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05/10/2022 | FRANCE | N°22/05931

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 05 octobre 2022, 22/05931


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15



ORDONNANCE DU 05 OCTOBRE 2022



(n° 39, 19 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 22/05931 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQFK



Décision déférée : Procès-verbal de visite de navire en date du 16 Mars 2022 concernant le navire '[Adresse 8]



Nature de la décision : Contradictoire

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Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article 63 du code des douanes ;
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Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15

ORDONNANCE DU 05 OCTOBRE 2022

(n° 39, 19 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/05931 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQFK

Décision déférée : Procès-verbal de visite de navire en date du 16 Mars 2022 concernant le navire '[Adresse 8]

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article 63 du code des douanes ;

assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

MINISTERE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée et représenté lors des débats par Mme Monica d'ONOFRIO, avocate générale.

Après avoir appelé à l'audience publique du 14 septembre 2022 :

Monsieur [K] [A] [F]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 7] FEDERATION DE RUSSIE

Elisant domicile au cabinet Lexavoué [Localité 3] Versailles

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assisté de Me Philippe BLANCHETIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B1121

REQUÉRANT

et

LA DIRECTION NATIONALE DU RENSEIGNEMENT ET DES ENQUETES DOUANIERES (DNRED)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Mme [V] [X], inspectrice des douanes, dûment mandatée

DÉFENDERESSE

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 14 septembre 2022, l'avocat du requérant, et l'avocat de la DNRED ;

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 14 septembre 2022, Madame Monica d'ONOFRIO, avocat général, en son avis ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 05 Octobre 2022 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

[K] [A] [F] est visé dans l'annexe du règlement d'exécution (UE) 2022/427 du Conseil du 15 mars 2022 mettant en oeuvre le règlement (UE) n°269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine, paru au Journal officiel de l'Union européenne du 15 mars 2022.

Le 15 mars 2022, les agents du service de la DNRED d'Ivry / Seine (94) ont dressé trois procès-verbaux dont l'objet porte sur le 'contrôle du commerce extérieur', 'la réception de documents (art 334 du code des Douanes)', la 'matérialisation des recherches' suite à la communication d'informations concernant deux navires (la Petite Ourse et la Petite Ourse II) appartenant à la société ORANGERY MARINE LIMITED, enregistrée sur les registres du commerce de Malte, désignant M [K] [A] [F] comme le propriétaire effectif de ladite société (PV 1, 2,3).

Le 16 mars 2022 à 14H50, trois agents des douanes de la DNRED et deux agents du service de garde- côtes des Douanes de Méditerranée se présentaient dans les locaux de la société MONACO [Localité 6] (chantier naval) sis à [Localité 6], dans le cadre du contrôle des locaux et lieux à usage professionnel en application de l'article 63 ter du code des douanes. [H] [D], responsable du chantier naval, communiquait la liste des navires présents sur le chantier sur laquelle apparaissait la Petite Ourse ainsi que les documents afférents au navire. Le procès-verbal dressé précisait que les agents effectuaient un contrôle du navire en présence du capitaine ([E] [T] [S]) (PV 4).

Le 16 mars 2022, les agents de la DNRED et les agents du service de garde-côtes des douanes de Méditerranée dressaient un procès-verbal portant comme objet : 'application des mesures de gel des avoirs prévues par le règlement (UE) n°2022/467 du 15 mars 2022 modifiant l'annexe I du règlement (UE) n° 269/2014 du 17 mars 2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine', relatant les opérations de contrôle à bord du navire, entre 15H00 et 17H50, en présence du capitaine [S] [E] [T], représentant de la société propriétaire du navire, assisté d'un interprête en langue anglaise. Celui-ci était informé par les agents des douanes du gel du navire de la Petite Ourse, des mesures de restrictions du navire consistant en l'immobilisation du navire, et des peines encourues prévues par le code des douanes en cas d'infraction. Le procès-verbal précisait la motivation de la décision concernant [K] [A] [F]. Il était signé par les 5 agents des douanes désignés sous leur numéro de matricule, par Monsieur [S] et l'interprête, une copie de l'acte étant remise au capitaine [S], le PV était clôturé à 17H50 (PV6).

Le 16 mars 2022 à 16H10, les agents des douanes désignés par leur matricule (Garde- côtes de [Localité 10] et agents de la DNRED) dressaient un procès-verbal de visite de Navire, visant l'article 63 du code des douanes, suite aux opérations de visite des parties du navire affectées à un usage privé ou d'habitation, en l'espèce la cabine du capitaine [S] [E] [T], précisant à ce dernier les voies de recours 'par déclaration au greffe de la Cour de Courappel'(PV n°5).

Le 30 mars 2022, [K] [A] [F] (orthographe confirmée à l'audience) formait un recours afin de contester le déroulement des opérations de visite réalisées par les agents de la DNRED qui se sont déroulées le 16 mars 2022 de 15H30 à 16H10 sur le navire la 'Petite Ours', tendant à l'annulation de l'ensemble desdites opérations de visite et de tous les actes subséquents, le procès-verbal de visite du navire concerné (PV n°5) était joint à la déclaration de recours. Dans son recours initial le requérant précisait que le siège de la DNRED était situé à Ivry/Seine (94) et qu'aucune ordonnance du JLD n'avait été signifiée ( RG 22/05931).

L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 14 septembre 2022.

L'incompétence territoriale de la Cour d'appel de Paris a été soulevée in limine litis par l'administration des douanes dans ses conclusions écrites. A l'audience du 14 septembre un débat a été organisé in limine litis, l'administration des douanes a été entendue sur l'exception d'incompétence, le conseil du requérant a été entendu ainsi que le Ministère Public.

L'exception d'incompétence qui a été soulevée in limine litis a été jointe au fond.

A l'issue des plaidoiries sur le fond, l'affaire a été mise en délibéré pour être rendue le 5 octobre 2022.

***

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 14 avril 2022, et par conclusions récapitulatives déposées le 18 août 2022, développées oralement à l'audience du 14 septembre 2022, le requérant fait valoir:

Exposé

Le 15 mars 2022, la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières, qui contrôle des opérations de commerce extérieur, a sollicité des renseignements sur le navire LA PETITE OURSE dont le propriétaire est M. [K] [A] [F], nommément cité par le règlement d'exécution du Conseil n°2022/427 en date du 15 mars 2022.

Le jour même de la parution de cette liste, la procédure douanière a été initiée (rédaction de trois premiers procès-verbaux). Dès le 16 mars 2022, au lendemain de l'identification du navire, l'administration des douanes effectue un contrôle des locaux à usage professionnel au visa des dispositions de l'article 63 ter du code des douanes, en présence du responsable du chantier de la société MONACO MARINE [Localité 6], et constatent la présence de la 'Petite Ourse'. Les agents procédent à la visite du navire sur le fondement de l'art 63 du code des douanes avant de notifier à son capitaine, [E] [T] [S], la mesure de gel des avoirs résultant du règlement UE susvisé.

Le requérant a formé un recours à l'encontre des opérations de visite sollicitant à titre principal de transmettre à la Cour de Justice de l'Union une triple question préjudicielle et à titre subsidiaire d'annuler le procès-verbal de visite du 16 mars 2022 et tous les procès-verbaux de constat subséquents.

Discussion

A titre liminaire, sur l'exception d'incompétence territoriale :

Selon l'administration des douanes, le recours est de la compétence de la Cour d'appel de Rouen, du fait que les opérations ont été réalisées par des agents de la 'Direction nationale de garde-côtes des douanes' dont l'état major est à Rouen.

Le requérant rappelle que le service susvisé est rattaché à la 'direction générale des douanes et drois indirects' dont le siège est situé à [Localité 9], elle même rattachée au ministère de l'économie et des finances situé à [Localité 3] 12ème, de plus, la visite a été effectuée conjointement par les agents de la DNGCD et par les agents de la DNRED saisis du dossier. Le requérant relève que le procès-verbal de visite du navire spécifie les voix de recours en indiquant de façon obscure 'greffe de la Cour de Courappel', de plus, le représentant de la DNRED dans la procédure devant la Cour d'appel est qualifiée d' 'agent poursuivant'. Il en résulte que la Cour d'appel de Paris est compétente et que l'exception d'incompétence doit être rejetée.

Au fond :

Dès l'identification du navire, l'administration des douanes a effectué un contôle des locaux à usage professionnel en se présentant au responsable du chantier de la société MONACO MARINE [Localité 6] sur le fondement de l'article 63 ter du code des douanes, le procès-verbal mentionne l'information préalable du Procureur de la République sans que cela ne soit justifié.

La visite du navire a été faite sur le fondement de l'article 63 du code des douanes. La notification, faite à une personne non concernée par une mesure d'immobilisation dont le forçage serait sanctionné par l'article 459 du code des douanes est criticable, la cancellation du PV de visite est demandée.

I Sur l'incompétence du service des Douanes.

En droit, la mise en 'uvre des mesures restrictives du Règlement Européen n°269/2014 est laissée aux autorités administratives des Etats membres telles qu'elles sont désignées sur un site internet cité en annexe II dudit-Règlement.

S'agissant particulièrement des mesures de gel, l'administration des douanes n'est pas mentionnée comme autorité compétente, selon le site internet indiqué (www diplomatie .gouv), sa compétence se limitant à la fourniture de renseignements liés aux exportations physiques, alors que le site mentionne la Direction Générale du Trésor (DGT) comme autorité nationale compétente pour la mise en oeuvre des sanctions sectorielles, financières et gels des avoirs.

La DNRED invoque la compétence des douanes concernant les articles 451bis et 459 du code des douanes concernant les sanctions prévues aux violations des mesures de restriction des relations économiques et financières, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le navire étant en réparation dans un chantier.

Par conséquent, les agents des douanes n'avaient pas compétence pour entreprendre une telle démarche.

II Sur la non-applicabilité des dispositions de l'article 63 du code des douanes.

En droit, l'art 63 du code des douanes prévoit que, dans le but d'une recherche de la fraude douanière, des agents des douanes peuvent visiter tous navires qui se trouvent dans un port, une rade ou à quai, dès lors que sa position est stable depuis 72H au moins, dans ce cas, le service des douanes est dispensé d'une autorisation du JLD. En l'absence d'établissement que le navire ait été stationné de manière stable pendant plus de 72 heures, l'article 64 du code des douanes doit s'appliquer, celui-ci prévoyant une ordonnance du juge des libertés et de la détention pour autoriser l'opération de visite.

C'est d'ailleurs la position de la jurisprudence actuelle en matière de visite de lieu privé à bord d'un navire (Cass. com. 12.02.2002, n°99-15.899).

En l'espèce, aucun des procès-verbaux litigieux ne fait constater que le navire serait stationné depuis plus de 72 heures au sein d'un port, une rade ou un quai.

En effet, les différents procès-verbaux font état d'un 'chantier', terme exclusif de la qualification retenue par l'article 63 du code des douanes dont l'interprétation doit être nécessairement entendue de manière stricte.

Par conséquent, l'application de l'article 63 du code des douanes était exclue et c'est l'article 64 qui était applicable.

Ainsi, les agents douaniers, non compétents, sont montés à bord du navire sans respecter la condition légale d'une autorisation par ordonnance du juge des libertés et de la détention, sans non plus qu'ils soient accompagnés par un Officier de Police Judiciaire, tel que le prévoit l'article 459 du code des douanes explicitement visé par l'article 64 du même code.

Il convient de relever que le procès-verbal n°6 fait mention de la mesure de gel, initiée la veille.

Les dispositions de l'art 459 du code des douanes sont visées par l'article 64, alors que l'art 63 n'opère aucun renvoi aux dispositions de l'art 459. Ainsi le procès-verbal n° 6 qui vise l'art 63 et qui n'évoque aucun objectif de recherche d'infraction douanière mais vise une mission de notification à une personne non concernée doit être annulé. Les droits du gardé à vue sont rappelés par analogie.

L'administration des douanes argue que la visite peut se faire avec l'accord de l'occupant des lieux, or au cas d'espèce il n'est fait mention d'aucune notification du droit de s'opposer à la visite envers Monsieur [S] ni d'aucune difficulté insurmontable qui aurait empêché les agents de procéder à la notification, ainsi l'annulation du procès-verbal s'impose.

La DNRED revendique sa compétence sur le fondement de l'art 459 du code des douanes alors que celui-ci renvoie sur la mise en oeuvre de l'art 64 du code des douanes, sur lequel la DNRED reste silencieuse.

Ainsi le procès-verbal de notification de la mesure, étant un acte subséquent de la visite litigieuse, il devra faire l'objet d'une annulation identique.

Concernant la décision du Conseil Constitutionnel du 18 mai 2016 à laquelle se référent les Douanes, il est rappelé que cette décision qui concerne les art 62 et 63 du code des douanes autorise les agents à pénétrer dans les lieux et non pas d'opérer des saisies, or la mesure d'immobilisation correspond à une saisie du navire.

III Sur le détournement de procédure.

En droit, le Règlement Européen n°269/2014, dans sa version consolidée au 15 mars 2022, met en place des mesures de gel de fonds et de ressources économiques.

La notion de 'gel de ressources économiques' est définie en son article premier, point e) 'toute action visant à empêcher l'utilisation des ressources économiques afin d'obtenir des fonds, des biens ou des services de quelque manière que ce soit, et notamment, mais pas exclusivement, leur vente, leur location ou leur mise sous hypothèque'.

On peut déduire de cette définition que l'utilisation privative d'un bien mobilier (navire de plaisance) appartenant à la personne soumise aux mesures restrictives, n'est pas susceptible de gel au sens de l'article précité et qu'aucune autorité administrative d'un Etat membre n'est susceptible d'engager une procédure de droit interne pour immobiliser ledit bien mobilier, en l'espèce, le navire de plaisance est à usage privatif.

Vraisemblablement, le navire n'est pas destiné à la location, il ne peut faire l'objet de la qualification d'une exploitation économique et aucun élément dans le dossier ne permet de présumer que telle serait sa destination potentielle.

Il ne s'agit donc pas d'une ressource économique au sens du droit de l'Union Européenne.

Ensuite, il n'est pas constaté dans les procès-verbaux litigieux la recherche d'une infraction douanière.

En conséquence, l'administration des douanes, incompétente, a détourné de sa finalité les textes prévus par le code des douanes pour la recherche d'une infraction douanière absente de la cause.

La procédure litigieuse constitue un détournement de la règle de droit. Elle sera sanctionnée comme telle.

Enfin, le procès-verbal de visite de navire litigieux sera également anéanti, à l'identique des actes subséquents puisqu'il est établi que la visite n'avait pour autre finalité que de notifier au propriétaire du navire qui n'était pas concerné et en violation de garanties prévues en pareille matière, une procédure de gel visant une personne désignée le jour-même, en violation des garanties les plus essentielles, comme il est soutenu ci-après.

IV-In fine, sur l'atteinte aux libertés fondamentales et l'interprétation de la norme.

Ainsi, l'incompétence du service des douanes et le détournement de procédure procèdent d'une violation des textes garantis au plus haut niveau normatif.

En droit, l'article 8 de la CESDH protège le droit au respect de la vie privée et familiale et de manière induite, du domicile.

Une atteinte à ce droit fondamental doit être prévue par la loi. Le citoyen doit pouvoir disposer de renseignements suffisants dans les circonstances de la cause sur les normes juridiques applicables à un cas donné (CEDH, 25 mars 1983, SILVER et A/ Royaume-Uni). Cette atteinte doit viser un but légitime (CEDH, 15 juin 1992, LUDI/Suisse) et être nécessaire et proportionnée au but légitime recherché (CEDH, 22 avril 1992, RIEME C/ Suède).

En l'espèce, la procédure conduisant à la visite du navire a germé le jour-même de la parution du Règlement d'exécution 2022/467 dont l'annexe liste le propriétaire nommément comme personne visée par des mesures restrictives, et ce, probablement de manière anticipée.

Par conséquent, l'administration des douanes a violé les dispositions de l'article 8 de la CESDH en ce que la visite du navire dont M. [F] est propriétaire, n'a été ni prévisible, ni légitime, ni proportionnée.

En droit, l'article 6§1 de la CESDH garantit le droit à un procès équitable.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) considère le caractère arbitraire de l'inscription sur une liste et l'impossibilité de toute contestation comme inconcevable dans une société démocratique (CEDH, Grande Chambre, AL-DUBINI et MONTANA MANAGEMENT INC/ Suisse, 21 juin 2016, n°5809/08, §150 et §152).

En l'espèce, le propriétaire du navire n'a fait l'objet d'aucune notification individuelle, et n'a bénéficié d' aucune voie de recours quant à son inscription sur cette liste parue le jour même.

Par conséquent, la violation des dispositions de l'article 6 §1 de la CESDH est manifeste en ce que la visite litigieuse s'inscrit comme l'instrumentalisation d'une inscription simultanée et arbitraire, sur une liste établie dans des circonstances martiales.

En droit, l'article 267 TFUE prévoit le mécanisme de question préjudicielle. Celui-ci est d'autant plus nécessaire au regard du droit fondamental à l'existence d'un recours juridictionnel.

Ce renvoi 'repose sur un dialogue de juge à juge'(CJUE, 2 mars 2021, aff. C-824/18, A. B.) dont le déclenchement dépend entièrement de l'appréciation que la juridiction nationale 'de la pertinence et de la nécessité dudit renvoi' (CJCE, 16 décembre 2008, aff/ C-210/06n Cartesio, point 97).

Ce renvoi préjudiciel est d'autant plus nécessaire lorsque la Cour s'est attribué une exclusivité générale de la déclaration d'invalidité en privant les juridictions ordinaires du pouvoir de conclure un examen de validité dans le sens de l'invalidité de l'acte (CJCE, 22 octobre 1987, aff. 314/85, Foto-Frost).

En l'espèce, l'application du droit de l'Union se trouve à l'origine même du litige.

L'art 267 du TFUE qui prévoit ce mécanisme de question préjudicielle sera invoqué à bon escient. La triple question préjudicielle qui s'impose est précisée.

La DNRED soutient que le Premier Président saisi d'un recours contre les opérations de visite d'un bateau n'est pas compétent pour statuer sur la validité d'une mesure de gel prononcée par les instances européennes, alors qu'il existerait un recours effectif que le requérant n'a pas mis en oeuvre. Or il n'est pas demandé au Premier Président de se prononcer à la place des instances européennes, mais de constater que la DNRED s'est autorisée à notifier au requérant une mesure d'immobilisation du navire ce qui dépasse le simple gel envisagé. Le guide de l'Union du 4 mai 2018 concernant la mise en oeuvre des mesures restrictives est cité.

V- Subsidiairement sur la nullité de la procédure du procès-verbal de visite et des actes subséquents.

Si le Premier Président devait juger que l'opportunité du litige ne commande pas de transmettre à la CJUE la triple question préjudicielle soulevée, il pourra annuler le procès-verbal de visite et celui, subséquent, de notification de la mesure d'immobilisation du navire, en vertu des éléments développés ci-avant (visite du navire fondée sur une procédure irrégulière en ce qu'elle s'appuie sur l'article 63 et non 64, annulation des actes affectés par l'irrégularité, incompétence de l'administration des douanes concernant le procès-verbal de notification des mesures de gel).

Par ces motifs, il est demandé à la Cour, à titre principal :

- de transmettre à la Cour de Justice de l'Union Européenne la triple question préjudicielle suivante, en interprétation et en validité :

Le droit de l'Union Européenne et plus précisément les règlements n°269/2014 et 2022/427 sont-ils valides au regard des dispositions du Traité dès lors qu'ils procèdent de l'inscription discrétionnaire d'un citoyen sur une liste qui n'a fait l'objet d'aucune notification ni d'aucun recours préalable susceptible d'être ouvert à l'intéressé '

Le droit de l'Union Européenne et plus précisément les règlements n°269/2014 et 2022/427 doivent-ils être interprétés en ce qu'un simple navire de plaisance à usage privatif de la personne inscrite sur la liste constitue une ressource économique susceptible de gel '

Le droit de l'Union Européenne et plus précisément le règlement n°269/2014 doit-il s'interpréter en ce que la mesure de gel qui s'appliquerait sur un bien mobilier autorise une autorité administrative d'un Etat non désignée dans l'annexe du II du règlement n°269/2014 à engager une procédure de droit national pour procéder à l'immobilisation du bien mobilier '

A titre subsidiaire :

- Dire et juger irrégulier le procès-verbal de saisie du 16 mars 2022,

- Dire et juger irrégulières la visite domiciliaire et la notification de saisie/gel du 16 mars 2022, ensemble les procès-verbaux de visite n°5 et de gel n° 6 les relatant,

- Procéder à l'annulation des procès-verbaux litigieux et à tous les procès-verbaux de constat subséquents,

- Condamner l'Administration des Douanes au paiement d'une indemnité de 10 000 € au fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 27 juillet 2022 et par conclusions récapitulatives déposées le 31 août 2022 développées à l'audience du 14 septembre 2022, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières fait valoir :

In limine litis : sur l'incompétence territoriale du Premier Président de la Cour d'appel de Paris.

L'administration des douanes rappelle les termes des articles 74 , 81 et 33 du Code de procédure civile et précise que le code des douane édicte des dispositions particulières fixant la compétence matérielle.

Le présent recours ayant été introduit dans le cadre d'une contestation des opérations de visite des parties privatives du navire LA PETITE OURSE, qui ont été réalisées par les agents du service garde-côtes Méditerranée, la compétence revient à la Cour d'appel du lieu de direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure, conformément à l'article 63 du code des douanes, en l'espèce, le service chargé de la procédure est le service de constatation, le service de garde-côtes des douanes de Méditerrannée, dépendant de la Direction Nationale Garde-Côtes des douanes (DNGCD), relevant de la DNGCD sis au Havre, la compétence territoriale revient nécessairement à la Cour d'appel de Rouen.

La présence d'agents de la DNRED et d'agents de la brigade garde-côtes de [Localité 10] lors des opérations de visite n'affecte en rien la direction responsable de la procédure.

De plus, l'absence de mention de l'exacte voie de recours sur le procès-verbal n°6 n'affecte pas la validité de cet acte ni la compétence territoriale prévue par l'article 63 du code des douanes. Enfin, le requérant confond la compétence territoriale de la Cour et la compétence de l'agent poursuivant représentant l'Administration (la DNRED), contre qui la contestation des opérations de visite a été dirigée.

Le Premier Président est incompétent s'agissant du présent recours, le requérant devra être invité à mieux se pourvoir.

Sur le fond :

I. Rappel des faits et de la procédure

Le 14 mars 2022, les agents de la DNRED ont reçu des informations portant sur le navire LA PETITE OURSE transmises spontanément par la cellule évaluation des menaces et analyse sûreté et les autorités maltaises. Ces informations signalaient que ce navire de plaisance était enregistré comme appartenant à la compagnie ORANGERY MARINE LIMITED, SARL enregistrée à Malte et appartenant à Monsieur [K] [A] [F], né le [Date naissance 1] 1962 (éléments consignés dans 3 PV de constat).

Le 16 mars 2022, les agents du service garde-côtes des douanes de Méditerranée ainsi que les agents de la DNRED sont intervenus auprès de la société MONACO MARINE [Localité 6], après information du Procureur de la République près le Tribunal judiciaire de Grasse, ils ont dressé des procès-verbaux de visite fondés sur les articles 63 ter et 63 du code des douanes et ont notifié au capitaine du navire 'la petite Ourse', Monsieur [S] la mesure de gel des avoirs telle que prévue par le règlement UE du 15 mars 2022.

M. [K] [A] [F] a formé un recours contre les opérations de visite qui se sont déroulées sur le navire LA PETITE OURSE, aux fins de (selon conclusions du 14 avril 2022) :

« A titre principal, transmettre à la Cour de Justice de l'Union européenne une triple question préjudicielle en interprétation et en validité;

Et, en tout état de cause:

Dire et juger irrégulier le procès-verbal de saisie le 16 mars 2022;

Procéder à l'annulation du procès-verbal de saisie litigieux et à tous les procès-verbaux de constat subséquents;

Condamner l'administration des douanes au paiement d'une indemnité de 10 000€ au fondement des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens ».

II. Discussion

-Sur la compétence du service des douanes

Le requérant soutient l'incompétence de l'administration douanière, s'agissant de la mise en oeuvre des mesures restrictives édictées par le règlement d'exécution (UE) n°2022/427 du Conseil du 15 mars 2022, modifiant l'annexe 1 du règlement (UE) 269/2014 du Conseil du 17 mars 2014, or ce règlement d'application directe gèle les fonds et ressources économiques des personnes et entités reprises en annexe. L'art 1 du règlement du 17 mars 2014 donne compétence aux autorités compétentes des Etats membres (mentionnées sur le sites internet indiqué à l'annexe II).

La compétence avérée de la Direction générale du Trésor (mentionnée par le site internet 'www.diplomatie.gouv.fr Autorités sanctions ' ) n'exclut pas, pour autant, la compétence des douanes notamment pour le contentieux des relations financières avec l'étranger (articles 451 bis, 453 et 459 §1 du code des douanes).

Il est rappelé que les règlements sont directement applicables dans les Etas membres et que les règlements susvisés qui visent des personnes concernées par des mesures de gel de ressources économiques n'appellent aucune mesure nationale pour rendre effectif ce gel, ces mesures étant d'effet direct dès leur publication au JOUE, l'administration française est uniquement chargée de mettre en oeuvre ces mesures de gel.

Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration douanière est parfaitement compétente pour veiller au respect de la réglementation relative aux relations financières avec l'étranger.

-Sur l'applicabilité de l'article 63 du code des douanes

Le requérant soutient que les opérations de visite relatées au procès-verbal litigieux ne répondaient pas aux conditions prévues par l'article 63 du code des douanes, en soutenant la nécessité de présomptions de fraude douanière pour en justifier son usage.

Or l'article 63 du code des douanes confère aux agents des douanes un pouvoir général de visite des navires, qui autorise l'accès et la visite de tout navire, notamment dans un port, ce qui est le cas en l'espèce, le chantier naval se situant précisément dans le port [11].

Conformément aux dispositions de cet article, concernant un navire à quai depuis plus de 72H, la visite du navire s'est effectuée avec l'accord de l'occupant des lieux, en l'espèce M. [S], capitaine du navire présent lors de cette visite et n'ayant formulé aucune observation et signé le procès-verbal de visite.

Aussi, le requérant cite une jurisprudence de la Cour de cassation datant de 2002, date antérieure à la QPC qui a porté devant le Conseil constitutionnel les articles 62 et 63 CD et ayant donné lieu à leur réécriture par la loi n°2014-742 du 1er juillet 2014.

Depuis cette loi, les articles 62 et 63 CD prévoient désormais une voie de recours au profit de l'occupant au moment de la visite des locaux d'un navire affectés à usage privatif ou d'habitation contre les opérations de visite s'y déroulant, celles-ci étant placées sous le contrôle du juge des libertés et de la détention en cas de refus de l'occupant des lieux.

Seul l'occupant des lieux au moment de la visite est fondé pour effectuer un recours contre les opérations de visite, en raison de la protection de son droit à la vie privée, et non le propriétaire du navire, peu importe même que l'occupant du navire ait été son mandataire.

Ainsi, la société propriétaire du navire n'est pas fondée à contester la visite. (Com. 5 juillet 2017, n°15-25.452). Le propriétaire du navire peut, toutefois, faire valoir la nullité de ces opérations sur le fondement de l'article 173 ou 385 du code de procédure pénale (Cons. Const. 18 mai 2016, n°2016-541 QPC).

Par conséquent, il est demandé de constater que M. [F] n'est pas fondé à contester les opérations de visite du navire LA PETITE OURSE qui se sont déroulées conformément à l'article 63 du code des douanes et, par conséquent, que son recours est irrecevable, celui-ci n'ayant pas la qualité pour agir.

-Sur l'applicabilité des mesures de gel édictées par l'Union européenne

e requérant soutient que la notion de « ressource économique » serait inapplicable au yacht LA PETITE OURSE, celui-ci étant réservé à un usage exclusivement privatif.

L'article 2 §1 §2 et l'article 10 du règlement UE est rappelé.

En vertu de la définition de ressource économique (article 1 d) du Règlement (UE) n°269/2014, est considérée comme ressource économique un avoir de toute nature, corporel, mobilier, qui, sans être un fonds, peut être utilisé pour obtenir des fonds.

Au sens de l'article 531 du code civil, « les bateaux, bacs, navires (') sont meubles ».

En l'espèce, ce yacht, bien qu'affecté à une activité de plaisance, est susceptible de faire l'objet d'une location, d'une vente ou d'une mise sous hypothèque, générant ainsi des fonds au profit de son propriétaire.

Par conséquent, il est demandé de juger que la mesure de gel du yacht LA PETITE OURSE trouve bien à s'appliquer.

-Sur l'atteinte aux libertés fondamentales et l'interprétation de la norme

Le requérant soulève une double atteinte aux libertés fondamentales, d'une part en raison des opérations de visite du navire, d'autre part en raison d'une inscription supposée « arbitraire » de M. [F] sur la liste des personnes concernées par des mesures de restriction en raison du conflit russo-ukrainien.

Sur la violation de l'article 8 CESDH

Le requérant critique la visite du navire en ce qu'elle constituerait une ingérence des agents des douanes au domicile de M [F]. Or il convient de rappeler que la visite des parties privatives des navires est prévue à l'article 63 du code des douanes.

Dès lors qu'il est constaté qu'un navire est affecté à la plaisance commerciale et que, au moment du contrôle, il est amarré en rade pour des travaux. La visite de la cabine (et l'éventuelle saisie de documents ) constatée par procès-verbal ayant été signé par le capitaine présent sans opposition ni réserve, l'article 64 ne trouve pas à s'appliquer et aucune atteinte au droit au respect du domicile au sens de l'article 8 CESDH ne saurait être constatée du fait de la visite des parties privatives du navire.

La visite du navire s'est déroulée en présence de M. [T] [S] , capitaine du navire, qui a été invité par les agents à formuler ses observations et à les insérer dans le procès-verbal n°5, ce à quoi il n'a pas jugé nécessaire de déférer.

Il sera constaté l'absence manifeste de violation de la propriété privée.

Sur la violation de l'article 6 de la CESDH

Le requérant invoque une absence de notification individuelle à M [F] de son inscription sur la liste modifiée de l'annexe du règlement UE, en violation du droit au procès équitable, et sollicite le renvoi d'une question préjudicielle devant le juge européen.

En l'espèce, le Premier Président, saisi dans le cadre d'un recours contre des opérations de visite d'un navire, n'est pas compétent pour statuer sur la validité d'une mesure de gel prononcée par les instances européennes.

Les questions préjudicielles ainsi soulevées par le requérant et portant sur la conformité des mesures de gel au droit de l'Union européenne doivent être posées dans le cadre d'un recours contres lesdites mesures devant les juridictions européennes, ce recours étant précisé dans le 'guide de bonne conduite relative à la mise en oeuvre des sanctions économiques et financières' publié par la direction générale du trésor, étant observé que les recours à l'encontre des sanctions suvisées ne peuvent être portés que devant le Conseil de l'Union européenne, la Commission européenne ou les autorités judiciaires dde l'UE selon les cas.

Il sera constaté l'inapplicabilité des questions soulevées au présent litige et qu'il existe bien un recours effectif, que M. [F] a choisi de ne pas mettre en oeuvre.

A titre infiniment subsidiaire, sur l'annulation des actes subséquents

Le requérant sollicite l'annulation des actes subséquents au procès-verbal n° 5, à savoir le procès-verbal n° 6 concernant la notification de la mesure de gel dont fait l'objet M. [F], il soutient que la visite du navire opérée par les agents des douanes n'avait d'autre but que la notification d'une mesure d'immobilisation du navire. Or il convient de préciser qu'il n'était nul besoin d'un contrôle au titre de l'article 63 du code des douanes pour que les mesures de sanctions édictées par l'UE s'appliquent à M. [F]. Dès le 15 mars 2022, les fonds, avoirs et ressources économiques de M. [F] ont été gelés.

Le procès-verbal n°6 constitue une simple information du capitaine du navire M. [T] [S] s'agissant de l'application de ces mesures dont le contournement est une infraction prévue et réprimée par l'article 459 du code des douanes, quand bien même il n'est pas directement concerné.

Le procès-verbal n°6 de l'administration des douanes n'a qu'une valeur informative et ne relève pas des pouvoirs de police judiciaires conférés à cette administration, la compétence pour connaître des litiges issus de tels acte revenant aux juridictions administratives.

En tout état de cause, le procès-verbal n°5 ne constitue pas le support nécessaire du procès-verbal n°6 d'application de la mesure de gel.

Par ces motifs, il est demandé de :

- A titre principal, se déclarer incompétent pour connaître du recours contre les opérations de visite du navire LA PETITE OURSE reprises au procès-verbal n°5 du 16 mars 2022;

- A titre subsidiaire,

- Juger inapplicable au litige la triple question préjudicielle posée par M. [F],

- Débouter M. [K] [A] [F] de ses demandes,

- Juger régulier le procès-verbal de saisie du 16 mars 2022 et les procès-verbaux subséquents,

- Condamner M. [K] [A] [F] à verser à l'Administration des douanes la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par avis du 29 août 2022, soutenu à l'audience du 14 septembre 2022, le Ministère public fait valoir :

I Les dispositions applicables.

L'Union européenne (UE) a adopté des sanctions économiques par voie des règlements à l'encontre de la Fédération de Russie suite à l'invasion de l'Ukraine.

L'article 2 § 1 du Règlement (UE) n°269/2014, d'application directe, sans nécessité de transposition dans le droit national, impose une mesure de gel de tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes, physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, énumérés à l'annexe I, tel que modifié par le règlement d'exécution UE 2022/427.

[K] [A] [F] figure dans l'annexe I du règlement d'exécution EU du Conseil du 15 mars 2022.

Les mesures de gel des ressources économiques dont il est propriétaire s'analysent comme une sanction économique ou financière de nature administrative. La sanction de gel de ressouces économiques constitue une restriction temporaire de disposer du bien pour en tirer des bénéfices.

L'administration des douanes est chargée d'identifier les biens susceptibles d'être visés par les mesures de gel, de rechercher et poursuivre toute tentative de contournement des mesures restrictives (article 459, 1bis du code des douanes). L'article 453 du même code l'habilite à constater les infractions à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger.

Elle peut, notamment effectuer des visites domiciliaires, en vertu de l'article 63 du même code et procéder, comme elle l'a fait, au gel de la ressource économique.

Les moyens invoqués par le requérant seront traités dans l'ordre procédural.

II La contestation des mesures restrictives instituées par les règlements européens: l'incompétence juridictionnelle des Etats membres.

[K] [A] [F] conteste l'application d'un acte juridique de l'UE, cette contestation doit être portée devant les juridictions de l'UE.

Les Etats membres sont en situation de compétence liée et doivent appliquer les reglements européens et les mesures nécessaires pour assurer le gel, dès leur publication au JOUE, les Etats membres appliquent leur législation interne pour parvenir aux objectifs, en l'espèce les opérations de visite et gel de la ressource économique ont été diligentées en application de l'article 63 du code des douanes.

Les juridictions de l'Union Européenne sont compétentes pour connaître des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'application d'un règlement, notamment l'inscription dans la liste figurant dans l'annexe I (articles 263, 277 et 267 du TFUE).

[K] [A] [F] dispose d'un recours effectif, devant les instances de l'U.E, la juridiction judiciaire nationale n'est pas compétente pour connaître d'un tel recours.

Par ailleurs, M. [F] estime que les opérations de visite et gel de son navire mises en oeuvre par l'administration des douanes portent atteinte aux libertés fondamentales et violent l'article 8 de la CESDH, en raison de l'ingérence dans sa vie privée « et de manière induite » à son domicile lors de la notification de la mesure de gel (i) ainsi que l'article 6, du fait de l'inscription arbitraire de son nom sur l'annexe I du Règlement et de l'absence de notification individuelle de la mesure prise à son égard (ii).

Sur l'ingérence et la violation de la vie privée (Article 8 CESDH).

Contrairement à ce que soutient le requérant, la visite d'un navire, puis la notification de la mesure d'immobilisation, a été faite auprès de l'occupant des lieux au moment de la visite, le capitaine du navire, M. [E] [T] [S] . Celui-ci a été informé, en langue anglaise, des mesures restrictives concernant les navires appartenant à [K] [A] [F] et a reçu notification de la mesure de gel consistant à l'immobilisation du navire, et de l'infraction à laquelle lui-même pouvait s'exposer en cas de déplacement du navire, en langue anglaise.

Le Ministère public est d'avis de rejeter ce moyen.

Sur l'inscription sur une liste et l'absence de notification individuelle (droit au procès équitable (Article 6 CESDH).

Dès sa publication, le règlement était connu et applicable dans l'ensemble des Etats-membres.

La notification d'une mesure de gel de ressource économique est valablement faite au propriétaire du bien ou son représentant par délégation, sans autre exigence relative à sa mise en oeuvre.

La procédure dilligentée pour parvenir à cet objectif n'encourt pas la censure de ce chef.

Le ministère public est d'avis de rejeter ce moyen.

III Sur le rejet de la demande de transmission des questions préjudicielles.

Le requérant sollicite la transmission de trois questions préjudicielles à la CJUE.

Les conditions de transmission des questions préjudicielles telles qu'exigées par l'article 267 du TFUE, ne sont, en l'espèce, pas réunies par le requérant, dès lors qu'elles tendent à contester la validité du Règlement et que le requérant dispose de recours devant les instances compétentes de l'UE, qu'elles n'apparaissent pas nécessaires à la résolution du litige et qu'il dispose des recours juridictionnels devant la juridiction nationale contre les opérations menées en application du code des douanes.

Toutefois, il sera répondu à chaque question:

Sur la première question

Les autorités compétentes des Etats-membres peuvent autoriser le déblocage ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques gelés sous certaines conditions, par exemple les biens nécessaires pour répondre aux besoins des personnes physiques ou morales. En France, cette possibilité existe, comme l'a exposé l'administration des douanes.

[K] [A] [F] dispose d'un recours pour contester la mesure, à condition de porter sa contestation devant la juridiction compétente.

Par conséquent, le Ministère public est d'avis que la Cour ne renvoie pas la première question à la CJUE.

Sur la deuxième question

Conformément à l'article 1 du règlement en l'espèce, un navire de plaisance constitue une ressource économique puisqu'il peut être utilisé pour obtenir des fonds, ou fournir des services, il peut donc faire l'objet de gel.

Par conséquent, le Ministère public est d'avis que la Cour ne renvoie pas la deuxième question à la CJUE.

Sur la troisième question

Conformément à l'article 16 du Règlement tel que renvoyant à l'annexe II de celui-ci, la Direction Générale du Trésor (DGT) est compétente pour relayer les mesures restrictives prononcées notamment par l'U.E. Pour l'identification et les poursuites, elle s'appuie sur la compétence de l'administration des douanes (article 453 du code des douanes). Pour rendre effective ces sanctions, en cas de contournement, l'article 459 (1 bis) sanctionne leur violation.

Par conséquent, le Ministère public est d'avis que la Cour ne renvoie pas la troisième question à la CJUE.

IV Sur la mise en oeuvre des mesures restrictives: la compétence matérielle et territoriale de l'administration des douanes.

La DGT, autorité désignée, relaie les mesures restrictives aux autorités compétentes nationales, dont l'administration des douanes, la compétence de celle-ci n'étant pas contestable.

Par, ailleurs, conformément à l'article 63 du code des douanes, le navire se trouvait dans le secteur du service garde-côtes des douanes de Méditerranée qui dépend de la Direction Nationale Garde-Côtes des douanes (DNGCD).

Le service central de la DNGCD est basé au Havre, ressort de la Cour d'appel de Rouen.

Par conséquent, le ministère public est d'avis que la Cour se déclare territorialement incompétente pour connaître du recours interposé par [K] [A] [F].

V Sur le déroulement de la procédure de visite: l'absence de nécessité d'autorisation du juge des libertés et de la détention.

La Loi du 1er juillet 2014 a modifié les articles 62 et 63 du CD pour renforcer la protection des locaux affectés à un usage privé des navires, prévoyant l'autorisation du JLD en cas de refus de l'ocupant des lieux.En l'espèce, les opérations se sont déroulées sans contrainte, en l'absence du refus du capitaine qui a d'ailleurs assisté les agents des douanes pendant toute la durée de l'opération, une autorisation par ordonnance du juge des libertés et de la détention n'était pas nécessaire (Article 63 III B du code des douanes). Ainsi les opérations diligentées ne relèvent pas de l'article 64 du code des douanes.

Le ministère public est d'avis de rejeter la demande de nullité des procès-verbaux.

En conclusion, le Ministère public est d'avis que le Premier Président de la Cour d'appel:

In limine litis :

- Constate l'incompétence des autorités nationales pour connaître de la légalité d'un règlement de l'UE contestée par [K] [A] [F],

Subsidiairement,

- Constate qu'il n'

est pas territorialement compétent pour connaître du recours formé par [K] [A] [F],

Si la Cour d'appel de Paris retient sa compétence:

- Dire n'y avoir lieu à transmission des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne.

- Rejeter la demande d'annulation des procès-verbaux.

SUR CE LA COUR :

A titre liminaire, sur l'exception d'incompétence territoriale.

Il convient de rappeler que [K] [A] [F] a exercé un recours afin de contester le déroulement des opérations de visite réalisées le 16 mars 2022 de 15H30 à 16H10 sur le navire 'la Petite Ourse', qu'il a joint à son recours le procès-verbal de visite n° 5 et a saisi le Premier Président de la Cour d'appel de Paris dont la compétence territoriale est contestée. Il convient de relever que le procès-verbal susvisé a été dressé par le service de 'méditerranée Garde- côtes de Nice' sur le fondement de l'article 63 du code des Douanes, que cet article prévoit que' l'occupant des locaux' dispose d'un recours contre le déroulement des opérations de visite devant le premier président de la Cour d'appel 'du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure', qu'en l'espèce il résulte de l'examen des procès verbaux n° 1, 2 , 3 et 4 que la procédure a été diligentée par le service de la DNRED dont la direction est fixée à à Ivry Sur Seine (94), que d'ailleurs les opérations de visite relatées dans le procès-verbal n° 5 ont été effectuées conjointement par les agents du service de gardes-côtes de Nice (Matricules 53400 et 52755) et par les agents relevant de la DNRED (matricules 59143, 53902 et 53054) dont l'attribution des numéros de matricule est précisée dans le procès-verbal n°6, qu'il est reproché au requérant de ne pas avoir saisi la Cour d'appel compétente (Rouen) alors que le procès-verbal n° 5 , rédigé de façon confuse, fait état d'une voie de recours 'par déclaration au greffe de la Cour de COURAPPEL' , qu'il en résulte que le requérant est bien fondé à exercer son recours devant la Cour d'appel de Paris, compétente eu égard au lieu du siège de la DNRED, qui doit être considéré en l'espèce comme le ' service chargé de la procédure'.

Rejetons l'exception d'incompétence territoriale et nous déclarons compétent.

Sur le Fond :

-Sur la recevabilité du recours présenté par [K] [A] [F] contestée par l'administration des douanes.

Il convient de rappeler que le Premier Président est saisi d'un recours contre le procès-verbal n°5 relatant sommairement la visite de la cabine de [S] [E] [T], occupant des lieux, sur le fondement de l'article 63 du Code des douanes, que l'article 63 -V prévoit que l'occupant des lieux dispose d'un recours contre le déroulement des opérations de visite, que l'article 63- II-B prévoit, dans le cas de la nécessité d'une ordonnance du JLD , que celle ci est notifiée verbalement [...] à 'l'occupant des lieux ou, en son absence , au capitaine du navire ou son représentant', qu'il en résulte que l'article 63, s'agissant d'un navire, opère une distinction entre 'l'occupant des lieux' et 'le capitaine'. Il convient de rappeler qu'en ce qui concerne la notion d'occupant des lieux dans le cadre des visites domiciliaires , la définition qui en est donnée tant par les textes que par la jurisprudence est large, que dans son arrêt du 14 octobre 2020, la Cour de cassation réaffirme que l' occupant est « la personne qui occupe, à quelque titre que ce soit, les locaux dans lesquels la visite est autorisée [...] ', qu'il résulte de l'instruction du 24 juin 2009 ( BOI 13 K-8-09) concernant la procédure de visite domiciliaire de l'article L16B du livre des procédures fiscales que 'par occupant des lieux, il faut entendre la personne qui occupe les locaux quelque soit son titre (propriétaire, locataire, à titre gratuit...)', qu'il résulte des éléments du dossier issus des renseignements collectés par les douanes que le navire appartient à la société 'Orangery Marine Limited', qu'[K] [A] [F] est le propriétaire effectif de cette société, qu'à ce titre il doit être considéré comme occupant des lieux comme propriétaire du navire, au sens de l'artcicle 63 du code des douanes et qu'il dispose d'un recours contre le déroulement des opérations de visite.

Le recours présenté par [K] [A] [F] sera déclaré recevable.

-Sur la demande de transmettre à la Cour de Justice de l'Union Européenne la triple question préjudicielle en interprétation et en validité :

Le requérant sollicite la transmission de trois questions préjudicielles à la CJUE tendant à contester la validité du Règlement, or il convient de relever que les conditions de transmission des questions préjudicielles telles qu'exigées par l'article 267 du TFUE, ne sont, en l'espèce, pas réunies, que l'article 267 du TFUE fixe deux conditions de renvoi d'une question préjudicielle devant la CJUE : lorsqu'elle est nécessaire à la résolution du litige et lorsque les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, qu'en l'espèce les questions préjudicielles concernent la contestation de la validité du Règlement susvisé alors que le requérant dispose de recours devant les instances compétentes de l'Union européenne, que les questions préjudicielles n'apparaissent pas nécessaires à la résolution du litige, s'agissant d'un recours à l'encontre du procès-verbal de visite n°5 fondé sur l'article 63 du code des douanes devant le Premier Président de la Cour d'appel.

Cette demande sera rejetée.

-Sur l'incompétence de la Direction générale des douanes et le détournement de procédure.

S'agissant de la mise en oeuvre de la procédure de gel des ressources économiques telle qu'elle ressort du procès-verbal n°6, le requérant soulève l'incompétence de l'administration des douanes et le détournement de procédure, or il convient de rappeler qu'en l'espèce le Premier Président de la Cour d'appel est saisi d'un recours à l'encontre du procès-verbal n°5 et des actes subséquents, que l'acte de recours déposé au greffe de la Cour d'appel ne vise pas le procès-verbal n° 6 qui n'a pas été joint au recours, que le procès-verbal n° 6 intitulé ' application des mesures de gel des avoirs par le règlement du 15 mars 2022 [...]', au cours duquel la mesure de gel du navire a été portée à la connaissance du capitaine [S], débute à 14h50 et se termine à17H50, que le procès-verbal n°5 contesté est fondé sur l'article 63 du code des douanes et concerne la visite de la cabine du capitaine [S], que cette opération débute à 15H30 et se termine à 16H10, que le procès-verbal n° 6 dont les opérations ont débuté plus tôt et qui comportent un fondement juridique différent ne peut -être considéré comme un acte subséquent, que l'administration des douanes est compétente concernant le procès-verbal n°5 exécuté en vertu de l'article 63, qu'en revanche il n'appartient pas au Premier Président de la Cour d'appel de statuer sur la compétence de l'administration des douanes concernant le procès-verbal n° 6 dans le cadre du présent recours ni sur un éventuel détournement de procédure qui aurait été effectué par l'administration des douanes.

Ce moyen sera rejeté.

-Sur la régularité du procès-verbal n°4.

Le requéant conteste la validité du procès-verbal n° 4 dressé sur le fondement de l'article 63 ter en ce que l'administration des douanes n'apporte pas la preuve de l'avis au Procureur de la République de Grasse, or il convient de rappeler que le recours porté devant le Premier Président concerne le procès-verbal n° 5 et non pas le procès-verbal n° 4, qui n'a pas été joint au recours et qui ne peut être considéré comme acte subséquent étant antérieur au procès-verbal n°5.

Ce moyen sera déclaré irrecevable.

-Sur la non applicabilité des dispositions de l'article 63 du code des douanes et la régularité du procès-verbal n°5 soumises à l'appréciation de la Cour d'appel.

Le requérant conteste la validité du procès-verbal au motif que le fondement de l'article 63 n'est pas adapté, que l'article 64 était applicable, que les agents n'ont pas notifié au Capitaine [S] le droit de s'opposer à la visite.

Concernant le procès-verbal n° 5, il convient de relever qu'il s'inscrit dans le cadre de l'article 63 du code des Douanes, que cet article prévoit l'application de cet article par les agents des douanes 'en vue de la recherche de la fraude', alors que dans aucun procès-verbal de cette procédure une quelconque fraude n'est évoquée, que l'article 63 B prévoit la possibilité pour l'occupant des lieux de refuser la mesure, que le procès-verbal ne fait pas mention de l'information de ce droit qui aurait été portée à la connaissance du Capitaine [S], que de plus alors que le procès-verbal n° 6 concernant ' l'application des mesures de gel des avoirs' fait mention de la présence d'un interprête assermenté en langue anglaise pour assister Monsieur [S] [E], le procès-verbal n° 5 ne fait aucunement mention de l'intervention de cet interprête, que l'emplacement de la signature de l'interprête n 'est pas revêtu de sa signature mais comporte le numéro de matricule d'un contrôleur principal d'un garde-côtes (53400), que cette difficulté a été évoquée lors de l'audience du 14 septembre et soumise au débat contradictoire à laquelle la DNRED n'a donné aucune explication, qu'enfin il a été relevé l'absence d'indication de la juridiction compétente pour l'exercice des voies de recours, que ces graves erreurs révèlent un manque de rigueur de la part des agents des douanes concernant les opérations relatées dans le procès-verbal n° 5 , et affectent définitivement la régularité du procès-verbal et des opérations, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'applicabilité de l'article 63 au lieu et place de l'article 64 du code des douanes.

Ce moyen sera accueilli, le procès-verbal n° 5 sera annulé.

-Sur l'atteinte aux libertés fondamentales et la violation des articles 6 et 8 de la CESDH.

Le Premier Président n'étant pas saisi d'un recours à l'encontre des procès-verbaux n° 4 et 6 et ayant annulé le procès-verbal n° 5, ce moyen n'est plus pertinent.

Ce moyen sera déclaré inopérant.

Sur la demande de condamnation de l'administration des Douanes aux dépens

Il résulte des termes de l'article 367 du code de douanes, qu' ' en matière douanière, en première instance et sur appel, l'instruction est verbale sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part ni d'autre',

Dès lors, il convient d'exonérer les douanes de toute condamnation aux dépens.

Enfin les circonstances de l'instance ne commandent pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence il convient d'annuler la procès-verbal n° 5 et de déclarer irrégulières les opérations de visite et de saisies constatées dans ce procès-verbal.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort.

-Nous déclarons compétent pour connaitre du recours enregistré sous le numéro de RG 22/05931,

- Déclarons le recours d'[K] [A] [F] recevable à l'encontre du procès-verbal n° 5 du 16 mars 2022,

- Disons qu'il n' y a pas lieu de transmettre la triple question préjudicielle posée à la CJUE,

- Déclarons irrégulier et annulons le procès-verbal n° 5 en date du 16 mars 2022 et déclarons irrégulières et annulons les opérations de visite et saisie concernant les lieux visés dans ce procès-verbal,

- Rejetons toute autre demande,

- Disons que la charge des dépens sera supportée par la partie requérante.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

[O] [R]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 15
Numéro d'arrêt : 22/05931
Date de la décision : 05/10/2022
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;22.05931 ?
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