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12/10/2022 | FRANCE | N°19/09451

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 12 octobre 2022, 19/09451


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 12 OCTOBRE 2022



(n°155/2022, 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 19/09451 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B74KG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Décembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 3ème chambre - 1ère section - RG n° 16/16392





APPELANTE



SAS DOC'UP

Société au capital de 321 020 euros>
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro 444 639 652

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 12 OCTOBRE 2022

(n°155/2022, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 19/09451 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B74KG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Décembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 3ème chambre - 1ère section - RG n° 16/16392

APPELANTE

SAS DOC'UP

Société au capital de 321 020 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro 444 639 652

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de Me Marco ITIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0892

INTIMEES

SAS FRAMA FRANCE

Société au capital de 100 000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 817 779 929

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Alexandre BAILLY et Me Xavier HARANGER du PARTNERSHIPS MORGAN LEWIS & BOCKIUS UK LLP, avocats au barreau de PARIS, toque : J011

SA FRAMA AG

Société de droit suisse,

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 2]

SUISSE

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Alexandre BAILLY et Me Xavier HARANGER du PARTNERSHIPS MORGAN LEWIS & BOCKIUS UK LLP, avocats au barreau de PARIS, toque : J011

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente, et Mme Françoise BARUTEL, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 20 décembre 2018,

Vu l'appel interjeté à l'encontre dudit jugement le 30 avril 2019 par la société Doc'up,

Vu les dernières conclusions numérotées 4 remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 13 juin 2022 par la société Doc'up, appelante et intimée incidente,

Vu les dernières conclusions numérotées 3 remises au greffe et notifiées, le 3 juin 2022 par les sociétés Frama Ag et Frama France, intimées et appelantes incidentes,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 14 juin 2022,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société de droit suisse Frama Ag conçoit, fabrique et distribue des solutions d'affranchissement de courrier et en particulier des machines à affranchir, leurs composants, ainsi que leurs consommables tels que des cassettes à ruban.

Cette société est titulaire du brevet européen désignant la France EP 0 927 104 (EP 104), qui protège une « cassette avec dispositif d'insertion », déposé le 24 juin 1998 sur la base d'une priorité suisse du 27 juin 1997. Le brevet a été publié le 11 décembre 2002.

La société Frama Ag est également titulaire de la marque verbale internationale Frama n°603522, enregistrée le 16 avril 1993, dûment renouvelée. Elle désigne la France et vise différents produits des classes 7, 9 et 16.

La société Innovacourrier a été créée à l'initiative, notamment, de la société Frama Ag, aux fins de commercialiser, en France, des matériels de traitement du courrier et les services associés.

Par acte du 19 avril 2004, à effet du 1er janvier 2003, la société Frama Ag a accordé à la société Innovacourrier l'exclusivité de la distribution en France des machines à affranchir et des consommables de marque Frama.

Il est exposé que le secteur des machines à affranchir est réglementé par un arrêté ministériel du 28 janvier 1980 modifié par décret du 21 mai 2013, qui précise en son article 2 que 'tout prototype de machine à affranchir doit être agréé par l'Administration des Postes et Télécommunications. (') La mise en service en France des machines à affranchir est subordonnée à cet agrément préalable'.

Il est également exposé que le marché des cartouches d'encre, d'abord réglementé, s'est ouvert à compter de juillet 2012, la Poste autorisant des encres non commercialisées par les sociétés constructrices, et que la directive 2012/19 relatives aux déchets des équipements électriques a été transposée notamment dans l'article R 543-176 du code de l'environnement qui énonce que les équipements électriques et les composants qui en sont issus doivent être conçus afin de faciliter leur remploi et leur réutilisation, de sorte que le marché de la cartouche se décompose désormais en cartouches de marques, cartouches reconditionnées/recyclées et cartouches compatibles.

Selon accord d'autorisation de la Poste de mise en service des machines à affranchir du 11 août 2005, la société Innovacourrier, alors désignée sous le nom commercial Frama France, a été autorisée à distribuer les machines à affranchir de Frama de type Ecomail et Officemail, et par accord du 15 février 2008, les machines à affranchir de marque Frama de type Powermail et Mailmax.

La société Frama Ag a cédé sa participation dans la société Innovacourrier le 31 mai 2012 pour un montant de 1 769 000 euros.

Le même jour, les sociétés Frama Ag et Innovacourrier ont conclu un contrat de distribution par lequel la société Frama Ag confiait à la société Innovacourrier, à titre exclusif, moyennant une obligation de réalisation d'un chiffre d'affaires minimal, la distribution des produits Frama, notamment des machines à affranchir, des composants et des consommables, en France. En application du contrat, la société Innovacourrier donnait à bail à sa clientèle des machines à affranchir de marque Frama, connectées au serveur Framaonline, situé en Suisse au sein des locaux Frama Ag, qui permet de collecter les dépenses d'affranchissement effectuées sur chaque machine et de transmettre ces informations à La Poste. Le terme de ce contrat était prévu au 31mai 2016.

Le 31 janvier 2014 la société Innovacourrier a modifié sa dénomination sociale, et est devenue la société Doc'up.

Alléguant de nombreux manquements au contrat de distribution, la société Frama Ag a notifié à la société Doc'up, par courrier recommandé du 13 mars 2015 qu'elle mettait fin, à compter du 1er octobre 2015, à l'exclusivité dont bénéficiait la société Doc'up.

La société Frama Ag l'a ensuite assignée devant le tribunal régional suisse de Burgdorf, par acte du 28 juillet 2015, pour lui réclamer l'indemnité contractuelle relative à l'obligation de réalisation d'un chiffre d'affaires minimal. En juin 2019, les parties ont conclu une transaction.

En janvier 2016, la société Frama Ag a créé une filiale en France, nommée Frama France, et nommé l'ancien directeur des ventes de la société Doc'up au poste de directeur général.

Reprochant à la société Frama France des actes de concurrence déloyale résultant d'actes de démarchage illicite, du fait notamment d'une utilisation indue de son fichier clients, la société Doc'up a, par assignation du 9 juin 2016, engagé une action en référé à l'encontre de la société Frama France devant le président du tribunal de commerce de Paris.

Par une ordonnance du 8 juillet 2016, le président du tribunal de commerce de Paris, faisant partiellement droit aux demandes des parties, a :

- fait interdiction à Frama France d'utiliser le "fichier Framaonline" dans le cadre de ses diffusions commerciales,

- fait interdiction à Doc'up de porter les mentions «Frama devient Doc'up» ou «Frama France devient Doc'up » sur les documents qu'elle émet,

- et dit n'y avoir lieu à référé pour les autres demandes des parties.

Le 31 mai 2016, le contrat de distribution est arrivé à son terme.

Parallèlement à ces procédures, la société Frama Ag a appris que la société Doc'up commercialisait des cassettes présentées comme «recyclées» ou «reconditionnées» compatibles avec les machines à affranchir Ecomail, Officemaill et Powermail fabriquées par la société Frama Ag.

Cette opération dite de « recyclage » consistait, pour Doc'up, à récupérer des cassettes Frama, dont le ruban encreur était en fin de vie, retournées par les clients, ouvrir et démonter ces cassettes, remplacer le ruban encreur d'origine par un nouveau ruban encreur (acheté par la société Doc'up à un tiers), puis proposer ces cassettes à la vente.

Alléguant un important manque à gagner découlant de ces actes non autorisés de "reconditionnement", la société Frama Ag a sollicité du président du tribunal de grande instance de Paris, par requête en date du 28 septembre 2016, le droit d'effectuer une saisie contrefaçon au sein des locaux de Doc'up qui a été autorisée par ordonnance du même jour.

Les opérations de saisie ont été diligentées le 14 octobre 2016.

C'est dans ce contexte que, par exploit d'huissier du 10 novembre 2016, les sociétés Frama Ag et Frama France ont fait assigner la société Doc'up sur le fondement de la contrefaçon de brevet, de marque ainsi que de la concurrence déloyale.

Parallèlement, la société Doc'up a introduit une action devant le tribunal de commerce Suisse du canton de Berne. Par décision du 12 mai 2017 le tribunal a notamment interdit à la société Frama Ag de bloquer l'accès de Doc'up et de ses clients au serveur Framaonline. Le 17 octobre 2017, les parties ont conclu une nouvelle transaction.

Par jugement dont appel, le tribunal de grande instance de Paris a statué de la façon suivante :

- Dit qu'en "reconditionnant" les cassettes compatibles avec les machines Ecomail,Powermail et Officemail, la société Doc'up a commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 5, 6, 8 et 9 du brevet européen EP 104 dont la société Frama Ag est titulaire,

En conséquence

- Condamne la société Doc'up à payer à la société Frama Ag la somme de 58 973,46 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice matériel subi,

- Condamne la société Doc'up à payer à la société Frama Ag la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice moral subi,

- Rejette les demandes de la société Frama France du chef de la contrefaçon de brevet, ainsi que les demandes d'interdiction et de publication,

- Dit qu'en faisant usage de la marque Frama pour la vente des cassettes "reconditionnées" sans l'autorisation de la société Frama Ag, la société Doc'up a également commis des actes de contrefaçon de la marque verbale internationale Frama dont la société Frama Ag est titulaire,

- Fait défense à la société Doc'up de poursuivre ces agissements, et ce, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification de la présente décision et pendant six mois,

- Condamne la société Doc'up à payer à la société Frama Ag la somme de l.000 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice matériel subi,

- Condamne la société Doc'up à payer à la société Frama Ag la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice moral subi,

- Dit qu'en adressant à la clientèle des courriers mentionnant "Frama ou Frama France devient Doc'up ", la société Doc'up a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Frama France,

- Fait défense à la société Doc'up de poursuivre ces agissements, et ce, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification de la présente décision et pendant six mois,

- Condamne la société Doc'up à payer à la société Frama France la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice subi,

- Dit qu'en cédant et en utilisant les données clients de la société Doc'up transmises au moyen du serveur Framaonline, aux fins notamment d'envoi de lettres circulaires et de démarchage de la clientèle de la société Doc'up, ainsi qu'en tentant de débaucher son personnel, les sociétés Frama Ag et Frama France ont commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Doc'up,

- Fait défense aux sociétés Frama Ag et Frama France de poursuivre ces agissements, et ce, sous astreinte solidaire de 1.000 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification de la présente décision et pendant six mois,

- Condamne in solidum les sociétés Frama Ag et Frama France à payer a la société Doc'up la somme de 60.000 euros a titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

- Rejette la demande fondée sur l'atteinte aux droits de producteur d'une base de données, ainsi que la demande aux fins d'annulation du contrat de licence d'utilisation de données du 1er août 2016,

- Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision,

- Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Par ordonnance du 8 octobre 2019, un médiateur a été désigné, mais les parties ne sont pas parvenues à un accord.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Il résulte de la déclaration d'appel de la société Doc'up du 30 avril 2019 que 'l'appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d'appel la décision entreprise, en ce qu'elle a :

'- Condamné in solidum les sociétés Frama Ag et Frama France à payer à la société Doc'up la somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, déboutant la société Doc'up du surplus de ses demandes,

- Rejeté la demande de la société Doc'up fondée sur l'atteinte aux droits de producteur d'une base de données, ainsi que la demande aux fins d'annulation du contrat de licence d'utilisation de données du 1er août 2016 et débouté en conséquence la société Doc'up de ses demandes de réparation à ce titre.'

Il s'en déduit que la cour n'est saisie d'aucune demande sur le fondement du brevet, ni sur la matérialité de la contrefaçon de brevet ni sur le montant indemnitaire alloué en réparation à ce titre.

Il résulte également de la déclaration d'appel que le chef du jugement ayant reconnu la matérialité de la contrefaçon par la société Doc'up de la marque internationale Frama n°603522 n'est pas contestée, les sociétés Frama ayant seulement formé un appel incident sur le quantum alloué à ce titre.

Sur la recevabilité des demandes de la société Doc'up au titre de la concurrence déloyale au regard du protocole transactionnel du 17 juin 2019

Les sociétés Frama soutiennent qu'aux termes du protocole transactionnel conclu en Suisse le 17 juin 2019, la société Doc'up, à laquelle a été versée en exécution dudit protocole une somme de 200 000 francs suisse, s'interdisait de mener une action contre elles sur les mêmes fondements; que la demande sur le fondement de la concurrence déloyale liée à la transmission et à l'utilisation de données est identique à celle pour laquelle les parties ont transigé, de sorte que cette demande est irrecevable.

La société Doc'up oppose que la transaction exclut expressément la présente procédure devant la cour ; que la demande transigée concerne la violation du contrat de distribution par Frama Ag alors que la présente instance concerne les actes de concurrence déloyale de Frama Ag et Frama France, ainsi que les atteintes aux droits à la base de données revendiqués par Doc'up ; qu'il n'y a donc ni identité de faute ni identité de préjudice.

Aux termes de l'article 2052 du code civil, la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.

En l'espèce, il est constant que la société Frama France, partie à la présente instance et à l'encontre de laquelle sont formées des demandes sur le fondement de la concurrence déloyale, n'était pas partie à la transaction, de sorte que les demandes formées à son encontre ne sont pas irrecevables.

En outre, le protocole transactionnel du 17 juin 2019 stipule : '1. Le demandeur [Frama Ag] s'engage à payer au défendeur CHF 200'000.00 dans un délai de 30 jours pour solde de toutes les créances réciproques relatives aux matières en litige dans la procédure HG 17 131 (y compris la demande reconventionnelle HG 17 170). (...)

Aucune action ne peut être intentée pour les mêmes objets du litige, ni en Suisse ni à l'étranger, notamment en France.

2. Toutefois, la déclaration de solde visée au paragraphe 1 ci-dessus n'affecte pas les procédures en cours entre les parties en France, notamment la procédure en cours devant la cour d'appel de Paris sous le numéro 29/09451".

Il s'ensuit que le protocole transactionnel conclu en Suisse le 17 juin 2019 entre la société Frama Ag et la société Doc'up exclut expressément la présente procédure, de sorte qu'aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée sur le fondement dudit protocole.

La demande d'irrecevabilité de ce chef sera donc rejetée.

Sur la recevabilité des demandes indemnitaires de la société Doc'up sur le fondement de la concurrence déloyale

Les sociétés Frama prétendent, sur le fondement de l'article 562 du code de procédure civile, que la déclaration d'appel de Doc'up ne vise au titre de la concurrence déloyale que le quantum du jugement ; que certaines fautes alléguées au titre de la concurrence déloyale ne font pas l'objet de l'appel de sorte que la société Doc'up est irrecevable à réclamer une indemnisation de ces chefs.

La cour rappelle que l'article 562 du code de procédure civile énonce : L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La cour rappelle que le dispositif du jugement dont appel énonce :

'- Dit qu'en cédant et en utilisant les données clients de la société Doc'up transmises au moyen du serveur Framaonline, aux fins notamment d'envoi de lettres circulaires et de démarchage de la clientèle de la société Doc'up, ainsi qu'en tentant de débaucher son personnel, les sociétés Frama Ag et Frama France ont commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Doc'up,

(...)

- Condamne in solidum les sociétés Frama Ag et Frama France à payer à la société Doc'up la somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,'

Ainsi qu'il a été rappelé, la déclaration d'appel de la société Doc'up du 30 avril 2019 indique :

'L'appel tend à faire réformer ou annuler par la Cour d'Appel la décision entreprise, en ce qu'elle a :

- Condamné in solidum les sociétés Frama Ag et Frama France à payer à la société Doc'up la somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, déboutant la société Doc'up du surplus de ses demandes ;

(...).'

Il se déduit de ces éléments, que le dispositif du jugement qui a 'Dit qu'en cédant et en utilisant les données clients de la société Doc'up transmises au moyen du serveur Framaonline, aux fins notamment d'envoi de lettres circulaires et de démarchage de la clientèle de la société Doc'up, ainsi qu'en tentant de débaucher son personnel, les sociétés Frama Ag et Frama France ont commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Doc'up' n'est pas critiqué par la société Doc'up, et que la cour est saisie par la société Doc'up seulement de demandes indemnitaires sur le fondement de la concurrence déloyale, de sorte que l'ensemble de ses demandes de ce chef sont recevables, sans préjudice de leur bien fondé qui sera examiné ci-après. Les sociétés Frama seront dès lors déboutées de leurs demandes d'irrecevabilité sur ce point.

Sur l'indemnisation au titre de la contrefaçon de marque commise par la société Doc'up

La société Frama Ag soutient avoir subi une perte de marge de 346 419 euros du 1er juin 2014 au 14 octobre 2016. Elle ajoute qu'il convient de tenir compte des économies d'investissements réalisées par la société Doc'up, ainsi que du fait que la contrefaçon a perduré postérieurement au jugement jusqu'en 2020, et demande en conséquence l'allocation d'une somme de 500 000 euros en réparation de son préjudice matériel, outre la somme de 80 000 euros au titre du préjudice moral engendré par la banalisation de la marque et l'atteinte à sa réputation du fait de l'utilisation de cassettes contrefaisantes de moindre qualité.

La société Frama France fait valoir que si Doc'up n'avait pas commis des actes de contrefaçon de cassettes, elle en aurait vendu davantage. Faisant valoir que l'activité de Frama France n'a débuté qu'en 2016, elle évalue sa demande en prenant en compte ce qu'aurait été la marge de la société Frama Ag du 1er février au 14 octobre 2016 et sollicite en conséquence la somme de 169 692 euros.

La société Doc'up fait valoir que le tribunal a tenu compte de la réparation allouée au titre de la contrefaçon de brevet ; que le préjudice causé par les contrefaçons des deux titres de propriété peuvent se confondre ; que le montant alloué ne peut dépasser le préjudice subi ; que les calculs sur les prétendues pertes de marge sont hypothétiques.

La cour rappelle que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a dit qu'en reconditionnant les cassettes compatibles avec les machines Ecomail, Powermail et Officemail, la société Doc'up a commis des actes de contrefaçon du brevet européen EP104 dont la société Frama Ag est titulaire, et en ce qu'il a dit qu'en faisant usage de la marque Frama pour la vente des cassettes reconditionnées sans l'autorisation de la société Frama Ag, la société Doc'up a également commis des actes de contrefaçon de la marque verbale internationale désignant la France Frama dont la société Frama Ag est titulaire, pas plus qu'en ce qu'il a prononcé des mesures d'interdiction de ces chefs.

La cour constate qu'une somme de 58 973,46 euros a été allouée à la société Frama Ag au titre de la contrefaçon de brevet, et que faute de tout autre document fiable et probant, ce montant a été évalué sur la base du bénéfice du contrefacteur.

La société Frama Ag, au soutien de sa demande au titre de la contrefaçon de marque, produit des estimations de pertes de marge qui ne sont pas certifiées par un commissaire aux comptes ou par un comptable, outre que le lien de causalité entre la commercialisation des cassettes reconditionnées et la baisse alléguée du chiffre d'affaires réalisé par la société Frama Ag avec la société Doc'up n'est pas établi, et ce d'autant que la société Frama Ag a créé en janvier 2016 une société concurrente à la société Doc'up et qu'elle a en conséquence, à compter de cette date, elle-même contribué à sa perte de chiffre d'affaires et de marge réalisés avec la société Doc'up.

Au vu de ces éléments, et tenant compte du fait qu'une somme de 58 973,46 euros a été allouée à la société Frama Ag au titre de la contrefaçon de brevet sur la base du bénéfice du contrefacteur, et que le préjudice doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit, le même préjudice ne pouvant être réparé deux fois, la cour approuve le tribunal qui a alloué à la société Frama Ag une somme de 1 000 euros au titre du préjudice matériel et de 5 000 euros au titre du préjudice moral résultant des actes de contrefaçon de marque. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

C'est sur la base des mêmes documents, encourant en conséquence les mêmes critiques liées notamment à l'absence de certification des chiffres avancés et de démonstration d'un lien de causalité entre la commercialisation par la société Doc'up de cassettes reconditionnées et la baisse alléguée du chiffre d'affaires réalisé par la société Frama Ag avec la société Doc'up, que la société Frama France sollicite une somme de 169 692 euros au titre de la réparation de son préjudice matériel résultant de la contrefaçon de marque.

En sa qualité de distributrice en France des cartouches Frama à compter de janvier 2016, la société Frama France a nécessairement subi un préjudice, fût-il seulement moral, qu'il convient d'évaluer compte tenu des faits de l'espèce à la somme de 2 000 euros. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation à ce titre de la société Frama France. La société Doc'up sera donc condamnée à payer à la société Frama France la somme de 2 000 euros au titre du préjudice subi du fait de la contrefaçon de marque.

Sur les actes de concurrence déloyale distincts invoqués à l'encontre de la société Doc'up

Les sociétés Frama font valoir que la société Doc'up a entretenu la confusion volontairement en indiquant 'Frama devient Doc'up' sur ses documents commerciaux et en utilisant 'Frama' comme nom commercial et pour désigner des produits.

Elles soutiennent que la société Doc'up a commis en outre des actes de dénigrement à l'encontre de Frama France en indiquant que son unique salarié a soustrait le fichier de clients de Doc'up et en dénonçant le comportement de Frama France auprès de la Poste.

Elles prétendent que le refus de la société Doc'up d'entretenir les machines de marque Frama ainsi que les menaces proférées envers les clients pour qu'ils abandonnent Frama constituent de nouveaux actes de concurrence déloyale.

Elles reprochent aussi l'usage par la société Doc'up du nom de domaine Framafrance.com pour rediriger les internautes vers son propre site.

La société Doc'up conteste l'ensemble de ces griefs.

C'est par de justes motifs approuvés par la cour que le tribunal, après avoir rappelé que la société Frama France a été créée en janvier 2016 et que postérieurement à cette date la société Doc'up a adressé à ses clients différents courriers dans lesquels elle indique que "Frama ou Frama France devient Doc'up", a jugé qu'une telle phrase, qui n'informe pas loyalement la clientèle mais crée au contraire une ambiguïté, est de nature à créer la confusion dans l'esprit de ladite clientèle et à la détourner de la société Frama France.

Le tribunal a également pertinemment relevé par des motifs que la cour adopte, qu'avant la création de la société Frama France, la société Innovacourrier devenue Doc'up exerçait sous l'enseigne "Frama", que cet usage ne pouvait être ignoré de la société Frama Ag, qui était à l'origine de la création de cette société Innovacourrier et lui était liée par un contrat de distribution exclusive, que cet usage explique la réservation du nom de domaine Framafrance.com par la société Doc'up, ainsi que l'indication de son siège social, qui ne sont donc pas fautifs, et que les faits incriminés de "redirection" ont cessé dès 2016, ce qui n'est pas contesté par les sociétés Frama.

Les courriers de quatre clients insatisfaits sont en outre insuffisants à caractériser un refus de la société Doc'up d'entretenir les machines à affranchir Frama qui résulterait d'une stratégie déloyale de la société Doc'up, de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que ce grief n'était pas caractérisé.

Les actes de dénigrement ne sont pas davantage caractérisés le tribunal ayant retenu à juste titre qu'un des courriers invoqués n'émane pas de la société Doc'up tandis que l'autre se borne à interroger la Poste sur la possibilité pour la société Frama France de distribuer un produit spécifique, une telle interrogation étant légitime dans ce contexte concurrentiel particulier, et en tout état de cause dénuée de tous propos dénigrants.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la société Doc'up a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Frama France en adressant à la clientèle des courriers mentionnant "Frama ou Frama France devient Doc'up ", et a débouté les sociétés Frama sur les autres griefs au titre de la concurrence déloyale.

Les mesures d'interdiction seront donc confirmées, tout comme la condamnation indemnitaire que le tribunal a justement appréciée à la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi par la société Frama France. Il doit également être approuvé en ce qu'il a débouté la société Frama Ag de ses demandes, le détournement incriminé se faisant au préjudice seulement de la société Frama France. Le préjudice étant ainsi suffisamment réparé, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de publication.

Sur l'atteinte aux droits du producteur de base de données invoquée par la société Doc'up

La société Doc'up prétend que la société Frama Ag héberge sur le serveur Framaonline la base de données clients dont elle est le producteur, la société Frama Ag n'en étant que le développeur agissant comme un sous-traitant aux fins de la télécollecte des données d'affranchissement de la clientèle de Doc'up. Elle ajoute qu'elle procède seule au rassemblement des données dans la base de données en alimentant le serveur Framaonline via le centre de pilotage qui héberge ses 8 228 références clients.

Elle prétend que la base de données est constituée de données sensibles car sur les 3,7 millions d'entreprises françaises, seulement 206 183 sont équipées de machines à affranchir parmi lesquelles 8 228 équipées de machines Frama ; qu'elle a consenti des efforts financier, matériel et humain substantiels pour cette base de données clients, et notamment le paiement des salaires et des charges des commerciaux à la recherche de nouveaux clients ; que depuis 2016 la société Frama Ag lui a facturé 1 366 467 francs suisses au titre de la réinitialisation chaque trimestre de chaque machine, des données de consommation et de la gestion des tarifs ; qu'elle a réalisé en outre de 2010 à 2015 plus de 605 000 euros d'investissements publicitaires.

La société Frama Ag soutient que Framaonline est un système informatique qu'elle a développé et conçu entièrement pour permettre l'enregistrement et la transmission de données essentielles à la facturation des affranchissements auprès de la Poste ; qu'elle en a le code source, qu'elle l'a amélioré dans une version 2 appelée FO2 pour laquelle elle a rédigé un guide d'utilisation qu'elle avait adressé à la société Doc'up dans le cadre du contrat de distribution ; que la société Doc'up est un simple utilisateur de cette base qui permet d'enregistrer les données essentielles à la facturation des affranchissements auprès de la Poste.

La cour rappelle que selon l'article L.112-3 du code de la propriété intellectuelle, une base de données est un recueil d''uvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre.

En outre, l'article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que le producteur d'une base de données, entendu comme la personne qui prend l'initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d'une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d'un investissement financier, matériel ou humain substantiel.

Par quatre arrêts du 9 novembre 2004 la CJUE est venue préciser les investissements à prendre en considération pour déterminer si le producteur pouvait ou non se prévaloir de ce droit sui generis.

Elle a ainsi précisé que la notion d'investissement lié à l'obtention du contenu de la base de données doit s'entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base, à l'exclusion des moyens mis en oeuvre pour la création même d'éléments. Elle rappelle que le but de la protection par le droit sui generis organisée par la directive est de stimuler la mise en place de système de stockage et de traitement d'informations existantes et non la création d'éléments susceptibles d'être ultérieurement rassemblés dans une base de données.

En l'espèce les dépenses effectuées par la société Doc'up relativement aux salaires de commerciaux en charge de prospection et de recherche de nouveaux clients contribuent à créer des données mais non à mettre en place un système de nature à stocker et traiter des informations existantes. Les sommes alléguées de ce chef ne peuvent pas dès lors être prises en compte pour justifier des investissements relatifs à la constitution d'une base de données.

De même les redevances que la société Doc'up a payées à la société Frama Ag correspondent aux frais d'utilisation du logiciel Framaonline et aux services de télécollecte assurés par la société Frama Ag, mais ne constituent nullement des investissements de présentation et d'organisation d'une base de données, ledit logiciel ayant été conçu par la société Frama Ag.

Enfin la société Doc'up invoque des montants de dépenses publicitaires sans aucune justification ni même allégation de la nature des dépenses ainsi réalisées et de leur lien avec la base de données litigieuse revendiquée.

Il s'ensuit que la société Doc'up ne justifie ni avoir pris l'initiative de la conception de la prétendue base de données ni avoir effectué des investissements substantiels pour sa constitution et sa présentation, de sorte que le tribunal doit donc être approuvé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Doc'up fondées sur l'atteinte aux droits de producteur de base de données.

Il sera dès lors également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Doc'up, également fondée sur son supposé droit de producteur de base de données dont il vient d'être jugé qu'il n'est pas établi, d'annuler le contrat de licence de Framaonline conclu entre la société Frama Ag et la société Frama France.

Sur les actes de concurrence déloyale reprochés aux sociétés Frama Ag et Frama France,

Les sociétés Frama prétendent que les circulaires envoyées par la société Frama France l'ont été à des clients extérieurs au fichier Doc'up ; qu'il convient de distinguer les données sommaires présentes sur Framaonline, servant à la collecte des informations utiles à la Poste, du fichier clients Doc'up comprenant d'autres informations commerciales sur le client ; qu'elle a eu recours à des prestataires extérieurs pour procéder à l'enrichissement du fichier ; que l'article 7.1 du contrat de distribution ne fait pas obstacle à la transmission par la société Frama Ag des données présentes dans le FO2 ; que l'utilisation de ce fichier est en outre licite conformément à l'article 11.3 dudit contrat de distribution qui stipule qu'en fin de contrat Frama pourra accéder à titre permanent et illimité aux données clients, de sorte qu'ayant notifié la fin de l'exclusivité en mars 2015 elle pouvait valablement avoir accès auxdites données.

S'agissant du prétendu débauchage de commerciaux, elles ont valoir qu'elles ont eu recours à une société extérieure de recrutement, la société Trigone, et qu'il n'est justifié d'aucune manoeuvre déloyale, les deux salariés n'étant en outre tenus d'aucune clause de non-concurrence.

S'agissant du prétendu démarchage de la clientèle de la société Doc'up, elles soutiennent qu'il s'agit d'un démarchage licite sans démonstration d'aucune déloyauté ; qu'il n'est pas justifié que les lettres ont été adressées à l'ensemble des clients de la société Doc'up.

La société Doc'up demande la confirmation du jugement en ce qu'il a dit qu'en cédant et en utilisant les données clients de la société Doc'up aux fins d'envoi de lettres circulaires et de démarchage de la clientèle, ainsi qu'en tentant de débaucher son personnel, les sociétés Frama Ag et Frama France ont commis à son encontre des actes de concurrence déloyale.

Elle soutient que l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce du 8 juillet 2016 a interdit à la société Frama France d'utiliser le fichier Framaonline pour ses diffusions commerciales ; que l'article 7.1 du contrat de distribution la liant à la société Frama Ag interdisait à cette dernière de divulguer les informations clients de la société Doc'up à une société tierce et ce même après la résiliation du contrat ; que les lettres circulaires adressées les 5 mai 2016 et 19 juillet 2017 à l'ensemble de la clientèle Doc'up rapportent la preuve de l'exploitation des données clients ; que le fait que la première lette a été adressée à l'avocat de Doc'up ainsi qu'à l'ancienne dénomination de la société démontre la diffusion à l'ensemble du fichier ; que le libellé de la lettre indiquant 'vous avez loué cette machine auprès de la société Doc'up' révèle qu'elle est destinée à la clientèle Doc'up ; que la seconde lettre a été adressée le 19 juillet 2017 après l'interdiction du juge des référés ; que le libellé de ladite lettre évoquant expressément Doc'up et les emails de sept clients se plaignant d'un démarchage téléphonique agressif démontrent qu'elle a été adressée à l'ensemble des clients du fichier Doc'up, et que ces démarchages systématiques génèrent de la confusion dans l'esprit de sa clientèle ainsi qu'il résulte des courriers des nombreux clients versés au débat.

Elle ajoute qu'alors qu'elle est autorisée par un agrément de la Poste toujours en vigueur à distribuer les systèmes à affranchir de marque Frama et que la société Frama France ne dispose pas de cet agrément, elle entretient la confusion auprès des clients Doc'up.

Elle ajoute que le débauchage de deux de ses salariés, M. [Z] et Mme [S], par l'intermédiaire d'une société de recrutement à laquelle elle a déjà recouru, est également déloyal.

C'est par de justes motifs approuvés par la cour que les premiers juges ont retenu que la transmission par la société Frama Ag à la société Frama France des données clients de la société Doc'up hébergées sur le serveur Framaonline, postérieurement à l'ordonnance du président du tribunal de commerce qui avait enjoint à la société Frama France de cesser d'utiliser le fichier Framaonline, était tout à la fois contraire aux usages loyaux du commerce et aux dispositions du contrat de distribution litigieux stipulant que chaque partie s'engage à tenir confidentielles et à ne pas divulguer à une tierce partie, notamment toutes les informations sur les clients fournies pendant la durée d'application du contrat et également après la résiliation du contrat.

Les sociétés Frama échouent en effet à démontrer la distinction entre les données des clients de la société Doc'up présentes sur le FO2 et les données du fichier clients de la société Doc'up, et ne justifient pas davantage avoir le droit d'utiliser ces données alors que l'article 7.1 du contrat de distribution conclu le 31 mai 2012 entre la société Frama Ag et la société Doc'up stipule expressément, ainsi que l'ont rappelé à juste titre les premiers juges, l'engagement de la société Frama Ag de ne pas divulguer à une tierce partie toutes les informations clients et ce même après la résiliation du contrat, c'est à dire même après la dénonciation de l'exclusivité visée à l'article 11.3 dudit contrat.

Les premiers juges ont dès lors pertinemment retenu que la société Frama Ag a ainsi divulgué à une société concurrente des données clients appartenant à la société Doc'up et fruit de son travail exclusif, et que la volonté de désorganisation de la société Doc'up est d'autant plus évidente que ce fichier a été utilisé par la société Frama France pour l'envoi de lettres circulaires.

Il résulte en effet tant du contenu de ces courriers évoquant expressément 'vous avez loué une machine auprès de la société Doc'up' que du fait qu'il a été reçu par l'avocat de la société Doc'up ainsi qu'à l'ancienne dénomination de cette société, que ces lettres circulaires ont été adressées par la société Frama France à l'ensemble du fichier clients de la société Doc'up. Les faits d'utilisation illicite et déloyale des données clients de la société Doc'up aux fins d'envois de lettres circulaires et de démarchage de la clientèle engendrant une confusion fautive sont donc caractérisés à l'encontre des sociétés Frama. Le jugement entrepris doit donc être confirmé sur ce point ainsi qu'en sa mesure d'interdiction de ce chef.

En revanche, le seul fait d'avoir mandaté une société de recrutement, laquelle a contacté des salariés de la société Doc'up en vue de leur proposer des postes à pourvoir par les sociétés Frama, est insuffisant à caractériser des actes de débauchage fautifs. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur l'indemnisation du préjudice du fait des actes de concurrence déloyale subis par la société Doc'up

La société Doc'up, pour justifier du quantum de son préjudice, verse au débat le rapport d'un cabinet Advisorem lequel a procédé à une estimation des quantités de consommables Frama vendues par la société Frama France en 2016 et 2017, et de celles que Frama France aurait été susceptible de vendre si elle n'avait pas disposé des données clients de Doc'up, et ce afin de calculer ainsi la marge manquée estimée entre 838 246 euros et 1 101 468 euros. Elle sollicite en conséquence la somme de 969 857 euros, outre la réparation des préjudices résultant du dénigrement, de la confusion entretenue, de la violence des méthodes commerciale et du débauchage des commerciaux qu'elle évalue à un montant additionnel de 120 000 euros soit un montant total réclamé de 1 089 857 euros.

Les sociétés Frama soutiennent que la société Doc'up reconnaît elle-même dans ses écritures une baisse en volume du nombre de plis affranchis entraînant une baisse des ventes de consommables; qu'elles ont répertorié 11 sites internets concurrents vendant à distance des consommables, alors que la société Doc'up était jusqu'au 1er juillet 2012 la seule entreprise autorisée à commercialiser des cartouches d'encre pour les machines à affranchir qu'elle louait; que Frama France n'a pas pu faire perdre une marge de 313 444 euros à Doc'up en 2016 alors qu'elle a réalisé cette année-là un chiffre d'affaires de 328 000 euros. Elle produit de son côté un rapport du cabinet d'expertise Bergeras critiquant les faiblesses et inexactitudes des estimations de perte de marge auxquelles la société Doc'up a procédé.

La cour observe que les estimations de perte de marge effectuées par la société Doc'up pour justifier du quantum de son préjudice ont insuffisamment pris en compte la libéralisation du marché ayant entraîné l'arrivée de nombreux concurrents, la tendance baissière des prix de vente et le fait que la société Doc'up, certes dans le contexte de retrait de son exclusivité, a choisi par elle-même de ne pas renouveler le contrat de distribution avec la société Frama. L'estimation du nombre de cartouches vendues par la société Frama du fait de l'utilisation du fichier Doc'up est également surévaluée, la société Frama ayant fait appel, en plus du fichier clients Doc'up qu'elle a déloyalement utilisé, à une société tierce ayant sa propre base de données.

La cour fait également sienne la critique du mode de calcul de la marge prétendument perdue en ce que le chiffre de 75 % de marge alléguée ne tient pas compte de tous les postes de charges et notamment des coûts de transport, de reconditionnement, de stockage et de frais de personnel, réduisant ainsi la marge de plus de 60%.

La cour constate enfin que le préjudice allégué par la société Doc'up, à savoir 969 857 euros pour les années 2016 et 2017, est plus élevé que le chiffre d'affaires réalisé par la société Frama France qui s'est élevé pour ces deux exercices à 775 578 euros, cet élément étant suffisant à démontrer l'exagération de l'évaluation.

La cour constate en outre que la société Doc'up, qui ainsi qu'il a été dit n'a formé son appel que sur le quantum du préjudice alloué au titre de la concurrence déloyale, ne peut demander aucune somme au titre du dénigrement, qui n'a pas été retenu par les premiers juges.

Sa demande d'indemnisation additionnelle au titre du débauchage de salariés, qui n'a pas été démontré et pour lequel le jugement a été infirmé, sera également rejetée.

La cour constate en outre que le quantum de 60 000 euros de demandes d'indemnisation additionnelles formées au titre de la confusion et de la violence des méthodes commerciales n'est ni explicité dans les écritures ni justifié par aucune pièce.

Au vu de ces éléments, et en tenant compte de ce que les sociétés Frama France et Frama Ag ont profité des données clients de la société Doc'up mais disposaient également d'une base de données acquise auprès d'une société tierce, du chiffre d'affaires réalisé par la société Frama France en 2016 et 2017, d'un taux de marge nette de 30 %, et d'un gain manqué pour la société Doc'up correspondant à 50% de cette marge, il y a lieu de fixer le préjudice subi par la société Doc'up du fait des actes de concurrence déloyale à un montant de 120 000 euros. Le jugement entrepris sera dès lors infirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Rejette les demandes d'irrecevabilité opposées par les sociétés Frama Ag et Frama France,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation de la société Frama France au titre de la contrefaçon de marque, en ce qu'il a a retenu le débauchage de personnel au titre des actes de concurrence déloyale commis par les sociétés Frama Ag et Frama France au détriment de la société Doc'up, ainsi que sur le montant alloué à la société Doc'up en réparation des préjudices subis du fait des actes de concurrence déloyale,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Doc'up à payer à la société Frama France la somme de 2 000 euros au titre du préjudice subi du fait de la contrefaçon de marque,

Condamne les sociétés Frama Ag et Frama France à payer à la société Doc'up la somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 19/09451
Date de la décision : 12/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-12;19.09451 ?
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