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13/10/2022 | FRANCE | N°19/10311

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 13 octobre 2022, 19/10311


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 13 OCTOBRE 2022



(n°2022/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10311 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAY2I



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/09784





APPELANT



Monsieur [V] [X]

[Adresse 2]
r>[Localité 4]



Représenté par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153



INTIMEE



Société ECSELIS venant aux droits de la société NOVALEM

[Adresse 1]

[Loc...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 13 OCTOBRE 2022

(n°2022/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10311 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAY2I

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/09784

APPELANT

Monsieur [V] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153

INTIMEE

Société ECSELIS venant aux droits de la société NOVALEM

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Nelly CAYOT, Conseillère

Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère

Greffier : Madame Chaïma AFREJ, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 15 février 2010, M. [V] [X] a été engagé par la société Novalem en qualité de commercial. En dernier lieu, il occupait les fonctions de directeur général et percevait une rémunération mensuelle brute fixe de 10 000 euros pour une durée de travail soumise depuis le 1er janvier 2012 à un forfait annuel de 218 jours.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 novembre 2017 lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 30 novembre 2017 et s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier adressé sous la même forme le 12 décembre 2017.

La société Novalem employait au moins onze salariés et appliquait la convention collective nationale des entreprises de la publicité et assimilées depuis le 1er janvier 2012.

Par requêtes enregistrées les 30 novembre 2017 et 14 mai 2018, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en résiliation judiciaire de son contrat de travail puis en contestation de son licenciement. Par jugement du 6 septembre 2019 auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a :

- prononcé la jonction des instances,

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Novalem à verser à M. [X] les sommes suivantes :

* 24 500 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 31 254 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 3 125,40 euros au titre des congés payés afférents,

* 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [X] du surplus de ses demandes,

- ordonné à la société Novalem de remettre à M. [X] les documents sociaux rectifiés,

- débouté la société Novalem de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux entiers dépens.

M. [X] a régulièrement relevé appel du jugement le 10 octobre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant transmises par voie électronique le 7 février 2022 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [X] prie la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

* requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

* condamné la société Novalem à lui verser les sommes suivantes :

24 500 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

31 254 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

3 125,40 euros au titre des congés payés afférents,

* et l'a débouté du surplus de ses demandes,

- Statuant à nouveau :

A titre liminaire, vu l'article 199 du code de procédure civile,

- convoquer devant la cour M. [O] [W], M. [I] [F] et M. [J] [Z], en qualité de dirigeants et/ou salariés de la société Novalem et les entendre en qualité de témoins,

- enjoindre à la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem de produire le livre d'entrée et sortie du personnel de la société Novalem de 2016, 2017, 2018,

A titre principal,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 12 décembre 2017, et en conséquence condamner la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem à lui verser les sommes de :

* 89 108 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 22 369 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 32 469 euros à titre d'indemnité de préavis et 3247 euros de congés payés sur préavis,

* 7 930 euros au titre de la période de mise à pied injustifiée du 21 novembre 2017 au 12 décembre 2017 et 793 euros au titre des congés payés afférents,

À titre subsidiaire, si la cour juge qu'il n'y a pas lieu à prononcer la résiliation judiciaire,

- prononcer la nullité du licenciement,

- condamner la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem à lui verser les sommes dues entre le 12 décembre 2017 et le jour de la réintégration (à priori le 31 décembre 2020), soit 407 570 euros,

- ordonner sa réintégration au poste de directeur général salarié, et en cas d'impossibilité de réintégration condamner la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem à lui verser les sommes de :

* 120 000 euros à titre d'indemnité pour nullité du licenciement,

* 22 369 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 32 469 euros à titre d'indemnité de préavis et 3247 euros de congés payés sur préavis,

* 7 930 euros au titre de la période de mise à pied injustifiée du 21 novembre 2017 au 12 décembre 2017 et 793 euros au titre des congés payés afférents,

A titre infiniment subsidiaire, juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence condamner la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem à lui verser les sommes de :

* 89 108 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 22 369 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 32 469 euros à titre d'indemnité de préavis et 3247 euros de congés payés sur préavis,

* 7 930 euros au titre de la période de mise à pied injustifiée du 21 novembre 2017 au 12 décembre 2017 et 793 euros au titre des congés payés afférents

En tout état de cause,

- condamner la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem à lui verser les sommes de :

* 13 390 euros au titre des jours de RTT non octroyés par la société pour les années 2015, 2016 et 2017 et 1 339 euros pour les congés payés afférents,

* 30 000 euros pour préjudice moral,

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus de l'indemnité fixée par le conseil de prud'hommes,

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal depuis la première date de saisine du conseil de prud'hommes avec capitalisation des intérêts et la condamner aux dépens,

- condamner la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem, à produire sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document :

* une attestation Pôle emploi rectifiée,

* un certificat de travail rectifié,

* les bulletins de paye rectifiés et manquants.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée transmises par voie électronique le 7 avril 2022 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem prie la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [X] de ses demandes,

A titre subsidiaire, si la cour jugeait le licenciement nul,

- juger la réintégration de M. [X] impossible et en conséquence, le débouter de ses demandes de réintégration au sein de la société Novalem en qualité de directeur général salarié et de rappel de salaire pour la période comprise entre le 12 décembre 2017 et le jour de la réintégration,

- réduire la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul à la somme de 60 000 euros,

- infirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à verser les sommes suivantes :

* 24 500 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 31 254 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 3 125,40 euros au titre des congés payés afférents,

* 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Sur le licenciement,

- juger le licenciement pour faute grave conforme,

- débouter M. [X] de ses demandes d'indemnité conventionnelle, de préavis, de congés payés afférents, de mise à pied et de congés payés sur mise à pied,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [X] de toutes ses autres demandes,

A titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en un simple licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Novalem au paiement de la somme de 24 500 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et la condamner à ce titre au paiement de la somme de 20 921 euros,

- confirmer les montants de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,

- débouter M. [X] de son appel sur les montants qu'il sollicite à ces titres,

A titre subsidiaire,

- débouter M. [X] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause

réelle et sérieuse,

Sur les rappels de RTT :

- juger irrecevables les nouvelles demandes de rappels de RTT et de congés payés afférents,

- débouter M. [X] de ces demandes,

En tout état de cause :

- débouter M. [X] de ses autres demandes,

- constater que M. [X] a renoncé à son appel au titre d'un rappel de commissions,

- condamner M. [X] à lui régler la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [X] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 avril 2022.

MOTIVATION :

Sur la demande en paiement de journées au titre de la réduction du temps de travail :

Pour la première fois en cause d'appel, M. [X] soutient qu'alors qu'il bénéficiait d'un forfait annuel de 218 jours travail ses jours de RTT ne lui ont été ni octroyés ni payés et sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser à ce titre la somme totale de 13 390 euros outre celle de 1 339 euros au titre des congés payés afférents pour les années 2015 à 2017.

La société Ecselis soutient en premier lieu que la demande est irrecevable comme nouvelle et sur le fond, s'y oppose en faisant valoir qu'en 2015, M. [X] a utilisé tous ses jours de RTT.

Sur la recevabilité de la demande :

M. [X] soutient que sa demande est recevable et n'est pas une demande nouvelle dès lors qu'elle se rattache par un lien suffisant à la demande présentée en première instance puisqu'elle concerne le même contrat de travail et que devant le conseil de prud'hommes, au titre du préjudice moral, il avait dénoncé les conditions inacceptables dans lesquelles s'exécutait son contrat de travail.

L'article 70 du code de procédure civile précise que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l'espèce, la demande présentée pour la première fois en cause d'appel au titre de l'indemnisation des jours de RTT ne présente pas de lien suffisant avec les demandes originaires qui tenaient à la rupture du contrat de travail, au paiement des commissions et à l'indemnisation d'un préjudice moral étant observé que le manquement nouvellement allégué n'était pas évoqué à l'appui de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et que la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ne l'évoquait pas davantage.

La cour déclare donc cette demande irrecevable en application de l'article 70 du code de procédure civile.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Tout salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles conformément aux dispositions de l'article 1224 du code civil. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa demande et les manquements de l'employeur à ses obligations doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement comme c'est le cas en l'espèce, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée et, si tel est le cas, fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

M. [X] reproche à l'employeur les manquements suivants :

- les pressions exercées en vue d'obtenir sa démission,

- sa mise à l'écart des décisions stratégiques de l'entreprise,

- son exclusion du projet de réorganisation.

La société Ecselis venant aux droits de la société Novalem conclut au débouté.

M. [X] n'établissant pas que sa demande d'audition de témoins et de communication du registre du personnel devant la cour est utile à la manifestation de la vérité est débouté de cette demande.

Sur les pressions en vue d'obtenir sa démission :

M. [X] invoque en premier lieu un déjeuner avec M. [P] (DRH de la société Novalem) mais il ne produit aucun élément de nature à prouver l'existence de ce déjeuner, les propos tenus à cette occasion et les pressions qui en seraient résultées. En second lieu, il s'appuie sur des échanges de mails des 30, 29 et 26 octobre 2017 entre le président du groupe Fullsix France, le président de la société Novalem et un certain [R] [G] faisant apparaître l'existence d'une difficulté avec '[V]' et que celui-ci ne figure plus sur l'organigramme. Ces échanges qui se sont tenus en dehors de M. [X] ne caractérisent en rien les pressions alléguées. En troisième lieu, M. [X] invoque des discussions entre lui et MM. [P] et [U] au cours desquelles il lui aurait été dit qu'il devait accepter un poste de super VRP ou quitter l'entreprise. Mais là encore la cour observe qu'aucun élément concret ne vient appuyer ses allégations pas plus que celles relatives au projet de lettre de démission que M. [P] aurait commencé à rédiger et voulu lui faire signer. Enfin, M. [X] communique une photographie de locaux vides et fait état de la radiation de la société Novalem mais ces éléments sont inopérants au regard des pressions dénoncées. Ce premier manquement n'est donc pas retenu.

Sur la mise à l'écart de M. [X] des décisions de l'entreprise :

M. [X] explique qu'à partir de février 2017, il a été mis à l'écart de l'essentiel des décisions de la société Novalem, le président de la société Fullsix s'adressant directement à ses collaborateurs sans plus passer par lui. Il fait valoir qu'il a été écarté du Comex et des Codir et que le 31 octobre 2017 lorsque le président fondateur de la société Novalem a été révoqué, il n'a pas été consulté alors qu'il devait reprendre le poste et la rémunération associée. La cour relève toutefois qu'aucun élément n'est communiqué à l'appui des allégations de M. [X] et celui-ci dans ses écritures ne vise aucune pièce à cet égard.

Sur l'exclusion de M. [X] des projets de réorganisation de la société :

M. [X] explique qu'à partir de septembre 2017, un projet de réorganisation a été mis en oeuvre concernant les sociétés Fullsix Media et Novelem dont il a été exclu, ainsi que cela ressort des échanges déjà cités pour établir les pressions alléguées et de ses courriers de contestation. La cour relève que les échanges du mois d'octobre entre le dirigeant de la société Fullsix et ses collaborateurs ne suffisent pas à caractériser l'exclusion alléguée pas plus que les propres courriers de contestation de M. [X] qui ne sont pas corroborés, à cet égard, par des éléments objectifs. Le manquement allégué n'est donc pas retenu.

En définitive, la cour ne retenant aucun des manquements allégués par le salarié, sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est rejetée. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef. M. [X] est ainsi débouté de l'ensemble des demandes qu'il présentait au titre et en conséquence de la résiliation judiciaire.

Sur le licenciement :

Aux termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, l'employeur formule à l'encontre de M. [X] les griefs suivants :

- insuffisance récurrente et tromperie sur les résultats,

- attitude incompatible avec un poste de directeur général en raison d'absences répétées sans justification, de faille délibérée dans la sécurité du réseau informatique et de mensonges sur sa situation contractuelle.

M. [X] soutient en premier lieu que son licenciement est nul pour violation de sa liberté d'expression et de son droit d'ester en justice. La société Ecselis de son côté conteste toute atteinte à la liberté d'expression du salarié ou à son droit d'ester en justice, précisant n'avoir entendu sanctionner que le mensonge de M. [X] quant au non-paiement de ses commissions et son attitude de chantage à son égard.

Le passage concerné de la lettre de licenciement est le suivant :

'mensonges sur votre situation contractuelle :

il s'ajoute encore que lors de votre convocation à entretien préalable à un éventuel licenciement [...] vous nous avez déclaré que si nous mettions fin à votre contrat de travail, vous seriez en droit de réclamer vos commissions non versées depuis juin 2015. Vous avez réitéré cette menace dans le mail que vous nous avez adressé le 29 novembre 2017 veille de l'entretien, précisant que le montant dû était de près de 283 000 euros. Par là même vous vous êtes positionné de manière flagrante et incontestable en position de mensonge éhonté et vous avez délibérément choisi d'instaurer avec la société une forme de chantage.'

Aux termes de l'article 1121-1 du code du travail, 'nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché'. Il en résulte que sauf abus, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche ou proportionnée au but recherché peuvent être apportées. La cour rappelle que l'abus doit être caractérisé par l'existence de propos injurieux diffamatoires ou excessifs, sans quoi le salarié ne peut être licencié.

Les allégations de M. [X] sur l'existence de commissions qui lui seraient dues qui ne sont ni injurieuses ni diffamatoires ni excessives ne suffisent pas à caractériser un abus de sa liberté d'expression, peu importe qu'il n'en sollicite finalement pas le paiement devant la cour. Le grief formulé par la société Novalem à son encontre caractérise donc l'atteinte à la liberté d'expression alléguée et suffit à entacher le licenciement de nullité sans qu'il soit nécessaire d'apprécier le bien fondé des autres griefs formulés par l'employeur ni le moyen de nullité titré de la violation de son droit d'ester en justice.

La cour fait donc droit à la demande de nullité du licenciement et le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté M. [X] de ce chef de demande.

Sur les conséquences de la nullité du licenciement :

Sur la demande de réintégration :

Comme le soutient à juste titre la société Ecselis, la réintégration de M. [X] est matériellement impossible dès lors que la société Novalem n'existe plus et a été radiée du registre du commerce.

Sur l'indemnité pour licenciement nul :

M. [X] sollicite en cas d'impossibilité de réintégration une somme de 120 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul

Il résulte de L'article L. 1235-3-1 du code du travail que lorsque la nullité du licenciement résulte de la violation d'une liberté fondamentale et que le salarié ne demande pas sa réintégration dans l'entreprise ou que celle-ci est impossible, le juge lui octroie une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure à ses salaires des six derniers mois.

Eu égard à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, (7 années complètes), son âge au moment du licenciement (né en 1977), au montant de sa rémunération des six derniers mois, aux circonstances du licenciement, à ce qu'il justifie de sa situation postérieure à la rupture, la cour condamne la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem à verser à M. [X] une somme de 100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis :

Le délai congé étant de trois mois en application de l'article 68 de la convention collective, le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Ecselis à verser à M. [X] une somme de 31 254 euros sur la base de la rémunération mensuelle que le salarié aurait perçue au vu de ses bulletins de salaire s'il avait travaillé pendant l'exécution de son préavis, outre 3 125,40 euros au titre des congés payés afférents.

Conformément à la demande de M. [X] et dans la limite de celle-ci, étant rappelé que la convention collective applicable à la relation de travail est, depuis 2012, celle des entreprises de publicité, le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné la société Novalem à payer à M. [X] une somme de 24 500 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et la cour condamne la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem à lui verser la somme de 22 369 euros à ce titre.

Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire :

Eu égard à la solution du litige, la faute grave n'étant pas retenue, la cour condamne la société Ecselis à verser à M. [X] la somme de 7 930 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 793 euros au titre des congés payés afférents, étant observé que le conseil de prud'hommes avait omis de statuer sur cette demande.

Sur la demande présentée au titre du préjudice moral :

M. [X] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral en faisant valoir qu'il a été exclu de la société dans des conditions vexatoires et a dû faire face à des accusations de détournements de fond malgré le fait qu'il soit présent dans l'entreprise depuis sa création. La société Ecselis conclut au débouté.

M. [X] ne justifiant pas d'un préjudice distinct de celui qui a été indemnisé au titre de la nullité du licenciement est débouté de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par la société Novalem aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Ecselis de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation soit le 6 septembre 2017 et les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce. La capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

La société Ecselis, doit remettre à M. [X] une attestation pour Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif rectifiés conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte. La demande en ce sens est rejetée.

La société Ecselis partie perdante est condamnée aux dépens et sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée. Elle doit indemniser M. [X] des frais exposés par lui tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens sur ce même fondement. Le jugement est donc confirmé de ce chef et en cause d'appel, la cour condamne la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem à verser à M. [X] une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sauf sur les condamnations prononcées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, en ce qu'il a débouté M. [V] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et du chef de la condamnation de la société Novalem prononcée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DÉCLARE irrecevable la demande présentée par M. [V] [X] relative au paiement des jours de RTT,

DÉBOUTE M. [V] [X] de ses demandes d'audition de témoins et d'injonction de communication de pièces,

PRONONCE la nullité du licenciement,

DIT la réintégration de M. [V] [X] impossible,

CONDAMNE la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem à verser à M. [V] [X] les sommes de :

- 100 000 euros à titre d'indemnité pour nullité du licenciement,

- 22 369 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 7 930 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 793 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter du 6 décembre 2017 et que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,

ORDONNE à la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem de remettre à M. [V] [X] une attestation pour Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision,

DÉBOUTE M. [V] [X] du surplus de ses demandes, et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem,

CONDAMNE la société Ecselis venant aux droits de la société Novalem aux dépens et à verser à M. [V] [X] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/10311
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;19.10311 ?
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