REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 10 OCTOBRE 2022
(n° 435 , 4 pages)
N° du répertoire général : N° RG 22/00442 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGNBL
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Septembre 2022 -Tribunal judiciaire de BOBIGNY (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 22/06836
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 06 Octobre 2022
Décision réputée contradictoire
COMPOSITION
Agnès MARQUANT, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,
assisté de Mélanie THOMAS, greffier lors des débats et du prononcé de la décision
APPELANT
LE PRÉFET DE LA [Localité 7]
demeurant [Adresse 1]
non comparant, non représenté,
INTIMÉ
M. [M] [L] (Personne ayant fait l'objet des soins)
né le 05/08/1975 à INCONNU
demeurant [Adresse 3]
Ayant été hospitalisé à l'EPS de [Localité 8]
non comparant représenté par Me Anne-Laure LACOSTE, avocat commis d'offic au barreau de Paris,
LIEU D'HOSPITALISATION
EPS DE [Localité 8]
demeurant [Adresse 2]
non comparant, non représenté,
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme Brigitte RAYNAUD, avocate générale,
DÉCISION
Par arrêté du préfet de [Localité 7] en date du 09 septembre 2022 pris après arrêté du maire d' [Localité 5] du 08 septembre 2022 , M [M] [L] a été admis en soins psychiatriques sans consentement à l' EPS de [Localité 8]. La mesure s'est poursuivie de fait sous forme d'hospitalisation complète au sein de l'unité de psychiatrie du Service d' Accueil d' Urgence du centre hospitalier [4], jusqu'au 12 septembre 2022 ,date de la fugue du patient .
Par requête du 15 septembre 2022 , M. Le préfet de [Localité 7] a saisi le juge des libertés et de la détention de Bobigny aux fins de poursuite de la mesure.
Par ordonnance du 20 septembre 2022, le juge des libertés et de la détention de Bobigny a ordonné la levée de la mesure.
Par déclaration du 29 septembre 2022 enregistrée au greffe le même jour, le préfet de [Localité 7] a interjeté appel de la dite ordonnance.
Les parties ont été convoqués à l'audience du 06 octobre 2022.
L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, en audience publique.
A l'appui de son recours, la représentante de la préfecture de [Localité 7] demande l'infirmation de la décision. Elle conteste la motivation du premier juge sur la motivation insuffisante de l'arrêté de maintien du placement en hospitalisation sous contrainte, faisant valoir que la mention relative au trouble à l'ordre public ne serait exigée qu'au seul stade de l'admission et non du maintien de la mesure.
Le ministère public sollicite oralement l'infirmation de la décision pour le même motif que la préfecture.
Par conclusions transmises le 30 septembre 2022 à 17h15 et oralement, le conseil représentant M. [M] [L] sollicite la confirmation de l'ordonnance.
Le directeur de l'EPS de [Localité 8], convoqué à l'audience n'a pas comparu, ne s'est pas fait représenter. Il a fait part par courriel du 05 octobre 2022 à 16h de l'impossibilité de faire parvenir un certificat médical de situation, le patient ayant fugué avant de pouvoir être accueilli dans son établissement.
MOTIFS,
En application de l'article L. 3213-2 du code précité , en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire et, à [Localité 6], les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'admission en soins psychiatriques dans les formes prévues à l'article L. 3213-1.
L'article L. 3213-1 du Code de la santé publique dispose que le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
(...)
II.-La saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée de l'avis motivé d'un psychiatre de l'établissement d'accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète.
Selon l'article L. 3211-12-4 du même Code, lorsque l'ordonnance mentionnée au même premier alinéa a été prise en application de l'article L. 3211-12-1, un avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète est adressé au greffe de la cour d'appel au plus tard quarante-huit heures avant l'audience.
Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen de la personne malade, le psychiatrede l'établissement d'accueil doit établir un avis médical sur la base du dossier médical.
En vertu de l'article L. 3211-12-4 du code la santé publique, « l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application des articles L.3211-12 ou L. 3211-12-1 est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué. Le débat est tenu selon les modalités prévues à l'article L. 3211-12-2, à l'exception du dernier alinéa du I. »
L'article L. 3211-12-2 prévoit, en son deuxième alinéa, qu' « à l'audience, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est entendue, assistée ou représentée par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office. Si, au vu d'un avis médical motivé, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à son audition, la personne est représentée par un avocat dans les conditions prévues au présent alinéa. »
L'article R. 3211-8 ajoute que « devant le juge des libertés et de la détention et le premier président de la cour d'appel, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques
est assistée ou représentée par un avocat. Elle est représentée par un avocat dans le cas où le magistrat décide, au vu de l'avis médical prévu au deuxième alinéa de l'article L. 3211-12-2, de ne pas l'entendre. Les autres parties ne sont pas tenues d'être représentées par un avocat. »
Il ressort de l'article R. 3211-12 5 o, b) que l'avis indiquant les motifs médicaux qui feraient obstacle à l'audition du patient doit émaner d'un psychiatre ne participant pas à la prise en charge de la personne.
Le principe est donc l'audition par le juge de la personne faisant l'objet des soins psychiatriques, la dispense d'audition devant reposer sur des motifs médicaux y faisant obstacle ou une circonstance insurmontable.
En l'espèce, suite à la fuite de M [M] [L] , suivie de la levée de la mesure par l'ordonnance querellée, son absence de lieu de résidence certain compte-tenu des pièces contradictoires en procédure, constitue une circonstance insurmontable faisant obstacle à sa comparution à l'audience.
C'est tort que l'appelant soutient que la condition relative au trouble à l'ordre public ne serait exigée qu'au seul stade de l'admission et non du maintien de la mesure d'hospitalisation sous contrainte.
En l'espèce, l'arrêté préfectoral d'admission qui se référe au certificat médical circonstancié du 08 septembre 2022 répond aux exigences de l'article L3211-2-3. L'arrête de maintien du 12 septembre 2022 qui ne fait pas mention de troubles mentaux compromettant la sureté des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public s'appuie sur le certificat médical des '72 heures' établi le 11 septembre 2022 qui décrit les troubles mentaux et le caractère menaçant avec l'équipe soignante à son arrivée du patient lequel indique commettre des vols dans l'espoir d'être incarcéré . Le premier juge a dûment considéré cette irrégularité faisait grief au patient par une motivation qu'il convient d'adopter.
L'absence de production d'un avis médical en appel, en application des dispositions précitées, malgré la demande de la cour effectuée auprès de l'EPS de [Localité 8] ne permet pas non plus à la juridiction d'effectuer un constat que les conditions de maintien en soins psychiatriques contraints demeurent réunies et notamment que la personne souffre encore de troubles mentaux compromettant la sureté des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public.
L' irrégularité de la procédure qui porte atteinte aux droits du patient justifie la levée de la mesure , au visa de l'article L. 3216-1 du code précité.
Il convient dans ces conditions de rejeter le moyen soulevé et de confirmer l'ordonnance.
PAR CES MOTIFS,
Le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, par décision réputée contradictoire, rendue par mise à disposition,
CONFIRMONS l'ordonnance attaquée,
LAISSONS les dépens à la charge de l'État.
Ordonnance rendue le 10 OCTOBRE 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 10 octobre 2022 par fax à :
X patient à l'hôpital
et X par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
' tiers par LS
X préfet de police
' avocat du préfet
' tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d'appel de Paris