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06/10/2022 | FRANCE | N°19/12027

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 06 octobre 2022, 19/12027


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 06 OCTOBRE 2022



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12027 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCON



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/01531





APPELANTE



Madame [G] [S] [K] [H]

[Adresse 1]

[Local

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Représentée par Me Christophe MAHIEU, avocat [H] barreau de PARIS, toque : G0780



INTIMEE



SARL ATS DEVELOPPEMENT prise en la personne de ses représentants légaux domicil...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 06 OCTOBRE 2022

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12027 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCON

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/01531

APPELANTE

Madame [G] [S] [K] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Christophe MAHIEU, avocat [H] barreau de PARIS, toque : G0780

INTIMEE

SARL ATS DEVELOPPEMENT prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat [H] barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller.

Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt [H] greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues [H] deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre et par Madame Joanna FABBY, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La société ATS Développement (ci-après désignée la société ATS) est une société spécialisée dans la conception, la fabrication et la vente d'objets, de packaging et d'accessoires promotionnels. Ses clients sont des entreprises intervenant dans le domaine du luxe et des vins et spiritueux.

Afin de développer son activité, la société ATS emploie des commerciaux disposant chacun d'un portefeuille de clients triés par secteur d'activité.

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein prenant effet le 1er septembre 2001, Mme [K] [H] a été engagée par la société ATS en qualité d'acheteuse internationale cadre, coefficient 325, gérant à ce titre un portefeuille de clients sur les secteurs d'Asie dans le domaine des vins et spiritueux.

Ce contrat de travail comportait une clause de non-concurrence ainsi rédigée : 'La salariée s'engage pendant une période de 12 mois après la rupture du présent contrat à ne pas utiliser en France les fichiers clients et fournisseurs dont elle aura eu connaissance grâce à son activité dans la société ATS, soit à titre indépendant, soit [H] sein d'une société dont elle serait l'employée ou la fondatrice'.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective des entreprises de courtage, commerce et import-export.

La société ATS employait de manière habituelle [H] moins onze salariés.

Par courrier du 29 juin 2017, Mme [H] a donné sa démission à la société ATS à compter du 28 septembre 2017.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 29 juin 2017, prenant effet le 25 septembre 2017, Mme [H] a été engagée par la société Laser, entreprise concurrente de la société ATS, en qualité de directrice des achats.

Par courrier du 11 juillet 2017, la société ATS a renoncé [H] bénéfice de la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail de Mme [H].

Considérant que Mme [H] avait commis des actes de concurrence déloyale à son encontre et [H] profit de la société Laser, la société ATS a saisi le 25 mai 2018 le conseil de prud'hommes de Bobigny afin que la salariée soit condamnée à lui :

- restituer les salaires versés entre août 2015 et juillet 2017 pour un montant de 104.650,23 euros,

- verser la somme de 400.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi, ainsi que la somme de 2.500 euros [H] titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement du 9 octobre 2019, le conseil de prud'hommes a :

- constaté une attitude déloyale de Mme [H] pendant la relation de travail mais n'a pas fait droit à la demande de dommages-intérêts en l'absence de quantification et de démonstration du préjudice,

- condamné Mme [H] à verser à la société ATS la somme de 1.000 euros [H] titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [H] aux dépens.

Le 4 décembre 2019, Mme [H] a interjeté appel du jugement.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 6 mai 2022, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- reconnaître qu'il n'existe aucun acte de concurrence déloyale de sa part [H] détriment de la société ATS,

- condamner la société ATS à lui verser la somme de 5.000 euros [H] titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 19 mai 2020, la société ATS demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé ne pas faire droit 'à la demande de dommages-intérêts en l'absence de quantification et de démonstration du préjudice',

- confirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau :

- de dire et juger que Mme [H] est coupable d'une exécution déloyale du contrat de travail,

- condamner Mme [H] [H] paiement de la somme de 104.650,23 euros représentant la restitution des salaires versés entre les mois d'août 2015 et juillet 2017,

- condamner Mme [H] [H] paiement de la somme de 400.000 euros en raison du préjudice subi,

- condamner Mme [H] [H] paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [H] [H] paiement des entiers dépens de l'instance, dont distraction faite [H] profit de la société Levavoue Paris-Versailles, prise en la personne de Me Matthieu Boccon-Gibod,

- débouter Mme [H] de l'intégralité de ses demandes.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 11 mai 2022

MOTIFS :

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

La société ATS reproche à Mme [H] d'avoir soustrait avec une autre salariée, Mme [J], des documents, dessins et modèles propriétés de l'intimée, d'avoir communiqué ces éléments à la société Laser, de s'être appropriée ses produits et de les avoir présentés comme des échantillons de la société Laser afin de détourner sa clientèle [H] profit de cette dernière.

La société ATS soutient que la soustraction frauduleuse de documents techniques confidentiels et leur transmission à la société Laser caractérisent l'intention de Mme [H] de lui nuire et, par voie de conséquence, la faute lourde de cette dernière.

Compte tenu de cette faute lourde, la société ATS demande que Mme [H] soit condamnée à lui verser, d'une part, la somme de 104.650,23 euros représentant les salaires qui ont été versées à la salariée entre août 2015 et juillet 2017 et, d'autre part, la somme de 400.000 euros de dommages-intérêts en raison du préjudice subi.

Mme [H] soutient n'avoir commis aucun acte de concurrence déloyale et conclut, d'une part, [H] débouté des demandes de la société ATS et, d'autre part, à l'infirmation du jugement en ce qu'il a constaté une attitude déloyale de sa part pendant la relation de travail.

***

L'employeur peut engager, indépendamment de toute clause dans le contrat de travail, une action en responsabilité contre son ancien salarié en raison d'actes de concurrence déloyale de ce dernier lui portant préjudice.

Le salarié ne peut voir sa responsabilité civile engagée à l'égard de son employeur que s'il a commis une faute lourde.

La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice à l'occasion de la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

Il appartient à l'employeur qui l'invoque, de rapporter la preuve de l'existence d'une faute lourde.

***

En premier lieu, s'agissant de la période antérieure à la rupture du contrat de travail survenue le 28 septembre 2017, l'employeur produit essentiellement pour établir les actes de concurrence déloyale reprochés à Mme [H] des pièces (courriels, rapport d'enquête, actes de procédure devant le tribunal de grande instance de Paris) concernant Mme [J] et non l'appelante (pièces 6, 7, 10, 11, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 32 et 35). Il produit également un échange de courriels entre Mme [H] et Mmes [D] et [X] survenu entre juillet et août 2017 ne révélant la commission d'aucun acte de concurrence déloyale commis par la salariée. Il résulte de ce qui précède que la société ATS ne verse aux débats aucun élément permettant d'établir les actes reprochés à l'appelante pendant la période d'exécution du contrat de travail.

En second lieu, s'agissant de la période postérieure à la rupture du contrat de travail, l'employeur produit pour établir les actes de concurrence déloyale reprochés à Mme [H], tout d'abord, un courriel du 15 octobre 2017 adressé par cette dernière à la présidente de la société Laser (pièce n°34) par lequel l'appelante indique qu'elle a sollicité, d'une part, '[I]' de la société Wing Cheong, fabricante d'injections plastiques pour la société ATS afin que lui soient adressés des échantillons de produits de cette dernière (poupée tsarine, étui rouge à lèvres et bouteille d'alcool) et, d'autre part, la société Zhong Hui, fabricante d'articles en carton pour la société ATS, afin que lui soient fournis des échantillons 'produits par ATS'. Ce courriel précisait que les échantillons ne devaient pas être laissés chez le client.

Ne contestant pas ces faits, Mme [H] expose qu'elle souhaitait, dans le cadre de son poste [H] sein de la société Laser, faire travailler les entreprises avec lesquelles elle avait déjà été en relation et qu'elle n'a ainsi réalisé aucun acte de concurrence déloyale.

Si le courriel du 15 octobre 2017 établit une commande effectuée à deux fournisseurs de la société ATS par Mme [H], alors employée de la société Laser, ces faits ne révèlent à eux-seuls aucun acte de concurrence déloyale à l'encontre de la société intimée, d'autant que cette dernière a renoncé le 11 juillet 2017 (pièce 5 salariée) [H] bénéfice de la clause de non-concurrence stipulée [H] contrat de travail qui interdisait à la salariée de prendre attache avec ses fournisseurs pendant douze mois à compter de la rupture de son contrat de travail.

De même, contrairement aux allégations de la société ATS, il ne peut se déduire du courriel du 23 octobre 2017 (pièce 37) par lequel Mme [H] a indiqué à la société Laser qu'elle faisait une 'valisette pour Aigle' et d'une publicité des produits de la société ATS parmi lesquels figure une valisette Aigle que l'appelante a réalisé un acte de concurrence déloyale.

Enfin, il ne peut se déduire des pièces versées aux débats que, comme l'affirme la société intimée, Mme [H] a détourné des documents de cette dernière [H] profit de la société Laser.

Il résulte de ce qui précède qu'aucun acte de concurrence déloyale n'a été commis par Mme [H].

Par suite, le jugement sera infirmé en ce qu'il a constaté une attitude déloyale de Mme [H] pendant la relation de travail.

L'employeur sera débouté de sa demande indemnitaire en raison du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale allégués, ceux-ci n'étant pas établis. Le jugement sera confirmé sur ce point.

La société ATS sera également déboutée de sa demande en restitution de salaire, celle-ci ne pouvant être fondée, en tout état de cause, sur la mise en jeu de la responsabilité de la salariée qui ne peut donner lieu qu'à l'allocation de dommages-intérêts. Le rejet de cette demande sera prononcée par la cour, le conseil de prud'hommes ayant omis de statuer sur celle-ci.

Sur les demandes accessoires :

La société ATS est condamnée, d'une part, aux dépens de première instance et d'appel et, d'autre part, à verser à Mme [H] la somme de 1.000 euros [H] titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel.

La société ATS sera déboutée de sa demande [H] titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition [H] greffe,

CONFIRME le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de dommages-intérêts de la société ATS Développement,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE la société ATS Développement de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNE la société ATS Développement à verser à Mme [K] [H] la somme de 1.000 euros [H] titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel,

CONDAMNE la société ATS Développement aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 19/12027
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;19.12027 ?
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