Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 05 OCTOBRE 2022
(n° ,9pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/13723 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCMZK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2020 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/06109
APPELANT
Monsieur [T] [D]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Clélia RICHARD de l'AARPI CLAVIN - RICHARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1229
INTIMEE
S.A. LA BANQUE POSTALE
Prise en la personne de ses dirigeants sociaux domiciliés au siège social
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Jean-philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0812
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence BUTIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Marc BAILLY, Président de chambre,
Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
Florence BUTIN,Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marc BAILLY, Président de chambre, et par Anaïs DECEBAL,Greffière, présente lors de la mise à disposition.
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* *
Le 24 juillet 1973 et le 11 août 1995, [L] [R] épouse [D] a successivement ouvert deux comptes livret A auprès de la SA LA BANQUE POSTALE qui par courrier en date du 3 septembre 2014, l'a informée de ce que le premier avait été clôturé le 1er janvier 2011 sans que le solde ne puisse lui être restitué.
C'est dans ce contexte que [T] [D], qui était habilité à représenter son épouse par décision du tribunal d'instance de VILLEJUIF en date du 23 juin 2016, a fait assigner la SA LA BANQUE POSTALE devant le tribunal judiciaire de PARIS selon acte du 25 mai 2018 en vue d'obtenir la restitution de la somme correspondant au crédit du compte en cause soit 18 400,36 euros, outre 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 6 juillet 2020, le tribunal de grande instance de PARIS a :
-débouté [T] [D], en qualité de représentant de [L] [R] épouse [D], de sa demande de restitution de la somme de 18 400,36 euros ;
- débouté [T] [D], en qualité de représentant de [L] [R] épouse [D], de sa demande de dommages et intérêts ;
- débouté la BANQUE POSTALE de sa demande au titre de l'article 700 du code procédure civile ;
- laissé à chaque partie la charge de ses dépens ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Ce, aux motifs que :
- l'article L. 1126-1 du Code général des collectivités publiques dans sa version applicable au moment des faits permet, à la différence de l'article R. 47-1 du code du domaine de l'état qui n'est pas applicable au cas d'espèce, d'appliquer la prescription trentenaire sans avertissement préalable des ayants-droit du titulaire du compte ;
- l'article L. 221-38 du code monétaire et financier issu de l'article 145 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008, imposant à la banque de vérifier l'existence d'un autre livret A en cas de demande d'ouverture, n'était pas applicable à la date de l'opération litigieuse soit le 11 août 1995 ;
- la prescription trentenaire n'a pas été interrompue par l'ouverture d'un deuxième compte le 11 août 1995 - la dernière opération sur le livret A de la demanderesse ayant été effectuée le 27 mars 1979 - dès lors que la modification de l'article L. 1126-1 précité résulte de l'article 11 de la loi n°2014-617 du 13 juin 2014.
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Par déclaration en date du 30 septembre 2020, [T] [D], venant aux droits de son épouse décédée, a formé appel de ce jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de restitution de la somme de 18 400,36 euros ainsi que de sa demande de dommages et intérêts.
Par ordonnance rendue le 4 mai 2021, le conseiller de la mise en état a débouté la SA LA BANQUE POSTALE de sa demande tendant à voir déclarer l'appel irrecevable comme tardif au motif que [T] [D] justifiait s'être trouvé dans l'impossibilité absolue de prendre connaissance du jugement notifié puisqu'il a été hospitalisé du 24 avril au 16 septembre 2020.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens, [T] [D] demande à la cour de :
Vu notamment l'article 1104 du code civil,
INFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de Paris du 6 juillet 2020 ;
CONDAMNER LA BANQUE POSTALE à la somme de 18 400, 36 euros correspondant à la somme débitée sur le Livret A ;
CONDAMNER LA BANQUE POSTALE à la somme de 4 855,60 euros à titre de dommages-intérêts correspondant aux intérêts légaux ;
CONDAMNER LA BANQUE POSTALE à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
faisant valoir pour l'essentiel que :
- le contrat n'a pas été exécuté de bonne foi par la banque qui a manqué à ses obligations d'information et de loyauté, elle aurait dû aviser sa cliente de ce que les fonds étaient susceptibles d'être transférés à l'État ;
- le préjudice s'établit à la somme de 18 400,36 euros à laquelle il sera appliqué le taux d'intérêt légal par année de retenue soit de 2011 (clôture annoncée) à 2020 date de la demande, les intérêts de l'année n venant se cumuler au capital de l'année n+1 et ce en toute logique du principe même de l'épargne, soit un capital de 23 255,96 ;
- LA BANQUE POSTALE a cherché à couvrir la violation manifeste de ses obligations bancaires antérieures au 27 mars 2009 (il était alors encore possible d'informer du risque de prescription du dépôt en cause) en clôturant en urgence le compte au 1er janvier 2011 avant l'ordonnance du 21 janvier 2011 créant L'ACP ;
- l'ouverture d'un deuxième compte a nécessairement interrompu la prescription trentenaire, il s'analyse en un mouvement sur le premier compte.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens, LA BANQUE POSTALE demande à la cour de :
RECEVOIR LA BANQUE POSTALE en ses conclusions ;
DIRE ET JUGER que la responsabilité de LA BANQUE POSTALE n'est pas encourue ;
CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositions ;
DEBOUTER M. [D] de toutes ses demandes ;
CONDAMNER M. [D] à régler à LA BANQUE POSTALE la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre la charge des dépens ;
faisant valoir pour l'essentiel que :
- au regard de la prescription trentenaire, LA BANQUE POSTALE avait l'obligation de verser à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS les sommes détenues sur le livret A de sa cliente à défaut d'opération effectuée depuis 30 ans soit à compter du 27 mars 2009, elle n'avait pas lieu de l'en informer dès lors que les sommes en cause devenaient automatiquement propriété de l'État à compter du 27 mars 2009 et que la clôture est intervenue le 1er janvier 2011 ;
- le second livret A de Mme [D] ayant été ouvert bien avant l'entrée en vigueur du décret 2012-1128 du 4 octobre 2012 imposant à la banque de procéder à une vérification préalable, la responsabilité de la banque ne peut pas plus être engagée à ce titre.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2022.
Par conclusions notifiées le 23 mai 2022, LA BANQUE POSTALE a invoqué l'irrecevabilité et sollicité le rejet des pièces numérotées 3 à 10 communiquées par M. [D] le vendredi 13 mai 2022 à 17h07 au visa de l'article 15 du code de procédure civile et au motif que l'intéressé produisait ces pièces « près d'un an après avoir eu connaissance de la date de clôture et un jour ouvré avant la date de clôture ».
MOTIFS DE LA DECISION :
1- sur la demande visant à voir écarter des débats les pièces communiquées par l'appelant :
L'appelant a communiqué 7 nouvelles pièces le vendredi 13 mai 2022 après 17 heures alors que la date de clôture avait été fixée au 17 mai suivant, soit :
- pièce n°3 un document daté du 25 janvier 2017 intitulé 'loi sur les comptes bancaires inactifs: comment ça marche' qui explicite les principales dispositions de la loi du 13 juin 2014 dite Loi Eckert laquelle ' impose aux banques et assurances, depuis le 1er janvier 2016, de recenser les comptes bancaires inactifs et les contrats d'assurance vie en déshérence afin d'en rappeler systématiquement l'existence à leur titulaire'
- pièce n°4 : un document interne à en tête de la Banque Postale daté du 16 juin 2014 ainsi rédigé: ' merci de bien vouloir informé ( sic) la cliente concernant ce livret qui a été clôturé en 2011. Cette cliente souhaite récupérer l'argent de ce livret . Voici ces ( sic) coordonnées ...'
- pièce n° 5 : un courrier établi au nom de Madame [D] , daté du 23 septembre 2014 adressé au médiateur de la Banque Postale ainsi rédigé ' je fais suite au courrier reçu ce jour par la banque Postale .... En effet je souhaite récupérer les fonds versés sur le livret A mais la banque postale refuse de me verser l'argent sous prétexte qu'aucune opération n'a été effectuée en 30 ans . Effectivement le livret A a été retrouvé par hasard chez moi et sans livret A je ne pouvais pas faire d'opération. Je souhaite récupérer les fonds au plus vite suite à de gros problèmes de santé , j'ai besoin de ces fonds pour me soigner .'
- pièce n°6 un courrier adressé à Madame [D] à en tête du médiateur de la Banque Postale en date du 17 octobre 2014 ainsi rédigé : ' Madame, je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint l'avis que j'émets dans votre dossier'
- pièce n°7 :une lettre du chargé de clientèle de la Banque Postale en date du 26 mai 2015 informant Monsieur [D] de ce qu'il serait reçu le 29 mai 2015 par son conseiller
- pièce n°8: un relevé de Livret A en date du 27 mars 2019 qui fait état d'un nouveau solde de 7.425€ après le versement d'une retraite de sécurité sociale de 275,63€ et un retrait d'espèces de 300€ .
- pièce n°9 : relevé du compte courant postal au nom de M [D] en date du 31 mars 2022, faisant état d'un solde de 13.391,08€ pour le CCP et de 18.193,65€ pour le livret A
-pièce n°10: un document à en tête Banque Postale/CNP Assurances, adressé à monsieur [D], intitulé 'votre bulletin de situation annuel au 31/12/2019" faisant état d'un capital de 46.881,78€.
Aux termes de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
Il résulte du simple examen des pièces litigieuses que :
-les pièces 4,5,6, soit émanent de la Banque Postale, soit lui ont été adressées et sont relatives à l'information donnée au courant de l'année 2014 de la clôture du livret A de madame [D], et donc à l'impossibilité de restitution corrélative des fonds attribués à l'Etat, qui sont l'objet du litige
-les pièces 3 et 7 sont elles dénuées de tout intérêt dans la présente instance puisqu'elles relatent l'une, un rendez vous fixé en 2015, l'autre des explications données par un site officiel sur une loi qui n' est pas applicable aux faits
- les pièces 8, 9, 10 sont toutes les 3 éditées par la Banque Postale et renseignent sur la situation personnelle de l'appelant .
En conséquence, ces pièces ne nécessitent aucune réplique de la part de l'intimée qui dès lors est mal fondée à prétendre qu'elles ne lui ont pas été communiquées en temps utile au sens de l'article 15 précité. Leur communication ne saurait constituer une violation délibérée du principe de la contradiction et du principe de loyauté, les droits de la Banque Postale n'étant pas compromis, le débat restant figé dans les écritures échangées contradictoirement entre les parties .
La demande de rejet des débats de ces pièces ne peut donc être accueillie.
2 ' sur le bien fondé de la demande de restitution du solde du compte clôturé :
Contrairement à ce qu'elle soutient et à ce qu'a retenu le tribunal, la Banque Postale ne peut pertinemment soutenir que les dispositions de l'article L 1126-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, dont elle explique avoir fait application en l'espèce, la dispenseraient de toute information au titulaire du compte, en ce qu'elles prévoient que les dépôts d'espèces qui n'ont fait l'objet d'aucune opération ou réclamation depuis plus de 30 ans sont acquis de plein droit à l'Etat, alors que la situation ne pouvait être régie par l'article R47-1 du code du domaine de l'Etat, qui impose l'envoi d'une lettre recommandée préalable d'information lorsqu'il est envisagé de déposer à la Caisse des Dépôts et Consignations les fonds détenus sur un compte qui n'a pas été mouvementé depuis 10 ans .
Tout d'abord, l'article L 1126-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa version applicable en l'espèce, dispose :
Sont acquis à l'Etat, à moins qu'il ne soit disposé de ces biens par des lois particulières 1° Le montant des coupons, intérêts ou dividendes, atteints par la prescription quinquennale ou conventionnelle et afférents à des actions, parts de fondateur, obligations ou autres valeurs mobilières négociables, émises par toute société commerciale ou civile ou par toute collectivité privée ou publique ;
2° Les actions, parts de fondateur, obligations et autres valeurs mobilières des mêmes collectivités, lorsqu'elles sont atteintes par la prescription trentenaire ou conventionnelle
3° Les dépôts de sommes d'argent et, d'une manière générale, tous avoirs en espèces dans les banques, les établissements de crédit et tous autres établissements qui reçoivent des fonds en dépôt ou en compte courant, lorsque ces dépôts ou avoirs n'ont fait l'objet de la part des ayants droit d'aucune opération ou réclamation depuis trente années;
4° Les dépôts de titres et, d'une manière générale, tous avoirs en titres dans les banques et autres établissements qui reçoivent des titres en dépôt ou pour tout autre cause lorsque ces dépôts ou avoirs n'ont fait l'objet, de la part des ayants droit, d'aucune opération ou réclamation depuis trente années ;
5° Les sommes dues au titre de contrats d'assurance sur la vie comportant des valeurs de rachat ou de transfert et n'ayant fait l'objet, à compter du décès de l'assuré ou du terme du contrat, d'aucune demande de prestation auprès de l'organisme d'assurance depuis trente années.'
Aux termes des articles L 1126-3 et L1126-4 du même code, dans leur version applicable aux faits de l'espèce, :
' Les banques, les établissements de crédit et tous autres établissements qui reçoivent soit des fonds en dépôt ou en compte courant, soit des titres en dépôt ou pour tout autre cause sont tenus de remettre au Trésor public tous les dépôts ou avoirs en espèces ou en titres, qui n'ont fait l'objet, de la part des ayants droit, d'aucune opération ou réclamation depuis trente ans et qui n'ont pas été déposés dans un établissement habilité à cet effet par décret'.
' Les sommes déposées, à quelque titre que ce soit, à la Caisse des dépôts et consignations sont acquises par l'Etat selon les règles fixées au premier alinéa de l'article L. 518-24 du code monétaire et financier'.
Selon ce dernier texte, dans sa version applicable à l'espèce :' Les sommes déposées, à quelque titre que ce soit, à la Caisse des dépôts et consignations sont acquises à l'Etat lorsqu'il s'est écoulé un délai de trente ans sans que le compte auquel ces sommes ont été portées ait donné lieu à une opération de versement ou de remboursement, ou sans qu'il ait été signifié à la caisse des dépôts, soit la réquisition de paiement dont les modalités sont fixées par l'article 15 de l'ordonnance du 3 juillet 1816, soit l'un des actes mentionnés par les articles 2241 et 2244 du code civil.
Six mois au plus tard avant l'échéance de ce délai, la Caisse des dépôts et consignations avise, par lettre recommandée, les ayants droit connus de la déchéance encourue par eux. Cet avis est adressé au domicile indiqué dans les actes et pièces qui se trouvent en la possession de la caisse, ou à défaut de domicile connu, au procureur de la République du lieu de dépôt.
En outre, la date et le lieu de la consignation, les noms, prénoms et adresses des intéressés qui n'ont pas fait notifier de réquisition de paiement dans un délai de deux mois après cet avis, sont immédiatement publiés au Journal officiel.
Les sommes atteintes par la déchéance sont versées annuellement au Trésor public avec les intérêts y afférents.
En aucun cas, la caisse des dépôts et consignations ne peut être tenue de payer plus de trente années d'intérêts, à moins qu'avant l'expiration de trente ans il n'ait été formé contre la caisse une demande en justice reconnue fondée.
Les dispositions qui précèdent sont applicables aux titres financiers déposés à quelque titre que ce soit à la caisse des dépôts et consignations'.
La loi 77-4 du 3 janvier 1977 modifiant l'article 189 bis du Code de commerce concernant la prescription, dans sa version applicable à l'espèce, prévoit en son article 2" les sociétés ou établissements à caractère commercial peuvent déposer à la Caisse des Dépôts et Consignations les titres émis par ceux-ci et mentionnés à l'article L1126-1 du code général des collectivités publiques lorsqu'il s'est écoulé plus de 10 ans sans réclamation des titulaires depuis le jour où ces derniers ont eu le droit d'en exiger le paiement . Ces titres sont détenus par la Caisse des Dépôts et Consignations pour le compte de leurs détenteurs jusqu'à l'expiration du délai prévu au 5ème alinéa de l'article L518-24 du code monétaire et financier .'
Selon l'article R47-1 du code du Domaine de l'Etat en vigueur à la date de la clôture du compte, ' Conformément à l'article 2 de la loi du n°77-4 du 3 janvier 1977 peuvent être déposés au siège central de la Caisse des Dépôts et Consignations lorsuq'ils n'ont pas fait l'objet de la part des ayants droit d'aucune opération ou réclamation depuis 10 ans : (...)
2° les fonds et titres mentionnés à l'article R 47 détenus par des établissements dépositaires de sommes et valeurs .
Six mois avant la date de ce dépôt, les sociétés ou établissements ci-dessus visés doivent informer les ayants droits connus par lettre recommandée adressée à leur dernier domicile.
Lorsqu'ils sont atteints par la prescription trentenaire ou conventionnelle , ces dépôts sont remis par la Caisse des Dépôts et Consignations au service des impôts spécialement désignée par le directeur général des impôts (...)'
Il résulte de ce qui précède, que l'article L 1126-1 du Code général de la propriété des personnes publiques qui prévoit parmi les modes d'acquisition, celles des sommes et valeurs prescrites au bout de 30 ans, ne fixe pas les modalités de la procédure d'acquisition lorsque l'établissement qui constate l'existence d'un compte inactif n'a pas déposé les fonds détenu sur celui-ci à la Caisse des Dépôts et Consignations à l'issue d'un délai de 10 ans .Il dispose seulement que les fonds, qui deviennent propriété de l'Etat, doivent être, à l'issue d'un délai de 30 ans, transférés au Trésor Public.
Par contre, il résulte des dispositions combinées de la loi du 3 janvier 1977, de l'article R47-1 du code du domaine de l'Etat et de l'article L1126-4 du code général de la propriété que dans le cas où l'établissement de crédit a constaté au bout de 10 ans que le compte était inactif , et a choisi de transférer les fonds à la Caisse des Dépôts et Consignations, il doit en informer le titulaire du compte, puisque la Caisse des Dépôts et Consignation, à l'expiration d'un délai de 30 ans, s'il n'y a eu ni opération ni réclamation sur le compte, doit informer le titulaire de l'acquisition des sommes par l'Etat .
Il est paradoxal de soutenir, au terme d'un raisonnement a contrario, qui est dénué de toute pertinence ,comme le fait la Banque Postale, qu'elle est dispensée de toute information à son client au prétexte qu'elle a attendu plus de 30 ans avant de clôturer le compte, la dernière opération datant du 27 mars 1979, et la clôture étant intervenue le 1er janvier 2011,et qu'elle devait dans ce cas transférer directement les fonds au Trésor Public, alors que si elle avait décidé de déposer les fonds à la Caisse des Dépôts et Consignations à la fin du mois de mars 1989, sa cliente, qui était toujours en vie, aurait bénéficié de deux informations successives, la sienne et celle de la Caisse des Dépôts et Consignations, ce qui lui aurait permis, à deux reprises, d'éviter d'être spoliée, à son insu, des sommes d'argent lui appartenant, et de formuler les réclamations prévues par les textes.
Outre qu'il est injustifié d'affirmer que les textes consacrent une différence entre la Caisse des Dépôts et Consignation, qui, six mois avant l'expiration du délai de 30 ans, doit adresser une lettre recommandée au titulaire du compte pour l'avertir de l'acquisition par l'Etat des fonds détenus sur son compte et l'établissement de crédit, teneur du compte, qui dans la même situation, serait dispensé de toute information, il y a lieu de rappeler que tout établissement teneur de compte, doit notifier au titulaire du dit compte sa décision de clôturer le compte en respectant un délai de préavis . Cette obligation, qui est essentielle et relève du principe d'exécution de bonne foi du contrat, est renforcée lorsque, comme dans le cas d'espèce, les motifs de la clôture se situent hors du champ contractuel, ne sont pas la conséquence d'un comportement fautif du titulaire du compte et sont relatifs à l'application de dispositions que le titulaire pouvait légitimement ignorer.
Il n'est en effet pas contesté que le livret A dont madame [D] était titulaire, avait atteint le plafond du capital déposé et qu'un second livret avait été ouvert , à une époque où cela était possible, et qu'ainsi le premier compte était simplement destiné à accumuler les intérêts versés annuellement et non à fonctionner comme un compte courant.
Il est constant que la Banque Postale était liée à sa cliente par un contrat de dépôt et qu'aux termes de l'article 1937, elle a l'obligation de restituer la chose déposée à celui qui la lui a confiée.
La faute de la banque, qui n'a pas informé le titulaire du compte, qui avait d'autres comptes dans ses livres ( assurance vie, compte courant, compte d'épargne, qui étaient actifs) et dont elle connaissait l'adresse, de sa décision de le clôturer est manifeste . La Banque Postale ne justifie d'aucun motif lui permettant de s'exonérer de son obligation de restitution des fonds détenus sur le Livret A.
En conséquence la Banque Postale sera condamnée à payer la somme de 18.400,36€ , dont elle ne conteste pas qu'elle était acquise au titulaire du livret A à la date de sa clôture.
3- sur la demande indemnitaire :
Monsieur [D] a été spolié de sommes qui lui appartenaient et n'a pu bénéficier des intérêts qu'elles devaient produire à compter du 1er janvier 2011, ce qui constitue un préjudice en lien direct avec la faute de la banque. La cour lui allouera, ainsi qu'il le demande, pour l'indemniser, la somme de 4.855,60€ .
4- Dépens et frais irrépétibles :
La Banque Postale , qui succombe et sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel , ne peut prétendre à l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile . L'équité commande au contraire qu'elle soit condamnée à ce titre au paiement de la somme de 3.000€ à Monsieur [D].
Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
DIT n'y avoir lieu à rejet des débats des pièces numérotées 3 à 10 de l'appelant,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la BANQUE POSTALE à payer à Monsieur [T] [D] les sommes de 18.400,36€ et 4.855,60€,
CONDAMNE la BANQUE POSTALE à payer à Monsieur [T] [D] la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE toutes autres demandes des parties,
CONDAMNE la BANQUE POSTALE aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT