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12/10/2022 | FRANCE | N°15/09966

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 12 octobre 2022, 15/09966


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRET DU 12 OCTOBRE 2022



(n° 369 , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/09966 - N° Portalis 35L7-V-B67-BWKIC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 13/07594





APPELANTE



Madame [M] [J] [T] épouse [E]

née le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 17]
r>[Adresse 4]

[Localité 14]



Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

ayant pour avocat plaidant : Me Didier SITBON, avocat ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRET DU 12 OCTOBRE 2022

(n° 369 , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/09966 - N° Portalis 35L7-V-B67-BWKIC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 13/07594

APPELANTE

Madame [M] [J] [T] épouse [E]

née le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 17]

[Adresse 4]

[Localité 14]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

ayant pour avocat plaidant : Me Didier SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : C2472

INTIMEE

SCI SAM

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 443 866 553, représentée par son gérant, M; [I] [A]

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représentée par Me Elisabeth BEYNEY, avocat au barreau de PARIS, toque E1075

PARTIES INTERVENANTES

SAS 51 CHABROL

SAS immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 824 995 773

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par Me Arié ALIMI de la SELEURL Arié Alimi Avocat, avocat au barreau de PARIS, toque : E1899

SAS CHABROL

[Adresse 12]

[Localité 11]

DEFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre

Madame Muriel PAGE, Conseillère

Mme Nathalie BRET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT

ARRET :

- DEFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors du prononcé.

* * * * * * * * * * *

FAITS & PROCÉDURE

La société civile immobilière (SCI) Sam était propriétaire de l'immeuble situé [Adresse 7].

Mme [M] [T] épouse [E] (Mme [E]) est propriétaire du fonds situé au 47 de la même rue.

Suivant arrêté du 12 juillet 2010, le Maire de [Localité 15] a délivré à Mme [M] [E] un permis n° PC 075 110 09 V 0031 pour la construction d'un bâtiment de 2 à 5 étages d'habitation (10 logements créés) sur cour avec installation de panneaux photovoltaïques

(20 m²), la création d'un ERP de 5ème catégorie (salle commune), pour une SHON créée de 676 m².

Dans le cadre d'un référé préventif afin de faire constater l'état des avoisinants avant le démarrage des travaux, Mme [E] a obtenu la désignation d'un expert en la personne de M. [B] par ordonnance de référé du 9 décembre 2010. L'expert désigné a été remplacé par M. [U] [G] par ordonnance du 4 février 2011.

L'ouvrage litigieux a été construit et est adossé au mur pignon de l'immeuble appartenant à la SCI Sam. Se plaignant de ce que cette construction a totalement emmuré les 2 ouvertures existantes dans ce mur pignon au niveau du 1er étage de son immeuble, la SCI Sam a, par acte d'huissier du 27 mai 2013, assigné Mme [E] devant le tribunal aux fins d'obtenir réparation de son préjudice.

Par jugement du 24 mars 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

- condamné Mme [M] [T] épouse [E] à payer à la SCI Sam la somme de 180.000 € à titre de dommages-intérêts,

- débouté la SCI Sam de ses demandes au titre de la prise en charge de l'installation d'un système de ventilation et au titre de son préjudice esthétique,

- condamné Mme [M] [T] épouse [E] aux dépens, ainsi qu'à payer à la SCI Sam la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- rejette toute demande plus ample ou contraire formée par les parties.

Mme [M] [T] épouse [E] a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 18 mai 2015.

Suivant acte authentique du 10 février 2017, la SCI Sam a vendu son immeuble à la société par actions simplifiée 51 Chabrol. Cette dernière a revendu l'immeuble à la société par actions simplifiée Chabrol par acte notarié du 29 mars 2018.

Mme [T] épouse [E] a assigné en intervention forcée devant la cour la société par action simplifiée 51 Chabrol par acte du 20 février 2018 ainsi que la société par action simplifiée Chabrol par acte du 20 août 2018 remis à tiers présent au domicile.

La procédure devant la cour a été clôturée le 25 mai 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions en date du 24 mai 2022 par lesquelles Mme [M] [T] épouse [E], appelante, invite la cour, au visa des articles 9, 15, 16, 122, 784, 1021, 1202 et 1371 du code de procédure civile, 544, 676 et 677 du code civil et de la théorie des troubles anormaux de voisinage, à :

- juger la SCI Sam irrecevable dans toutes ses actions et demandes, fins et conclusions, dans son appel incident, à poursuivre la procédure, et à invoquer le bénéfice du jugement déféré,

- juger la SCI Sam, subsidiairement, mal fondée dans son appel incident,

- débouter la SCI Sam de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- juger la société 51 Chabrol irrecevable dans toutes ses actions et demandes, fins et conclusions, dans son appel incident, à poursuivre la procédure, et à invoquer le bénéfice du jugement déféré,

- juger la société 51 Chabrol, subsidiairement, mal fondée dans son appel incident,

- débouter la société 51 Chabrol de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- juger la société Chabrol irrecevable et mal fondée dans toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Chabrol de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il :

a retenu un prétendu trouble anormal de voisinage,

l'a condamné à payer à la SCI Sam la somme de 180.000€ à titre de dommages-intérêts,

l'a condamné aux dépens, ainsi qu' à payer la somme de 3.000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile,

a rejeté toutes ses demandes plus ample ou contraire,

- confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a :

qualifié les ouvertures de jours de souffrance

débouté la SCI Sam de ses demandes d'indemnisation afférentes aux prétendus système de ventilation et préjudice esthétique,

- juger que les signatures de la contre lettre sous seing privé du 26 janvier 2018 ne sont pas

vérifiées et authentifiées,

- juger que l'acte authentique du 10 février 2017, qui constate bien la subrogation au profit de la société 51 Chabrol dans la procédure en cours, vaut jusqu'à inscription de faux,

- juger que la contre lettre sous seing privé du 26 janvier 2018 ne lui est pas opposable,

- juger que la contre lettre du 26 janvier 2018, qui stipule que 'le maintien de cette procédure au bénéfice du vendeur est, pour ce dernier, une condition essentielle et déterminante de la vente comme ayant contribué directement à la détermination du prix de cession' est nulle en ce qu'elle emporterait, si le jugement était confirmé, augmentation du prix de cession stipulé dans l'acte authentique de vente du 10 février 2017,

Statuant à nouveau,

- constater que le même immeuble litigieux que la SCI Sam a vendu à la société 51 Chabrol pour un prix de 4.500.000€, par acte authentique du 10 février 2017, a été revendu un an après, par acte authentique du 29 mars 2018, par la société 51 Chabrol à la société Chabrol pour un prix de 8.000.000 €, soit 80% de plus, sans qu'il n'ait été fait les moindres travaux de réhabilitation et en parfaite connaissance de l'obturation des jours de souffrance,

- juger, en conséquence, que l'immeuble litigieux n'a subi aucune décote au moment de la vente le 10 février 2017 par la SCI Sam à la société 51 Chabrol, mais que c'est seulement la SCI Sam qui a accepté de vendre son immeuble à la société par actions simplifiée 51 Chabrol à un prix dérisoire, 50 % en dessous de sa valeur réelle,

- juger que la SCI Sam ne peut s'en prendre qu'à elle-même de cette situation ou se retourner éventuellement contre la société 51 Chabrol, son acquéreur, mais qu'elle ne saurait lui faire supporter les conséquences de cette situation dont elle est à l'origine et prétendre que l'immeuble aurait subi une décote en raison de l'obturation des jours de souffrance,

- juger que cela réduit à néant la thèse adverse sur une prétendue décote de l'immeuble du

fait des éléments invoqués dans la présente procédure,

- juger que les ouvertures litigieuses sont des jours qui ne peuvent fonder ni possession ni

prescription, qui ne font naître aucune servitude à la charge du fonds contigu et qui n'entraînent aucune restriction de son droit de propriété absolu,

- juger que l'obturation d'un jour ne crée pas un trouble anormal de voisinage, ne résultant que de l'exercice légitime du droit de propriété, et ne peut pas ouvrir droit à indemnisation,

- juger, à titre subsidiaire, qu'il n'existe pas, en tout état de cause en l'espèce, de trouble

anormal de voisinage ouvrant droit à indemnisation,

- juger, à titre très subsidiaire, que les demandes d'indemnisation adverses ne sont fondées ni dans leur principe, ni dans leur quantum non justifié et exorbitant,

- juger que le prix de vente de l'immeuble n'a subi aucune décote en fonction des éléments du présent litige,

- infirmer le jugement notamment, en ce qu'il l'a condamné à payer à la SCI la somme de 180.000 € au titre d'une prétendue perte de valeur vénale, outre une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- débouter la SCI Sam de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société 51 Chabrol de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société Chabrol de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner in solidum la SCI Sam et la société 51 Chabrol aux dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'à lui payer à la somme de 15.000 € par application de l'article 700 du même code ;

Mme [T] épouse [E] n'a pas signifié ces dernières conclusions à la société Chabrol ;

Vu les conclusions en date du 9 mai 2022 par lesquelles la société civile immobilière Sam, intimée ayant formé appel incident, invite la cour, au visa des articles 9, 15, 16, 122, 783 et 784 du code de procédure civile, 544 et 690 du code civil et du principe général du droit de la théorie des troubles de voisinage, à :

- écarter le caractère de contre-lettre de l'acte rectificatif sous seing-privé du 26 janvier 2018,

- déclarer l'acte rectificatif sous seing privé du 26 janvier 2018 valable et opposable aux tiers,

- déclarer qu'elle a donc toujours qualité à agir, celle-ci ayant été régulièrement subrogée par la société 51 Chabrol, acquéreur de l'immeuble litigieux, dans les droits et actions de cette dernière concernant la présente procédure,

En conséquence,

- débouter Mme [E] de sa demande d'irrecevabilité des actions, demandes et appel incident,

- l'a déclaré recevable et fondée en ses actions, demandes, fins et conclusions,

- considérer que la construction édifiée par Mme [E] constitue à son égard, subrogée par le propriétaire de l'immeuble situé [Adresse 7], un trouble anormal de voisinage à raison de la perte significative de lumière et d'ensoleillement affectant le local commercial situé au premier étage,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

considéré que Mme [E], propriétaire du fond, lui a causé un trouble anormal de voisinage,

condamner Mme [E] au paiement de dommages-intérêts à son profit en réparation de son préjudice né de la perte de valeur de bien immobilier,

Statuant à nouveau,

- porter le montant des dommages-intérêts en réparation de la perte de valeur locative et vénale à la somme de 211.287 €,

- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a qualifié les ouvertures de jours de

souffrance et l'a débouté de ses demandes d'indemnisation liées à la nécessité d'installer un système de ventilation dans les locaux concernés et à l'aspect désormais très inesthétique du local, ces éléments ayant l'un et l'autre entraîné une décote du prix de vente de l'immeuble,

- condamner Mme [E] au paiement des sommes suivantes :

16.741,44 € correspondant au coût des travaux d'installation d'un système de ventilation,

30.000 € en réparation du préjudice esthétique résultant de l'emmurement des ouvertures,

- débouter Mme [E] de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [E] aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 10.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date 19 mai 2022 par lesquelles la société par actions simplifiée 51 Chabrol, intervenante forcée, invite la cour, au visa des articles 31 et 122 du code de procédure civile, à :

A titre principal,

- constater l'intérêt et la qualité à agir de la SCI Sam,

En conséquence,

- ordonner sa mise hors de cause,

- débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- accueillir la SCI Sam dans l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

A titre infiniment subsidiaire, par extraordinaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que Mme [E], propriétaire du fond, a causé un trouble anormal de voisinage et ordonné la réparation du préjudice subi,

Statuant à nouveau,

- porter le montant des dommages-intérêts en réparation de la perte de valeur locative et vénale à la somme de 211.287 € à son profit,

- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a qualifié les ouvertures de jours de

souffrance et débouté la SCI Sam de ses demandes d'indemnisation liées à la nécessité d'installer un système de ventilation dans les locaux concernés et à l'aspect désormais très inesthétique du local, ces éléments ayant l'un et l'autre entraîné une décote du prix de vente de l'immeuble,

- condamner Mme [E] à lui payer :

16.741,44 € correspondant au coût des travaux d'installation d'un système de ventilation,

30.000 € en réparation du préjudice esthétique résultant de l'emmurement des ouvertures,

- débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- condamner Mme [E] aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à lui payer la somme de 10.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE,

La société par actions simplifiée Chabrol n'a pas constitué avocat ; il sera statué par défaut ;

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Sur la recevabilité des demandes de la SCI Sam

Mme [E] demande de déclarer la SCI Sam irrecevable en ses actions et demandes, dans son appel incident, à poursuivre la procédure et à invoquer le bénéficie du jugement déféré ;

Le 10 février 2017 la SCI Sam a vendu son immeuble du [Adresse 7] à la société par actions simplifiée 51 Chabrol au prix de 4.500.000 € (pièce SCI Sam n° 52) ;

Aux termes de l'acte authentique de vente du 10 février 2017, entre la SCI Sam, vendeur, et la SAS 51 Chabrol, substituée à la SCI Foncière du Panthéon, acquéreur, il est stipulé :

- page 18 :

'Il n'existe aucune procédure en cours intentée contre ou par le locataire, ni de litige ou contestation à quelque titre que ce soit, à l'exception de la procédure ayant donné lieu à une décision du tribunal de grande instance de Paris en date du 24 mars 2015. L'acquéreur déclare avoir parfaitement connaissance de cette procédure et vouloir en faire son affaire personnelle' ...

- page 19 :

Le vendeur subroge dès à présent, et par la signature des présentes, l'acquéreur dans tout ses droits, actions et privilèges à l'égard de toutes personnes, relativement aux biens objet des présentes et notamment à l'égard du locataire occupant ou de ses ayants cause ou ayants droits et aussi à l'égard des tiers pour tous faits, mêmes antérieurs aux présentes, de sorte que l'acquéreur puisse disposer, dès à présent, desdits droits, actions et privilèges sans restriction ni réserve et notamment les faire valoir en justice et notamment pour poursuivre la procédure qui a donné lieu à la décision du tribunal de grande instance de Paris du 24 mars 2015';

Or, dans la promesse authentique de vente du 7 septembre 2016 (pièce SCI Sam n° 53), il avait été convenu l'inverse entre les parties à la vente ; il avait en effet été prévu que la SCI Sam ferait son affaire personnelle, à ses frais, de la présente procédure, tant à son profit qu'à sa perte et ce, sans recours contre le société Foncière du Panthéon, les conséquences de cette procédure lui restant acquises ;

C'est ainsi que dans la promesse authentique de vente du 7 septembre 2016, il est stipulé que : 'le bénéficiaire subrogera le promettant dans tous ses droits actions et privilèges à l'égard de toutes personnes, relativement aux biens, objets des présentes et notamment à l'égard du locataire occupant ou de ses ayants causes ou ayants droits et aussi à l'égard des tiers pour tous faits, mêmes antérieurs aux présentes, de sorte que le promettant pourra disposer desdits droits, actions et privilèges sans restriction ni réserve et notamment de les faire valoir en justice et notamment pour poursuivre la procédure qui a donné lieu à la décision du tribunal de grande instance de Paris en date du 24 mars 2015' ;

La SCI Sam et la SCI Foncière du Panthéon ont signé, concomitamment à la promesse de vente, un protocole d'accord sous signature privée ayant pour objet de préciser l'élément essentiel à l'accord des parties, à savoir que 'le prix de ladite promesse de vente a été déterminé en considération de l'état d'aménagement et de ventilation actuel de l'immeuble et spécialement au visa de l'insuffisance notable de luminosité et d'aération du local situé au 1er étage liée à l'emmurement des deux menuiseries existantes dans le mur pignon côté [Adresse 5] et de l'inesthétisme de ces obstructions' (pièce SCI Sam n° 48) ;

Ce protocole d'accord conclut : 'il est expressément convenu entre les parties que le promettant fera son affaire personnelle, et à ses frais, de la procédure actuellement en cours, tant à son profit qu'à sa perte et ce, sans recours contre le bénéficiaire. Toutes les conséquences de cette procédure et notamment toute créance en résultant (gain du procès, remboursement de frais de procédure par la partie adverse et autre) restera acquise au promettant' ;

Ce protocole d'accord sous seing privé du 7 septembre 2016 n'est pas une contre lettre, mais un acte complémentaire à la promesse authentique destiné à préciser les conditions et motifs de la poursuite de la procédure par la SCI Sam qui voulait se réserver la possibilité de se faire indemniser du préjudice résultant de la perte de valeur de l'immeuble, ce que confirme la société 51 Chabrol dans ses conclusions ;

Le problème vient de ce que l'acte réitératif de vente régularisé le 10 février 2017 dit exactement le contraire ;

La SCI Sam soutient qu'une erreur a été commise par le notaire rédacteur de l'acte de vente, lequel a confondu les termes 'vendeur' et 'acquéreur' sur le sujet de la subrogation relative à la poursuite de la procédure en dépit des clauses de subrogation et de substitution expressément stipulées dans la promesse authentique et que les parties à l'acte n'ont pas relevé cette coquille, convaincues que celui-ci reprenait purement et simplement les termes de la promesse signée quelques mois auparavant ;

Lorsqu'elles ont pris connaissance de cette erreur, à l'occasion de l'irrecevabilité soulevée par Mme [E], la SCI SAM et la société 51 Chabrol ont établi un acte dit 'rectificatif' sous seing privé, le 26 janvier 2018, visant à rétablir la réalité de leur accord par deux fois exprimée, ce que confirme la société 51 Chabrol dans ses écritures ;

L'acte rectificatif est ainsi rédigé :

'Les parties déclarent qu'il a été indiqué à tort et par erreur, les clauses ci-après relatées

par extrait, savoir :

- I -

En page 18 de l'acte de vente reçu par Maître [N] [V], notaire à [Localité 16], le 10

février 2017 :

(')

Par ailleurs, le vendeur déclare :

- Qu'il n'existe à cet égard, aucun obstacle à la réalisation des présentes ;

- Qu'il n'existe aucune procédure en cours intentée contre ou par le locataire, ni de litige ou de contestation à quelque titre que ce soit, à l'exception de la procédure ayant donné lieu à une décision du tribunal de grande instance de Paris en date du 24 mars 2015. L'acquéreur déclare avoir parfaite connaissance de cette procédure, et vouloir en faire son affaire personnelle.

(')

II -

En page 19 de l'acte de vente reçu par Maître [N] [V], notaire à [Localité 16], le 10 février 2017 :

(')

Le vendeur subroge dès à présent, et par la signature des présentes, l'acquéreur dans tous ses droits, actions et privilèges à l'égard de toutes personnes, relativement aux biens

objet des présentes et notamment à l'égard du locataire occupant ou de ses ayants-causes ou ayants-droits et aussi à l'égard des tiers pour tous faits, même antérieurs aux présentes, de sorte que l'acquéreur puisse disposer, dès à présent, desdits droits, actions et privilèges sans restriction ni réserve et notamment les faire valoir en justice et notamment pour poursuivre la procédure qui a donné lieu à la décision du tribunal de grande instance Paris en date du 24 mars 2015.

(')

Ceci exposé, il est passé à l'acte rectificatif objet des présentes en vue de réparer les erreurs et omissions constatées dans l'acte ci-dessus énoncé.

Acte rectificatif

En vertu des pouvoirs susvisés, les parties attestent qu'il y a lieu de rectifier la vente sus analysée et plus particulièrement les clauses ci-dessus relatées, insérées en page 18 et 19

dudit acte de la manière suivante :

En page 18, il y a lieu de lire :

(')

Par ailleurs, le vendeur déclare :

- Qu'il n'existe à cet égard, aucun obstacle à la réalisation des présentes ;

- Qu'il n'existe aucune procédure en cours intentée contre ou par le locataire, ni de

litige ou de contestation à quelque titre que ce soit, à l'exception de la procédure ayant donné lieu à une décision du tribunal de grande instance de Paris en date du 24 mars 2015 que le vendeur déclare vouloir faire son affaire personnelle, ce que l'acquéreur reconnaît.

(')

En page 19, il y a lieu de lire :

(')

Le vendeur déclare avoir diligenté une action indemnitaire à l'encontre du propriétaire de

l'immeuble adossé audit mur pignon, à l'origine de cet emmurement.

Suivant jugement en date du 24 mars 2015, le tribunal de grande instance de Paris, 6ème chambre, 1ère section, a considéré que l'obturation des ouvertures causait un trouble anormal de voisinage et a donc condamné la propriétaire de la construction litigieuse à payer au vendeur, la somme de 180.000 € en réparation de la perte de valeur de l'immeuble, outre la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure est actuellement pendante devant la cour d'appel de Paris, le vendeur sollicitant de porter le montant des dommages intérêts alloués en première instance en réparation de la perte de valeur locataire et vénale à la somme de 211.287 € et de condamner, en sus, le propriétaire à l'origine des troubles à la somme de 16.741,44 € à titre de prise en charge des travaux d'installation d'un système de ventilation outre celle de 30.000 € en réparation du préjudice esthétique résultant de l'emmurement des ouvertures concernées et 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a été expressément convenu entre les parties, lors de la signature de la promesse de vente reçue par Maître [N] [V], notaire à [Localité 16], le 7 septembre 2016 et réitérée par un protocole sous seing privé du même jour, que le vendeur fera son affaire personnelle, à ses frais, de la procédure actuellement en cours tant à son profit qu'à sa perte et ce sans recours contre l'acquéreur. Toutes les conséquences de cette procédure et notamment toute créance en résultant (gain du procès, remboursement de frais de procédure par la partie adverse et autre) restera acquise au vendeur, le maintien de cette procédure au bénéfice du vendeur étant, pour ce dernier, une condition essentielle et déterminante de la vente, comme ayant contribué directement à la détermination du prix de cession.

Par conséquent de ce qui précède, l'acquéreur subroge dès à présent, et par la signature des présentes, le vendeur dans tous ses droits, actions et privilèges à l'égard de toutes personnes, relativement aux biens objet des présentes et notamment à l'égard du locataire occupant ou de ses ayants-causes ou ayants-droits et aussi à l'égard des tiers pour tous faits, même antérieurs aux présentes, de sorte que le Vendeur puisse disposer, dès à présent, desdits droits, actions et privilèges sans restriction ni réserve et notamment les faire valoir en justice et notamment pour poursuivre la procédure qui a donné lieu à la décision du tribunal de grande instance Paris en date du 24 mars 2015' (pièce SCI Sam n° 55 : acte rectificatif du 26 janvier 2018) ;

Il résulte de cet acte rectificatif dépourvu de toute ambiguïté que la SCI Sam est bien subrogée dans les droits et actions de l'actuel propriétaire de l'immeuble relativement à la présente procédure ;

Cette clause de subrogation est valable comme étant conforme aux termes de la promesse authentique de vente et du protocole d'accord sous seing privé, tout deux datés du 7 septembre 2016 ; elle confirme que l'acte authentique de vente est entaché d'une erreur purement matérielle, ce que la société 51 Chabrol, qui sollicite sa mise hors de cause à titre principal, ne conteste pas ;

La SCI Sam a donc aussi bien qualité et intérêt à agir contre Mme [E] en réparation de son préjudice personnel en raison de troubles antérieurs à la vente, le préjudice constitué ici par la dévaluation de l'immeuble et la perte de chance de vendre l'immeuble à un prix supérieur ;

L'acte sous seing privé du 26 janvier 2018 ne constitue pas davantage une contre lettre, laquelle suppose une simulation, c'est-à-dire la volonté des parties à l'acte de créer une fausse apparence ; la finalité recherchée de l'acte rectificatif du 26 janvier 2018 est de rectifier une erreur matérielle ; il vient confirmer la réelle intention des parties à la vente inchangée depuis l'origine, à savoir que la SCI Sam conserve le bénéfice, ou la perte, de son action intentée contre Mme [E] en réparation du trouble anormal de voisinage qui lui fait subir un préjudice constitué par la dévaluation de l'immeuble et la perte de chance de le vendre à un prix supérieur ;

Par ailleurs, l'acte rectificatif ne dit pas que l'acte de vente serait un faux mais simplement que ce dernier contient une erreur matérielle ; l'article 1371 du code civil invoqué par Mme [E] n'est pas applicable ;

Enfin, dès lors que l'acte sous seing privé du 26 janvier 2018 se limite à rectifier une erreur matérielle constatée par les parties dans l'acte sans opérer de novation, il est opposable aux tiers ;

La demande d'irrecevabilité de Mme [E] doit donc être rejetée ;

La société 51 Chabrol doit être mise hors de cause ;

Sur la qualificationjuridique des ouvertures litigieuses

Tout comme en première instance, la SCI Sam soutient à titre principal que les deux ouvertures ayant été bouchées du fait de la construction de l'immeuble appartenant à Mme [E] constituent des vues et non des jours de souffrance ; en égard à l'ancienneté de ces ouvertures dont elle se prévaut, elle estime avoir acquis par prescription trentenaire une servitude de vue sur le fonds voisin ; elle soutient que l'immeuble édifié par Mme [E] engendre pour elle un trouble possessoire indemnisable ;

Mme [E], qui sollicite confirmation du jugement sur ce point, fait valoir que les ouvertures litigieuses constituent des jours de souffrance et non des vues, notamment au regard de leur hauteur par rapport au sol ; elle en déduit que la SCI Sam ne peut se prévaloir de l'acquisition d'une servitude de vue limitant le caractère absolu de son droit de propriété sur son fonds ;

La condition essentielle d'un servitude de vue réside dans la possibilité de regarder, sans effort particulier, de manière constante et normale, sur le fonds voisin ;

Il ressort des pièces versées aux débats que les deux ouvertures litigieuses comportent chacune deux ouvrants oscillo-battants et sont divisées côté intérieur par une barre métallique verticale ; situées dans une embrasure de 29 cm d'épaisseur intérieure et hautes de 91 cm à l'intérieur du dormant, leur partie inférieure est située à l,90 m du sol selon un rapport de M. [K] produit par la SCI Sam et à 1,99 cm du sol selon la note aux parties n°7 de l'expert judiciaire (ce dernier a ajouté 9 cm correspondant à l'épaisseur du parquet mis en place par le locataire de la SCI Sam) ;

Les premiers juges ont exactement relevé qu'au regard de ces seules constatations matérielles, il ne saurait être considéré que les ouvertures litigieuses puissent donner lieu à une servitude de vue, dans la mesure où il ressort des termes du courrier adressé à la SCI Sam par M. [O], architecte, et que celle-ci verse aux débats que la vue sur l'héritage voisin suppose de se hisser sur une estrade ou un marchepieds, quelle que soit la hauteur de la partie inférieure par rapport au sol (1,90 cm ou 1,99 cm) ;

Les premiers juges ont justement retenu que la hauteur de ces ouvertures interdisant toute vue directe et constante sans effort particulier sur le fonds voisin pour des personnes de taille habituelle, seule la qualification de jour de souffrance peut leur être attribuée, quand bien même les conditions des articles 676 et 677 du code civil ne sont pas réunies ;

Le débat sur une éventuelle prescription acquisitive se trouve donc sans objet ;

Le jugement doit donc être confirmé sur ce point ;

Sur le trouble anormal de voisinage

La SCI Sam fait valoir que l'obstruction des deux ouvertures litigieuses est constitutive d'un trouble anormal de voisinage en raison de la perte significative de lumière et d'ensoleillement qu'elle provoque ;

Mme [E] réplique que le fait d'obstruer un jour ne saurait par principe être constitutif d'un trouble anormal de voisinage dès lors qu'il ne s'agit que de la manifestation de son droit absolu de propriété et, subsidiairement, que les conditions nécessaires à la mise en jeu de sa responsabilité sur ce fondement ne sont pas réunies ;

Le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l'obligation qu'il a de ne pas causer à la propriété d'autrui de dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage ;

Comme l'a dit le tribunal, contrairement aux vues, les jours ne permettent pas d'acquérir par prescription une servitude de vue et ils n'entraînent donc pas par principe de restriction au droit de propriété du voisin ;

Néanmoins, ce principe ne saurait faire obstacle à la possibilité obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de l'obstruction même non fautive d'un jour, dès lors que celui qui s'en prévaut démontre que cette obstruction a eu pour lui des conséquences excédant les inconvénients normaux du voisinage ;

Il ressort des pièces versées aux débats que les locaux concernés par l'obturation des jours de souffrance sont d'une superficie d'environ 120 à 150 m², constitués d'une grande pièce à usage 'd'open space', d'un bureau cloisonné aveugle face à l'entrée et d'un autre bureau cloisonné et vitré à l'angle du local ; outre les jours obstrués, le local est pourvu de trois fenêtres 'grand jour' ouvrant sur la cité d'Hauteville, situées pour les deux premières dans le bureau vitré et pour la troisième au niveau de l'espace cafétéria de 'l'open space' et qui sont toutes d'une hauteur et d'une largeur comprise entre 1,50 m et 1,6 m ; les locaux sont occupés à titre de locaux d'activité dans le domaine de l'édition, la production et la distribution pour l'audiovisuel par la société Happy End, titulaire d'un bail commercial ;

Il ressort également des pièces communiquées et il n'est pas contesté que l'un des murs de l'immeuble construit par Mme [E] est accolé au mur pignon du bâtiment appartenant à la SCI Sam et a pour effet de murer totalement les deux ouvertures litigieuses situées côté est, empêchant tout passage de lumière et toute possibilité d'aération par leur biais ;

La société Sam verse aux débats un constat en date du 21 novembre 2012 dans lequel l'huissier indique que ' les ouvrants étant murés, je constate que ce local ne contient que peu de luminosité' ; elle produit également un courrier établi par M. [O], architecte, dans lequel il mentionne que l'obturation des deux ouvertures est de nature à diminuer d'un tiers la luminosité du local ;

La SCI Sam produit un rapport de M. [W] [K] intitulé 'mesures d'éclairement' ; bien qu'établi non contradictoirement comme le relève Mme [E], il n'en demeure pas moins que son contenu est susceptible d'être utilisé dès lors qu'il ne constitue pas le seul élément de preuve communiqué par la SCI Sam au soutien de ses prétentions et qu'il a été soumis à la contradiction ;

M. [K] a estimé, sans que ses constatations ne soient discutées, que la surface totale d'éclairement des locaux après obturation des jours est de 11,25 m², soit 7 m² de la surface au sol des locaux, soit un pourcentage inférieur à la norme d'éclairement réglementaire qui est de 10% ; il a également relevé qu'au niveau des fenêtres obturées, l'éclairement était de 2 lux, les valeurs d'éclairement minimales étant comprises pour les locaux affectés au travail entre 120 et 500 lux selon leur destination spécifique ;

L'expert judiciaire, M. [G], n'avait pas jugé utile de confier à M. [S] [D] une étude pour définir la perte d'ensoleillement pour l'immeuble du [Adresse 7], comme il l'avait fait pour les immeubles des [Adresse 6], [Adresse 8], [Adresse 13] et [Adresse 1], dans la mesure où, pour l'immeuble du [Adresse 7], il considérait que 'la perte d'éclairage était de 100 % après la condamnation de deux ouvertures existant dans le mur pignon côté [Adresse 5]' (pièce SCI Sam n° 8 : note aux parties n° 7) ;

Devant la cour la SCI Sam et Mme [E] produisent de nouvelles pièces ;

C'est ainsi que Mme [E] verse aux débats une étude d'ensoleillement et d'éclairement du 27 juillet 2015 de la société Positherm (pièce n° 10), la SCI Sam communique en réponse un rectificatif du 25 août 2015 au rapport de M. [K] (pièce n° 37), une étude d'ensoleillement et d'éclairement par le cabinet [D] Environnement du 9 septembre 2015 (pièce n° 33) et Mme [E] produit une note en réponse du 5 novembre 2015 de la société Positherm (pièce n° 18) ;

L'étude de la société Positherm sur laquelle Mme [E] fonde son appel, a pris pour postulat de départ qu'au 1er étage de l'immeuble du [Adresse 7] 'les niveaux d'éclairement moyen avant construction [de l'immeuble du 47 de la même rue] étaient très faibles et que l'usage de l'éclairage artificiel était obligatoire dans la situation initial du local avant fermeture des jours de souffrance' ; elle conclut : 'suite à cette étude et étant donné que la pièce ne possédait pas une bonne répartition de la lumière avant l'obstruction des menuiseries, il est remarquable que la différence de résultat d'éclairement est très minime. Les valeurs avant ou après la construction de l'immeuble en mitoyenneté sont en effet très inférieure aux seuils recommandés. L'utilisation de l'éclairage artificiel, avant construction de l'immeuble, était donc obligatoire pour respecter le code du travail, situation que l'obstruction des menuiseries n'a pas changé' ;

Il doit être remarqué en premier lieu que la société Positherm ne connaît pas les lieux et ne s'y est pas déplacé, contrairement à M. [K] et au cabinet [D] Environnement, dont l'intervention n'avait pas été considérée comme nécessaire par l'expert judiciaire, mais qui a finalement réalisé une étude d'ensoleillement et d'éclairement à la demande de la SCI Sam le 9 septembre 2015 (pièce SCI Sam n° 34) ;

En second lieu, tant le postulat de départ que les conclusions de la société Positherm sont contraires aux constatations faites sur place de M. [O], M. [K] et du procès verbal de constat d'huissier du 21 novembre 2012 (pièces SCI Sam n° 10, 19 et 22) desquelles ressort la réalité de la perte sensible d'ensoleillement et de luminosité du fait de l'obstruction des deux jours de souffrance causé par la construction de l'immeuble du [Adresse 5] ;

Cette perte d'ensoleillement et de luminosité est encore confirmée au terme de l'étude du cabinet [D] Environnement du 9 septembre 2015 (pièce SCI Sam n° 33) qui a été faite en partie sur place ; l'étude relève que les deux menuiseries qui ont été obstruées par la construction de l'immeuble mitoyen du [Adresse 5] bénéficiaient auparavant d'un plus large ensoleillement direct que les fenêtres restantes donnant sur la cité d'Hauteville, pénalisée par le vis-à-vis ; selon l'étude, le facteur de lumière de jour (FLJ) a diminué de 32 % depuis l'obturation des deux jours de souffrance pour l'ensemble du local, et de 50 % pour la partie 'open space' du local qui en constitue la plus grande partie ; s'agissant de l'autonomie en lumière de jour, elle a diminué de 97 % pour l'open space ; l'étude relève qu'il n'est plus possible de se passer d'éclairage artificiel pour obtenir un niveau d'éclairement de 300 lux qui est le niveau généralement recommandé pour des bureaux dans lesquels un travail sur écran est prévu ; avant l'obstruction des menuiseries, l'utilisation de l'éclairage artificiel n'était nécessaire qu'en hiver ; l'étude conclut à une dégradation significative de l'apport en lumière naturelle du local étudié ; elle souligne en particulier que 'l'espace open space est désormais très sombre : seul un éclairage artificiel permet d'atteindre les niveaux d'éclairement recommandés dans le cadre d'un travail sur écran, l'éclairage naturel étant devenu très largement insuffisant...' ;

Ces nouvelles analyses, à l'exception de l'étude de la société Positherm, inopérante en raison du postulat de départ erroné et de l'absence de visite sur place, ne font en réalité que confirmer les éléments soumis au tribunal ;

Les premiers juges ont ainsi exactement relevé qu'il est établi, tant au vu du premier rapport de M. [K] (pièce SCI Sam n°22), que le constat d'huissier et du courrier de M. [O] qu'une partie significative des locaux de la SCI Sam est, du fait de l'obturation des jours litigieux, privée d'une lumière naturelle suffisante que la présence des trois fenêtres restantes ne suffit pas à compenser ; comme l'a dit le tribunal, il ne peut être sérieusement considéré qu'une organisation différente de l'espace de travail suffirait à faire cesser le trouble allégué dès lors que les photos versées aux débats démontrent l'exiguïté du 'coin cafétéria', qui bénéficie d'un éclairage naturel, au regard de la partie de l'open space qui en est désormais largement privée ;

Les premiers juges ont justement retenu que s'agissant de locaux à usage professionnel et alors qu'aux termes de l'article R.4223-3 du code du travail 'les locaux de travail disposent autant que possible d'une lumière naturelle suffisante', la SCI Sam démontre que l'obturation des deux jours de souffrance du fait de l'édification d'un immeuble sur le fonds de Mme [E] lui occasionne un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage ;

Le fait que le présent litige s'inscrive dans le cadre d'un environnement très urbanisé impliquant nécessairement la possibilité de devoir subir des pertes d'ensoleillement en raison de la construction de nouveaux bâtimentn'a pas pour effet de rendre acceptable la perte significative de luminosité des locaux telle que caractérisée au cas d'espèce ;

De même, le fait que le code du travail n'interdise pas formellement les postes de travail en zone aveugle est inopérant dès lors que la perte d'éclairement constitue en elle-même un trouble dont l'ampleur suffit à le qualifier d'anormal pour son propriétaire, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la conformité des locaux aux règles du code du travail en matière d'hygiène et de sécurité ;

En outre, le fait que la SCI Sam soit également propriétaire des locaux du 2ème étage de l'immeuble et les loue à usage commercial sans se plaindre d'un quelconque trouble est également inopérant dès lors que rien ne démontre que les conditions d'éclairement soient identiques aux locaux du 1er étage ;

Enfin, Mme [E] se prévaut de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 10 décembre 2013 qui a rejeté la requête en annulation du permis de construire formulée par la SCI Sam ; cet arrêt est sans influence dans le présent litige dans la mesure où le juge administratif a été saisi d'une demande d'annulation de permis de construire sur le fondement d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article UG.7.1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) ; la cour administrative d'appel a, au visa de ces dispositions, jugé que la baisse de luminosité résultant de la suppression des deux fenêtres ne constituait pas une atteinte grave aux conditions d'habitabilité de l'immeuble de nature à invalider le permis délivré, mais elle n'a pas statué sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage ; le fait que le juge administratif ait relevé que les bureaux en cause n'étaient pas privés de tout éclairage et qu'il n'était pas démontré que ceux-ci ne pourraient plus remplir leur usage, au sens de leur habitabilité, n'écarte pas l'existence d'un trouble anormal de voisinage consécutif à l'obstruction des ouvrants, les deux notions étant différentes ;

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que Mme [E], propriétaire du fonds causant un trouble anormal de voisinage à celui de la société Sam, est responsable de plein droit du préjudice subi par cette dernière et doit le réparer ;

Sur le préjudice indemnisable

Sur la perte de valeur locative et vénale

La SCI Sam fait valoir que la perte de luminosité et d'ensoleillement a entraîné une décote significative de la valeur locative et vénale de l'immeuble et sollicite à ce titre devant la cour condamnation de Mme [T] épouse [E] à lui payer la somme de 211.283 €, sur la base d'un rapport postérieur au jugement de la société Hebert Expertise du 11 septembre 2015 (pièce n° 34) ; ;

Mme [T] épouse [E] soutient que le bien n'a subi aucune dépréciation du fait de la valeur de l'obturation des ouvertures puisqu'à l'issue d'un bail précaire consenti à la société Happy End, elle s'est vue consentir un bail commercial classique pour un loyer supérieur ; elle produit une évaluation de la société BNP Real Estate (pièce n° 11) ;

Cependant, la société BNP Real Estate a réalisé son évaluation sans visite des locaux, et ne fait aucune mention de la luminosité perdue ; elle estime la valeur vénale libre des locaux à 600.000 € hors droit, 640.000 € droits compris ;

La société BNP Real Estate retient donc une évaluation du local au prix du marché du bureau, sans appliquer de pondération, ce qui fausse la valeur réelle ; c'est ainsi que le local a été évalué en considération d'une luminosité correcte, ce qui n'est pas le cas comme il a été vu, c'est-à-dire avec une configuration incluant les trois orientations Est sud et Ouest autrefois existantes ; il est à noter que cette valorisation est comparable à celle réalisée par la société Habitat & Patrimone avant obturation des ouvertures ;

En première instance, la société Sam a versé aux débats un rapport d'estimation de son bien réalisé par l'agence immobilière Habitat & Patrimoine qui considère que sa valeur vénale, calculée par capitalisation à partir d'une estimation de la valeur locative, est actuellement de 417.000 € contre 600.000 € si les ouvertures litigieuses n'avaient pas été murées (pièce SCI n° 12) ;

Ce rapport, après examen du local et de la situation géographique, mentionne un revenu

locatif annuel brut pour ce local de 36.000 €, soit 300 € le m² et fait également état d'une perte de valeur de l'immeuble de 183.000 € du fait de 'la perte de luminosité résultant de la suppression des châssis' ;

Cette perte de valeur est confirmée par le Cabinet Hebert Expertise dans son rapport établi le 11 septembre 2015 après visite intérieure des locaux ; il effectue, pour l'espace situé à plus de 6 m d'une baie vitrée, une pondération à 0,5 à hauteur de 77,60 m² du local (surface brute) soit une surface nette retenue pour cette partie du local de 38,80 m² compte tenu de l'absence de lumière naturelle ; la surface utile pondérée (SUE) des locaux s'établit à 80,80 m²pour une surface utile totale de 119,60 m² correspondant à une décote de 32,44 % ; il observe que l'éclairage naturel de cette zone était tout à fait satisfaisant avant construction ; l'évaluation après décote fait ressortir une valeur locative de marché s'élevant à 350 €/m² UP HT-HC par an, supérieur au loyer actuel et donc une valeur vénale du bien fixée à 440.000 € après décote, hors droits, soit une valeur avant décote de 651.283 € laissant apparaître une perte de valeur actuelle de 211.283 € ;

Le rapport d'estimation établi en septembre 2017 par la société Cushmann & Wakefield valorisant la totalité de l'immeuble, à la somme de 6.671.734 € hors droits, versé aux débats par Mme [E] (pièce n°24) ne peut être retenu puisque seul est en cause le 1er étage de l'immeuble du [Adresse 7] ;

Mme [E] fait encore valoir que l'immeuble ayant été revendu par la société 51 Chabrol en mars 2018 au prix de 8.000 000 €, la dévalorisation du bien ne serait pas démontré ;

Toutefois, il s'agit encore de la vente de la totalité de l'immeuble et l'état de ce dernier au moment de cette vente n'est pas connu, ni les motifs qui ont déterminé la fixation du prix de vente ; ce moyen est inopérant ;

Les premiers juges ont justement retenu que l'appréciation du préjudice par la perte de valeur vénale du bien calculée à partir de sa valeur locative, tel que proposé par la société Habitat Patrimoine, apparaît cohérente s'agissant de locaux donnés à bail commercial ;

Compte tenu de la similitude entre les évaluations de la société Habitat & Patrimoine et BNP Real Estate concernant les locaux du 1er étage avant obturation des jours de souffrance, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné Mme [E] à payer à la SCI Sam la somme de 180.000 € ;

Sur le coût des travaux d'installation d'un système de ventilation

La SCI Sam sollicite la condamnation de Mme [E] à lui payer la somme de 16.741,44 € correspondant à l'installation d'un système de ventilation justifié selon elle par le fait que l'obturation des jours ne lui permet plus d'aérer correctement les lieux ;

Néanmoins, comme l'a dit le tribunal, s'il a été statué que la perte de luminosité constituait pour la SCI Sam un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, aucune pièce versée aux débats ne tend à établir la réalité d'un défaut d'aération des lieux en raison de l'obturation des deux jours et donc la nécessité de faire poser un système de ventilation spécifique, et ce d'autant que 3 fenêtres peuvent encore être ouvertes ;

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Sam sera de sa demande d'installation d'un système de ventilation spécifique ;

Sur le préjudice esthétique

La société Sam sollicite l'octroi d'une somme de 30.000 € en raison de son préjudice esthétique tenant selon ses dires à la vision de la fenêtres murée ; les premiers juges ont exactement relevé que si les désagréments provoqués par la perte de luminosité de la pièce doivent être indemnisés, la simple vision d'une fenêtre obstruée par une paroi n'est pas de nature à provoquer une gêne esthétique justifiant l'octroi d'une indemnité distincte, surtout s'agissant d'une société civile immobilière, personne morale ;

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Sam de cette demande

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

Mme [E], partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer les la sommes supplémentaires suivantes par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel :

- à la société civile immobilière Sam : 7.000 €

- à la société par actions simplifiée 51 Chabrol : 3.000 € ;

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par Mme [E] ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, par défaut,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [M] [T] épouse [E] de sa demande de juger la SCI Sam irrecevable dans toutes ses actions et demandes, fins et conclusions, dans son appel incident, à poursuivre la procédure, et à invoquer le bénéfice du jugement déféré ;

Déclare la société civile immobilière Sam recevable en ses demandes ;

Met hors de cause la société par actions simplifiée 51 Chabrol ;

Condamne Mme [M] [T] épouse [E] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer les sommes supplémentaires suivantes par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel :

- à la société civile immobilière Sam : 7.000 €

- à la société par actions simplifiée 51 Chabrol : 3.000 € ;

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/09966
Date de la décision : 12/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-12;15.09966 ?
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