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05/10/2022 | FRANCE | N°19/08542

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 05 octobre 2022, 19/08542


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 05 OCTOBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08542 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAN3X



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F17/07581



APPELANT



Monsieur [F] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté

par Me Jean CAGNE, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE



SAS OFFICE GEMINI SAS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Yvan BARTHOMEUF, avocat au barreau de PARIS, toque...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 05 OCTOBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08542 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAN3X

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F17/07581

APPELANT

Monsieur [F] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean CAGNE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SAS OFFICE GEMINI SAS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Yvan BARTHOMEUF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0407

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Par contrat à durée indéterminée du 9 mars 2010 à effets au 15, M. [F] [M] a été engagé en qualité de directeur des ventes par la SAS Office Gemini qui a pour objet la commercialisation de logiciels de gestion et de numérisation de documents.

La société Office Gemini emploie habituellement moins de 11 salariés et applique la convention collective des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique.

La rémunération brute mensuelle contractuelle de M. [M] était de 5.000 euros, outre une prime variable. Son contrat de travail comportait une clause d'objectifs aux termes de laquelle le salarié s'engageait à réaliser un chiffre d'affaires hors taxe minimal de 30.000 euros pour les six premiers mois et de 100.000 euros pour la première année.

Par courrier du 14 avril 2011, M. [M] a été licencié pour une insuffisance professionnelle.

Le 15 mai 2014, contestant son licenciement et sollicitant le paiement d'heures supplémentaires, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de Paris.

L'affaire a été radiée puis rétablie le 20 septembre 2017.

Par jugement du 21 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Paris a rejeté l'ensemble des demandes de M. [M].

Le 30 juillet 2019, le salarié a fait appel de cette décision notifiée le 4 précédent.

Par conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 28 octobre 2019, il demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Office Gemini lui payer 40.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

- condamner la société Office Gemini lui payer 39.806 euros de rappel d'heures supplémentaires, outre 3.980 euros de congés payés sur heures supplémentaires ;

- condamner la société Office Gemini lui payer 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution.

Par conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 23 janvier 2020, la société Office Gemini demande à la cour de confirmer le jugement sauf sur le rejet de sa demande au titre de ses frais irrépétibles et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [M] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au cas présent, le salarié produit son contrat de travail qui mentionne ses horaires à savoir de 9h à 12h et de 13h à 17h du lundi au vendredi soit 35 heures hebdomadaires, ses fiches de paie qui ne font pas état du paiement d'heures supplémentaires, un courrier du 27 mai 2011 aux termes duquel il réclame à son employeur le paiement de 966 heures supplémentaires, le courrier de refus de son employeur en réponse, sa propre réponse maintenant ses affirmations ainsi que divers échanges de courriels rédigés hors de ses horaires ou jours de travail.

Cependant, alors qu'il ne produit aucun document de synthèse, même établi par ses soins pour les besoins de la cause, permettant de quantifier de façon détaillée le volume horaire accompli au-delà de la durée légale du travail et que le seul envoi ponctuel de courriels ne permet pas d'établir une durée effective de travail, il ne présente pas, ce faisant, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La demande de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires prétendument accomplies et non rémunérées sera donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

2 : Sur le licenciement

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par ailleurs, l'insuffisance professionnelle, définie comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement. Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir patronal, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation subjective de l'employeur.

Enfin, l'insuffisance de résultats ne constitue pas à elle seule une cause réelle et sérieuse de licenciement. Elle ne peut constituer un motif de licenciement que si l'insuffisance de résultat invoquée par l'employeur pour licencier le salarié a pour origine une insuffisance professionnelle ou une faute du salarié.

Pour constituer une cause réelle et sérieuse de rupture, l'insuffisance de résultats doit être importante et persistante et les objectifs fixés par l'employeur doivent présenter un caractère réaliste c'est-à-dire correspondre à des normes sérieuses et raisonnables. De même, les résultats tenus pour insuffisants ne doivent pas trouver leur explication dans une conjoncture étrangère à l'activité personnelle du salarié, ni dans les choix de l'employeur.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 14 avril 2011, qui fixe les limites du litige, M. [M] a été licencié au motif, en premier lieu, qu'il n'aurait pas développé de nouvelles relations commerciales avec des revendeurs et clients dans la zone géographique dont il avait la charge et notamment qu'il n'aurait obtenu qu'un seul revendeur en Allemagne, en second lieu, qu'il n'aurait pas réalisé son objectif annuel de chiffre d'affaires hors taxe minimum de 100.000 euros et, en dernier lieu, qu'il ne serait pas parvenu à diriger et manager ses subordonnées ce que révéleraient le départ d'une d'entre elles et ses mauvaises relations avec une autre.

Cependant, concernant le premier grief, le contrat de M. [M] fait état, parmi ses attributions, de celle consistant à 'établir de nouvelles relations commerciales avec des revendeurs et des clients dans la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique'. Cependant, il ressort des factures communiquées qu'outre le revendeur allemand, le salarié a établi de nouvelles relations commerciales avec d'autres revendeurs tant en France qu'à l'étranger et notamment au Liban. Dès lors, alors qu'aucune obligation contractuelle particulière ne pèse sur le salarié concernant le développement de l'activité commerciale avec la zone germanique malgré son bilinguisme en allemand et que l'employeur n'invoque pas dans le courrier de rupture et ne démontre pas davantage devant la cour que ces résultats seraient insuffisants, intrinsèquement, ou en comparaison de ceux d'autres commerciaux, ce grief n'est pas établi.

Concernant le second grief, alors que le contrat de travail mentionne un objectif minimal de chiffre d'affaires annuel hors taxe de 100.000 euros et précise que seules les factures encaissées et payées sont prises en compte, il apparaît que cet objectif n'a pas été réalisé sur la première année d'exercice. Cependant, le chiffre d'affaires annuel réalisé du prédécesseur de M. [M] n'est pas communiqué malgré la sommation en ce sens du salarié qui fait état d'importantes difficultés d'exercice de ce dernier. Par ailleurs, la comparaison entre les résultats annuels de M. [M] et de son successeur est insuffisamment détaillée notamment quant à l'imputation du contrat signé le 10 mai 2011 payé le 17 et aux conséquences de l'activité de prospection de l'appelant sur les résultats de son successeur. Dès lors, il n'est pas suffisamment établi que l'objectif contractuel de chiffre d'affaires était réaliste. En outre, alors que très peu de temps après l'échéance annuelle le salarié signait un contrat important dont le montant conduisait quasiment à atteindre l'objectif susmentionné, l'insuffisance de résultats n'apparaît ni comme importante ni comme persistante. Enfin, l'employeur ne démontre aucune alerte préalable de son salarié avant l'engagement de la procédure de licenciement. Ce second grief doit donc également être écarté.

Concernant enfin le troisième grief, si le management des employés du bureau européen faisait partie des attributions de l'appelant, les carences invoquées sont insuffisamment démontrées par les seuls courriels produits. L'un est postérieur à la rupture, consécutif à une conversation de la salariée concernée avec son employeur et fait état de faits peu significatifs. Le second, dans lequel M. [M] formule des reproches à une salariée mais lui propose également son soutien, ne démontre pas davantage de problèmes réels de ce dernier dans l'exercice de ses fonctions d'encadrement. Dès lors, en l'absence au surplus de toute alerte faite au salarié sur ce point, ce dernier grief n'est pas davantage avéré.

Il ressort de ce qui précède que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé sur ce point.

3 : Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l'article L.1235-5 du code du travail dans sa version applicable au litige, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3, le salarié pouvant uniquement prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Au cas présent, M. [M] qui avait une ancienneté inférieure à deux ans au jour de la rupture, a retrouvé un emploi immédiatement après celle-ci. Il convient dès lors d'indemniser uniquement le préjudice moral né du caractère brutal et injustifié de la rupture. Celui-ci sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 5.000 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il rejette la demande indemnitaire à ce titre.

4 : Sur les demandes accessoires

Partie essentiellement perdante, l'employeur supportera les dépens de la première instance comme de l'appel, le jugement du conseil étant infirmé de ce chef.

Par ailleurs, la société Office Gemini sera condamnée à payer 2.000 euros à M. [M] au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 juin 2019 sauf en ce qu'il rejette la demande au titre des heures supplémentaires ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Juge le licenciement du 14 avril 2011 dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamne la SAS Office Gemini à payer à M. [F] [M] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

- Condamne la SAS Office Gemini à payer à M. [F] [M] la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

- Condamne la SAS Office Gemini aux dépens de la première instance comme de l'appel.

LA GREFFI'RE LE PR''SIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/08542
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;19.08542 ?
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