Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 05 OCTOBRE 2022
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08815 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAPKC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 17/02615
APPELANTE
SASU VINCI ENERGIES OIL & GAS
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-françois KLATOVSKY, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [W] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Elodie LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0424
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président
Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère
Madame Florence MARQUES, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er octobre 2013, M. [W] [I] a été engagé par la société Cegelec Oil & GAS en qualité d'ingénieur études. Son contrat prévoyait une convention de forfait en jours, fixé à 218 jours annuels travaillés.
A compter du 1er octobre 2016, M. [W] [I] a travaillé pour la société Vinci Energies Oil & Gas, suite à un contrat de mutation, son ancienneté étant reprise.
La convention collective applicable est celle des travaux publics. La société emploie plus de 11 salariés.
M. [W] [I] a fait l'objet, après convocation et entretien préalable qui s'est déroulé le 23 août 2017, d'un licenciement le 31 août 2017 pour faute grave.
M. [W] [I] avait saisi préalablement le conseil de prud'hommes de Bobigny, le 9 août 2017 aux fins notamment de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la SA Vinci Energies Oil & Gas condamnée à lui payer diverses sommes. L'affaire a été enregistrée sous le n° RG 17/2615.
Le salarié a de nouveau saisi la juridiction prud'homales afin de contester son licenciement. L'affaire a été enregistrée sous le n° RG 17/3274.
Par jugement en date du 12 juin 2019 , le conseil de prud'hommes de Bobigny, statuant en formation de jugement a ordonné la jonction des instances enregistrées sous les numéros RG 17/2615 et 17/3274, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamné la SA Vinci Energies Oil & Gas à payer au salarié les sommes suivantes :
- 31 725,00 euros au titre de 1'indemnité compensatrice de préavis ;
- 3 172,50 euros an titre des congés payés afférents ;
- 12 654,93 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
- 63 450,00 euros au titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 106 555,.40 euros au titre de salaire sur heures supplémentaires,
- 10 656,54 euros au titre des congés payés afférents,
- 40 112,24 euros au titre de dommage et intérêts pour repos compensateur
- 4 011,22 euros an titre des congés payés afférents
-1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
M. [W] [I] a été débouté du surplus de ses demandes.
Par déclaration au greffe en date du 2 août 2019, la SASU Vinci Energies Oil & Gas a régulièrement interjeté appel de la décision.
Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 31 janvier 2020, M. [W] [I] demande à la cour de :
INFIRMER le jugement de Conseil de prud'hommes de BOBIGNY en date du 12 juin 2019 en ce qu'il a :
- Débouté Monsieur [W] [I] des demandes suivantes :
- 63 450€ à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
- 21 150€ à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant
du manquement à l'obligation de sécurité ;
- 10 000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral ;
- Limité l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 63 450€.
ET STATUANT DE NOUVEAU :
A TITRE PRINCIPAL :
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail ;
DIRE QUE la résiliation judiciaire produit effet à la date de notification du licenciement soit le 31 août 2017 ;
CONDAMNER la Société VINCI ENERGIES OIL&GAS à verser à Monsieur [W] [I] les sommes suivantes :
- 31 725 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et subsidiairement la somme de 21 150 € ;
- 3 172,50 € au titre des congés payés s'y rapportant, et subsidiairement la somme de 2 115 € ;
- 12 654,93 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et subsidiairement la somme de 8 436,62 € ;
- 141 000.00 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par application de l'article L.1235-3 du code du travail,
- 106 555.40 € de rappels de salaires sur heures supplémentaires, outre les congés payés s'y rapportant à hauteur de 10 655.54 €,
- 40 112.24 € à titre de dommages et intérêts pour repos compensateurs, outre les congés payés y afférents soit 4 011.22 €,
- 63 450 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et, subsidiairement, 42 300 € ;
- 21 150.00 € de dommages et intérêts en raison du manquement de l'obligation de sécurité,
- 10 000.00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral,
- 3 500.00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- En application de l'Article 1231-7 du Code Civil, les sommes dues porteront
intérêts à compter du jour de la demande ;
- Constater que Monsieur [W] [I] demande la capitalisation des
intérêts par voie judiciaire ;
- Dire y avoir lieu de plein droit à capitalisation des intérêts en application de l'Article 1343-2 du Code Civil, du moment qu'ils sont dus pour une année entière.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
CONSTATER, DIRE et JUGER que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNER la Société VINCI ENERGIES OIL&GAS à verser à Monsieur [W] [I] les sommes suivantes :
- 31 725 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et subsidiairement la somme de 21 150 € ;
- 3 172,50 € au titre des congés payés s'y rapportant, et subsidiairement la somme de 2 115 € ;
- 12 654,93 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et subsidiairement la somme de 8 436,62 € ;
- 141 000.00 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par application de l'article L.1235-3 du code du travail,
- 104 928.60 € € de rappels de salaires sur heures supplémentaires, outre les congés payés s'y rapportant à hauteur de 10 492.86 €,
- 40 112.24 € à titre de dommages et intérêts pour repos compensateurs, outre les congés payés y afférents soit 4 011.22 €,
- 63 450 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et, subsidiairement, 42 300 € ;
- 21 150.00 € de dommages et intérêts en raison du manquement de l'obligation de sécurité,
- 10 000.00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral,
- 5 000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- En application de l'Article 1231-7 du Code Civil, les sommes dues porteront
intérêts à compter du jour de la demande ;
- CONSTATER que Monsieur [W] [I] demande la capitalisation des
intérêts par voie judiciaire ;
- DIRE y avoir lieu de plein droit à capitalisation des intérêts en application de l'Article 1343-2 du Code Civil, du moment qu'ils sont dus pour une année entière.
Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 20 avril 2020, la SA Vinci Energies Oil & Gas demande à la cour de :
- Dire infondée la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [W] [I] ;
A titre subsidiaire,
- Dire et juge que le licenciement de Monsieur [W] [I] est parfaitement justifié.
En conséquence :
- infirmer le jugement rendu le 12 juin 2019 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY en ce qu'il a :
- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ;
- Condamné la société à lui verser les sommes suivantes :
' 31.725 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
' 3.172,50 € au titre des congés payés y afférents,
' 12.654,93 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
' 63.450 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' 106.555,40 € à titre de salaire sur heures supplémentaires,
' 10.655,54 € au titre des congés payés afférents,
' 40.112,24 euros au titre de dommages et intérêts pour repos compensateur,
' 4.011,22 euros au titre des congés payés afférents,
' 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC.
- Confirmer le jugement rendu le 12 juin 20109 par le Conseil de prud'hommes de BOBIGNY en ce qu'il a débouté Monsieur [W] [I] des demandes suivantes :
- 63.450 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- 21.150 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant du manquement à l'obligation de sécurité ;
- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral ;
En conséquence, la société VINCI ENERGIES OIL & GAS sollicite de la Cour d'Appel qu'elle rejette les demandes incidentes de Monsieur [W] [I] en ce qu'il sollicite :
- 63.450 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- 21.150 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant du manquement à
l'obligation de sécurité ;
- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral ;
- 141.000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 avril 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
1- Sur l'application de la convention de forfait en jours et la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
1-1 sur la validité de la convention de forfait en jours
M. [W] [I] demande qu'il soit statué sur la validité de la convention de forfait en jours conclu dans son contrat de travail signé avec le société Cegelec Oil& Gas puisqu'il vise dans ses conclusions sa pièce 1.
Le forfait annuel en jours consiste à décompter le temps de travail en jours ou en demi-journées et non plus en heures. Il fixe le nombre de jours que le salarié doit s'engager à effectuer chaque année. Sa mise en place est subordonnée d'une part à la conclusion d'un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, d'une convention ou un accord de branche qui détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions ainsi qu'à une convention individuelle de forfait passée avec le salarié par écrit.
Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté les stipulations de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours et d'établir que le salarié a été soumis à un moment quelconque à un contrôle de sa charge de travail et de l'amplitude de son temps de travail, la convention de forfait en jours étant sans effet à défaut, en sorte que le salarié est en droit de solliciter le règlement de ses heures supplémentaires.
M. [W] [I] soutient que la convention de forfait en jours à laquelle il était soumis lui est inopposable faute de prévoir les stipulations de nature à garantie une amplitude et une charge de travail raisonnables, le respect des repos hebdomadaires et journaliers ainsi que le droit à une vie privée.
En réponse, l'employeur soutient que si le contrat initial en date du 6 septembre 2016 prévoyait une clause de forfait en jours, le contrat de déplacement signé le 14 septembre 2016 qui se substituait à ce contrat temporairement et pendant toute la durée de la mission à Abu Dhabi n'en prévoyait pas.
La cour constate que le contrat initial conclu entre la société Cegelec Oil& Gas a été rompu d'un commun accord le 30 septembre 2016 suite à la signature d'une convention de mutation laquelle le prévoit expressement. Le salarié ne peut contester la validité de la convention de forfait en jours prévue dans ce contrat.
Par ailleurs, effectivement, le contrat de déplacement signé le 14 septembre 2016 ne prévoit aucune disposition relative à la durée du temps de travail. Dès lors la durée légale s'applique et le salarié peut prétendre au paiement des éventuelles heures supplémentaires accomplies à compter du 14 septembre 2016.
1-2 sur les heures supplémentaires.
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, au soutien de ses prétentions, si le salarié ne produit pas de décompte ou tableau récapitulant ses horaires de travail, le mail du 19 février 2017, qu'il verse aux débats, par lequel l'employeur informe le personnel de ses horaires de travail, étaye suffisamment sa demande quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, ce qui permet à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En réponse , l'employeur ne produit strictement aucun élément et se contente d'affirmer que le salarié n'a pas effectué d'heures supplémentaires.
Le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires mais uniquement sur la période du 14 septembre 2016 au 29 juin 2017 ( durée de la mission ).
M. [D] [I] a ainsi droit à la somme de 12.201 euros au titre des heures supplémentaires pour 2016, outre la somme de 1.220,10 euros au titre des congés afférents.
Au titre de l'année 2017, il peut prétendre à la somme de 17.081,40 euros, outre celle de 1.708,14 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement est infirmé sur le quantum alloué.
2- Sur la demande au titre du repos compensateur
Les heures effectuées au-delà du contingent annuel en l'espèce de 145 heures doivent être indemnisées à hauteur de 100 %.
L'employeur doit être condamné à payer au salarié la somme de 10.225,60 euros de ce chef pour les années 2016 ( 2324 euros) et 2017 ( 7901,60 euros),outre celle de 1.022,56 au titre des congés payés afférents.
Le jugement est infirmé sur la quantum.
3- Sur l'indemnité de travail dissimulé
L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L'article L. 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Au cas d'espèce, il n'est pas rapporté la preuve d'élément intentionnel de la part de la société.
Le jugement est confirmé.
4- Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité
En application de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant notamment des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
Le salarié soutient qu'en le soumettant à une convention de forfait jour qu'il a refusé d'exécuter loyalement, son employeur a manqué à son obligation de sécurité.
Le salarié ne produit aux débats aucun élément, notamment médical attestant que sa santé aurait été altérée en raison de son travail.
M. [I] doit être débouté de sa demande de ce chef. Le jugement est confirmé.
5- Sur la rupture du contrat de travail
5-1 sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
L'action en résiliation judiciaire ne met pas fin au contrat de travail et implique la poursuite des relations contractuelles dans l'attente de la décision. Si le salarié est licencié avant qu'intervienne la décision judiciaire sur une demande de résiliation présentée avant la notification du licenciement, les juges doivent, en premier lieu, rechercher si la demande de résiliation était justifiée et c'est seulement dans le cas où ils estiment que la demande de résiliation judiciaire n'est pas justifiée qu'ils se prononcent sur le licenciement notifié par l'employeur postérieurement à la saisine. Si les manquements de l'employeur invoqués par le salarié sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, le juge prononce la résiliation avec effets à la date d'envoi de la notification du licenciement. Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts dont la preuve incombe au salarié doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail. La réalité et la gravité des manquements de l'employeur invoqués par le salarié sont souverainement appréciés par les juges du fond. La rupture du contrat de travail par résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, le cas échéant.
Au cas d'espèce, la société a informé son salarié par courrier du 26 juillet 2017 qu'il serait dispensé d'activité professionnelle à compter du 27 juillet 2017 jusqu'à nouvel ordre. Le salarié soutient qu'il s'est vu brutalement privé de son emploi sans que ne soit mis en oeuvre un quelconque processus légal de suspension de contrat de travail et sans qu'il n'en connaisse le motif. Selon lui, en suspendant unilatéralement le contrat de travail et en refusant de lui fournir du travail, l'employeur a commis à son égard un manquement de nature à empêcher la poursuite de la relation contractuelle. Il indique également qu'il a été soumis à un rythme de travail excessif.
La société répond que face au refus de son salarié d'accepter deux propositions de postes et ne pouvant l'affecter sur une autre mission, elle l'a dispensé d'activité, étant précisé que le salarié était parfaitement informé de la raison de cette décision et que sa rémunération était maintenue. La société souligne qu'elle a convoqué le salarié à un entretien préalable, le 1er août 2017 et que la saisine du conseil de prud'hommes en résiliation judiciaire du contrat de travail avait pour but de faire échec à la procédure disciplinaire.
La cour constate que la lettre du 26 juillet 2017 mentionne parfaitement le motif de la dispense de travail à compter du 27 juillet 2017, que le salarié a été convoqué le 1er août 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement ( soit 5 jours plus tard), qu'il a saisi le conseil de prud'hommes dès le 9 août 2017 pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Ainsi, lorsqu'il a saisi le conseil de prud'hommes, le salarié était pleinement informé de la volonté de son employeur de le licencier, qu'à la date de cette saisine, l'absence de fourniture de travail avait duré 9 jours ouvrés, sans que le salarié ne mette en demeure son employeur de lui fournir du travail.
Il apparaît ainsi que le salarié a, opportunément, saisi le conseil de prud'hommes, à une époque ou la privation d'activité était extrêmement récente, sans réaction de sa part, le tout ne permettant pas de considérer que l'employeur a manqué à son obligation de loyauté de manière à rendre impossible la poursuite de la relation de travail. Par ailleurs, le salarié ne rapporte pas la preuve que son rythme de travail a nuit à sa santé.
Il n'y a pas lieu d'ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Le jugement est infirmé de ce chef.
5-2 sur le licenciement pour faute grave
L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.
En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 31 août 2017 il est reproché au salarié ce qui suit :
« (') Suite à une mutation, vous intégrez la société VINCI Energies Oil&Gas le 1 er octobre 2016 pour une affectation aux Emirats Arabes Unis dans le cadre de la réalisation du projet CCC pour une durée estimée à 18 mois.
Début 2017, très rapidement, la direction du projet prévient Monsieur [T] [P], votre responsable hiérarchique, que votre mission ne durera pas aussi longtemps que prévu. Monsieur [T] [P] échange alors avec vous sur les éventuelles prochaines affectations.
Après plusieurs échanges verbaux, Monsieur [T] [P] vous informe officiellement le 5 mai 2017 par email de la fin de votre mission sur CCC et de votre prochaine affectation sur le projet BOUTLELIS au sein du Pôle Power & Mobility.
Vous répondez par email les 9 et 18 mai 2017 et refusez la mission sur le projet BOUTLELIS.
Monsieur [T] [P] vous informe alors de votre planning de fin de mission sur le projet CCC soit :
- Retour famille et début des congés le 29 juin
- Fin des congés le 28 juillet
- Mission célibataire pour terminer la mission actuelle du 29 juillet au 14 septembre
Le 19 juin 2017, nous vous convoquons au siège à St Denis afin de faire un point de situation et nous en profitons pour vous rappeler la clause de mobilité de votre contrat de travail du 6 septembre 2016 qui stipule que tout refus d'affectation de votre part entraînerait la résiliation à
vos torts et griefs du présent contrat qui vous lie à notre Société.
Le 29 juin 2017, nous vous adressons par email un nouvel ordre de mission à compter du 27 juillet 2017 pour une durée estimée finalement à 6 mois prenant en compte les informations que
nous vous avez données lors de notre entretien du 19 juin, en sachant que compte tenu du retour de votre famille en France, nous vous demandons quels sont vos souhaits quant à des retours supplémentaires.
Vous ne souhaitez pas répondre et nous organisons donc un cycle de rotation de 6 semaines de travail aux Emirats Arabes Unis pour 2 semaines de repos en France.
Le 12 juillet 2017, n'ayant pas de nouvelles de votre part, nous vous relançons par email.
Le 24 Juillet 2017, vous nous adressez un email nous informant que vous serez au bureau à St Denis le 27 juillet démontrant donc que vous refusez votre affectation sur le projet CCC vous permettant de terminer votre mission.
Dans ce contexte, nous sommes donc contraints de rompre votre contrat de travail pour faute grave sans indemnités ni préavis. La rupture de votre contrat interviendra ce jour, soit le 31 aout 2017, date d'envoi de la présente ».
L'employeur soutient que le salarié a refusé sans aucune raison les deux affectations proposées et qu'en réalité, il ne voulait pas travailler.
Le salarié soutient que la clause de son contrat de travail est nulle comme ne prévoyant pas la zone géographique d'application et qu'en tout état de cause, la mutation imposée par la société apportait une restriction excessive à son droit à une vie personnelle et familiale.
Il résulte des éléments soumis à l'appréciation de la cour qu'après avoir été affecté à compter du 1er octobre 2016 à Abu Dhabi, en famille, dans le cadre de son nouveau contrat de travail avec la société Vinci Energies Oil & Gas, pour une durée prévisible de 18 mois, il a été annoncé officiellement à M. [I], par mail du 5 mai 2017, que cette mission cesserait à la fin de l'été 2017 après ses congés et qu'il serait affecté sur le projet Boutlelis en Algérie, en statut célibataire, en qualité de responsable de site.
Le salarié a fait savoir qu'il refusait cette affectation par mail du 9 mai 2017 et soulignait que sa mission sur le projet CCC à Abu Dhabi n'était pas terminé.
Par mail en date du 17 mai 2017, la direction a pris acte du refus du salarié et l'a informé que sa « démobilisation » se ferait selon le calendrier suivant :
-retour famille et début des congés le 29 juin 2017,
-fin des vacances, le 28 juillet 2017,
-mission en célibataire sur la mission CCC pour terminer la mission actuelle
Par mail du 18 mai 2017, M. [D] [I] a souligné que sa mission ne sera pas terminée au 14 septembre 2017 (constatant qu'il s'agit également de la date de fin du PSE ).
Il a été adressé au salarié une lettre de mission, datée du 29 juin 2017 ( date de début des congés du salarié), l'informant de son affectation, en célibataire, sur le projet CCC à Abu Dhabi pour une durée de 6 mois pouvant être prolongée.
Effectivement la clause de mobilité incluse dans le contrat de travail de M. [D] [I], rédigée en termes très généralistes, ne prévoit aucune zone géographique d'affectation et est en conséquence nulle.
Par ailleurs, en ce qui concerne le refus de la mission « Boutlelis » en Algérie , le salarié a expliqué dans un mail du 9 mai 2017 qu'il n'avait pas la compétence requise pour l'effectuer. La cour constate que l'employeur n'a rien répondu au salarié à ce propos et se contente, dans ses écritures d'affirmer que M. [E] pouvait exercer la mission de délégué de site .En conséquence, la société ne prouve pas que le salarié a refusé de manière abusive cette affectation.
En ce qui concerne la seconde proposition d'affectation, il est constaté que le salarié s'est vu confié, après notification de l'arrêt de sa mission à Abu Dhabi à compter du 29 juin 2017, ( date de rapatriement en France de sa famille), une « nouvelle » mission, sur le même projet et au même poste pour une durée minimale de 6 mois ( correspondant à peu près à la date de fin de la mission initiale) mais sans sa famille. Cela constituait une modification de son contrat de déplacement en date du 14 septembre 2016 puisque son expatriation était dorénavant prévue sans sa famille.
Aucune faute ne peut être reprochée au salarié.
Le licenciement est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement est complété en ce sens.
6- Sur les conséquences financières de la rupture
Le salaire mensuel de référence à retenir est de 7.528,93 euros.
6-1 sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
Le salarié peut prétendre à 3 mois de préavis. Il lui est dû de ce chef la somme de 22.586,80 euros, outre la somme de 2.258,68 euros pour les congés payés afférents.
Le jugement est infirmé de ce chef.
6-2 sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
En application de la convention collective applicable au litige, cette indemnité s'élève à la somme de 7.453,63 euros ( inclus les 10% supplémentaires pour les salariés âgés de plus de 55 ans)
Le jugement est infirmé de ce chef.
6-3 sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Aux termes de l'article L 1235-3 du code du travail , dans sa version applicable au litige « si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9. »
En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [W] [I] de son âge au jour de son licenciement (57 ans), de son ancienneté à cette même date, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies à la cour, il y a lieu de lui allouer la somme de 75.289,30 ( 10 mois de salaires) à titre de dommages-intérêts licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement est infirmé de ce chef.
7- Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel
Le salarie ne justifie d'aucune façon sa demande de ce chef. Il est noté que la facture relative au véhicule porte le nom d'une autre personne, celle relative au piano date de 2013 et il n'est pas établi que M. [I] s'en soit séparé avant son retour en France.
Le jugement est confirmé.
8- Sur les intérêts et leur capitalisation
Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation sur les créances salariales, à compter du jugement sur les montants indemnitaires confirmés et à compter présent arrêt pour le surplus.
Il convient par ailleurs d'ordonner la capitalisation des intérêts qui est de droit lorsqu'elle est demandée en application de l'article 1343-2 du code civil.
9- Sur les autres demandes
La décision est confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.
La société Vinci Energies Oil & Gas supportera les éventuels dépens d'appel et est condamnée à payer à M. [I] la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.
La société Vinci Energies Oil & Gas est déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que M. [D] [I] n'était pas soumis à une convention de forfait en jours, a débouté M. [D] [I] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et matériel et d'indemnité pour travail dissimulé et en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. [D] [I] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,
Juge que le licenciement de M. [D] [I] est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Vinci Energies Oil & Gas à payer à M. [D] [I] les sommes suivantes :
- 22.586,80 euros au titre du préavis, outre celle de 2.258,68 au titre des congés payés afférents,
- 7.453,63 euros euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 75.289,30 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 12.201 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2016, outre la somme de 1.220,10 euros au titre des congés afférents.
- 1.7081,40 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2017, outre celle de 1.708,14 euros au titre des congés payés afférents.
- 10.225,60 euros au titre du repos compensateur pour 2016 et 2017, outre 1.022,56 au titre des congés payés afférents,
- 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et en cause d'appel,
Rappelle que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation pour les créances salariales, et du présent arrêt sur les créances indemnitaires,
Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
Déboute la société Vinci Energies Oil & Gas de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Vinci Energies Oil & Gas aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT