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06/10/2022 | FRANCE | N°22/02800

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 06 octobre 2022, 22/02800


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 06 OCTOBRE 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02800 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGDR



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Janvier 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/57911





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 9], prise en la personne de Madame la Maire de [

Localité 9], Mme [G] [T], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 8]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Fabienne DELECROIX de l'ASSOCIATION DELECRO...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 06 OCTOBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02800 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGDR

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Janvier 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 19/57911

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 9], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 9], Mme [G] [T], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Fabienne DELECROIX de l'ASSOCIATION DELECROIX GUBLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

INTIMEES

S.C.I. IMMOBILIERE COET NOHEN BRAZ (RCS de PARIS n°515 393 676)

[Adresse 5]

[Localité 4]

S.A.R.L. [Adresse 7] (RCS de PARIS n°482 533 379)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentées par Me Laurent POZZI-PASQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistées par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1735

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 août 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par exploit en date du 7 août 2019, la Ville de [Localité 9] a fait assigner la SCI Immobilière Coet Nohen Braz et la SARL [Adresse 7] devant le tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant l'appartement situé [Adresse 1]) (bâtiment A, 6ème étage, lot n°31).

Par ordonnance du 15 octobre 2019, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 9] dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3e, 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 9] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.

Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, la Ville de [Localité 9] demandait de voir :

' condamner in solidum la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] à payer à la Ville de [Localité 9] une amende civile de 50.000 euros,

' condamner in solidum la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] à payer à la Ville de [Localité 9] une amende de 5.000 euros,

' condamner in solidum la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] à payer à la Ville de [Localité 9] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' les condamner aux entiers dépens.

Les sociétés défenderesses demandaient le rejet des demandes, une exemption d'amende ou sa limitation à un euro, la condamnation de la Ville de [Localité 9] à leur verser 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, sans exécution provisoire.

Par ordonnance contradictoire du 17 janvier 2022, le magistrat saisi a :

- débouté la Ville de [Localité 9] de sa demande de condamnation à l'encontre de la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] au paiement d'une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- condamné in solidum la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] à payer une amende civile de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article L. 324-1-1 III du code du tourisme, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 9] ;

- condamné la société Coet Nohen Braz à payer à la Ville de [Localité 9] la somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société [Adresse 7] à payer à la Ville de [Localité 9] la somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] aux dépens ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 03 février 2022, la Ville de [Localité 9] a relevé appel de la décision en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de condamnation à l'encontre de la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] au paiement d'une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation.

Dans ses conclusions remises le 23 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de [Localité 9] demande à la cour, au visa des articles L. 631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation, de l'article 324-1 du code du tourisme, de :

- juger celle-ci recevable et bien fondée en son appel ;

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] à payer une amende de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article L. 324-1-III du code du tourisme et une somme de 750 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation à l'encontre de la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] au paiement d'une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- juger que la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] ont enfreint les dispositions des articles L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

en conséquence,

- condamner in solidum, la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] à lui payer une amende civile de 50.000 euros ;

- condamner la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] à lui payer chacune la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens.

La Ville de [Localité 9] soutient en substance :

- que lors d'une campagne de contrôle du 18 octobre 2018, elle a constaté que la société Coet Nohen Braz proposait cinq appartements à la location de courtes durées par l'intermédiaire de la société [Adresse 7], dont celui objet de la présente procédure sis [Adresse 1]) (lot 31) ;

- que le local sis [Adresse 1]), bâtiment A, 6ème étage, d'une surface de 42m², qui appartient à la société Coet Nohen Braz, est à usage d'habitation ;

- qu'en effet, il n'est pas contesté que, par arrêté du 25 janvier 1971, la société [Adresse 6] a été autorisée à édifier « un bâtiment de 11 étages à usage d'habitation commerces et garages » sur trois niveaux sur un terrain sis [Adresse 1] ;

- que les plans issus du permis de construire attestent que le sixième étage est entièrement à usage d'habitation ;

- que le tribunal ne pouvait exiger que ces plans mentionnassent les numéros de lots alors qu'à ce stade de la construction, l'état de division n'était pas établi ;

- que si tout le sixième étage a été construit à usage d'habitation, le lot 31 du sixième étage est de fait à usage d'habitation ;

- que le lot 31 objet de la procédure n'a pas changé d'affectation depuis sa construction ;

- qu'ainsi l'usage d'habitation est démontré pour des locaux construits à usage d'habitation postérieurement au 1er janvier 1970 ;

- que le bien litigieux n'est pas la résidence principale du loueur, celle-ci étant au [Adresse 5]) ;

- que la résidence principale de la société [Adresse 7] est au [Adresse 2]) ;

- qu'en outre, la taxe d'habitation est au nom de la société [Adresse 7] et que le logement est déclaré en résidence secondaire ;

- que le bien a fait l'objet de locations de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, par le biais du site de l'[Adresse 7] ;

- que l'établissement accueille des clients booking.com depuis le 21 janvier 2010 ;

- que le gain total estimé serait de l'ordre de 188.340 euros alors que le gain régulier aurait dû être de 67.759 euros ;

- qu'il convient donc de condamner la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] à lui payer une amende civile de 50.000 euros ;

- qu'il conviendra également de les condamner au paiement d'une amende de 2.000 euros au titre de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme faute de déclaration préalable soumise à enregistrement.

Dans leurs conclusions remises le 27 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] demandent à la cour, au visa des articles L. 631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation, de :

à titre principal,

- confirmer l'ordonnance en la forme des référés RG n°19/57911 du 17 janvier 2022 du tribunal judiciaire de Paris et rejeter les prétentions de la ville de Paris à leur encontre sur la base des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- confirmer que la ville de [Localité 9] est mal fondée dans sa demande en raison de l'absence de force probante des documents qu'elle produits constituant la base légale de l'assignation ;

en conséquence,

- confirmer l'ordonnance en la forme des référés RG n°19/57911 du 17 janvier 2022 du tribunal judiciaire de Paris en ce que celui-ci a débouté la ville de [Localité 9] dans l'intégralité de ses demandes à leur encontre ;

à titre subsidiaire, si par extraordinaire l'infraction présumée au changement d'usage était caractérisée,

- confirmer l'ordonnance en la forme des référés RG n°19/57911 du 17 janvier 2022 du tribunal judiciaire de Paris compte tenu de leur bonne foi, de leur diligences et de leur coopération ;

- confirmer que le montant de 50.000 euros au titre de l'amende civile est manifestement disproportionné et injustifié ;

en conséquence,

- confirmer l'ordonnance en la forme des référés RG n°19/57911 du 17 janvier 2022 du tribunal judiciaire de Paris, les exempter et rejeter les prétentions de la ville de Paris quant au paiement d'une amende ;

- si la cour devait entrer en voie de condamnation, alors les condamner au paiement d'une amende civile symbolique de 1 euro ;

à titre infiniment subsidiaire, si la cour ne trouve pas fondé la demande condamnation à un euro symbolique,

- condamner ceux-ci au paiement d'une amende civile dont la valeur ne pourrait excéder 3.000 euros ou toute somme que l'équité commandera ;

en tout état de cause,

- infirmer la décision du tribunal judiciaire de Paris en ce que l'équité ne commande pas que ceux-ci soient condamné au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme ;

- infirmer la décision du tribunal judiciaire de Paris en ce que l'équité ne commande pas que la société Coet Nohen Braz soit condamnée au paiement de la somme de 750 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la ville de [Localité 9] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des frais de procédure et des dépens.

La société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] soutiennent en substance :

- que la déclaration H2 est entachée d'irrégularités en ce qu'elle ne comporte aucune date, si ce n'est une date de souscription au 21 septembre 1975, en ce que le lot litigieux est localisé dans un bâtiment E lorsque le constat d'infraction fait mention d'un bâtiment A et en ce que les mentions relatives à l'occupation et la location du local sont vides de tout renseignement concret, qu'il n'est en effet retranscrit qu'un nom en lieu et place de l'occupant, les cases relatives au loyer sont barrées et, plus concret pour la cour, il y est expressément mentionné à la ligne « Loyer annuel au 1er janvier 1970, montant en principal : néant » ;

- qu'en outre, un certain nombre de composantes du balcon sont difficilement lisibles ; qu'ainsi, la mention d'un balcon, dont il est initialement retranscrit que celui-ci est bel est bien rattaché au lot litigieux, situé au sein du bâtiment E au sixième étage et d'une surface de 8m², écrite en bonne et due forme, puis barrée d'un trait horizontal, ne permet d'identifier clairement la surface dudit lot et d'en avoir un visuel d'ensemble ; qu'il en est de même pour la cave rattache au lot litigieux ;

- que par ailleurs, la présence d'un garage est difficilement vérifiable au regard de la qualité du formulaire ;

- qu'au surplus, les cases relatives à la désignation du propriétaire comportent plusieurs surcouches et ratures ;

- qu'enfin, la fiche modèle R ne comprend que des indications propres à la description de la localisation du lot litigieux, sans aucune indication au 1er janvier 1970 et qu'elle comporte également une date illisible ;

- qu'ainsi, la fiche H2 et les autres pièces produites par la ville de [Localité 9] ne prouvent pas l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 ;

- que si l'infraction présumée au changement d'usage devait être caractérisée, il sera demandé à la cour de prendre en considération la particularité de l'affaire pour fixer le montant de l'amende civile à la somme symbolique un euro ;

- qu'en effet, l'infraction présumée a cessé et qu'elles ont fait preuve d'une bonne foi et d'une coopération totale avec les services de la ville de [Localité 9].

SUR CE LA COUR

Sur le changement illicite de l'usage d'habitation (article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation)

L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par local irrégulièrement transformé.

Selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.

Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :

- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque dans le cadre de la législation fiscale permettant de préciser l'usage en cause ;

- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 9] a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation qui n'apparaît pas voir été respectée dans le cadre de la présente procédure.

En l'espèce, les parties s'opposent sur les éléments de preuve à apporter par la ville de ce que le local dont il s'agit est bien un local à usage d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.

Il est constant ici que le local a été construit postérieurement au 1er janvier 1970, de sorte qu'il est réputé avoir l'usage pour lequel la construction a été autorisée.

Dans ces conditions, il appartient ainsi à la Ville de [Localité 9] de démontrer l'usage d'habitation par la production du permis de construire ou de tout autre élément juridique, de nature à établir l'usage pour lequel la construction du local en cause a été autorisée.

Or, il sera constaté :

- que le certificat de conformité du 24 septembre 1976 (pièce 5) fait état de l'édification d'un bâtiment de 11 étages "à usage d'habitation, commerces et garages", de sorte que ce document n'établit pas spécifiquement que le bien litigieux est à usage d'habitation ;

- que, s'agissant du permis de construire (pièce 5), n'est en réalité produit au dossier qu'un plan des lieux au sixième étage, avec la mention générique, en haut à droite de ce plan, "Immeuble à usage d'habitation", alors même qu'il est constant que l'immeuble est à usage mixte, le plan n'apportant pas d'autre précision sur les locaux à usage d'habitation et sur les locaux pouvant être affectés à un autre usage ;

- que le reste des énonciations du permis de construire n'est pas versé aux débats ;

- que, dès lors, nonobstant la circonstance que le plan n'indiquait pas encore les numéros de lots à ce stade de la construction, la ville ne saurait arguer de ce que tout le sixième étage a été construit à usage d'habitation, ce qui ne résulte pas des pièces produites.

Aussi, il y a lieu de confirmer l'ordonnance du premier juge, en ce qu'il a considéré que le changement illicite de l'usage d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation n'est pas établi.

Sur le défaut de déclaration de la location d'un meublé de tourisme (article L.324-1-1 III du code du tourisme)

L'article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose notamment que :

II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.

Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986.

III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme.

La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.

IV.-Dans les communes ayant mis en 'uvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

La commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration.

V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros.

En l'espèce, les sociétés intimées ne contestent pas ne avoir déclaré la location du meublé de tourisme, puisqu'elles font valoir, ainsi qu'il résulte du dispositif de leurs écritures, que "l'équité" commanderait de ne pas les condamner.

La ville demande la confirmation de la décision entreprise sur ce point, en ce compris le quantum de la condamnation.

Il sera en toute hypothèse relevé, comme l'a indiqué le premier juge :

- que la délibération du conseil de [Localité 9] des 4, 5 et 6 juillet 2017 a entendu mettre en place le dispositif prévu par le code de tourisme ;

- que la sanction est entrée en vigueur le 25 novembre 2018, aux termes de la loi du 23novembre 2018 ;

- que le constat de l'agent de la ville établit l'existence d'annonces sur des sites de location de courte durée, un tableau récapitulatif des nuitées démontrant 209 nuitées pour 2018 ;

- qu'aucun numéro d'enregistrement ne figure sur les annonces ;

- que les manquements ont cessé au mois de décembre 2018 au regard des mentions du constat, aucune preuve de location postérieure n'étant produite.

L'infraction de l'article L. L.324-1-1 III du code du tourisme est ainsi établie, le premier juge ayant à juste titre condamné in solidum la société Coet Nohen Braz et la société [Adresse 7] à payer une amende civile de 2.000 euros au titre de ces dispositions, les intimées ne contestant pas leur responsabilité et le quantum étant adapté aux circonstances de l'espèce, étant observé que la situation financière actuelle des deux sociétés n'est pas connue.

Ainsi, la décision entreprise sera confirmée en tous ses éléments, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge.

Ce qui est jugé à hauteur d'appel commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, chacune des parties conservant la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/02800
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;22.02800 ?
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