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06/10/2022 | FRANCE | N°20/00239

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - b, 06 octobre 2022, 20/00239


République française

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - B



ARRÊT DU 06 Octobre 2022

(n° 176 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/00239 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQKA



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Août 2020 par le Tribunal judiciaire de MEAUX RG n° 11-19-001357



APPELANT



Monsieur [N] [A] ( prêt : OR002/013)

[Adresse 1]

[Localité 7]

non comparant représenté par M

e Eric BENOIT GRANDIERE, avocat au barreau de MELUN substitué par Me Laurence FRESARD, avocat au barreau de MELUN, (toque : M26)



INTIMEES



Monsieur [P] [W] (débiteur)

[Adre...

République française

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - B

ARRÊT DU 06 Octobre 2022

(n° 176 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/00239 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQKA

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Août 2020 par le Tribunal judiciaire de MEAUX RG n° 11-19-001357

APPELANT

Monsieur [N] [A] ( prêt : OR002/013)

[Adresse 1]

[Localité 7]

non comparant représenté par Me Eric BENOIT GRANDIERE, avocat au barreau de MELUN substitué par Me Laurence FRESARD, avocat au barreau de MELUN, (toque : M26)

INTIMEES

Monsieur [P] [W] (débiteur)

[Adresse 8]

[Localité 10]

comparant en personne

Madame [I] [E] épouse [W] (débitrice)

[Adresse 8]

[Localité 10]

non comparante représentée par M. [P] [W] (Conjoint) en vertu d'un pouvoir spécial

Monsieur [J] [O] (aide)

Société [13]

[Adresse 4]

[Localité 12]

non comparant

Madame [C] [T] (aide)

Société [13]

[Adresse 4]

[Localité 12]

non comparante

SIP [Localité 17] ( TF14-15-17; TH14-15-1; IR12-13-14-17)

[Adresse 3]

[Adresse 15]

[Localité 17]

non comparante

[18] (P0000306007; P0000306008 ; P0000306009)

[Adresse 6]

[Localité 11]

non comparante

[14] (00080/50747218|X000025504 ; 0080/00353778|X000025505)

Chez [19]

Service surendettement-[Adresse 2]

[Localité 5]

non comparante

TRESORERIE [Localité 9] SPL(2018-009-000789)

[Adresse 20]

[Localité 9]

non comparante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne TROUILLER conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, présidente

Mme Fabienne TROUILLER, conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, conseillère

Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats

ARRET :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [P] [W] et Mme [I] [E] épouse [W] saisi la commission de surendettement des particuliers de la Seine-et-Marne qui a, le 29 juin 2018, déclaré leur demande recevable.

Par une décision du 27 juin 2019, la commission a imposé un rééchelonnement des créances en retenant une mensualité de 1 587 euros, avec taux d'intérêt de 0,86 %.

M. [N] [A] a contesté les mesures imposées et réclamé que sa créance soit prioritaire par rapport aux autres créances et subsidiairement que les époux [W] vendent leur bien immobilier.

Par jugement réputé contradictoire en date du 21 août 2021, le tribunal judiciaire de Meaux a :

- déclaré recevable le recours,

- rejeté le recours comme infondé,

- fixé à 667 euros la contribution mensuelle,

- rééchelonné les dettes sur une durée de 405 mois à compter du 10 octobre 2020, sans intérêt.

Le juge des contentieux de la protection a relevé que le passif des débiteurs s'élevait à 263 484,54 euros, que les ressources du couple, qui a trois enfants, s'élevaient à 2 625 euros, en diminution par rapport à l'évaluation par la commission compte tenu de la perte d'emploi de M. [W] et leurs charges à la somme de 1 958 euros, soit une capacité de remboursement de 667 euros.

Il a estimé que la vente du bien immobilier, estimé à 250 000 euros, ne permettrait pas d'apurer immédiatement et intégralement les dettes.

Cette décision a été notifiée le 25 août 2021 à M. [A] (AR signé le 8 septembre 2020).

Par déclaration expédiée le 11 septembre 2020 au greffe de la cour d'appel de Paris, M. [A] a interjeté appel du jugement et réclamé une déchéance pour mauvaise foi et subsidiairement la réformation du plan qui a accordé un plan d'une durée de 33 ans, à l'issue de laquelle il aura 101 ans.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 6 septembre 2022.

À cette audience, M. [A] est représenté par son conseil qui a développé oralement ses conclusions et réclamé l'infirmation du jugement et la réformation du plan.

Il a fait valoir que sa créance s'élève à la somme de 27 216,04 euros, que l'ordonnance de référé rendue le 16 novembre 2016 a été confirmée par arrêt du 11 janvier 2018 et que M. [W] a déposé un dossier de surendettement en juin 2018.

Il estime que les époux [W] sont de mauvaise foi et devraient être déchus de la procédure de surendettement.

Il rappelle qu'il est âgé de 68 ans, qu'il a quatre personne à charge et que sa retraite de 1 023,18 euros constitue son seul revenu. Il souligne que sa créance provient d'une somme prêtée depuis septembre 2011 qui devait être remboursée par virements de 1 000 euros à compter de janvier 2012 et que le jugement contesté a aggravé sa situation.

Il ajoute que les débiteurs peuvent vendre leur bien immobilier et qu'à défaut, sa créance doit être prioritaire sur les autres, indiquant qu'il aura 101 ans à l'issue du plan élaboré par le premier juge.

M. [W], muni d'un pouvoir pour représenter son épouse, a comparu en personne et réclamé la confirmation du jugement.

Il soutient qu'il n'y a jamais eu de prêt d'argent.

Il indique qu'il n'est plus au chômage et qu'il a monté en avril 2022 son entreprise de chauffeur de taxi qui lui permet de percevoir un salaire de 2 000 euros, il précise que devant la commission, il percevait un revenu de 3 500 euros et qu'il travaillait dans une société de sécurité.

Il précise que son épouse ne travaille pas, qu'ils ont trois enfants de 3, 7 et 11 ans et qu'ils vivent dans le logement dont ils sont propriétaires.

Il ajoute que la mensualité doit être maintenue, que les charges fixées par le premier juge sont toujours d'actualité et qu'il respecte le plan fixé par le tribunal.

Aucun créancier n'a comparu.

Par courrier reçu au greffe le 23 juin 2022, le centre des finances publiques de [Localité 17] a indiqué que sa créance s'élevait à la somme de 496,37 euros.

Par courrier reçu au greffe le 22 août 2022, la société [18] a indiqué maintenir sa créance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes.

En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise est confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours exercé par M. [A].

Sur la mauvaise foi des débiteurs

Il résulte de l'article L.711-1 du code de la consommation que la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement est subordonnée à la bonne foi du débiteur, conçue comme une absence de mauvaise foi. Il convient de rappeler que la bonne foi est présumée et qu'il appartient au créancier d'apporter la preuve de la mauvaise foi du débiteur. La simple imprudence ou imprévoyance n'est pas constitutive de mauvaise foi. De même, la négligence du débiteur ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi en l'absence de conscience de créer ou d'aggraver l'endettement en fraude des droits des créanciers. Les faits constitutifs de mauvaise foi doivent de surcroît être en rapport direct avec la situation de surendettement.

En application de l'article L.761-1 du code de la consommation, la mauvaise foi procédurale est également sanctionnée en ce qu'est déchue du bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement toute personne :

1° ayant sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts,

2° ayant détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de ses biens,

3° ayant, sans l'accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou ayant procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel, ou pendant l'exécution du plan ou des mesures de traitement.

Le débiteur doit donc être de bonne foi pendant la phase d'endettement mais aussi au moment où il saisit la commission de surendettement, ce qui implique sa sincérité, et tout au long du déroulement de la procédure.

Le juge doit se déterminer au jour où il statue.

En l'espèce, M. [A] invoque la mauvaise foi des débiteurs mais n'en rapporte nullement la preuve. La présomption de bonne foi s'applique aux débiteurs qui n'entendent pas se soustraire à leur obligation de remboursement, preuve qui n'est pas rapportée même si M. [W] persiste à contester le bien-fondé de cette créance pourtant issue d'un titre exécutoire définitif.

En l'état du dossier, rien n'établit la mauvaise foi alléguée.

Sur la capacité de remboursement

Aux termes de l'article R. 731-1 du code de la consommation : « Pour l'application des dispositions des articles L. 732-1, L. 733-1 et L. 733-4 la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues aux articles L. 731-1, L.731-2 et L. 731-3, par référence au barème prévu à l'article R. 3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur ».

L'article R. 731-2 précise : « La part de ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage, qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L. 731-2».

Enfin selon l'article R.731-3 : « Le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission, soit pour leur montant réel sur la base des éléments déclarés par le débiteur, soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur et prenant en compte la composition de la famille. Le règlement intérieur précise à quelles conditions et selon quelles modalités les dépenses sont prises en compte pour leur montant réel ou selon le barème. Lorsque la commission prend en compte des dépenses courantes du ménage pour leur montant réel, elle peut demander au débiteur d'en fournir des justificatifs. Si le débiteur ne les fournit pas, les dépenses concernées sont appréciées selon le barème susvisé ».

En l'espèce, M. [W] a admis que depuis le prononcé du jugement, il n'était plus au chômage. Il n'a cependant pas jugé utile de ressaisir la commission de surendettement, malgré les dispositions du jugement en ce sens. Il ne peut donc être constaté, comme l'a fait le premier juge, que les ressources du couple sont en diminution par rapport à l'évaluation de la commission en septembre 2019.

S'il indique avoir repris une activité de chauffeur de taxi depuis mai 2022, il se contente de déclarer 2 000 euros de revenus, sans en justifier. Il produit le compte de la société sans explication sur les sommes au crédit. De la même façon, il produit ses relevés de compte chèques sur la période du 25 avril 2022 au 25 août 2022 qui mentionnent des virements créditeurs de « [H] [E] », de « M. ou Mme [Y] » de [16] ou de [Z] [F] sans expliquer à la cour la provenance de ces compléments de revenus. Il produit enfin une attestation de paiement de la CAF du mois de septembre 2022 d'un montant de 1 420 euros qui comprend l'allocation de rentrée scolaire et des rappels de paiement des deux mois précédents. En l'état des pièces produites, la cour n'est pas en mesure de déterminer précisément les ressources du couple.

Concernant les charges, M. [W] ne conteste pas le montant de 1 958 euros fixé par la commission et confirmé par le premier juge.

Comme l'a retenu à juste titre le premier juge, le vente du bien immobilier servant de logement à la famille n'est pas opportune.

Aucune partie n'ayant communiqué le plan élaboré par la commission de surendettement, la cour n'est pas en mesure de le confirmer ou d'y apporter des correctifs.

La commission avait à juste titre retenu un taux d'intérêts de 0,86 % au vu de la longue durée envisagée, non connue de la cour.

Comme le soulève à juste titre M. [A], rien n'interdit de prévoir que des créanciers, Trésor public ou particuliers, voient le remboursement de leur créance priorisé, sans intérêts, sur celui des établissements bancaires institutionnels, dont l'équilibre financier n'est pas susceptible d'être remis en cause.

En l'état du dossier, la cour n'est cependant pas en mesure de déterminer la capacité de remboursement du couple, ni de prendre en compte les versements déjà effectués par les débiteurs.

Il convient par conséquent d'infirmer partiellement le jugement et de renvoyer le dossier devant la commission de surendettement afin qu'elle réexamine la situation de M. et Mme [W] et qu'elle établisse un nouveau plan au taux de 0,86 % et priorisant les deux créances du Trésor public et des trois créanciers particuliers dont M. [A].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort rendu par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours exercé ;

Statuant de nouveau,

Renvoie le dossier à la commission de surendettement des particuliers du Seine-et-Marne qui sera chargée de ré-examiner la situation de M. [P] [W] et Mme [I] [E] épouse [W] et d'établir un plan de remboursement de leurs dettes au taux de 0,86 % et priorisant les deux créances du Trésor public et des trois créanciers particuliers dont M. [A] ;

Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d'appel exposés par elle ;

Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - b
Numéro d'arrêt : 20/00239
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;20.00239 ?
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