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05/10/2022 | FRANCE | N°20/00703

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 05 octobre 2022, 20/00703


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 05 OCTOBRE 2022



(n° 2022/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00703 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBKAN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/06120





APPELANTE



Madame [Z] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté

e par Me Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069





INTIMÉES



S.C.P. [X] KATZ

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Karine BÉZILLE, avocat au barreau de PARIS, ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 05 OCTOBRE 2022

(n° 2022/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00703 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBKAN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/06120

APPELANTE

Madame [Z] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

INTIMÉES

S.C.P. [X] KATZ

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Karine BÉZILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0238

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

La SCP [X]-Katz a engagé Mme [Z] [N] aux termes d'un contrat de travail en date du 5 septembre 2007 en qualité de juriste expérimenté, statut cadre au forfait niveau 3, coefficient 340. La convention collective est celle du notariat. Le nombre de salariés est supérieur à 10.

Plusieurs avenants à ce contrat ont été souscrits dont l'un signé entre les parties le 28 octobre 2015 en vue de sa nomination en tant que notaire salarié. Mme [N] a prêté serment le 23 mars 2016.

Cette dernière percevait une rémunération fixe de base de 160 542,20 euros bruts par an.

Mme [Z] [N] s'est trouvée en arrêt maladie du 8 juin 2016 au 5 août 2016. Elle a repris ses fonctions en septembre 2016, après la prise de ses vacances en août. Elle a, à nouveau été arrêtée, le 1er février 2017, par son médecin traitant qui l'envoyait vers un psychiatre, lequel la plaçait en arrêt maladie professionnelle.

Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 1er août 2017 pour obtenir réparation des faits de discrimination qu'elle estimait avoir subis en raison de son état de santé.

Son arrêt maladie a été prolongé jusqu'en août 2017 puis, après une période de congés payés ayant encore prolongé son absence, elle a repris son poste dans l'étude le 4 octobre 2017, ayant été déclarée apte à cette reprise par le médecin du travail.

Le lundi 9 octobre , Mme [N] a reçu une convocation en vue d'un éventuel licenciement, doublée d'une mise à pied à titre conservatoire.

Elle a fait l'objet depuis cette date d'un nouvel arrêt de travail jusqu'au 9 novembre 2017.

Le 15 décembre 2017, le conseil de prud'hommes de Paris a déclaré irrecevable la requête introduite par Mme [N] car elle n'avait pas été précédée de la tentative de médiation préalable imposée par l'article 16 du décret du 15 janvier 1993 n° 93-82.

L'arrêt de travail de Mme [N] s'achevant le 9 novembre 2017, Me [X] notifiait à sa salariée par courriel de cette même date, qu'étant donné la situation, il entendait la dispenser d'activité.

Mme [N] s'est trouvée en congé maternité du 29 janvier 2018 au 20 mai 2018.

Par l'intermédiaire de son conseil, Mme [N] sollicitait, le 28 novembre 2017, une tentative de médiation préalable sous l'égide du président de la chambre départementale des notaires de Paris, conformément à l'article 16 du décret du 15 janvier 1993 n° 93-82. Les parties étaient, par la suite, convoquées à une réunion de médiation devant le Président de la Chambre Départementale des Notaires de Paris, qui se tenait le 6 février 2018.

Finalement, la procédure de médiation n'aboutissait pas.

Le 20 février 2018, Mme [N] s'est présentée aux élections des délégués du personnel mais n'a pas été élue.

Le 6 août 2018, elle a saisi à nouveau le conseil de prud'hommes de Paris.

Par lettre de notification du 31 octobre 2018, Mme [N] a été licenciée.

Le conseil de prud'hommes a par jugement rendu le 19 décembre 2019 :

- dit le licenciement de Mme [N] sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SCP [X]-Katz à verser à Mme [N] les sommes suivantes :

o 100.000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

o 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouté Mme [N] du surplus de ses demandes (demandes de nullité du licenciement, demandes de dommages et intérêts annexes, demandes de rappels de rémunération variable et congés payés incidents) ;

- débouté la SCP [X]-Katz de sa demande reconventionnelle.

Le 23 janvier 2020, Mme [Z] [N] a interjeté appel de cette décision

Aux termes de ses ultimes conclusions notifiées par RPVA le 06 juin 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [N] forme les demandes suivantes.

in limine litis, rejeter la pièce n°37 adverse ;

' la dire et juger recevable et bien fondée en son appel ;

' déclarer Mme [N] recevable en ses demandes de rappel de rémunération variable et de congés payés afférents ;

' En conséquence, débouter l'intimée de sa demande d'irrecevabilité ;

' réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 19 décembre 2019 en ce qu'il a fixé le salaire moyen à 13.378,52 euros, débouté Mme [N] de sa demande principale de nullité de son licenciement et de ses demandes annexes, indemnitaires et de rappel de salaires

Statuant de nouveau,

' fixer la moyenne des douze derniers mois de salaire brut à 21.878,52 euros ;

A titre principal :

' prononcer la nullité du licenciement de Mme [N] en ce qu'il constitue une discrimination en raison de son état de santé ;

' ordonner la réintégration de Mme [N] à son poste de notaire salariée ou à un poste équivalent ;

' condamner la SCP [X] Katz à verser à Mme [N] une indemnité correspondant aux salaires échus entre sa date de sortie des effectifs, soit le 4 février 2019, et sa date de réintégration effective, à hauteur de 21.878,52 euros par mois ;

A titre subsidiaire :

' prononcer la nullité du licenciement de Mme [N] en ce qu'il constitue une violation de son droit fondamental d'ester en justice ;

' ordonner la réintégration de Mme [N] à son poste de notaire salariée ou à un poste équivalent ;

' condamner la SCP [X] Katz à verser à Mme [N] une indemnité correspondant aux salaires échus entre sa date de sortie des effectifs, soit le 4 février 2019, et sa date de réintégration effective, à hauteur de 21.878,52 euros par mois ;

A titre très subsidiaire :

' prononcer la nullité du licenciement de Mme [N] en ce qu'il constitue une discrimination en raison de son activité syndicale ;

' ordonner la réintégration de Mme [N] à son poste de notaire salariée ou à un poste équivalent ;

' condamner la SCP [X] Katz à verser à Mme [N] une indemnité correspondant aux salaires échus entre sa date de sortie des effectifs, soit le 4 février 2019, et sa date de réintégration effective, à hauteur de 21.878,52 euros par mois ;

A titre encore plus subsidiaire :

' prononcer la nullité du licenciement de Mme [N] en ce qu'il constitue une rétorsion à sa dénonciation de bonne foi des faits de harcèlement moral qu'elle a subis ;

' ordonner la réintégration de Mme [N] à son poste de notaire salariée ou à un poste équivalent ;

' condamner la SCP [X] Katz à verser à Mme [N] une indemnité correspondant aux salaires échus entre sa date de sortie des effectifs, soit le 4 février 2019, et sa date de réintégration effective, à hauteur de 21.878,52 euros par mois ;

A titre infiniment subsidiaire :

' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [N] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

' débouter l'intimée de son appel incident ;

' réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts accordés au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 100.000 euros ;

En conséquence :

' condamner l'étude [X] Katz à verser à Mme [N] la somme de 677.300,79 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause :

condamner la SCP [X] Katz à payer à Mme [N]:

' 37.000 euros bruts à titre de rappels de salaire sur rémunération variable 2016 ;

' 102.000 euros bruts à titre de rappels de salaire sur rémunération variable 2017 ;

' 102.000 euros bruts à titre de rappels de salaire sur rémunération variable 2018 ;

' 8.500 euros bruts à titre de rappels de salaire sur rémunération variable du 1 er janvier au 4 février 2019 ;

' 5.700 euros bruts à titre de congés payés sur la rémunération variable 2014 (correspondant à 57.000 € bruts de prime) ;

' 10.200 euros bruts à titre de congés payés sur la rémunération variable 2015 (correspondant à 102.000 euros bruts de prime) ;

' 10.200 euros bruts à titre de congés payés sur la rémunération variable 2016 (correspondant à 102.000 euros bruts de prime) ;

' 10.200 euros bruts à titre de congés payés sur la rémunération variable 2017 (correspondant à 102.000 euros bruts de prime) ;

' 10.200 euros bruts à titre de congés payés sur la rémunération variable 2018 (correspondant à 102.000 euros bruts de prime) ;

' 850 euros bruts à titre de congés payés sur la rémunération variable 2019 (correspondant à 8.500 euros bruts de prime) ;

' 131.271,10 euros (6 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral distinct résultant des faits de discrimination en raison de son état de santé, dont elle a été victime ;

' 131.271,10 euros (6 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral distinct résultant des faits de discrimination en raison de son activité syndicale, dont elle a été victime ;

' 65.635,56 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de l'employeur vis-à-vis de la santé des travailleurs ;

' 131.271,10 euros (6 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral distinct résultant des faits de harcèlement moral, dont elle a été victime ;

' condamner la SCP [X] Katz à payer 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance, ainsi qu'aux entiers dépens ;

' condamner la SCP [X] Katz à payer 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC au titre de l'appel, ainsi qu'aux entiers dépens ;

' débouter l'intimée de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

' assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Aux termes de ses ultimes conclusions notifiées par RPVA le 6 juin 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la SCP [X] Katz forme les demandes suivantes.

- Statuant sur l'appel principal de Mme [N] :

' Déclarer Mme [Z] [N] mal fondée en son appel principal ;

En conséquence,

' A titre principal,

o Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 19 décembre 2019 en ce qu'il a :

' débouté Mme [Z] [N] de sa demande principale, subsidiaire, très subsidiaire et encore plus subsidiaire au titre de la nullité de son licenciement.

' A titre subsidiaire, si la cour d'appel de Paris déclarait fondée la demande de Mme [N] au titre de la nullité de son licenciement, il est demandé à la cour de :

' Juger que les revenus de remplacement dont Mme [Z] [N] a bénéficié pendant la période entre la date de sortie des effectifs et la date de la réintégration doivent être déduits ;

' Ordonner à Mme [Z] [N] de communiquer à la SCP [X] Katz son contrat de travail avec la société Alterna ainsi que l'ensemble de ses bulletins de paie ;

' Ordonner la déduction du montant de l'indemnité pour licenciement nul tous les revenus de remplacement perçus par Mme [Z] [N] entre sa date de sortie des effectifs et sa date de réintégration, et a minima, la somme de 219.718 euros ;

' Ordonner à Madame [Z] [N] de justifier être libre de tout engagement à la date de sa réintégration ;

' Condamner Mme [Z] [N] au remboursement de 39.763,30 euros versés à titre d'indemnité de licenciement.

' En tout état de cause,

o Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 19 décembre 2019 en ce qu'il a :

' fixé la rémunération moyenne de Mme [Z] [N] à la somme de 13.378,52 euros bruts ;

' débouté Mme [Z] [N] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison d'une discrimination et d'un harcèlement moral ;

' débouté Mme [Z] [N] de ses demandes de rappel de salaires et congés payés y afférents ;

o Débouter Mme [Z] [N] de sa demande de 65.635,56 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de l'employeur vis-à-vis de la santé de ses travailleurs.

- Statuant sur l'appel incident de la SCP Wargny Katz:

o Déclarer la SCP [X]-Katz recevable et bien fondée en son appel incident ;

En conséquence :

o Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 19 décembre 2019 en ce qu'il a jugé le licenciement de Mme [Z] [N] sans cause réelle et sérieuse et condamné la SCP [X]-Katz à verser à Mme [Z] [N] 100.000 euros à titre de dommages et intérêts et 700 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

' A titre principal,

' Dire et juger que le licenciement de Mme [Z] [N] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

' Débouter Mme [Z] [N] de ses demandes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

' A titre subsidiaire,

' Constater que Mme [Z] [N] ne justifie pas du préjudice qu'elle invoque ;

' Réduire le quantum des demandes à titre de dommages et intérêts à l'indemnité minimale prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, soit 40.135,56 euros.

- Statuant à nouveau :

' débouter Mme [Z] [N] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant devant le conseil de prud'hommes que devant la cour d'appel de Paris ;

' condamner Mme [Z] [N] au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner Mme [Z] [N] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.

MOTIFS

- Sur la nullité du licenciement :

- pour discrimination à raison de l'état de santé :

Selon l'article L1134-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [N] expose tout d'abord avoir été évincée de l'équipe de la Juriscup, régate à laquelle elle participait depuis l'origine en 2010 et de n'avoir pas été destinataire de l'e-mail habituel envoyé aux collaborateurs participants, concernant l'organisation de la régate. Il reste néanmoins que cette régate apparaissait se situer au début du mois de septembre 2016, alors que Mme [N] avait subi un arrêt de travail de plusieurs mois à compter de juin 2016, ce qui pouvait tout à fait expliquer qu'elle n'avait pas été rendue destinataire de l'information.

Mme [N] soutient ensuite que sa demande d'aide matérielle avec la recherche d'une assistante-juriste réellement qualifiée, aurait été « enterrée malgré ses relances ». Elle ne produit cependant aucune pièce de nature à établir le fait que cette recherche aurait été abandonnée et ne verse pas davantage le moindre mail de relance.

Mme [N] fait valoir que son employeur a tardé à lui offrir l'accès à distance qu'elle avait demandé pour lui permettre de s'organiser de manière plus sereine dans la gestion des dossiers et de travailler de chez elle. Pour autant, elle reconnaît elle-même en avoir bénéficié à la fin de l'année 2016.

Mme [N] ajoute que sa « rémunération variable » 2016 s'est trouvée amputée de 37.000 euros soit une baisse de 36% par rapport à l'année précédente. Il ressort néanmoins du contrat de travail de la salariée que celui-ci ne portait nullement la mention d'une quelconque rémunération variable. Celle-ci ne résultait pas davantage de la convention collective. Les bulletins de salaire qu'elle produit aux débats en décembre 2015 et 2016 portent plutôt la mention de « primes exceptionnelles » dont Mme [N] reconnaît dans ses conclusions qu'elles dépendaient de l'investissement déployé par le salarié. Elle ne peut pour autant en déduire qu'il y aurait eu une « contractualisation » de ces gratifications. Elle reconnaît qu'ayant subi des arrêts maladie en 2016 et 2017, cela avait eu un impact sur leur montant et leur versement.

Aucun fait discriminatoire ne peut donc apparaître établi dans ces conditions.

Mme [N] ajoute que certains dossiers lui auraient été retirés et que sa participation au MIPIM 2017 (Marché International des Professionnels de l'Immobilier) à [Localité 5] aurait été refusée par les associés. Au soutien de ces faits, elle prétend se prévaloir de deux courriels en dates respectives des 18 et 24 janvier 2017. Le premier - qui attesterait sa mise à l'écart des dossiers ' contient uniquement le nom d'un membre de l'étude notariale désigné pour suivre un dossier « influence-refinancement » sans autre précision. Le deuxième mail ne fait qu'évoquer brièvement la participation au MIPIM mais aucune suite n'y est apportée et aucun autre document n'évoque un quelconque refus des associés.

Mme [N] expose que sa demande de suivi de la formation proposée par la chambre des notaires, en partenariat avec HEC, qui constituait sa première demande de formation depuis son arrivée à l'étude en 2007, avait été refusée la veille de la 1 ère session, alors que cette demande d'inscription avait été transmise aux associés une quinzaine de jours avant et avait été validée par la chambre des notaires. Néanmoins, les pièces versées par Mme [N] démontrent qu'elle n'avait fait que se pré-inscrire à une formation du 26 au 27 janvier 2017 à HEC Paris et que l'organisme de formation avait enregistré celle-ci. Pour autant, elle ne justifie pas de la « validation » de la chambre des notaires dont elle se prévaut. Elle fait état dans son courriel du 23 janvier 2017, d'une « recommandation » de celle-ci et elle ne justifie pas davantage avoir obtenu l'agrément préalable des associés de l'étude. Ces faits ne sont donc pas davantage établis.

Mme [N] soutient enfin avoir fait l'objet de propos et actes vexatoires répétés de la part de la comptabilité à son égard depuis son retour d'arrêt maladie : non-réponse à des e-mails de demande de virement dans les dossiers, pose de jours de congés en son nom pendant son absence lors de l'été 2016, suppression de jours de congés sans justification, non comptabilisation des jours de congés ou des RTT sur les bulletins de salaire rendant impossible toute vérification, "erreur inexpliquée" en sa défaveur dans le décompte des congés, suppression soudaine de l'indemnité de remboursement de transport, non fourniture des documents qui lui étaient demandés par la Caisse de Sécurité Sociale au titre de son arrêt de travail professionnel, etc.

Mme [N] ne verse qu'un courriel du 30 novembre 2016 demandant que soit porté sur le logiciel de congés un solde de RTT de 4,5 jours au lieu de 2,5 jours auquel le service de comptabilité répond qu'elle ne peut y prétendre et lui adresse des extraits du mémento social. L'échange de courriels du 27 janvier 2017 démontre que la correction demandée au titre du solde de jours de RTT devant être porté sur le CET 2017 a été effectuée. Le fait discriminatoire tiré de « propos et actes vexatoires répétés de la part de la comptabilité à son égard » ne peut donc apparaître établi.

Mme [N] ajoute avoir fait l'objet de « déstabilisations » ayant pour but de la pousser à démissionner et notamment le fait que Me [X] s'oppose à la mise en place d'un temps partiel thérapeutique alors que le 5 octobre 2017, le médecin du travail en avait fait la recommandation. Elle se prévaut notamment d'un courriel du 4 octobre 2017 de Me [X], qui, au lieu d'écarter cette perspective, indique expressément réfléchir à ce mi-temps thérapeutique pour lequel il doit consulter ses associés et lui conseille de consulter son médecin pour faire le point. Dans un courriel ultérieur du 5 octobre suivant, Me [X] lui indique n'avoir pas reçu les recommandations du médecin, qui ne lui ont pas été communiquées et confirme sa recommandation de consulter à nouveau pour éviter une rechute. L' « expulsion » des bureaux qu'elle allègue en date du 6 octobre 2017 n'est fondée que sur son courriel aux termes duquel elle fait état d'un bref entretien et de la notification de sa mise à pied conservatoire. Les échanges de mails qu'elle produit dans ses pièces 30 à 33 ne révèlent pas de propos « acerbes » qui l'accuseraient de « mensonges » mais lui annoncent au contraire que venant d'apprendre son état de grossesse, l'employeur renonce à la procédure de licenciement initiée à son encontre, estimant que les difficultés relationnelles peuvent avoir été induites par cet état. Mme [N] précise enfin avoir été placée en arrêt maladie jusqu'au 9 novembre 2017 et soutient que l'intimée, pour empêcher son retour, l'a placée en dispense d'activité. Le courriel dont elle se prévaut à cet égard de la part de l'employeur fait simplement état de l'attribution à son profit d'une dispense d'activité dans le cadre de la saisine du président de la chambre des notaires en qualité de médiateur et ce, afin de maximiser les chances de succès de la médiation à venir. Ce fait ne peut donc apparaître discriminatoire et ce, d'autant qu'il n'est pas discuté que Mme [N] n'a jamais sollicité sa reprise d'activité pendant le temps de cette dispense.

Il résulte de ce qui précède qu'aucun des éléments produits par Mme [N] ne laissent supposer l'existence d'une discrimination à raison de l'état de santé.

Sur la violation du droit fondamental d'ester en justice.

Mme [N] expose que le licenciement déclaré abusif à la suite d'une saisine de la juridiction prud'homale pour dénoncer, notamment des faits de discrimination, comme en l'espèce est nul. Au cas d'espèce, elle soutient que le licenciement devra être annulé, dans la mesure où ne reposant sur aucune cause réelle et sérieuse, il constitue en réalité une rétorsion au droit d'agir en justice de l'appelante. Elle souligne que son licenciement serait la conséquence de ses différentes saisines du conseil de prud'hommes.

Si Mme [N] a en effet engagé trois procédures - dont l'une a été déclarée irrecevable et les deux autres ont fait l'objet d'une jonction dans le cadre de l'audience prud'homale du 13 novembre 2019 ' il reste que cette seule circonstance ne conduit pas à démontrer l'existence d'un lien de cause à effet entre l'introduction de ces instances et la notification du licenciement.

Surtout, dans le cadre de ces différents contentieux, la partie intimée s'est montrée favorable à la mise en place de mesures de médiation. Il est constant qu'il y a eu, à chaque fois, un échange long entre les parties afin que celles-ci puissent exprimer leurs positions et prendre un temps d'écoute et de dialogue. Du reste, la commission de conciliation instituée auprès de la cour d'appel, en application de l'article 19 du décret du 15 janvier 1993, a estimé qu'il n'y avait pas d'aspect déontologique à relever dans le litige mais l'a attribué à une difficulté essentiellement relationnelle qui avait conduit à une rupture irréversible de la relation de travail.

Ainsi, les raisons ayant conduit à la rupture du contrat de travail, qu'elles constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement ' ce qui sera apprécié ci-dessous par la cour - apparaissent étrangères à l'exercice par Mme [Z] [N] de son droit d'agir en justice et dès lors ce moyen sera rejeté.

- sur la discrimination en raison de l'activité syndicale

L'article L. 2141-5 du code du travail dispose qu'il « est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ».

L'article L. 1132-1 du code du travail dispose qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (') en raison de ses activités syndicales.

L'article L. 1132-4 du code du travail ajoute que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.

L'article L. 1134-1 du code du travail dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [N] expose qu'elle a été discriminée en raison d'une part de sa saisine du tribunal d'instance du 8 ème arrondissement de Paris aux fins d'annulation des élections professionnelles s'étant déroulées le 2 octobre 2017 , ayant donné lieu à un jugement du 3 janvier 2018, et d'autre part de sa propre candidature aux nouvelles élections, tenues en février et mars 2018, sous étiquette SNECPJJ CFDT.

Pris dans leur ensemble ces deux éléments produits laissent supposer l'existence d'une discrimination.

L'employeur verse aux débats le jugement précité duquel il résulte l'absence de convocation d'un syndicat, à savoir le SNECPJJ CFTC de même qu'une absence de mise en place du protocole pré-électoral avant les élections par la SCP Wargny-Katz. Celle-ci l'a reconnu et a produit aux débats, dans sa pièce 30, le procès-verbal d'élections qui s'est tenu dans les semaines suivantes et établissant la régularisation des opérations de vote. Il ne saurait être déduit de cette omission une quelconque volonté d'évincer Mme [Z] [N] et ce, alors même que l'employeur justifie avoir organisé des élections de délégués du personnel durant les années antérieures sans irrégularité. Celle-ci peut d'autant moins prétendre avoir été évincée qu'en dix ans de présence au sein de l'étude, elle n'avait jamais exprimé d'intérêt pour les élections des délégués du personnel et ne s'y était jamais présentée. Lorsque les élections ont à nouveau été organisées en mars 2018, Mme [Z] [N] s'est présentée comme candidate au 1 er tour sur la liste du syndicat SNECPJJ, à défaut de quorum, un 2 ème tour a été organisé. Ont alors été élues Mme [R] [U] avec 14 voix, Mme [K] [M] avec 9 voix, soit les mêmes salariées dont l'élection avait été annulée ; Mme [N] ne recueillant qu'une voix. Cette dernière n'a donc pas été élue déléguée du personnel. En outre, bien qu'ayant fait acte de candidature ' dans les conditions au demeurant retracées ci-dessus - et que le protocole électoral permettait de l'organiser, Mme [N] ne conteste pas n'avoir établi aucune profession de foi et ne s'est nullement investie dans ces élections.

Le moyen tiré de la discrimination syndicale sera donc rejeté.

Sur la nullité du licenciement en raison de la dénonciation antérieure de faits de harcèlement moral.

L'article L. 1152-2 du code du travail prévoit qu'aucun salarié (') ne peut être sanctionné, licencié (') pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L. 1152-3 du code du travail dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Mme [N] expose que dans sa saisine du conseil de prud'hommes du 2 août 2018, elle dénonçait en premier lieu des faits de discrimination, en second lieu des faits de harcèlement moral. Elle ajoute que l'enchaînement chronologique entre la notification de cette saisine à

la SCP Wargny Katz et l'amorce de la procédure de licenciement à son encontre ne laisserait aucun doute sur la véritable raison de son licenciement.

Il reste néanmoins que cette saisine du 2 août 2018, qu'elle produit dans sa pièce 41-1, fait état de faits qu'elle situe les 4 et 6 octobre 2017, soit plus d'un an avant la notification du licenciement, de telle sorte que le rapport de cause à effet entre ces événements n'est nullement établi.

Surtout, ces faits sont uniquement relatifs aux conditions de sa reprise du travail après huit mois d'absence et elle s'en est déjà prévalue à l'appui de sa demande afin de voir reconnaître une situation de discrimination en raison de l'état de santé. Il a été jugé qu'ils étaient insuffisants à établir celle-ci. Pour les mêmes motifs, ils n'établissent pas davantage un quelconque harcèlement moral.

Sa demande de nullité de ce chef sera donc rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de toutes ses demandes de nullité et de ses demandes indemnitaires afférentes.

Sur le licenciement

En application des articles L1232-1 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable en l'espèce, l'administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour nuire au bon fonctionnement de l'entreprise et justifier le licenciement du salarié, n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié. La cause du licenciement doit être objective et doit reposer sur des faits ou des griefs suffisamment précis pour être matériellement vérifiables. Cette cause doit être exacte, ce qui veut dire que les faits invoqués, le motif articulé, doivent être la véritable raison du licenciement. Ensuite, la cause doit être sérieuse, c'est-à-dire que les faits invoqués, les griefs articulés, doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

Dans la lettre de notification du licenciement, la SCP [X]-Katz se borne à faire état d'un « brusque changement d'attitude rendant impossible la poursuite de [la] collaboration » et d'un « changement de comportement » de la part de Mme [N] entraînant « une situation de blocage rendant impossible la poursuite de [la] collaboration ».

Dans la réponse à la demande de précision de Mme [N], en date du 21 novembre 2018, il est simplement fait état d'une « attitude contraire à ce que [l'employeur pouvait] attendre d'un notaire salarié de l'étude » ainsi que d'une « attitude de défiance constante à l'égard des notaires associés et des salariés de l'étude », avant un renvoi à la lettre de notification du licenciement.

A aucun moment la société n'articule de faits précis pouvant avoir justifié la perte de confiance mais fait simplement allusion à une frustration de la salariée dès lors qu'elle n'avait pas été nommée associée de l'étude.

En définitive, aucun des griefs exposés par la société ne constitue un fait objectif, précis et contrôlable.

Dès lors le licenciement apparaît sans cause réelle ni sérieuse et le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.

- Sur les dommages-intérêts en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l'article L.1235-3 du code du travail :

« Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous. »

Dans le dispositif de ses conclusions, Mme [N] demande de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts accordés au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 100.000 euros et revendique 677.300,79 euros.

Dans les motifs, elle demande d'écarter le barème assortissant désormais l'article L1235-3 du code du travail au regard des textes internationaux - notamment la convention n°158 de l'OIT et l'article 24 de la Charte sociale européenne - dès lors que son application porterait une atteinte disproportionnée à ses droits.

Elle se prévaut notamment d'un arrêt de la cour d'appel de Paris ayant écarté l'application du barème Macron, en se fondant sur les dispositions de l'article 10 de la Convention n°158 de l'Organisation Internationale du Travail et précise que la Cour a considéré que « compte tenu de la situation concrète et particulière » de la salariée, âgée de 53 ans à la date de la rupture et de 56 ans au jour de l'audience, le montant prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail ne permettait pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi.

Cet arrêt a néanmoins été cassé le 11 mai 2022 par la Cour de cassation dans les termes suivants : « les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée. Doit en conséquence être cassé l'arrêt qui, pour condamner l'employeur au paiement d'une somme supérieure au montant maximal prévu par l'article L. 1235-3 précité, retient que ce montant ne permet pas, compte tenu de la situation concrète et particulière de la salariée, une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi compatible avec les exigences de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, alors qu'il lui appartenait seulement d'apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L. 1235-3 du code du travail. »

Aux termes d'un arrêt du même jour, il a encore été jugé que l'invocation de l'article 24 de la charte sociale européenne ne pouvait conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

La cour appréciera donc le préjudice de Mme [N] au regard du barème assortissant l'article L1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce et tout moyen contraire sera rejeté.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [N] (13 378, 52 euros), de son âge (41 ans au moment du licenciement), de son ancienneté (11 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer de manière adéquate le préjudice de Mme [N] sera évaluée à la somme de 130 000 euros. Le jugement entrepris sera donc infirmé dans son quantum.

-Sur les demandes de rappels de salaire au titre des rémunérations sur part variable.

Mme [N] reconnaît dans ses écritures que ces rémunérations n'avaient aucune source contractuelle ni conventionnelle mais se prévaut d'un « usage » en cours dans la société. Elle soutient qu'elle percevait annuellement depuis 2007 des primes, selon elles « abusivement » intitulées « primes exceptionnelles », qui remplissaient les conditions de l'usage et consistaient en réalité en un complément de rémunération acquis aux salariés. Elle souligne que ces primes répondaient aux exigences de constance, de fixité et de généralité caractérisant un véritable usage de la SCP [X] Katz.

Elle fait valoir qu'après son absence de deux mois pour maladie en 2016, elle a vu sa « rémunération variable » brute amputée de 37.000 euros par rapport à l'année 2015, cette dernière passant même sous celle allouée en 2014, sans motif valable. Elle ajoute que du fait du conflit existant depuis entre elle et son employeur, elle a été privée de toute rémunération variable pour les années 2017, 2018 et 2019 or en matière d'usage, le bénéfice de la prime reste acquis tant que l'usage n'a pas été valablement dénoncé (dénonciation auprès des élus et chaque salarié). Ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

La SCP [X]-Katz démontre néanmoins que ces primes, dont il n'est pas discuté qu'elles étaient décidées en fonction notamment de l'implication du collaborateur et des résultats de l'étude, variaient d'une année sur l'autre. Les bulletins de salaire versés en pièce 36 de son dossier font clairement apparaître que le montant de la prime variait entre chaque date de versement (allant de 10.000 euros à 36.000 euros) et même d'une année sur l'autre avec des hausses ou des baisses de montant (allant de 58.000 euros en 2013 à 102.000 euros en 2015). Il est constant que le montant de la prime n'était pas prévu à l'avance ni par l'étude, ni par Mme [N] et aucun critère de détermination ni aucune modalité de calcul n'avaient été prédéterminés. De même, la périodicité de versement de la prime ne répondait à aucun caractère de fixité. Ces versements doivent donc être assimilés à des libéralités ne présentant pas de caractère obligatoire et demeuraient soumis à l'appréciation de l'employeur. Ils ne constituaient pas un droit pour le salarié, qui ne pouvait ainsi en exiger le maintien. Mme [N] ne saurait sérieusement invoquer une nécessaire « contractualisation » de ce complément de rémunération, sans nécessité de formalisation écrite préalable. En effet, à défaut de support contractuel exprès et de démonstration d'un usage, ces primes demeuraient à la discrétion de l'employeur.

En conséquence, aucun rappel de primes n'est dû à Mme [Z] [N]. La cour confirmera donc le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté celle-ci au titre de ses demandes de rappel de « rémunération variable » et de congés payés afférents.

- Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Mme [N] invoque les dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail pour solliciter, pour la première fois en cause d'appel, la somme de 65.635,56 euros de dommages et intérêts.

A l'appui de sa demande, l'appelante fait valoir que l'étude n'aurait pas entendu les recommandations du médecin du travail. En effet, le médecin du travail a indiqué qu'un temps partiel thérapeutique « serait souhaitable par exemple à 80% ou la mise en place de télétravail ».

L'employeur n'est pas tenu de donner une suite favorable à cette recommandation si elle n'est pas adaptée à l'activité de la salariée qui relevait d'une convention de forfait en jours. Celle-ci bénéficiait à compter de décembre 2016 des outils lui permettant de télétravailler, ainsi que l'a recommandé le médecin du travail. La SCP Wagny-Katz n'a donc pas manqué à son obligation de sécurité et la demande de Mme [Z] [N] sera donc rejetée par la cour.

En application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail la SCP [X]-Katz sera condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage payées entre le jour du licenciement et le jugement, dans la limite de trois mois.

Il sera ajouté au jugement entrepris.

En tout dernier lieu, il n'apparaît pas inéquitable que chaque partie conserve à charge ses propres frais irrépétibles et ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le quantum de l'indemnité sans cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SCP [X] Katz à verser à Mme [Z] [N] la somme de 130 000 euros de ce chef.

Y ajoutant,

En application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, condamne la SCP [X]-Katz à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage payées entre le jour du licenciement et le jugement, dans la limite de trois mois.

LAISSE à la charge des parties leurs propres frais irrépétibles et leurs propres dépens ;

DEBOUTE les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 20/00703
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;20.00703 ?
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