une boîte de vitesses automatique pour un renouvellement tous les sept ans, rythme de renouvellement sur lequel les parties s'accordent : 2 100 euros (coût initial) / 7 ans = 300 euros

- arrérages échus à la date de la liquidation depuis le premier renouvellement, intervenu le 16 janvier 2010 : 300 euros x 12 ans = 3 600 euros

- capital représentatif des arrérages à échoir : par capitalisation du coût annuel par un euro de rente viagère pour une femme âgée de 61 ans à la liquidation selon le barème publié par la Gazette du palais le 28 novembre 2017, barème sur lequel s'accordent les deux parties, soit 23,995 : 300 euros x 23,995 = 7 198,50 euros

total : 12 990 euros + 3 600 euros + 7 198,50 euros = 23 788,50 euros.

Le jugement est infirmé.

Sur les souffrances endurées

Ce poste comprend l'indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à dire du jour de l'accident jusqu'à celui de la consolidation.

En l'espèce, il convient de prendre en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison de la gravité du traumatisme initial, des hospitalisations, des interventions chirurgicales, des nombreux examens et soins notamment de rééducation ; évalué à 5/7 par l'expert, ce chef de préjudice justifie l'octroi d'une indemnité de 35 000 euros.

Le jugement est infirmé.

Sur le préjudice esthétique temporaire

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Coté 3/7 du 17 septembre 1999 au 1er février 2000 au titre des lésions faciales et dentaires importantes de l'utilisation d'un fauteuil roulant, des immobilisations et de différentes plaies puis 2,5/7 du 2 février 2000 au 16 janvier 2003 au titre des lésions faciales et dentaires en cours de soins, il justifie l'indemnité de 3 000 euros sollicitée par Mme [O].

Le jugement est infirmé.

Sur le préjudice esthétique permanent

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Coté 2,5/7 au titre des cicatrices aux genou droit, pied gauche et région crânienne et des modifications faciales, il doit être indemnisé à hauteur de 6 000 euros.

Le jugement est infirmé.

Sur le préjudice d'agrément

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

Mme [O] justifie ne plus pouvoir pratiquer certaines activités sportives auxquelles elle s'adonnait régulièrement avant l'accident, à savoir la danse et la gymnastique, ce qui justifie l'indemnité de 13 000 euros allouée par le premier juge.

Le jugement est confirmé.

Sur le préjudice sexuel

Ce poste concerne la réparation des préjudices touchant à la sphère sexuelle, soit le préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi, le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) et le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc.).

Le tribunal a alloué à Mme [O] une indemnité de 3 000 euros ; Mme [O] sollicite en réparation de ce poste de dommage une indemnité de 6 000 euros en avançant qu'elle subit des gênes physiques et des douleurs lors de l'acte sexuel ; la société Allianz s'oppose à toute indemnisation au motif que ce poste de préjudice n'est pas caractérisé eu égard aux affections non imputables à l'accident.

Sur ce, l'expert a retenu que les séquelles de l'accident retentissent sur les activités personnelles de Mme [O] qui ne peut plus mobiliser son membre inférieur notamment en appui, et ce même s'il y a des affections associés ; il résulte des séquelles affectant le membre inférieur gauche une gêne positionnelle qui doit être indemnisée au titre du préjudice sexuel à hauteur de la somme de 5 000 euros.

Le jugement est infirmé.

Sur le préjudice moral

Le tribunal a débouté Mme [O] de cette demande ce que la société Allianz demande de confirmer aux motifs que le préjudice moral est indemnisé au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent et que Mme [O] ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre la vente de sa maison et l'accident ; Mme [O] soutient que l'accident a contribué à lui faire perdre son activité professionnelle et à la vente de sa maison, celle-ci n'étant plus adaptée à son état, maison à laquelle elle était attachée pour y avoir vu grandir ses enfants.

Sur ce, Mme [O] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice moral consécutif à la gravité de l'accident et à ses suites lourdes, non indemnisé par les souffrances endurées et le déficit fonctionnel permanent ; elle ne justifie pas plus que la maison dont elle était propriétaire avec son ex-époux n'était plus adaptée à son état, alors que le descriptif du bien figurant dans l'attestation notariée de vente du 13 août 2018 qu'elle a communiquée fait état au niveau du rez-de-chaussée d'un séjour-cuisine, deux chambres et d'une salle de bains, ni que c'est l'accident qui l'a contrainte à vendre cette maison près de cinq ans après la consolidation de son état, d'autant que le préjudice qui pourrait en résulter en cas de vente à bas prix serait de nature économique.

Le jugement qui a rejeté cette demande est confirmé.

Sur les demandes accessoires

Il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt opposable à la CPAM qui est en la cause.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société Allianz qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel .

L'équité commande d'allouer à Mme [O] une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Il n'y a pas lieu de statuer sur les frais éventuels d'exécution forcée ni sur les droits de recouvrement de l'huissier de justice dont la charge est fixée par les dispositions légales.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel

- Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Allianz IARD,

- Confirme le jugement,

hormis sur le rejet des demandes de Mme [Z] [O] au titre des frais de véhicule adapté et de remplacement de véhicule, sur les postes du préjudice corporel de Mme [Z] [O] de souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire, préjudice esthétique permanent et préjudice sexuel et sur les condamnations prononcées à l'encontre de la société Allianz au titre de ces postes de son préjudice corporel,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne la société Allianz IARD à verser à Mme [Z] [O] les indemnités suivantes, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites avec les intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus, au titre des postes ci-après de son préjudice corporel :

- frais d'acquisition d'une véhicule adapté d'une boîte de vitesses automatique et de renouvellement de l'équipement d'une boîte automatique : 23 788,50 euros

- souffrances endurées : 35 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 3 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 6 000 euros

- préjudice sexuel : 5 000 euros,

- Condamne la société Allianz IARD à verser à Mme [Z] [O] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Dit n'y avoir lieu de statuer sur les frais les frais éventuels d'exécution forcée ni sur les droits de recouvrement de l'huissier de justice,

- Condamne la société Allianz IARD aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/04345
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;21.04345 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award