REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 10 OCTOBRE 2022
(n° 434, 4 pages)
N° du répertoire général : N° RG 22/00441 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGNBH
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Septembre 2022 -Tribunal judiciaire de CRETEIL (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 22/03767
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 06 Octobre 2022
Décision contradictoire
COMPOSITION
Agnès MARQUANT, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,
assisté de Mélanie THOMAS, greffier lors des débats et du prononcé de la décision
APPELANT
Monsieur [S] [F] (Personne faisant l'objet des soins)
né le 10/08/1974 à [Localité 4] (ANGOLA)
demeurant [Adresse 2]
Actuellement hospitalisé à l'Hôpital de [Localité 7]
comparant en personne assisté de Me Anne-Laure LACOSTE, avocat commis d'office au barreau de Paris,
INTIMÉ
M. LE PRÉFET DE POLICE
demeurant [Adresse 3]
non comparant, représenté Me Jules GIAFFERI, du cabinet Centaure Avocats, avocat choisi au barreau de Paris
LIEU D'HOSPITALISATION
HOPITAL DE [Localité 7]
[Adresse 1]
non comparant, non représenté,
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme Brigitte RAYNAUD, avocate générale,
DÉCISION
Par arrêté de M. le préfet de police de [Localité 6] en date du 17 septembre 2022 à 16h58, M. [E] a été admis en soins psychiatriques sans consentement. La mesure s'est poursuivie sous forme d'hospitalisation complète jusqu'à ce jour à l'hôpital [Localité 7].
Par requête reçue au greffe le 22 septembre 2022, M. le préfet de police de [Localité 6] a demandé qu'il soit procédé au contrôle de la mesure par le juge des libertés et de la détention de Créteil.
Par ordonnance du 28 septembre 2022, le juge des libertés et de la détention de Créteil a ordonné la poursuite de la mesure.
Par courriel du 29 septembre 2022 enregistré au greffe le même jour, M. [E] a interjeté appel de la dite ordonnance.
Les parties ont été convoqués à l'audience du 06 octobre 2022.
L'audience s'est tenue au siège de la juridiction, publiquement.
A l'appui de son recours, M. [E] demande l'infirmation de la décision, contestant les circonstances de son interpellation,faisant valoir notamment qu'il se trouvait en possession d'un couteau pour sa sécurité mais qu'il ne se serait pas montré violent. Il souhaite sortir de l'établissement psychiatrique.
Son conseil sollicite l'infirmation de l'ordonnance, par conclusions transmises le 03 octobre 2022 à 18h18 et soutenues oralement, soulevant l'irrégularité de la procédure, tirée du justificatif de défaut de la notification de la décision d'admission et des voies de recours accompagnant la requête préfectorale.
La préfecture de police de [Localité 6] par l'intermédiaire de son conseil demande par conclusions transmises le 05 octobre 2022 à 14h06 reprises oralement le rejet des demandes de l'appelant et la confirmation de l'ordonnance.
L'avocate générale sollicite oralement le rejet du moyen soulevé par l'appelant et la confirmation de la décision.
M. [E] a eu la parole en dernier.
Le directeur de l'hôpital [Localité 7] avisé de l'audience n'a pas comparu.
MOTIFS,
L'article L. 3213-1 du Code de la santé publique dispose que le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
Selon l'article L. 3211-12-1 du même Code, en sa rédaction applicable à l'espèce, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'Etat dans le département ou par le directeur de l'établissement de soins, n'ait statué sur cette mesure, avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission.
En cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine
Sur le moyen tiré du défaut de notification tardive de la décision d'admission et des voies de recours.
Il résulte de l'article L. 3211-3, b) du code de la santé publique que toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques contraints est informée le plus rapidement possible, d'une manière appropriée à son état de la décision d'admission et dès l'admission ou aussitôt que son état le permet, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1.
L'article R. 3211-10 du code de la santé publique prévoit que le juge des libertés et de la détention est saisi par requête datée, signée, transmise par tout moyen et comportant l'exposé des faits et son objet. Elle doit est accompagnée des pièces prévues à l'article R. 3211-12 du même code ou de tout autre certificat ou avis médical utile, afin que le juge statue.
Le juge doit être en mesure de contrôler la situation du patient ainsi que les décisions qui s'y rapportent non à la date de sa saisine mais à la date où il statue, en sollicitant au besoin la communication de tous autres éléments lui apparaissant utiles.
Il résulte des pièces du dossier, que les parties ont été avisées en application de l'article R.3211-13 de la possibilité de consulter au greffe de la juridiction les pièces du dossier mentionnées à l'article R. 3211-12 ou à défaut pour la personne hospitalisée d'y avoir accès dans l'établissement où elle séjourne et qu'en application des mêmes dispositions, le greffe délivre une copie de ces pièces aux avocats qui en font la demande.
M. [E] qui ne démontre pas l'absence au dossier de la notification de l'arrêté préfectoral du 17 septembre 2022 et des voies de recours au jour où les parties ont pu le consulter et en tout état de cause avant que le juge n'ait statué, n'est pas fondé à prétendre à la mainlevée de la mesure de soins au seul constat que ce document n'accompagnait pas la requête saisissant le juge.
Au visa de l'article L 3216-1 du code de la Santé Publique, le défaut de justificatif de l'obligation d'informer le patient dès son admission qui se rapporte à l'exécution de la mesure d'hospitalisation sans consentement est sans influence sur la légalité de la mesure d'hospitalisation et ne peut justifier de ce seul fait la mainlevée de la mesure à défaut d'une atteinte portée aux droits de la personne malade, objectivement appréciée.
Au surplus, si atteinte était portée et démontrée, celle-ci ne pourrait qu'être appréciée au regard du droit de l'intéressé à ce que sa santé et son intégrité physique soient protégées, y compris contre sa volonté.
M. [E] limite son argumentation à prétendre avoir subi une atteinte à ses droits du fait du défaut de notification à compter de l'admission de la notification des décisions prises par le directeur de l'établissement, sans caractériser objectivement l'atteinte dont il se prévaut.
En l'espèce, il est justifié en procédure que la notification de l'arrêté préfectoral du 17 septembre 2022 et des voies de recours à M. [E] est intervenue à la date du 21septembre 2022. Toutefois, le patient a refusé de signer le document de notification qui lui a bien été remis avec la copie de la décision sur laquelle figure l'information sur les modalités de l'appel.
Aucune atteinte aux droits n'est donc constituée.
Le moyen doit être écarté.
Sur la poursuite de la mesure.
Il résulte de la procédure et des certificats médicaux et notamment du certificat médical de situation établi le 04 octobre 2022 par le Docteur [P] que l'hospitalisation de M [E] fait suite à un trouble du comportement avec hétéro-agressivité envers les usagers des transports publics à la gare du [5] et des forces de l'ordre lors de leur intervention. Il a menacé avec un couteau les passants et proféré des insultes racistes envers les policiers. Le Docteur [P] constate lors de son examen que le patient est plus calme avec un amendement de l'excitation psychomotrice initiale. En revanche, la critique des troubles reste très partielle. Il est conclu à la nécessité de la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète pour permettre son transfert dans l'établissement dont dépend son domicile en vue de l'organisation d'un cadre de soins satisfaisant.
Eu égard à l'ensemble des éléments médicaux figurant à la procédure, M. [E] présente encore des troubles dont il n'a pas totalement conscience et a encore besoin d'un cadre strict pour s'apaiser et mettre au point un traitement adapté qu'il pourra ensuite suivre dans un cadre ambulatoire.
L'ensemble des documents médicaux et des pièces de la procédure démontrent que la prise en charge de M. [E] est conforme aux dispositions légales et ne suscite aucune critique sur le respect des droits du patient. Il est également justifié que le maintien des soins psychiatriques contraints avec hospitalisation complète constitue une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état du malade qui souffre encore de troubles mentaux compromettant la sureté des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public.
Ces éléments justifient la poursuite de cette mesure d'hospitalisation complète sous contrainte.
Il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.
PAR CES MOTIFS,
Le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, par décision réputée contradictoire, rendue par mise à disposition,
CONFIRMONS l'ordonnance du 28 septembre 2022 du juge des libertés et de la détention de Créteil,
LAISSONS les dépens à la charge de l'Etat.
Ordonnance rendue le 10 OCTOBRE 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 10 octobre 2022 par fax à :
X patient à l'hôpital
ou/et ' par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
' tiers par LS
X préfet de police
X avocat du préfet
' tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d'appel de Paris