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05/10/2022 | FRANCE | N°19/11559

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 05 octobre 2022, 19/11559


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 05 OCTOBRE 2022



(n° 2022/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11559 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA74G



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 15/11881





APPELANTE



Association LA MAISON MATERNELLE

[Adres

se 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075





INTIMÉ



Monsieur [K] [D] [P] [X]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 05 OCTOBRE 2022

(n° 2022/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11559 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA74G

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 15/11881

APPELANTE

Association LA MAISON MATERNELLE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

INTIMÉ

Monsieur [K] [D] [P] [X]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Véronique DE LA TAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane THERME conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. [X] a été engagé le 4 décembre 2002 par l'association Maison Maternelle, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, devenu un contrat à durée indéterminée le 1er mars 2005, en qualité de moniteur éducateur. Il exerçait en dernier lieu les fonctions d'éducateur spécialisé.

La Maison Maternelle a pour mission de venir en aide aux enfants victimes de «dysfonctionnements familiaux».

Par courrier du 7 juillet 2015, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 17 juillet. Le licenciement a été prononcé par courrier du 30 juillet 2015.

M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 13 octobre 2015 aux fins de contester le licenciement.

Par jugement du 24 octobre 2019, le conseil de prud'hommes statuant en formation de départage a :

Condamné l'association Maison Maternelle à payer à M. [X] la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront intérêt ;

Ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

Condamné l'association Maison Maternelle au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté M. [X] du surplus de ses demandes;

Débouté1'association Maison Maternelle de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.

La Maison Maternelle a formé appel par acte du 20 novembre 2019.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 18 février 2020, la Maison Maternelle demande à la cour de :

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la Maison Maternelle à payer à M. [X] la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que les intérêts dus pour une année entière produiront intérêt ;

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la Maison Maternelle au paiement d'une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la Maison Maternelle de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens ;

Et, statuant à nouveau :

Déclarer irrecevables comme prescrites l'ensemble des demandes formées par M. [X] au titre du prétendu harcèlement moral qu'il prétend avoir subi au cours de l'exécution de son contrat de travail ;

Débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant mal fondées, y compris s'agissant de son appel incident ;

A titre subsidiaire si par extraordinaire la cour devait considérer que la rupture du contrat de travail de M. [X] est dépourvue de cause réelle et sérieuse :

Limiter toute indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à une somme équivalente au salaire des 6 derniers mois ;

Débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant mal fondées, y compris s'agissant de son appel incident ;

En tout état de cause,

Condamner M. [X] à payer à la Maison Maternelle la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué par la SELARL JRF & Associés, représentée par Maître Fertier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées le 11 avril 2022, M. [X] demande à la cour de :

Déclarer M. [X] recevable et bien fondé en son appel incident partiel ;

En particulier, déclarer recevables et bien fondées l'intégralité des demandes formulées par M. [X] au titre du harcèlement moral subi à l'occasion de l'exécution de son contrat de travail;

Y faisant droit de,

Déclarer l'association Maison Maternelle irrecevable et mal fondée en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter purement et simplement ;

Confirmer partiellement le jugement de première instance du conseil de prud'hommes de Paris en date du 24 octobre 2019, en ce qu'il a :

- Jugé le licenciement de M. [X] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamné la Maison Maternelle à payer à M. [X] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront intérêt ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- Condamné la Maison Maternelle au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la Maison Maternelle de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens ;

Infirmer partiellement le jugement de première instance du conseil de prud'hommes de Paris en date du 24 octobre 2019, en ce qu'il a :

Condamné la Maison Maternelle à payer à M. [X] la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Débouté M. [X] du surplus de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

Condamner la Maison Maternelle à payer à M. [X] la somme de 60 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Annuler l'avertissement infondé prononcé le 10 octobre 2013 à l'encontre de M. [X] par la Maison Maternelle ;

Annuler l'avertissement infondé prononcé le 8 décembre 2014 à l'encontre de M. [X] par la Maison Maternelle ;

Condamner la Maison Maternelle à payer à M. [X] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, d'une part, pour avoir manqué à son obligation de prévention et à son obligation de sécurité de résultat concernant le présent harcèlement moral et, d'autre part, en réparation de l'entier préjudice causé à M. [X] par ledit harcèlement moral ;

Condamner la Maison Maternelle au paiement des intérêts légaux sur l'ensemble des demandes;

Condamner la Maison Maternelle à verser à M. [X] la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la Maison Maternelle aux entiers dépens de l'instance d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 avril 2022.

MOTIFS

Sur la prescription du harcèlement moral

La Maison Maternelle fait valoir que l'action relative au harcèlement moral est prescrite, la rupture du contrat de travail ayant eu lieu le 30 juillet 2015 et la demande formée à ce titre n'ayant été faite pour la première fois que par conclusions du 21 août 2020.

M. [X] fait justement valoir que le conseil de prud'hommes ayant été saisi avant le 1er août 2016, l'instance est régie par la règle de l'unicité de l'instance telle que prévue par l'article R.1452-6 du code du travail, en sa version alors applicable. Toutes les demandes relatives à un même contrat de travail sont ainsi recevables, même en cause d'appel.

M. [X] est recevable en sa demande liées au harcèlement moral au cours de son contrat de travail.

Sur l'annulation des sanctions

L'article L1331-1 du code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

L'article L. 1333-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L.1333-2 du code du travail dispose quant à lui que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Par courrier du 10 octobre 2013, un avertissement a été notifié à M. [X] pour avoir quitté son service le 20 septembre sans avoir accompagné un enfant à son rendez-vous au centre médico psychologique.

M. [X] conteste la réalité des faits, expliquant ne pas avoir été de service à l'horaire du rendez-vous et qu'un autre éducateur aurait dû le prendre en charge.

L'employeur ne produit pas d'élément relatif aux faits qui ont été pris en compte pour prononcer l'avertissement.

La sanction doit en conséquence être annulée.

Par courrier du 8 décembre 2014, un avertissement a été notifié à M. [X] pour avoir le 5 novembre 2014 :

- laissé des enfants de son groupe seuls et sans surveillance,

- oublié d'aller chercher un enfant à son club de sport,

- ne pas s'être soucié du rendez-vous de l'un des enfants de son groupe avec son père et la psychologue de l'établissement.

M. [X] conteste avoir commis ces manquements, indiquant que l'ensemble des consignes ne lui ont pas été données ce jour-là, que son collègue était parti et qu'il avait pris soin d'organiser les activités, sans avoir informé les éducateurs des autres groupes.

La Maison Maternelle ne produit pas d'élément relatif aux faits qui ont été pris en compte pour prononcer ce deuxième avertissement.

Cette sanction doit également être annulée.

Il sera ajouté au jugement entrepris.

Sur le licenciement

En application des articles L1232-1 et L 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable à l'espèce, l'administration de la preuve du caractère réel et donc existant des faits reprochés et de leur importance suffisante pour nuire au bon fonctionnement de l'entreprise et justifier le licenciement du salarié, n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement reproche à M. [X] plusieurs faits du 25 juin 2015 : de ne pas être allé chercher un enfant à l'école maternelle, une autre personne s'y étant rendue après appel de l'établissement scolaire, d'avoir envoyé un enfant chercher trois autres enfants à la sortie de l'école primaire, alors que d'autres salariés étaient présents dans l'établissement et auraient pu être sollicités pour cela, et ce malgré les deux avertissements précédemment reçus.

Les deux sanctions mentionnées dans la lettre de licenciement sont annulées dans le cadre de la présente instance.

M. [X] explique que l'autre éducateur en charge du groupe avec lui était parti de l'établissement avec une partie des enfants, pour faire des courses, et qu'ainsi il s'est retrouvé seul à gérer les deux sorties d'école. Il indique, qu'à ce moment de la journée, une adolescente a fait une crise importante qu'il a dû gérer seul et qu'en urgence il a ainsi demandé à un adolescent d'aller chercher les enfants à l'école primaire, retour qui a eu lieu en toute sécurité.

La Maison Maternelle produit l'attestation d'un chef de service qui confirme que l'autre éducateur était parti faire une course, que pendant ce temps M. [X] est sorti pour faire une démarche d'inscription d'un jeune à la cantine, puis que l'école maternelle a appelé pour indiquer qu'il n'y avait personne à la sortie de l'école pour prendre en charge un enfant. Cette personne indique avoir appris le retour des autres jeunes sans adulte depuis l'école primaire plus tard, lors d'une réunion ultérieure, et que M. [X] lui avait alors expliqué avoir dû gérer la crise d'une adolescente.

M. [X] produit l'attestation d'une autre salariée de l'établissement qui était présente ce jour-là et qui confirme le départ de l'autre éducateur de l'établissement ainsi que la crise de l'adolescente intervenue à l'heure de la sortie d'école. Elle ajoute que des oublis des éducateurs arrivaient, mais qui ne faisaient l'objet que d'une observation verbale.

Il résulte de ces éléments que M. [X] s'est retrouvé seul pour assurer la sortie des deux établissements scolaires. Aucun élément ne permet de contredire sa version sur la survenance d'une urgence liée à une autre adolescente, qui est en outre confortée par l'attestation d'une personne présente.

M. [X] a commis un manquement en ne s'assurant pas de la sortie des établissements scolaires des enfants du groupe dont il avait la charge et en demandant à un adolescent d'aller chercher les enfants à l'école primaire, et non à un adulte. Cependant, en l'absence de précédente sanction régulière ce seul comportement ne justifiait pas la rupture du contrat de travail, qui est disproportionnée par rapport aux faits établis.

Le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

M. [X] avait une ancienneté supérieure à deux années et la Maison Maternelle comportait plus de onze salariés.

L'indemnité de licenciement prévue par l'article L1235-3 du code du travail applicable à l'instance ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

M. [X] percevait un revenu mensuel moyen de 2 803 euros. Il justifie avoir ensuite travaillé dans le cadre de missions d'interim de novembre 2015 à janvier 2016, sans autre élément justifiant la suite de son parcours professionnel.

Compte tenu de ces éléments, le conseil de prud'hommes a justement évalué à 20 000 euros le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral et le manquement à l'obligation de sécurité

M. [X] indique avoir fait l'objet d'un harcèlement moral, en avoir fait part à la direction qui n'a pris aucune mesure.

L'article 1152-1 du code du travail dispose que :

'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, alors applicable, il incombe au salarié qui l'invoque d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Dans cette hypothèse, il incombera à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [X] indique avoir fait l'objet d'un harcèlement moral à compter du changement de chef de service à la fin de l'année 2012, en raison de l'acharnement de celui-ci, qui lui a demandé une note de service en urgence, par la remise en cause de ses qualités et de ses positions professionnelles, le rejet de ses projets, le rejet de sa nomination au poste de chef de service, la volonté de modifier le planning de ses congés, la pression constante, l'absence de remise de ses fiches horaires, le prononcé des deux avertissements et du licenciement infondés.

Le salarié ne produit pas d'élément établissant la demande d'une note en urgence, la volonté de modifier le planning de ses congés ou l'absence de remise des fiches horaires. Ces faits ne sont pas établis.

M. [X] justifie par un courrier de la contrôleuse du travail du 14 mars 2016 qu'au cours du mois de juin 2013 l'inspection du travail avait été saisie d'une situation de harcèlement moral le concernant.

M. [X] produit plusieurs attestations de professionnels avec lesquels il a exercé qui font état de sa compétence, de son professionnalisme et de son engagement professionnel.

Un ancien collègue du salarié, délégué du personnel suppléant, atteste qu'après la saisine de l'inspection du travail M. [X] a été mis sous surveillance et la hiérarchie a cherché la moindre faille.

Un ancien stagiaire éducateur atteste que le chef de service de M. [X] n'avait de cesse de le reprendre lorsqu'il s'exprimait, de remettre en cause ses positions de façon systématique, au delà du cadre classique de la relation hiérarchique, suggérant également une opposition de principe aux projets qui étaient menés par le salarié.

Une ancienne salariée de la Maison Maternelle atteste que M. [X] a rencontré des difficultés à l'arrivée du nouveau chef de service, qui n'a cessé de lui faire des reproches, jusqu'à son licenciement.

M. [X] a fait l'objet de deux avertissements injustifiés, puis d'un licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse.

M. [X] justifie que des traitements médicaux lui ont été prescrits au mois de septembre 2015.

Pris dans leur ensemble, ces éléments font présumer l'existence d'un harcèlement moral.

La Maison Maternelle produit plusieurs attestations de cadres, qui indiquent que M. [X] n'a pas été retenu comme chef de service en raison de son ancienneté moins importante, de son comportement au sein de la structure et que ses décisions n'étaient pas adaptées. Aucun élément n'étaye ces propos.

Un délégué du personnel atteste avoir été saisi par M. [X] de sa situation et s'en être entretenu avec le directeur, qui lui a répondu que c'était en lien avec le seul comportement du salarié et ses manquements, et non en raison de sa personne.

Les deux avertissements et le licenciement disciplinaire sont invalidés.

La Maison Maternelle ne justifiant pas que les sanctions et comportements particuliers à l'égard de M. [X] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, celui-ci est établi.

Dans le cadre de ses demandes liées au harcèlement moral, M. [X] ne forme pas de demande relative au licenciement, mais seulement une demande de dommages et intérêts, demande qu'il fonde également sur l'absence de mesure prise par l'employeur pour mettre fin au harcèlement et à sa situation difficile.

Il résulte du courrier du contrôleur du travail en date du 1er mars 2017 que le directeur de la Maison Maternelle était au courant de la situation de M. [X] à l'époque des faits et qu'il avait conscience de sa souffrance au travail. Le délégué du personnel atteste avoir rencontré le directeur à ce sujet.

La Maison Maternelle ne justifie pas avoir pris de mesure concernant la situation de M. [X], bien qu'avisé des difficultés qu'il rencontrait et a commis un manquement à son obligation de prévention du harcèlement moral et à son obligation de sécurité.

Le préjudice subi par le harcèlement moral et les manquements de l'employeur justifient la condamnation de la Maison Maternelle à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il sera ajouté au jugement entrepris.

Sur les intérêts

Par application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les dommages et intérêts alloués portent intérêts au taux légal à compter du jugement du conseil de prud'hommes pour le montant qui avait été alloué et de la présente décision concernant le surplus alloué.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée selon les dispositions de l'article 1343-2 du code civil par année entière.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La Maison Maternelle qui succombe supportera les dépens et sera condamnée à verser à M. [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en plus de l'indemnité allouée par le conseil de prud'hommes, qui sera confirmée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

ANNULE l'avertissement prononcé à l'encontre de M. [X] le 10 octobre 2013,

ANNULE l'avertissement prononcé à l'encontre de M. [X] le 8 décembre 2014,

DIT recevable la demande d'indemnisation formée par M. [X] au titre du harcèlement moral,

CONDAMNE l'association la Maison Maternelle à payer à M. [X] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision et capitalisation des intérêts selon les dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

ORDONNE à l'association la Maison Maternelle de rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [X] , du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de trois mois des indemnités versées,

CONDAMNE l'association la Maison Maternelle aux dépens,

CONDAMNE l'association la Maison Maternelle à payer à M. [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 19/11559
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;19.11559 ?
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