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06/10/2022 | FRANCE | N°21/00508

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 06 octobre 2022, 21/00508


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 06 OCTOBRE 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00508

N° Portalis 35L7-V-B7F-CC4OC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 octobre 2020 -TJ de Paris - RG n° 15/01283



APPELANT



Monsieur [O] [X]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté et assisté p

ar Me Lionel JACQUEMINET de la SELAS SAINT YVES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0218



INTIMEES



CPAM DE [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

n'a pas constitué avocat



Compa...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 06 OCTOBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00508

N° Portalis 35L7-V-B7F-CC4OC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 octobre 2020 -TJ de Paris - RG n° 15/01283

APPELANT

Monsieur [O] [X]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté et assisté par Me Lionel JACQUEMINET de la SELAS SAINT YVES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0218

INTIMEES

CPAM DE [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

n'a pas constitué avocat

Compagnie d'assurance AREAS DOMMAGES

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée et assistée par Me Lisa HAYERE de la SELEURL CABINET SELURL HAYERE, avocat au barreau de PARIS

CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MEDECINS DE FRANCE (CARMF)

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée et assistée par Me Lionel ASSOUS-LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : G0759

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, pésidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 21 mai 2004, M. [O] [X], médecin, a été victime d'un accident de la circulation à [Localité 7], impliquant un véhicule assuré auprès de la société Areas dommages (la société Areas).

Par ordonnance du 12 octobre 2008 le juge des référés a prescrit une expertise médicale de la victime et a désigné les Docteurs [F] et [M], ce dernier remplacé par le Docteur [G], en qualité d'experts, qui ont établi leur rapport le 4 mai 2009.

Par actes d'huissier de justice en date des 24 et 26 mars 2010, M. [X] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, la société Areas et la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] (la CPAM) afin d'obtenir la reconnaissance de son droit à indemnisation et la mise en place d'une expertise médicale.

Par jugement du 17 mai 2011, cette juridiction a :

- dit que le véhicule assuré auprès de la société Areas était impliqué dans la survenance de l'accident,

- constaté que les circonstances de l'accident sont indéterminées,

- dit que le droit à indemnisation de M. [X] est intégral,

- ordonné une mesure d'expertise médicale confiée aux Docteurs [S] et [G],

- rejeté la demande de provision,

- condamné la société Areas à payer à M. [X] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les Docteurs [S] et [G] ont établi leur rapport définitif le 31 décembre 2012.

Par acte d'huissier de justice en date du 16 septembre 2015, M. [X] a fait assigner la Caisse autonome de retraite des médecins de France (la CARMF) en intervention forcée aux fins de jonction à l'instance principale.

Par jugement du 6 juin 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :

- condamné la société Areas à verser à M. [X] les sommes suivantes :

- déficit fonctionnel temporaire : 26 369,75 euros

- souffrances endurées : 8 000 euros

- aménagement du véhicule : 5 000 euros,

- sursis à statuer sur les postes de pertes de gains professionnels actuels et futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent,

- avant dire droit sur le préjudice économique, ordonné une expertise comptable confiée à M. [I] [W] avec mission d'évaluer les pertes de gains professionnels de M. [X],

- condamné la société Areas à payer à M. [X] une indemnité provisionnelle de 500 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice définitif,

- condamné la société Areas à verser à la CARMF la somme de 235 647,82 euros au titre des sommes versées échues et celle de 29 406,30 euros au titre des sommes à échoir.

Par déclaration du 26 juin 2017, la société Areas a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée 'à payer à la CARMF la somme de 235 647,82 euros au titre des sommes versées échues et celle de 29 406,30 euros avec intérêts légaux'.

Par arrêt en date du 15 mai 2019, la cour d'appel de Paris a :

- confirmé le jugement du 6 juin 2017 sauf en ce qu'il a condamné la société Areas à verser des indemnités échues et à échoir à la CARMF,

- sursis à statuer sur le recours de la CARMF s'agissant des prestations servies à M. [X] (indemnités journalières et pension d'invalidité échue et à échoir) dans l'attente de la liquidation des postes de perte de gains professionnels actuels et futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent,

- débouté la CARMF de son recours subrogatoire à l'encontre de l'assureur du tiers responsable au titre des prestations (rentes temporaires) servies à Mme [C] [X] (19 872,66 euros) et à Mme [V] [X] (18 871,20 euros),

- condamné la CARMF aux dépens et dit qu'il pourra être fait application de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner la CARMF à verser à la société Areas la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 15 mai 2018, M. [W] a établi son rapport.

Par jugement du 13 octobre 2020, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré recevables les dernières écritures de la CARMF,

- rappelé que le droit à indemnisation de M. [X] des suites de l'accident de la circulation survenu le 21 mai 2004 est entier,

- dit n'y avoir lieu à sursis à statuer sur la liquidation des pertes de gains professionnels,

- condamné la société Areas à payer à M. [X], à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions non déduites, en réparation des préjudices suivants :

- perte de gains professionnels actuels : 938 035,10 euros

- perte de gains professionnels futurs: 2 583 891,90 euros, outre la perte de chance de céder sa patientèle : 21 324 euros

- incidence professionnelle comprenant la perte des droits à la retraite : 80 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 30 960 euros ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné la société Areas à payer à la CARMF la somme de 224 449,69 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil,

- condamné la société Areas à payer à M. [X] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre du 12 décembre 2018 portant sur les préjudices professionnels (pertes de gains, incidence professionnelle, déficit fonctionnel permanent), avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 30 août 2012 et jusqu'au 12 décembre 2018,

- déclaré le présent jugement commun à la CPAM,

- condamné la société Areas aux dépens qui comprendront les frais d'expertise et à payer à M. [X] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclarations en date du 30 décembre 2020 et du 28 janvier 2021, M. [X] a interjeté appel de ce jugement en ses dispositions relatives à la perte de gains professionnels actuels, la perte de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle, la condamnation prononcée à l'encontre de la société Areas dommages au profit de la CARMF, les intérêts légaux, l'anatocisme et la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal.

Par ordonnance du 30 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des deux procédures pour être suivies sous le numéro RG 21/00508.

Par ordonnance en date du 9 décembre 2021, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 31 mars 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l'appel incident formé par la société Areas dans ses conclusions du 28 juin 2021.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. [X], notifiées le 29 avril 2022, aux termes desquelles, il demande à la cour, de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances,

Vu les articles 910, 910-4, 914 et 954 du code de procédure civile,

- recevoir M. [X] en son appel, et l'y dire bien fondé,

- confirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a rappelé que le droit à indemnisation de M. [X] des suites de l'accident de la circulation, survenu le 21 mai 2004, est entier,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer sur la liquidation des pertes de gains professionnels et condamné la société Areas à indemniser M. [X] de ses entiers préjudices,

- confirmer le jugement en ce qu'il a exclu les prestations forfaitaires versées par la société AGIPI du calcul des sommes allouées à M. [X],

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Areas à verser à M. [X] la somme de 30 960 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- infirmer le jugement en ce qu'il a fait masse de l'incidence professionnelle et du préjudice de retraite,

- infirmer le jugement en ce qu'il a écarté la capitalisation et l'actualisation des calculs de l'expert judiciaire et en ce qu'il a retenu l'âge de départ à la retraite potentiel de M. [X] à 67 ans,

statuant à nouveau de ce chef, fixant l'âge de départ à la retraite à 72 ans, après reconstitution du revenu de référence excluant les cotisations facultatives et par application de la table de capitalisation TGH05,

- condamner la société Areas à verser à M. [X] la somme de 8 344 944 euros au titre des pertes de gains professionnels,

subsidiairement,

après reconstitution du revenu de référence excluant les cotisations facultatives et par application de la table de capitalisation INSEE,

- condamner la société Areas à verser à M. [X] la somme de 8 166 794 euros au titre des pertes de gains professionnels,

plus subsidiairement,

à défaut de reconstitution du revenu de référence, excluant les cotisations facultatives, et par application de la table TGH05,

- condamner la société Areas à verser à M. [X] la somme de 7 315 491 euros au titre des pertes de gains professionnels,

plus subsidiairement encore,

à défaut de reconstitution du revenu de référence, excluant les cotisations facultatives, et par application de la table INSEE,

- condamner la société Areas à verser à M. [X] la somme de 7 137 792 euros au titre des pertes de gains professionnels,

à défaut de fixation de l'âge de la retraite à 72 ans, dans l'hypothèse où par extraordinaire la cour maintiendrait l'âge de départ à la retraite à 67 ans, après reconstitution du revenu de référence excluant les cotisations facultatives et par application de la table de capitalisation TGH05,

- condamner la société Areas à verser à M. [X] la somme de 6 611 108 euros au titre des pertes de gains professionnels,

subsidiairement, après reconstitution du revenu de référence excluant les cotisations facultatives et par application de la table de capitalisation INSEE,

- condamner la société Areas à verser à M. [X] la somme de 6 497 469 euros au titre des pertes de gains professionnels,

plus subsidiairement, à défaut de reconstitution du revenu de référence, excluant les cotisations facultatives, et par application de la table TGH05,

- condamner la société Areas à verser à M. [X] la somme de 5 811 323 euros au titre des pertes de gains professionnels,

plus subsidiairement encore, à défaut de reconstitution du revenu de référence, excluant les cotisations facultatives, et par application de la table INSEE,

- condamner la société Areas à verser à M. [X] la somme de 5 697 684 euros au titre des pertes de gains professionnels,

en toute hypothèse, quel que soit l'âge de départ en retraite retenu :

- condamner la société Areas à verser à M. [X] la somme de 350 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Areas au paiement de l'intérêt légal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le point de départ du calcul de l'intérêt légal au jour du jugement,

statuant de nouveau sur ce point,

- condamner la société Areas au paiement de l'intérêt légal à compter du jour de l'accident, soit le 21 mai 2004,

subsidiairement,

- condamner la société Areas au paiement de l'intérêt légal à compter de l'assignation au fond soit le 24 mars 2010,

plus subsidiairement encore,

- condamner la société Areas au paiement de l'intérêt légal à compter du jugement du 17 mai 2011 ayant consacré le droit à indemnisation intégral,

en tout état de cause,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Areas à payer à M. [X] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal en raison du défaut d'offre,

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la seule période du 30 août 2012 jusqu'au 12 décembre 2018, pour faire application du doublement de l'intérêt légal, et retenu l'offre du 12 décembre 2018 comme assiette de calcul dudit doublement,

statuant de nouveau de ce chef,

- condamner la société Areas au doublement de l'intérêt légal sur l'ensemble des condamnations contenues dans l'arrêt à intervenir, avant imputation des créances des organismes sociaux, pour la période comprise entre le 21 janvier 2005 (fin de la période de 8 mois après l'accident) et la date de l'arrêt à intervenir,

- interpréter le jugement comme ayant décidé l'application de la capitalisation des intérêts à la sanction du doublement de l'intérêt légal sur la période concernée,

à défaut,

- infirmer le jugement sur ce point,

par conséquent,

- condamner la société Areas au paiement des intérêts capitalisés y compris pour l'application de la sanction du doublement de l'intérêt légal pour défaut d'offre,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Areas à verser la somme de 224 449,69 euros à la CARMF, le litige étant alors dévolu à la cour,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société Areas à verser à M. [X] la somme de 280 726 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Areas aux entiers dépens de première instance et d'appel, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la société Areas, notifiées le 28 avril 2022, aux termes desquelles, elle demande à la cour, de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

Vu l'article 1315 du code civil,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

déclarer recevable et mal fondé l'appel interjeté par M. [X] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de paris le 13 octobre 2020,

déclarer recevable et à tout le moins bien fondé l'appel incident interjeté par la société Areas à l'encontre de ladite décision,

infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de paris le 13 octobre 2020,

et, statuant à nouveau,

juger que le préjudice professionnel en lien certain, direct et exclusif avec l'accident du 21 mai 2004, objet de l'instance, est partiel,

limiter par conséquent l'indemnisation du préjudice professionnel à hauteur de 50%,

surseoir sur la liquidation des perte de gains professionnelles futures et perte de droits à la retraite dans l'attente de la production du relevé de prestation retraite prévu par la CPAM relative à son activité hospitalière et d'une attestation de la CARMF confirmant la nature des prestations qui seront servies à M. [X] lorsque celui-ci aura « fait valoir ses droits à la retraite »,

juger que le préjudice de M. [X], sous réserve de la production des éléments susvisés, et après application du pourcentage de limitation de 50% peut être évalué de la manière suivante:

- perte de gains professionnels actuels : 440 147,80 euros

- perte de gains professionnels futurs : (sous réserves des prestations servies à M. [X] et non connues à ce jour) :

- pertes de gains : 776 772,60 euros

- cession de patientèle : débouté

- perte de droits à la retraite : débouté en l'absence de communication d'éléments justificatifs,

- incidence professionnelle : débouté et subsidiairement 25 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 30 960 euros, sous réserves des prestations servies par les organismes tiers payeur non connues à ce jour,

à titre subsidiaire,

ordonner une mesure d'expertise à l'effet de voir déterminer précisément le préjudice professionnel en lien de causalité certain, direct et exclusif avec l'accident du 21 mai 2004, objet de l'instance,

en tout état de cause,

débouter M. [X] de sa demande de condamnation dirigée à l'encontre de la société Areas au visa des dispositions de l'article L. 211-13 du code des assurances, et à titre subsidiaire, juger que les intérêts ne pourront tout au plus courir que jusqu'à la production de l'offre du 30 août 2012, et encore plus subsidiairement jusqu'à la signification des conclusions le 12 mai 2015,

juger que l'assiette des pénalités serait en tout état de cause circonscrite aux indemnités allouées au titre des préjudices identifiés au terme du rapport [S] et [G],

à défaut de jonction intervenue entre les deux instances numéros 21/00508 et 17/12773,

débouter la CARMF de sa demande de condamnation dirigée à l'encontre de la société Areas, le recours de l'organisme tiers payeur faisant d'ores et déjà l'objet d'une instance enregistrée sous le numéro 17/12773, actuellement pendante devant la cour,

- rapporter à de plus justes proportions la demande présentée visée à l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Vu les conclusions de la CARMF, notifiées le 26 avril 2022, aux termes desquelles, elle demande à la cour de :

Vu l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985,

Vu les articles L.641-1, R.641-1 et L.376-1 du code de la sécurité sociale,

Vu les articles 561 et 562 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement rendu le 13 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il condamne la société Areas à payer à la CARMF la somme de 224 449,69 euros avec intérêts légaux à compter du jugement au titre des prestations allouées à M. [X] suite à l'accident dont ce dernier a été victime le 21 mai 2004,

en toute hypothèse,

- dire bien fondé le recours subrogatoire exercé par la CARMF au titre des prestations allouées à M. [X] pour un montant total de 224 449,69 euros,

- condamner la société Areas, ainsi que tout autre succombant, à verser à la CARMF, dans la limite des indemnités qui seront mises à sa charge en réparation du préjudice patrimonial de la victime directe, M. [X], la somme de 224 449,69 euros,

- condamner la société Areas à verser à la CARMF, la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Areas aux entiers dépens.

La CPAM à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée par acte d'huissier de justice en date du 18 mars 2021 délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour, dans les limites de sa saisine, ne peut confirmer ou infirmer le jugement que sur que les mentions figurant au dispositif de celui-ci.

La cour qui n'est pas saisie par l'effet des appels principal et incident de la question du droit à indemnisation de M. [X] n'a pas à confirmer le jugement sur ce point.

Sur le sursis à statuer

La société Areas conclut à un sursis à statuer sur la perte de gains professionnels futurs et le préjudice de retraite, au motif que M. [X] n'a pas communiqué les relevés de prestations échus et à échoir de la CARMF et d'AGIPI, alors que ce structures disposent d'un recours subrogatoire, ni les relevés de retraite de la CARSAT, de l'IRCANTEC et de Malakoff Médéric AGIRC-ARRCO.

M. [X] répond qu'il a communiqué notamment à l'expert tous les documents permettant de déterminer ses revenus de remplacement, et qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer.

Sur ce, en l'état des pièces communiquées par M. [X] relatives aux prestations versées par la CARSAT, la CARMF, AGIPI, Malakoff Médéric AGIRC-ARRCO et IRCANTEC, notamment les pièces 117, 119 et 121, la cour dispose des éléments lui permettant de statuer sur le préjudice professionnel de M. [X] ; il n'y a pas lieu dès lors de surseoir à statuer sur la liquidation de la perte de gains professionnels futurs et du préjudice de retraite.

Sur l'expertise médicale et l'inaptitude professionnelle

Les experts, les Docteurs [S] et [G] ont indiqué dans leur rapport en date du 31 décembre 2012 que M. [X] à la suite de l'accident du 21 mai 2004 a présenté un volumineux hématome de la face externe de la cuisse droite de 20 cm de hauteur, une érosion cutanée de 60 mm de diamètre à la face antérieure du genou droit, une érosion cutanée de 30 mm de diamètre à la face postérieure du coude droit, une contracture du psoas droit et des douleurs au niveau de l'épaule droite et qu'il conserve comme séquelles une tendinopathie non rompue post traumatique compliquée d'une capsulite rétractile et un état dépressif.

Il ont conclu ainsi qu'il suit :

- consolidation au 1er octobre 2010

- souffrances endurées de 3,5/7

- pas de préjudices temporaires autres

- déficit fonctionnel permanent de 18 %

- pas de nécessité d'une assistance par tierce personne

- M. [X] est en mesure de conduire un véhicule aménagé d'une boîte automatique

- incidence professionnelle : M. [X] a été reconnu inapte de façon définitive à l'exercice de sa profession par la CARMF le 10 mars 2010 ; il peut opérer une reconversion ; en cas de reconversion professionnelle M. [X] peut effectuer toute activité intellectuelle ; il lui est difficile d'exercer une activité qui impose des gestes répétitifs, en hauteur, de force. Il peut certainement effectuer une activité à mi-temps et probablement à temps complet à partir du moment où celle-ci est compatible avec l'état fonctionnel de son épaule

- pas de préjudice esthétique

- préjudice d'agrément : M. [X] ne peut plus s'adonner aux sports et activités de loisirs qu'il déclare avoir pratiqués ; il a repris la guitare mais il est gêné par les douleurs qui ne lui permettent pas de retrouver son niveau antérieur ; il a arrêté totalement la pratique de la moto ainsi que le vélo ; il dit ne plus pouvoir jardiner

- pas de préjudice sexuel.

La société Areas fait observer en défense que les experts n'ont pas conclu à une inaptitude totale et définitive de M. [X] à l'exercice de toute profession et que la décision rendue par la Cour nationale de l'incapacité sur ce point ne lui est pas opposable puisqu'elle n'était pas partie à cette procédure.

Elle estime que l'état dépressif de M. [X] a une origine multifactorielle et n'est pas imputable en totalité à l'accident, que M. [X] est en mesure d'opérer une reconversion professionnelle et que la prise en charge du préjudice professionnel de M. [X] ne pourrait excéder 50 % ; subsidiairement elle conclut à la mise en oeuvre d'une expertise afin de déterminer la part du préjudice professionnel imputable à l'accident.

M. [X] répond qu'aucun état antérieur n'a été caractérisé par les experts et que son inaptitude professionnelle ne peut être rapportée qu'à l'accident.

Sur ce, les experts ont noté l'absence de tout état antérieur de M. [X] au niveau de l'épaule droite ; par ailleurs s'ils ont estimé que 'l'imputabilité de l'accident ne devrait pas être retenue comme exclusive', ils ont relevé que le trouble orthopédique et la douleur chronique associée ont entraîné la perte par M. [X] de l'exercice de sa profession qui était le 'sens profond de sa vie' et que ceci a généré un stress émotionnel croissant ayant abouti à une dépression caractérisée.

Lorsque l'accident est survenu M. [X] exerçait depuis plusieurs années son activité de médecin spécialisé en oto-rhino-laryngologie en qualité de salarié de l'hôpital et à titre libéral tant au sein d'un cabinet que d'une clinique.

Il ressort du rapport d'expertise en pages 6 et 7 qu'à la suite de l'accident M. [X] n'a pas suspendu immédiatement l'exercice de son activité professionnelle, malgré des douleurs et un enraidissement de l'épaule droite, pouvant alors réaliser des gestes simples en chirurgie, mais qu'en raison de l'évolution défavorable de cette épaule caractérisée par des douleurs de plus en plus invalidantes, un arrêt de travail a été prescrit le 28 décembre 2005, à la suite duquel M. [X] n'a jamais repris son activité professionnelle d'ORL.

Il est patent que les douleurs et l'enraidissement de l'épaule droite ainsi que l'état dépressif qui se sont installés à la suite de l'accident sont directement à l'origine de la cessation par M. [X] de son activité professionnelle de médecin ORL.

Par ailleurs si les experts ont estimé que M. [X] pourrait médicalement exercer une activité intellectuelle ou une activité professionnelle compatible avec l'état fonctionnel de son épaule, il s'avère qu'il n'a jamais repris une activité professionnelle autre et que compte tenu de l'investissement considérable qu'il avait placé dans sa profession, de son âge à ce jour, soit 67 ans et de la nature de ses séquelles, sa reconversion ou sa reprise d'une activité professionnelle même à temps partiel sont totalement illusoires.

M. [X] ne conserve ainsi aucune capacité de gains.

Le rapport d'expertise médicale constitue sous les précisions qui précèdent, une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 3] 1955, de son activité salariée et indépendante de médecin oto-rhino-laryngologiste, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Il est rappelé que les règles d'imputation des prestations versées par les tiers payeurs sont d'ordre public et s'appliquent même en l'absence de demande en ce sens de leur part.

Sur l'expertise comptable

M. [X] critique le tribunal d'une part, pour avoir minoré son revenu de référence en entérinant la démarche de l'expert comptable consistant à ne pas procéder à des moyennes pondérées sur des divergences de chiffre d'affaires selon les années, à ne pas réintégrer les cotisations versées à AGIPI alors qu'il s'agit de cotisations facultatives qu'il n'aurait pas nécessairement continué à verser et à ne pas tenir compte de certaines rémunérations hospitalières telles que les astreintes, d'autre part, pour avoir écarté les calculs de capitalisation et d'actualisation opérés par l'expert, enfin en retenant une perte de chance de 90 % de percevoir les revenus admis par l'expert pour les périodes pour lesquelles il ne disposait pas de statistiques publiées par UNASA sur l'évolution des revenus des médecins.

Il indique que les calculs de M. [W] sont estimatifs alors que ceux de M. [H] sont fondés sur des données chiffrées réelles et définitives, notamment sur les salaires versés par l'hôpital et les retraites qu'il va percevoir, et intègrent une capitalisation et une actualisation au 31 décembre 2020, que le tribunal a indûment omis de prendre en considération.

M. [X] reproche à l'expert [W] et au tribunal d'avoir sous-évalué sa patientèle en appliquant sans explication une double décote ; il relève qu'il exerçait la chirurgie en clinique et bénéficiait d'un contrat et d'un droit d'exercer de sorte que l'installation concurrente d'un confrère ne lui rachetant pas son droit de présentation de sa patientèle est illusoire ; il ajoute qu'espérant pouvoir reprendre à terme son activité il a laissé son cabinet en sommeil et que lorsqu'il a acquis la certitude qu'il ne pourrait plus retravailler son activité n'était plus cédable ni valorisable.

La société Areas relève que M. [W] a à juste titre refusé de prendre en considération les charges fixes que M. [X] aurait supportées en l'absence d'activité professionnelle en 2006 et 2008 et les indemnités de déplacement et d'astreintes et estime que l'analyse de cet expert est acceptable sur la détermination de la perte de gains professionnels actuels.

En revanche elle critique l'expert judiciaire en ce qu'il a fait application des statistiques UNASA pour calculer la progression des bénéfices non commerciaux de M. [X] à compter de l'accident, pour simuler la progression future des ces revenus, alors que les statistiques postérieures à 2003 n'ont pas été publiées et que les données UNASA ne concernent pas la seule activité d'ORL et ne tiennent pas compte de la situation de désertification médicale dans laquelle exerçait M. [X].

La société Areas conclut à ce que les pertes soient capitalisées en fonction du barème publié par la Gazette du palais en 2018 et conteste le cumul d'une actualisation par les statistiques UNASA, par le taux de l'OAT à 10 ans et par le taux d'intérêts légal opéré par le tribunal.

Elle estime que les prestations versées par AGIPI qui relève du Groupe Axa, société d'assurances régie par le code des assurances, sont des prestations indemnitaires par détermination de la loi pour être visées par l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et doivent être imputées sur les pertes de gains, peu important que les cotisations AGIPI soient facultatives.

Sur ce, l'expert [W] a conclu ainsi qu'il suit :

- de l'accident à la date de la consolidation du 1er octobre 2010 la perte de gains professionnels subie par M. [X] peut être estimée à 1'129'550 euros dont 1'045'621 euros au titre de la perte de gains professionnels issus de l'activité libérale et 83'929 euros au titre de la perte de gains professionnels issus de l'activité hospitalière,

- de la date de la consolidation au départ à la retraite à l'âge de 67 ans la perte de gains professionnels peut être estimée à 2'831'409 euros dont 2'593'052 euros au titre de la perte de gains professionnels issus de l'activité libérale et 238'357 euros au titre de la perte de gains professionnels issus de l'activité hospitalière,

- de la date de la consolidation au départ à la retraite à l'âge de 72 ans la perte de gains professionnels peut être estimée à 4'354'582 euros dont 4'002'123 euros au titre de la perte de gains professionnels issus de l'activité libérale et 352'459 euros au titre de la perte de gains professionnels issus de l'activité hospitalière,

- les pertes de gains professionnels s'élèvent en cas de départ à la retraite à large de 67 ans à 4'258'000 zéro 82 euros et 3'960'959 euros selon qu'on capitalise et actualise ou non les pertes,

- les pertes de gains professionnels s'élèvent en cas de départ à la retraite à l'âge de 72 ans un montant de 5'660'310 euros et 5'584'132 euros selon qu'on capitalise et actualise ou non lesdites pertes,

- la perte de chance correspondant à l'absence de cession de la patientèle peut être évaluée en retenant une probabilité de 20 % d'occurrence de ladite cession en l'absence de dommage à 24'324 euros selon que la victime ait pris sa retraite à l'âge de 67 ans ou de 72 ans.

L'expert a eu connaissance des observations de M. [H] et de celles du Cabinet Equad, missionné par la société Areas, et y a répondu dans le corps de son rapport ; l'expert a justement estimé qu'il y avait lieu de comparer les gains professionnels que M. [X] aurait réalisés sans la survenance de l'accident et ceux qu'il a effectivement encaissés et ainsi, pour l'activité libérale, de prendre en compte les bénéfices réalisés qui intègrent les charges fixes et variables, notamment les dotations aux amortissements, qui auraient été supportées en cas de poursuite d'activité et fait ses calculs, compte tenu de la fluctuence des résultats selon les années, sur la base d'un revenu de référence déterminé à partir de la moyenne des bénéfices réalisés au cours des années 2000 à 2003, inclus, années entièrement travaillées ayant précédé l'accident, sans appliquer une pondération selon les années, ce qui ne se justifiait pas en l'absence d'évolutions durables et spécifiques de l'environnement de travail de M. [X].

Par ailleurs l'expert a pu se fonder sur les statistiques UNASA, étant précisé qu'il a retenu les statistiques UNASA propres aux médecins ORL et ce jusqu'en 2016, pour envisager l'évolution qu'aurait connue l'activité de M. [X] jusqu'à sa retraite.

L'expert ayant fait une projection pour les années postérieures à 2010 des bénéfices qu'aurait réalisés M. [X], les taux de croissance annuels moyens retenus de 3,5 % de 2010 à 2016 inclus et de 2,67 % pour la période postérieure à 2017, à partir des statistiques UNASA de 2003 à 2016, ne sont pas critiquables.

En revanche, pour la période postérieure à la date de la liquidation, il convient non d'entériner les conclusions de l'expert sur les projections annuelles mais d'opérer une capitalisation de la perte de gains déterminée au jour de la liquidation sur la base du barème publié par la Gazette du palais du 15 septembre 2020 taux d'intérêts 0 % qui s'appuie sur des données démographiques et économiques pertinentes et qui est le plus approprié pour assurer la réparation intégrale du préjudice subi par M. [X].

Par ailleurs l'actualisation à ce jour des pertes de gains professionnels afin de tenir compte de l'incidence de l'érosion monétaire sera faite en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la consommation des ménages urbains en France publiée par l'INSEE et non sur la base du taux des Obligations assimilables du Trésor (OAT) à 10 ans.

Enfin l'AGIPI est, selon la notice relative à la convention d'assurance et de prévoyance (CAP) communiquée par la société Areas, une association qui a pour objet de 'promouvoir,... toutes action et toute réforme aptes à procurer ou à améliorer la garantie de ses membres contre les divers risques sociaux' et qui, dans ce cadre, 'a conclu auprès des sociétés d'assurance sur la vie Groupe Axa des contrats collectifs, à adhésion facultative de nature à contribuer à la réalisation de son objet social' ; il s'avère ainsi que les indemnités journalières et les prestations d'invalidité versées à M. [X] par le Groupe Axa, société d'assurance régie par le code des assurances, par l'intermédiaire d'AGIPI, sont des prestations qui ouvrent droit à un recours contre le tiers responsable ou son assureur en vertu de l'article 29 alinéa 5 de la loi du 5 juillet 1985 et qui doivent en conséquence être imputées sur les postes du préjudice corporel de M. [X] qu'elles ont vocation à réparer.

Sur la réparation

- Sur la perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Il s'agit en l'espèce de déterminer la perte de gains professionnels subie par M. [X] de la date de l'accident à la date de la consolidation de son état intervenue le 1er octobre 2010.

La moyenne des bénéfices professionnels non commerciaux de M. [X] durant les années 2000 à 2003 inclus s'est élevée selon l'expert à 161 652 euros.

Les calculs de l'expert sur l'évolution des bénéfices de M. [X] de l'accident à la consolidation à partir de ce bénéfice de référence auquel a été appliqué année par année le taux de progression de l'ANASA seront entérinées ; il en sera dès lors de même des données 'bénéfices contrefactuels' mentionnés par l'expert.

L'expert n'a pu vérifier les bénéfices réellement réalisés par M. [X] à partir de l'année 2007 en l'absence de remise de justificatifs (avis d'imposition ou comptes de résultats) ; devant la cour M. [X] a communiqué le formulaire 2035 qui fait ressortir un déficit de 9 413 euros ; ainsi pour un bénéfice contrefactuel de 178 674 euros (page 38 du rapport de M. [W]) la perte est de 188 087 euros (178 674 euros + 9 413 euros) et non de 178 674 euros, ce qui porte la perte de gains professionnels non commerciaux totale sur la période à 1 055 034 euros et non à 1 045 621 euros (page 39 du rapport de M. [W]).

Au titre de l'activité hospitalière de M. [X] l'expert [W] a relevé que M. [X] ne lui a pas communiqué les documents lui permettant de chiffrer les indemnités de déplacement, qui en toute hypothèse correspondraient à un remboursement de frais et n'auraient pas à être prises en considération et les indemnités d'astreintes ; en l'absence de communication de ces pièces devant la cour, les calculs de l'expert, effectués au vu des relevés de traitements transmis par l'hôpital de [Localité 7], et en tenant compte de l'évolution d'échelon à laquelle il aurait accédé jusqu'en 2012, seront retenus ; la perte nette de revenus hospitaliers est ainsi de 83 929 euros.

La perte totale de gains de l'accident à la consolidation est ainsi de 1 138 963 euros (1 055 034 euros + 83 929 euros ).

Des indemnités journalières ont été versées sur cette même période par la CPAM à hauteur de 29 035,20 euros selon le relevé de prestations définitives au 20 janvier 2022, par la CARMF à hauteur de 58 016,99 euros selon son état de prestations au 26 décembre 2018, celle-ci gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, et par le Groupe Axa par l'intermédiaire d'AGIPI à hauteur de 66 153,63 euros (pièce n° 34 de M. [X]), qui s'imputent sur ce poste de dommage qu'elles ont vocation à réparer en application de l'article 29 alinéas 1 et 5 de la loi du 5 juillet 1985, de sorte que la somme revenant personnellement à la victime s'établit à 985 757,18 euros [1 138 963 euros - (29 035,20 euros + 58 016,99 euros + 66 153,63 euros)].

La perte de gains professionnels actuels calculée sur la base du revenu de référence à la date de l'accident doit être actualisée à ce jour en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la consommation des ménages urbains en France publiée par l'INSEE afin de compenser l'incidence de la dépréciation monétaire ; après actualisation l'indemnité revenant à M. [X] s'élève à 1 283 681 euros.

Le jugement est infirmé.

- Sur la perte de gains professionnels futurs

Le poste de perte de gains professionnels futurs est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Il convient d'indemniser à ce titre la perte de chance invoquée de céder la patientèle.

Les parties s'opposent sur l'âge auquel M. [X] aurait pris sa retraite, si l'accident n'était pas survenu.

M. [X] soutient ainsi qu'il aurait pris sa retraite à l'âge de 72 ans et non de 67 ans, ainsi que retenu par le tribunal, et ce aux motifs que l'âge de départ à la retraite des médecins libéraux n'a cessé de reculer, que les données statistiques concernant les médecins ORL de [Localité 6] ou de la Meuse révèlent que le nombre de ces médecins diminue régulièrement de sorte qu'ils exercent plus longtemps pour faire face à la demande pressante des patients, ce qui aurait été son cas et qu'en adhérant à un régime de prévoyance pour une durée de 9 ans après l'âge possible de départ à la retraite, soit 56 ans, il a manifesté un projet de carrière longue.

La société Areas demande à la cour de retenir comme l'a fait le tribunal que M. [X] serait parti à la retraite à l'âge de 67 ans ; elle invoque sur ce point le fait que le contrat de prévoyance auquel M. [X] a souscrit n'envisage une couverture que jusqu'à l'âge de 65 ans, date de départ vraisemblable à la retraite, que les experts médicaux ont relevé en page 12 de leur rapport ' L'âge de la retraite est prévu à 61 ans et 7 mois. Il a 56 ans actuellement', que compte tenu des revenus de M. [X] révélant une activité très prenante tant à l'hôpital que dans le privé il aurait envisagé une cessation d'activité bien avant 72 ans, que le statistiques de la CARMF mettent en évidence un âge moyen de départ à la retraite de 65,5 ans en France et que la CARMF prévoit un départ à la retraite à taux plein à l'âge de 67 ans pour les médecins nés en 1955 ce qui est le cas de M. [X].

Sur ce, si la société Areas a communiqué un document émanant de 'OOREKA' selon lequel l'âge moyen de départ à la retraite des médecins est en France de 65,5 ans, M. [X] a produit aux débats une étude publiée en décembre 2018 la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques qui indique que l'âge de fin d'activité des médecins libéraux a atteint en moyenne 67 ans en 2017 ; eu égard à cet élément et à la circonstance, notée par les experts médicaux en pages 10 et 11 de leur rapport, que son métier était pour M. [X] 'une part fondamentale de son existence' ou encore 'le sens profond de sa vie' mais aussi du fait que son activité professionnelle était intense (à l'hôpital et dans le privé en cabinet et en clinique) et par suite nécessairement éprouvante physiquement, il y a lieu de considérer que M. [X] aurait continué à travailler jusqu'à l'âge de 69 ans, soit jusqu'au 3 février 2024, tant dans le privé qu'à l'hôpital, la législation applicable le permettant.

La perte de gains professionnels futurs, est ainsi pour l'activité libérale, selon les calculs de l'expert figurant en page 59 et 60 de son rapport jusqu'au 2 février 2022 de 2 593 052 euros et du 3 février 2022 à ce jour, date de la liquidation, de 243 184 euros.

Selon les calculs de l'expert en pages 62 et 64 de son rapport la perte de gains hospitaliers est jusqu'au 2 février 2022 de 238 357 euros et du 3 février 2022 à ce jour, date de la liquidation, de 15 056 euros (20 702 euros x 8 mois / 11 mois).

La perte de gains professionnels futurs échue est ainsi de 3 089 649 euros (2 593 052 euros + 243 184 euros + 238 357 euros + 15 056 euros) ; cette perte, calculée sur la base du revenu de référence à la date de l'accident doit être actualisée à ce jour en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la consommation des ménages urbains en France publiée par l'INSEE afin de compenser l'incidence de la dépréciation monétaire ; après actualisation la perte est de 4 040 268 euros.

Pour la période à échoir la perte est la suivante, sur la base d'une perte annuelle de gains calculée sur les gains de l'année 2022 capitalisée par un euro de rente temporaire pour un homme âgé de 67 ans à la liquidation jusqu'à l'âge de 69 ans, selon le barème précité, soit 1,954

perte annuelle de gains en 2022 (pages 59 à 64 du rapport)

- gains professionnelle non commerciaux : 266 553 euros

- gains hospitaliers : 22 760 euros (2 058 euros + 20 702 euros)

- perte annuelle totale : 289 313 euros (266 553 euros + 22 760 euros), actualisée à ce jour à 378 328 euros

perte capitalisée jusqu'à l'âge de 69 ans

289 313 euros x 1,954 = 565 317,60 euros.

La perte totale de gains professionnels non commerciaux et hospitaliers est ainsi de 4 983 913,60 euros (4 040 268 euros + 378 328 euros + 565 317,60 euros).

Sur cette perte s'imputent les prestations suivantes :

- la rente accident du travail versée par la CPAM d'un montant selon l'état des débours définitifs de cet organisme au 20 janvier 2022 de 59 967 euros (dont 15 162,51 euros au titre des arrérages échus au 14 décembre 2012 et 44 804,49 euros au titre du capital représentatif des arrérages à échoir),

- la pension d'invalidité versée par la CARMF qui gère un régime obligatoire de sécurité sociale, de sorte que toutes les prestations qu'elle verse sont imputables ; si cette caisse arrête sa demande de remboursement, selon son état de prestations au 26 décembre 2018, à la somme de 166 432,70 euros représentant les arrérages échus au 31 mars 2017, l'attestation de son directeur en date du 29 septembre 2021, mentionne que 'la pension de retraite pour inaptitude du Docteur [E] [X] a été liquidée à effet rétroactif à compter du 1er octobre 2020" ; il en résulte que la cause du versement de cette prestation est bien l'inaptitude consécutive à l'accident et qu'en conséquence cette pension de retraite anticipée pour invalidité doit être imputée sur la perte de gains professionnels futurs échue jusqu'à la date à laquelle M. [X] aurait pris sa retraite, soit le 2 février 2024 ayant atteint l'âge de 69 ans et à laquelle cette pension de retraite anticipée pour invalidité se serait transformée en pension de vieillesse ; la pension étant, selon cette attestation d'un montant mensuel de 2 869,74 euros net, le montant supplémentaire à imputer du 1er avril 2017 au 2 février 2024 est de 235 318,68 euros (2 869,74 euros x 82 mois) au titre des arrérages échus à ce jour, date de la liquidation, et 67 289,66 euros (2 869,74 euros x 12 mois x 1,954) au titre des arrérages à échoir par capitalisation selon un euro de rente temporaire pour un homme âgé de 67 ans à la liquidation jusqu'à l'âge de 69 ans, soit 1,954 ; le total à imputer est ainsi de 469 041,04 euros (166 432,70 euros + 235 318,68 euros + 67 289,66 euros),

- les prestations d'invalidité versées par le Groupe Axa par l'intermédiaire d'AGIPI, soit la somme de 139 540,95 euros [197 276,58 euros - (35 939,85 euros + 6 956,10 euros + 14 839,68 euros)] correspondant aux prestations versées du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2016, (pièce 35 de M. [X] contrôlées par l'expert) outre celles de 25 373,08 euros pour les prestations versées en 2017 (pièce 43 de M. [X]) et la somme de 52 539 euros (6 304,68 euros / 3 mois x 25 mois) correspondant aux prestations versées du 1er janvier 2018 au 3 février 2020 (date du terme des versements) calculée sur la base de la dernière rente trimestrielle connue de 6 304,68 euros (pièce 44 de M. [X]), soit la somme totale de 217 453,03 euros (139 540,95 euros + 25 373,08 euros + 52 539 euros).

Après imputation, l'indemnité revenant à M. [X] est de 4 237 452,53 euros [4 983 913,60 euros - (59 967 euros + 469 041,04 euros + 217 453,03 euros)].

- Sur la perte de chance de céder la patientèle

Le tribunal a entériné l'avis de l'expert sur l'évaluation de la valeur de la patientèle (qui correspond à la valeur du droit de présentation de la clientèle) et de celle de la perte de chance de céder celle-ci.

M. [X] demande à la cour d'évaluer la valeur du droit de présentation de la clientèle au montant des revenus qu'il aurait dû percevoir en 2022 et de fixer le taux de perte de chance à 50 % ce qui le conduit à solliciter une indemnité de 270 000 euros pour un départ à la retraite à 67 ans et de 310 000 euros pour un départ à la retraite à 72 ans.

Il fait valoir qu'exerçant la chirurgie ORL en clinique il bénéficiait d'un contrat et d'un droit d'exercer de sorte que l'installation concurrente d'un patricien qui ne lui aurait pas acheté son droit de présentation est illusoires.

La société Areas sollicite l'infirmation du jugement au motif que la perte de chance retenue par l'expert n'est fondée sur aucun élément concret produit par M. [X] dont on peut s'étonner qu'ayant cessé définitivement son activité il n'ait pas envisagé de céder son matériel et son droit de présentation de sa clientèle en 2006 ; elle précise ainsi d'une part, que le prix auquel M. [X] avait acquis sa patientèle ne sont pas connus et, d'autre part, que la région dans laquelle il exerçait était en pleine désertification de sorte que les clientèles étaient cédées gratuitement.

Sur ce, il ne peut être reproché à M. [X] de ne pas avoir cédé immédiatement son droit de présenter sa clientèle à un successeur alors qu'il a tenté de reprendre son activité, l'a poursuivie à un niveau moindre et a fini par s'arrêter en raison des séquelles de l'accident, délai suffisant à la baisse de valeur de son droit ; l'expert a justement fixé, compte tenu de la fermeture de la clinique de Vitry-le -François, au sein de laquelle M. [X] exerçait, intervenue en 2014, de la faiblesse de l'environnement concurrentiel et du niveau de son chiffre d'affaires que la valeur du droit de présentation de la clientèle de M. [X] pouvait être fixée à 40 % du bénéfice reconstitué lors du départ à la retraite et fixé le taux de perte de chance à 20 % ; pour un départ à 69 ans l'indemnité due au titre de la perte de chance est ainsi de 22 476,96 euros (280 962 euros x 40 % x 20 %) (page 60 du rapport).

Le jugement est infirmé.

- Sur l'incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap et la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

Le tribunal a alloué à M. [X] une indemnité globale de 80 000 euros au titre du préjudice résultant de la renonciation par M. [X] à l'exercice de sa profession et de son préjudice de retraite.

M. [X] demande à la cour de condamner la société Areas à lui verser une indemnité de 350 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de son métier et une indemnité de 397 475 euros, subsidiairement de 220 900 euros, dans l'hypothèse d'un départ à la retraite à l'âge de 72 ans et de 475 628 euros, subsidiairement de 362 886 euros, dans l'hypothèse d'un départ à la retraite à 67 ans, en se basant sur la note technique du 25 janvier 2021 et la note d'actualisation du 30 mars 2022 de son expert officieux M. [H], qui a tenu compte des derniers éléments chiffrés émanant de la CARMF et du centre hospitalier de [Localité 7] et deux bases de calcul d'espérance de vie.

La société Areas oppose en premier lieu que seule la profession de chirurgien ORL a fait l'objet d'un abandon imputable à l'accident et offre à ce titre une indemnité de 25 000 euros ; elle ajoute que l'existence d'un préjudice professionnel total ne permettrait aucune indemnisation au titre d'une incidence professionnelle.

En second lieu elle relève que l'expert a excédé sa mission en émettant un avis sur le préjudice de retraite de M. [X] et subsidiairement relève que l'expert ne disposait d'aucun élément tangible pour évaluer ce poste de dommage ; elle estime que ce préjudice ne peut être établi à défaut de production d'un relevé de carrière de M. [X] et des justificatifs des pensions de retraite qu'il perçoit effectivement notamment au titre de son activité hospitalière ; elle estime que les calculs de M. [W] basés sur les statistiques de la CARMF et le montant des revenus professionnels non commerciaux de M. [X] durant sa dernière année d'exercice ne sont pas pertinents.

Sur ce, aucune disposition ne sanctionne par la nullité l'inobservation des obligations imposées par l' article 238 du code de procédure civile au technicien commis.

Les éléments du rapport d'expertise de M. [W] relatifs au préjudice de retraite peuvent être valablement retenus par la cour à titre d'information de même que celles de M. [H], étant précisé que ces avis reposent sur les mêmes éléments de preuve fournis par M. [X].

Il ressort de l'attestation précitée du directeur de la CARMF et des pièces 119 à 121 communiquées par M. [X] qu'il perçoit les retraites annuelles nettes suivantes :

- CARMF : 2 869,74 euros x 12 mois = 34 436,88 euros

- IRCANTEC : 194,26 euros x 12 mois = 231,12 euros

- CNAV : 500,52 euros x 12 mois = 6 006,24 euros

- AGIRC-ARRCO : 75,94 euros x 12 mois = 911,28 euros.

Le total des retraites IRCANTEC, CNAV, AGIRC-ARCOO est ainsi de 7 148,64 euros ; les deux experts s'accordent pour considérer que jusqu'au mois d'avril 2022 M. [X] n'a pas subi de perte sur ses retraites ; en revanche à compter du 1er mai 2022 l'interruption prématurée de son activité professionnelle en raison des séquelles de l'accident a eu une incidence sur le niveau de la retraite de base de M. [X], servie par la CNAV, cette retraite étant calculée sur les 25 meilleures années, et sur celui des retraites complémentaires AGIRC-ARCOO et IRCANTEC qui dépendent du nombre de points acquis dans la carrière ; la cour est en mesure d'évaluer le montant total des retraites qu'aurait perçu M. [X] en travaillant jusqu'en 2024 à la somme de 3 000 euros par an.

De même, au vu des estimations de retraite délivrées par la CARMF par lettres des 16 décembre 2020 et 11 janvier 2022 annexés au rapport de l'expert officieux M. [H], produits aux débats, selon lesquels en partant à la retraite à 67 ans M. [X] aurait perçu une retraite annuelle brute de 56 986,99 euros soit une retraite annuelle nette de 51 801,17 euros [56 986,99 euros - 56 986,99 euros x 9,1 % (8,3% + 0,5 % + 0,3 %) ] après déduction des CSG, CRDS et CASA et en partant à la retraite à 72 ans une retraite annuelle nette de 65 576,84 euros, la cour est en mesure de fixer la retraite annuelle que M. [X] aurait perçue en partant à l'âge de 69 ans à la somme de 52 000 euros ; la perte annuelle est ainsi de 17 563,12 euros (52 000 euros - 34 436,88 euros).

La perte de retraite est ainsi la suivante par capitalisation de la perte annuelle par un euro de rente viagère pour un homme âgé de 69 ans à la liquidation selon le barème, soit 15,810 :

- retraites salariée

3 000 euros x 15,810 = 47 430 euros

- retraite non salariée

17 563,12 euros x 15,810 = 277 672,93 euros

- total : 325 102,93 euros.

Par ailleurs il a été retenu ci-avant pour la perte de gains professionnels futurs pour des motifs qui sont ici repris, que l'accident a entraîné la perte pour M. [X] de toute activité professionnelle ; le préjudice résultant de la dévalorisation sociale qu'en a ressenti M. [X] qui est indemnisable indépendamment de la perte de gains, justifie l'allocation d'une indemnité de 25 000 euros.

L'indemnité réparant l'incidence professionnelle est ainsi de 350 102,93 euros.

Aucune prestation réparant ce poste de dommage ne reste à imputer.

Le jugement est infirmé.

- Sur le déficit fonctionnel permanent

L'évaluation même du déficit fonctionnel permanent n'étant pas contestée il convient de confirmer le jugement sur ce point.

- Sur la créance de la CARMF

Celle-ci s'élève à la somme totale de 527 058,03 euros comprenant les indemnités journalières à hauteur de 58 016,99 euros et les prestations d'invalidité à hauteur de 469 041,04 euros.

La CARMF limitant sa demande en paiement à la somme de 224 449,69 euros, le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Areas à lui verser cette somme.

Sur les intérêts

Le tribunal a fait courir les intérêts des sommes allouées à M. [X] et à la CARMF à compter du jugement avec capitalisation de ces intérêts et a en outre appliqué au profit de M. [X] la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal du 30 août 2012 au 12 décembre 2018 après avoir considéré que le préjudice professionnel n'avait pu être fixé qu'à compter du dépôt du rapport d'expertise le 31 mars 2012 et que la société Areas devait ainsi présenter une offre d'indemnisation avant le 31 août 2012, que l'offre faite le 30 août 2012 était manifestement insuffisante et qu'une offre ayant été faite par conclusions du 12 décembre 2018, la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal courrait du 30 août 2012 au 12 décembre 2018.

M. [X] demande à la cour de faire courir les intérêts légaux des sommes à lui allouer à compter de l'accident, à défaut de l'assignation, à défaut du jugement du 17 mai 2011 ayant consacré son droit à indemnisation.

Il soutient que la société Areas devait faire une offre indemnitaire dans les 8 mois de l'accident au plus tard le 21 janvier 2005, conformément aux articles L. 211-9 à L. 211-13 du code des assurances, que la société Areas n'a fait une offre que le 30 août 2012, que celle-ci était incomplète et manifestement insuffisante, qu'il en est de même de l'offre faite par conclusions du 12 décembre 2018 qui ne mentionnait pas une proposition pour le préjudice de retraite et la perte de patientèle.

M. [X] demande enfin à la cour d'interpréter le jugement comme appliquant la capitalisation des intérêts à la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal.

La société Areas répond que la nature et le montant du préjudice professionnel de M. [X] n'ont été déterminés que très récemment de sorte que les intérêts légaux ne doivent courir qu'à compter du jugement ; elle précise que si l'offre le 30 août 2012 était incomplète c'était en raison de ce qu'elle attendait des justificatifs devant lui être fournis par M. [X] et qu'à cette date elle ignorait le litige existant entre M. [X] et la CARMF au sujet d'une inaptitude totale et définitive à l'exercice d'une activité professionnelle quelconque ; ainsi l'offre ne devait être faite qu'au regard des conclusions des experts médicaux [S] et [G].

Elle ajoute subsidiairement que son offre faite par conclusions du 12 mai 2015 était complète comme portant sur les seuls postes connus à cette date, dans l'attente du dépôt d'expertise comptable.

La CARMF conclut à la confirmation du jugement sur les intérêts légaux de sa créance.

Sur ce, hors période d'application éventuelle de la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal, qui sera examinée ci-dessous, les intérêts légaux des sommes allouées à M. [X] ne courront pas en application de l'article 1231-7 du code civil, à compter de l'accident ou de l'assignation, M. [X] ne rapportant pas la preuve d'un préjudice supplémentaire non indemnisé.

Les sommes allouées à la CARMF compte tenu de la demande limitée de celle-ci, au regard de l'article 1231-6 du code civil, courront à compter des mêmes dates.

En application de l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime, lorsque la responsabilité, n'est pas contestée, et le dommage entièrement quantifié, une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime et l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis, étant précisé que le délai applicable est celui qui est le plus favorable à la victime, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal, en vertu de l'article L.211-13 du même code, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

En outre il résulte de l'article R. 211-31 du code des assurances, qu'à compter de la présentation de la première correspondance de l'assureur avec la victime, celle-ci dispose d'un délai de 6 semaines pour donner les renseignements demandés mentionnés à l'article R. 211-37. À défaut, le délai de 8 mois est suspendu à compter de l'expiration du délai de 6 semaines et jusqu'à la réception de la lettre contenant les renseignements demandés, étant précisé que les dispositions de l'article R. 211-31 s'appliquent bien, nonobstant la référence faite au premier alinéa de l'article L. 211-9, au délai de 8 mois prévu par ce texte, l'harmonisation de ces deux articles n'ayant pas été opérée lors de la réforme issue de la loi du n° 2003-706 du 1er août 2003 qui a introduit un nouveau premier alinéa.

La société Areas avait, en application des textes rappelés ci-dessus, la double obligation de présenter à M. [X] dont l'état n'était pas consolidé, une offre provisionnelle dans le délai de 8 mois de l'accident survenu le 21 mai 2004, soit avant le 22 janvier 2012, et de lui faire ensuite, une offre définitive dans le délai de 5 mois suivant la date à laquelle elle a été informée de la consolidation de son état.

Il ressort de l'offre faite par la société Areas par lettre recommandée avec avis de réception en date du 30 août 2012 que cet assureur a eu connaissance des conclusions de l'expertise judiciaire, en date du 31 août 2012 et ainsi de la consolidation de l'état de M. [X] au 1er octobre 2010, dès le 30 août 2012 (le rapport ordonné en référé en date du 4 mai 2009 ne fixait pas la consolidation sur le plan psychiatrique et n'envisageait pas d'impossibilité d'exercer l'activité d'ORL).

La société Areas ne justifie pas avoir présenté une offre même provisionnelle à M. [X] dans le délai de 8 mois de l'accident ni avoir présenté une demande de renseignement conformément à l'article R. 211-31 du code des assurances ; le délai de 8 mois n'a donc pas été suspendu et les intérêts au double du taux légal sont donc dus à compter du 22 janvier 2012.

L'offre faite par lettre recommandée avec avis de réception du 30 août 2012 est incomplète pour ne contenir aucune proposition pour les dépenses de santé actuelles, les perte de gains professionnels actuels et l'incidence professionnelle ; cette offre incomplète est assimilable à une absence d'offre.

La société Areas a fait une offre par conclusions devant le tribunal de grande instance de Paris, dans le cadre de l'instance ayant donné lieu au jugement du 6 juin 2017 mais cette offre est incomplète pour ne contenir aucune proposition pour la perte de gains professionnels actuels et la perte de gains professionnels futurs alors que c'était possible sur la base des conclusions des médecins experts ayant conclu à la nécessité d'une reconversion.

En revanche dès lors qu'elle faisait des propositions pour la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle, la société Areas n'avait pas à distinguer à l'intérieur de ces postes la perte de chance de céder la patientèle et le préjudice de retraite.

Néanmoins au regard de l'absence de reconversion professionnelle de M. [X] et de reprise de toute activité professionnelle depuis l'accident, et compte tenu des demandes de M. [X] la dernière offre faite par conclusions du 27 février 2020 devant le premier juge était manifestement insuffisante, pour représenter moins de 25 % des préjudices indemnisés.

L'offre fait par conclusions devant la cour du 28 avril 2022 s'avère également manifestement insuffisante pour représenter le même pourcentage des indemnités allouées à M. [X] ; cette offre est dès lors inopérante.

Il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que la société Areas doit être condamnée à payer à M. [X] les intérêts au double du taux légal courus du 22 janvier 2012 jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif, sur le montant des sommes allouées par le jugement et par la présente cour, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées.

Après la date de l'arrêt devenu définitif les intérêts courront au taux légal, sur les sommes allouées par la cour.

Il y a lieu de dire que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens dont les frais d'expertise et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société Areas qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [X] une indemnité 5 000 euros et à la CARMF une indemnité de 1 500 euros au titre de leurs frais d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel

- Dit n'y avoir lieu ni de surseoir à statuer ni d'ordonner une expertise comptable,

- Infirme le jugement sur la perte de gains professionnels actuels, la perte de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle et la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal,

- Le confirme sur le déficit fonctionnel permanent sur la condamnation prononcée au profit de la Caisse autonome de retraite des médecins de France, sur les dépens dont les frais d'expertise et l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne la société Areas dommages à verser à M. [O] [X] les indemnités suivantes au titre des postes de préjudice ci-après, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites :

- perte de gains professionnels actuels : 1 283 681 euros

- perte de gains professionnels futurs : 4 237 452,53 euros

- perte de chance de céder la patientèle : 22 476,96 euros

- incidence professionnelle : 350 102,93 euros,

- Condamne la société Areas dommages à verser à M. [O] [X] les intérêts au double du taux légal du 22 janvier 2012 jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif, sur le montant des sommes allouées par le jugement et par la présente cour, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, puis les intérêts au taux légal sur les sommes allouées par la cour,

- Dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil,

- Condamne la société Areas dommages à verser à M. [O] [X] une somme de 5 000 euros et à la Caisse autonome de retraite des médecins de France une somme de 1 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel,

- Condamne la société Areas dommages aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/00508
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;21.00508 ?
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