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05/10/2022 | FRANCE | N°18/20890

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 05 octobre 2022, 18/20890


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 05 OCTOBRE 2022



(n° /2022, 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/20890

N° Portalis 35L7-V-B7C-B6MI4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Septembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 16/15584





APPELANTS



Monsieur [U] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté et as

sisté par Me Jean-Marie MOYSE de la SCP MOYSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0274



Madame [X] [L]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée et assistée par Me Jean-Marie MOYSE de la SCP MO...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 05 OCTOBRE 2022

(n° /2022, 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/20890

N° Portalis 35L7-V-B7C-B6MI4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Septembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 16/15584

APPELANTS

Monsieur [U] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté et assisté par Me Jean-Marie MOYSE de la SCP MOYSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0274

Madame [X] [L]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et assistée par Me Jean-Marie MOYSE de la SCP MOYSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0274

INTIME

Monsieur [S] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

né le 11 Mai 1986 à [Localité 5]

Représenté et assisté par Me Julien TAMPÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0320

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre

Mme Valérie MORLET, conseillère

Mme Alexandra GRILL, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Valérie MORLET dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Suzanne HAKOUN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE

Monsieur [U] [B] et Madame [X] [L] ont par acte du 1er septembre 2014 acquis une maison à [Adresse 2]. Ils y ont entrepris des travaux de rénovation et ont le même jour conclu avec Monsieur [S] [I], assuré auprès de la SA AXA FRANCE IARD, un "CONTRAT DE PRESTATION POUR UNE MISSION COMPLETE" de rénovation.

Les travaux ont été confiés à la SARL ALEX (placée en liquidation judiciaire par jugement du 22 septembre 2015 du tribunal de commerce de Paris, désignant la SELARL BELHASSEN-STEINER en qualité de liquidateur), selon devis du 3 septembre 2014. L'entreprise indiquait être assurée auprès de la compagnie MILLENNIUM INSURANCE COMPANY ou SA MUTUELLE d'ASSURANCE des ARTISANS de FRANCE (MAAF).

Le chantier a connu des vicissitudes et les travaux n'ont pas été réceptionnés.

Non satisfaits de la qualité des travaux exécutés, les consorts [B]/[L] ont par actes du mois de novembre 2015 assigné la société ALEX, Monsieur [I] les compagnies MAAF, MILLENNIUM et AXA FRANCE devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'expertise. Monsieur [Y] [F] a été désigné en qualité d'expert par ordonnance du 21 décembre 2015.

L'expert judiciaire a clos et déposé son rapport le 5 août 2016.

Au vu de ce rapport et faute de solution amiable, les consorts [B]/[L] ont par actes des 4, 5, 6 et 25 octobre 2016 assigné Monsieur [I], la société ALEX, les compagnies AXA FRANCE, MILLENNIUM et MAAF en indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris.

*

Le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 3 septembre 2018, a :

- déclaré irrecevables toutes les demandes formées à l'encontre de la société ALEX, représentée par son liquidateur,

- rejeté le surplus des demandes formées par les consorts [B]/[L],

- condamné les consorts [B]/[L] aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire, avec distraction au profit des conseils des parties non succombantes l'ayant réclamée,

- débouté les parties de leurs autres demandes.

Monsieur [B] et Madame [L] ont pas acte du 14 septembre 2018 interjeté appel de ce jugement, intimant Monsieur [I] devant la Cour.

*

Les consorts [B]/[L], dans leurs dernières conclusions n°2 signifiées le 22 mars 2019, demandent à la Cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire que la garantie décennale doit être mise en 'uvre, les désordres constatés rendant le bien impropre à sa destination d'habitation,

- dire que la garantie biennale de bon fonctionnement doit également être mise en 'uvre concernant les éléments d'équipements défectueux,

- dire que Monsieur [I], en sa qualité d'architecte, est réputé constructeur et engage sa responsabilité de plein droit dans la mise en 'uvre de la garantie décennale et biennale,

- condamner Monsieur [I] en sa qualité de constructeur aussi bien au titre de la garantie décennale qu'au titre de la garantie biennale de bon fonctionnement suite aux désordres affectant les travaux réalisés sur l'immeuble,

A titre subsidiaire, si la Cour venait à les débouter de leurs demandes au titre de l'article 1792 du code civil,

- dire que Monsieur [I] les a trompés sur sa qualité d'architecte et ses habilitations et assurances pour effectuer une mission de maître d''uvre,

- dire qu'ils n'auraient jamais confié un contrat de maîtrise d''uvre pour une rénovation totale et une extension s'ils avaient eu connaissance l'absence d'habilitation et d'assurances de Monsieur [I],

- dire que le contrat en date du 1er septembre 2014 est nul, suite aux man'uvres dolosives de Monsieur [I],

- condamner Monsieur [I] à leur restituer l'intégralité des honoraires perçus en exécution de ce contrat en date du 1er septembre 2014,

- dire que les man'uvres dolosives de Monsieur [I] ont engendré un lourd préjudice pour eux,

- condamner en conséquence Monsieur [I] à leur payer la somme de 230.162,63 euros au titre des réparations et troubles de jouissance de toutes natures,

A titre infiniment subsidiaire, si la Cour venait à les débouter de leurs demandes au titre de la nullité du contrat et de la responsabilité délictuelle,

- dire que Monsieur [I] engage sa responsabilité contractuelle suite aux fautes commises dans l'exécution du contrat de maitrise d''uvre signé le 1er septembre 2014,

- condamner en conséquence Monsieur [I] à leur payer la somme de 230.162,63 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi,

En tout état de cause,

- condamner Monsieur [I] à leur payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise, avec distraction au profit de la SCP MOYSE & Associés.

Monsieur [I], dans ses dernières conclusions n°2 signifiées le 22 mars 2019, demande à la Cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner Monsieur [B] et Madame [L] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

*

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 1er février 2022, l'affaire plaidée le 24 mai 2022 et mise en délibéré au 5 octobre 2022.

MOTIFS

Sur les demandes indemnitaires de Monsieur [B] et Madame [L]

Les premiers juges ont relevé l'absence de précision par les consorts [B]/[L] du fondement exact de leurs prétentions, les articles 1792 et suivants du code civil seulement évoqués recouvrant trois régimes distincts. Ils ont constaté l'absence de réception des ouvrages et l'absence de demande à ce titre et se sont étonnés de l'absence de données quant à la nature des désordres. Les juges ont examiné les désordres observés par l'expert, leur origine et leur qualification, pour ensuite retenir une réception tacite des travaux le 16 octobre 2016, et, en présence de réserves à la réception et de désordres décelables, exclu la garantie décennale de l'article 1792 du code civil et la garantie de bon fonctionnement de l'article 1792-3 du même code, estimant que les désordres relevaient de la garantie de parfait achèvement. Celle-ci n'étant due que par l'entreprise, les juges ont écarté toute responsabilité de Monsieur [I] (et, partant, toute garantie de la compagnie AXA FRANCE). Ils ont enfin écarté la garantie décennale de la MAAF et écarté la garantie de la compagnie MILLENNIUM, assureur de responsabilité civile professionnelle de l'entreprise.

Les consorts [B]/[L] reprochent aux premiers juges d'avoir ainsi statué. Ils fondent à titre principal leurs demandes sur les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, réclamant la mise en 'uvre de la garantie décennale et de la garantie de bon fonctionnement. A titre subsidiaire, ils font valoir la nullité du contrat de maîtrise d''uvre conclu avec Monsieur [I], soutenant que celui-ci leur a donné son assistance avant la signature du contrat et qu'il a ensuite cherché à les tromper sur sa qualité professionnelle, ou encore sa responsabilité délictuelle. A titre infiniment subsidiaire, ils recherchent sa responsabilité contractuelle. Les consorts [B]/[L] énoncent ensuite leurs demandes de réparation, au titre de la reprise des malfaçons (paiement de nouvelles entreprises pour des travaux de reprise), pour les finitions, au titre de frais déjà engagés, au titre de frais de double déménagement, d'un trouble de jouissance et d'un préjudice moral.

Monsieur [I] estime que les termes de son contrat sont clairs et que les consorts [B]/[L] ont jusqu'au mois d'octobre 2014 assumé la responsabilité de maîtres d'ouvrage et de maîtres d''uvre. Il refuse de voir sa responsabilité personnelle engagée au titre de faits accomplis hors contrat par les maîtres d'ouvrage. Il réfute les moyens nouveaux soulevés par ces derniers en cause d'appel, relatifs à sa mauvaise foi, au dol viciant leur consentement, à sa responsabilité délictuelle ou contractuelle. Monsieur [I] rappelle ensuite que les maîtres d'ouvrage ont déclaré au passif de la société ALEX une créance de 191.974 euros et considère que leurs demandes ne peuvent dépasser ce montant devant la Cour. Il conteste en tout état de cause certains postes de préjudice et leur montant.

Sur ce,

1. sur le fondement des demandes

(1) sur les garanties légales dues par les constructeurs et réputés tels

Le régime de la responsabilité de droit des constructeurs et réputés tels posé par les articles 1792 et suivants du code civil est exclusif de tout autre et doit être examiné en premier lieu.

Au terme de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. L'article 1792-4-1 du même code précise que toute personne dont la responsabilité peut être engagée sur ce fondement est déchargée de cette responsabilité après dix ans à compter de la réception des travaux.

Est ainsi posé un régime de garantie légale, décennale, pour les désordres non apparents à la réception, survenus ensuite et affectant la destination ou la solidité de l'ouvrage.

L'article 1792-2 du même code précise que la présomption de responsabilité ainsi établie s'étend aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.

Les autres éléments d'équipement de l'ouvrage (les éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage qui ne relèvent pas de la garantie décennale) font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à compter de la réception (article 1792-3 du code civil).

A bien été confiée à la société ALEX la construction d'un ouvrage, à laquelle s'apparentent les travaux de rénovation, lourde, en cause.

En l'absence de l'entreprise et de ses assureurs devant la Cour, seule la garantie légale décennale de Monsieur [I] peut être examinée. Quand bien même la qualité de Monsieur [I] et la nature de son contrat font l'objet de discussions, celui-ci est lié aux maîtres d'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage et est donc bien visé par l'article 1792-1 du code civil énumérant les constructeurs tenus des garanties biennale et décennale.

Ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, la garantie décennale des constructeurs ne peut être recherchée qu'au titre de désordres apparus après la réception des travaux. Cette réception est donc la condition première de l'examen de cette garantie.

Au terme de l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

Les consorts [B]/[L] ont par courriers recommandés des 18 août et 6 septembre 2015 adressés à Monsieur [I] et à la société ALEX, fait état de leur plus "grand mécontentement" quant au déroulement des travaux, signalant de nombreux problèmes, et notamment la dangerosité de l'installation électrique de la maison.

Ils ont le 15 septembre 2015 requis les services d'un huissier de justice pour dresser un état des lieux de leur maison. De nombreuses malfaçons et non-façons et de nombreux désordres ont été constatés dans un procès-verbal de ce jour. Ces constatations révèlent notamment le caractère particulièrement dangereux, et de toute évidence non-conforme aux normes applicables, de l'installation électrique, décrivant en effet des "raccordements de fortune", des amas de fils électriques désordonnés, libres et non protégés, des fils qui pendent non raccordés, etc.

Le cabinet d'études et d'expertise [W] [C], mandaté par les consorts [B]/[L], a examiné l'installation électrique de la maison et, dans son rapport d'expertise privée du 24 septembre 2015, confirme les malfaçons et non-conformités de celle-ci à la réglementation en vigueur.

Dans un "avis officieux" du 25 septembre 2015, Monsieur [H] [A], architecte et expert, évoque l'état d'abandon du chantier et d'une pose des menuiseries extérieures non conforme aux règles de l'art, "le vide laissé avec le gros 'uvre grossièrement comblé au polyuréthane permettant ni l'étanchéité à l'eau en partie basse, ni l'étanchéité à l'air en vertical".

Le conseil des consorts [B]/[L] a par courrier recommandé du 9 octobre 2015 convoqué la société ALEX aux opérations de réception prévues le 16 octobre 2015. L'avis de réception de ce courrier a été signé par l'entreprise.

Les consorts [B]/[L] ont alors, le 16 octobre 2015, signé un document portant procès-verbal de réception des travaux, accompagné d'une liste de réserves. Les premiers juges ont relevé que les maîtres d'ouvrage avaient réglé "l'essentiel du prix du marché", repris possession de leur maison et signé, seuls, un procès-verbal de réception, laissant apparaître leur volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage en l'état et ont donc retenu la réalité d'une réception tacite. Cependant, même en l'absence du représentant de la société ALEX, qui n'a donc pas signé le procès-verbal de réception, celui-ci ayant été dûment convoqué, le contradictoire a été respecté et une réception expresse peut être retenue.

Les malfaçons, non-façons et désordres dont les consorts [B]/[L] sollicitent la réparation ont tous fait l'objet de réserves dès avant la réception (par courriers et selon procès-verbal d'huissier) et à la réception ou, à tout le moins. Ils étaient en tout état de cause particulièrement apparents à cette époque.

Les consorts [B]/[L] ne peuvent affirmer qu'ils ne connaissaient pas les "conséquences fâcheuses" des désordres ayant l'objet d'une liste de réserve du mois d'octobre 2015. Ainsi, l'absence d'isolation basse, haute et latérale des huisseries extérieures observée par l'huissier au mois de septembre 2015 révélait clairement leur défaut d'étanchéité à l'air et à l'eau, confirmée huissier (procès-verbal du 15 septembre 2015) et par Monsieur [A] (rapport du 25 septembre 2015). Les défauts concernant les radiateurs ont été décrits au titre des réserves, qui font état d'une installation bruyante et difficile à régler, de tuyaux sous dimensionnés, d'un manque d'isolation des conduites de chauffage, du dysfonctionnement et des fuites des radiateurs, etc. Les joints de planchers ont fait l'objet d'une mention, au titre des réserves de réception ("de nombreux joints de parquet se délitent"). Les réserves de réception décrivent une "zone électrique non identifiable [qui] disjoncte par temps de pluie", des fils électriques non protégés longeant une conduite d'eau, etc. et la dangerosité de l'installation a été évoquée par huissier (procès-verbal du 15 septembre 2015) et par le cabinet [C] (rapport du 24 septembre 2015). Les consorts [B]/[L] reconnaissent eux-mêmes dans leurs écritures devant la Cour qu'il était alors visible au vu du constat du mois de septembre 2015 "que l'installation électrique est dangereuse et que de nombreuses malfaçons pouvaient être constatées de visu".

Les malfaçons et désordres observés sont certes graves, affectant l'habitabilité de la maison dans des conditions d'hygiène et de sécurité minimales et, partant, la destination de la maison. Mais tous étaient signalés dès le mois de septembre 2015 par l'huissier de justice et deux experts privés, ainsi que dans la liste des réserves de réception du mois d'octobre 2015. Apparents lors de la réception, dans tous leurs effets et toute leur gravité, ils ne peuvent donc engager la garantie décennale des constructeurs, ni la garantie biennale de bon fonctionnement lorsque sont concernés des équipements dissociables. Ces désordres étaient susceptibles d'engager la garantie de parfait achèvement due pendant un an après la réception par l'entreprise ALEX sur le fondement de l'article 1792-6 alinéa 2 du code civil. C'est ainsi que les premiers juges ont correctement statué en écartant la garantie légale décennale ou la garantie de bon fonctionnement de Monsieur [I].

(2) sur le dol reproché à Monsieur [I]

L'article 1109 du code civil, en sa version applicable en l'espèce, antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, dispose qu'il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par la violence ou surpris par dol. L'article 1116 du même code précise que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Quelques échanges de SMS et de courriels à compter du mois d'avril et durant l'été 2014 révèlent l'existence de relations entre les consorts [B]/[L] et Monsieur [I], sans établir, à cette époque, d'engagements réciproques des parties. Lorsque, dans un SMS du 27 juin 2014, la personne qui peut être identifiée comme étant Monsieur [I] déclare (à une personne non identifiée) : "Tu es le maître d'ouvrage. Je suis maître d''uvre", il s'agit d'une information quant aux définitions des positions de chacun, nullement d'un engagement définitif, en l'absence de précision sur l'objet de l'accord, les obligations de chacun et un prix.

Monsieur [I] signe ses courriels de son nom et de la mention "architecte diplômé d'Etat". La mention n'est pas erronée, alors que Monsieur [I] est bien titulaire d'un diplôme de l'Ecole [7], grade 2 (master), obtenu le 15 juin 2010, dont il justifie.

Le diplôme d'Etat est une condition nécessaire pour obtenir une habilitation à la maîtrise d''uvre en nom propre (HMONP) et une inscription à l'Ordre des architectes, et cette inscription à l'Ordre est nécessaire pour exercer la profession d'architecte, réglementée par la loi n°77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture. Monsieur [I] n'est pas inscrit à l'Ordre des architectes et ne le revendique d'ailleurs pas. Il est inscrit au répertoire des entreprises et des établissements (SIRENE) de l'INSEE au titre d'"activités spécialisées de design" et non d'architecte. Le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 27 octobre 2015 à la requête de Monsieur [B] mentionne une recherche internet non sur le site de Monsieur [I], mais à l'adresse http://www.claxiz-game.com/ex/jonh/ [sic] qui ne permet pas de facto d'identifier le site visité.

Sur Info-greffe, Monsieur [I] a déclaré une activité libérale d'architecture, mais non prétendu avoir la qualité d'architecte inscrit à l'Ordre.

Les travaux en cause, de rénovation, ne prévoyaient aucune construction d'une surface supérieure à 20 m² et ne nécessitaient pas de permis de construire. Seule une déclaration de travaux était requise, pour des modifications de la clôture sur rue, des façades (ravalement), la création d'un auvent et une extension d'appentis. Le recours à un architecte, imposé uniquement lorsque sont prévus des plans de constructions dont la surface de plancher est supérieure à 150 m² n'était donc pas obligatoire en l'espèce, en application des articles L431-1 et R431-2 du code de l'urbanisme et de l'article 4 de la loi n°77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture.

Monsieur [I] n'a pas prétendu être architecte lors de la conclusion de son contrat avec les consorts [B]/[L]. Les parties n'ont en effet signé ni un contrat d'architecte, ni un contrat de maîtrise d''uvre, mais un "CONTRAT DE PRESTATION POUR UNE MISSION COMPLETE". Monsieur [I] y est identifié comme "prestataire" lors de la désignation des parties contractantes et tout au long du contrat, à l'exception de trois mentions d'un "architecte" qui, précédées et suivies de la mention d'un "prestataire", s'apparentent à une erreur de plume.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, Monsieur [B] et Madame [L] ne démontrent pas la réalité de man'uvres dolosives de la part de Monsieur [I], ne prouvant pas que celui-ci s'est présenté sous une qualité qu'il n'avait pas. Ils ne peuvent en conséquence affirmer qu'ils pensaient contracter avec un architecte.

Les consorts [B]/[L] seront donc déboutés de leur demandes tendant à voir constater la nullité du contrat conclu avec Monsieur [I] et à voir condamner celui-ci à la restitution des honoraires perçus en exécution de ce contrat (étant ici observé que les maîtres d'ouvrage ne formulent pas de demande chiffrée à ce titre).

(3) sur la responsabilité contractuelle de Monsieur [I]

Le contrat de prestation conclu entre les consorts [B]/[L] et Monsieur [I] n'étant affecté d'aucune cause de nullité, les premiers peuvent rechercher la responsabilité du second non sur un fondement délictuel, mais uniquement sur un fondement contractuel, au visa de l'article 1134 du code civil, en sa version applicable en l'espèce, antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations. Selon ces dispositions, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 9 du contrat de prestation conclu entre les parties le 1er septembre 2014 concerne le contenu de la mission complète et prévoit le dossier de permis de construire (élaboration et instruction, article 9-1), les études de projet (article 9-2), l'assistance pour la passation des contrats de travaux dossier de consultation des entreprises, mise au point et passation des contrats de travaux (9-3), la direction de l'exécution des contrats de travaux (9-4) et l'assistance aux opérations de réception (9-5). Malgré l'intitulé du contrat, celui-ci concerne donc bien une mission de maîtrise d''uvre complète, ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire.

L'expert judiciaire, ayant observé que la plupart des désordres en cause en l'espèce s'étaient "avérés parfaitement visibles" sans investigations particulières, estime que "les défauts de section, de canalisation de chauffage, leurs fixations, les défauts d'électricité, les défauts de mise en 'uvre des fenêtres et portes, de tableaux, de ravalement, cette liste n'étant pas exhaustive, ne pouvaient pas échapper à la surveillance réputée contractuellement hebdomadaire du maître d''uvre, modifications de prestations ou non", ajoutant que "la comptabilité du chantier, notamment les situations de chantier devant contractuellement être visées par le maître d''uvre, n'a pas été rigoureuse".

Il est à titre liminaire relevé que l'article 7-2 du contrat de prestation, relatif aux droits et obligations du "prestataire" (Monsieur [I]) mentionne son assurance professionnelle et précise qu'il "supporte les conséquences financières de sa responsabilité dans les limites des plafonds de garantie fixés dans son contrat d'assurance" et il a pu être constaté, par l'expert judiciaire que l'intéressé "n'était cependant pas assuré professionnellement au moment du chantier (')".

Les mentions du contrat de prestation relatives au permis de construire sont sans objet en l'espèce, dans la mesure où les éléments du dossier ne révèlent pas l'obligation d'obtention d'une telle autorisation, mais seulement l'obligation d'une déclaration préalable (travaux de rénovation essentiellement intérieurs, ravalement, création d'un auvent et d'un appentis sans construction de plus de 20 m²), laquelle a été soumise à l'Architecte des Bâtiments de France (au vu de la proximité de monuments historiques). Les consorts [B]/[L] ne communiquent pas les premiers documents transmis à la mairie de la commune, et la "décision favorable" du 3 novembre 2017 du maire de [Localité 4] au vu de "nouveaux documents" ne révèle pas un manquement de Monsieur [I] à ses obligations, ladite décision intervenant légitimement en fin de travaux, après réception de la déclaration attestant leur achèvement et leur conformité.

Des plans sont produits aux débats, ne portant aucune date ni signature ni cachet, et dont l'auteur n'est donc pas identifiable. Si les plans initiaux étaient établis avant l'intervention de Monsieur [I], ainsi qu'il l'affirme, ils ont cependant fait l'objet de discussions entre les parties (par échanges de courriels à partir du mois de septembre 2014) et il y a apporté des explications et modifications. La SAS ETECH, ingénieur du bâtiment, a été mandatée pour une étude et les plans de renfort de structure (pour la démolition de murs porteurs). Aucun élément du dossier ne met en lumière des erreurs de conception du projet de rénovation imputables à Monsieur [I].

Monsieur [I] a par courriels des 2 et 3 septembre 2014 adressé à Monsieur [B]/[L] le devis de la société ALEX, l'extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés de l'entreprise et ses attestations d'assurance auprès de la MAAF. Il ne peut être reproché au maître d''uvre de ne pas avoir décelé le caractère faux de ces attestations, dénoncé par l'assureur dans le cadre d'une plainte auprès du Procureur de la République de [Localité 6] pour faux et usage de faux, ceci n'étant pas nécessairement visible. Il est ajouté que la Cour n'est pas informée des suites du dépôt de plainte de la MAAF.

Les consorts [B]/[L] ne démontrent pas non plus que la société ALEX, sous la direction de Monsieur [I], a réalisé ses travaux sur la base d'anciens plans et non de leur dernière version, ne produisant à l'appui de cette affirmation qu'un courriel écrit de leur propre main le 8 décembre 2014, adressé à la collaboratrice du maître d''uvre.

L'état du chantier au mois de septembre 2015, tel que constaté par huissier, révèle en revanche bien les manquements du maître d''uvre au titre du suivi de l'exécution des travaux. Monsieur [I] l'a d'ailleurs reconnu lui-même dans divers courriels adressés aux maîtres d'ouvrage (le 4 mars 2015, reconnaissant une "grosse erreur" ; le 25 mars 2015, admettant son absence sur le chantier ; le 14 septembre 2015, admettant que la situation dépasse ses compétences). L'expert judiciaire a pu observer le non-respect par l'entreprise des règles de l'art, des DTU et normes applicables et ces défaillances auraient dû être relevées et signalées par le maître d''uvre. Monsieur [I] ne justifie d'aucun planning de travaux, de la tenue régulière d'aucune réunion de chantier (ni, a fortiori, de comptes-rendus), n'établit pas s'être adressé à l'entreprise pour recadrer les travaux, la reprendre, lui demander de respecter les plans, délais et règles de l'art, de reprendre les malfaçons et non-conformités, etc.

Monsieur [I] affirme que les maîtres d'ouvrage ont pris "de nombreuses libertés" sur le chantier, faisant eux-mêmes réaliser des modifications, parfois radicales, dans l'organisation, le contenu ou le coût des travaux et traitant directement avec l'entreprise. Ces points ne sont cependant pas prouvés. Le maître d''uvre n'établit ni la compétence particulière des maîtres d'ouvrage en matière de construction, ni leur immixtion dans le cadre du suivi des travaux. Le maître d''uvre ne démontre en outre pas avoir respecté son devoir de conseil et, si cela s'avérait nécessaire, avoir mis en garde les maîtres d'ouvrage sur les conséquences de leur intervention sur le chantier. Monsieur [I] fait ainsi état de modifications importantes du projet par les maîtres d'ouvrage concernant la cuisine ou les salles de bains, mais ne justifie d'aucune réaction de sa part, d'aucun conseil alors donné aux consorts [B]/[L]. La Cour ne saura donc retenir une immixtion fautive des maîtres d'ouvrage, non démontrée.

Le chantier est apparu abandonné au mois de septembre 2015 et Monsieur [I] ne peut être tenu pour responsable des difficultés de l'entreprise, placée en liquidation judiciaire par jugement du 22 septembre 2015. C'est ainsi, en l'absence de l'entreprise, que les travaux n'ont pu être terminés par celle-ci ni réceptionnés.

Le conseil des consorts [B]/[L] a par courrier recommandé du 9  octobre 2015 invité Monsieur [I] à participer aux opérations de réception des ouvrages devant se tenir le 16 octobre 2016. Le maître d''uvre n'a pas répondu à cette convocation et n'a donc pas assisté les maîtres d'ouvrage au titre de ces opérations, en méconnaissance des termes de son contrat.

Au vu de ces développements, il apparaît que si Monsieur [I] ne peut être tenu pour responsable des défaillances de la société ALEX sur le chantier, les éléments du débat laissent bien apparaître sa propre responsabilité, également à l'origine des désordres et malfaçons et que la Cour retiendra. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a écarté toute responsabilité de Monsieur [I] et n'a pas examiné les préjudices subis par les consorts [B]/[L].

L'expert judiciaire estime que la responsabilité de Monsieur [I] concerne "a minima (') 10% à 20% de la reprise des désordres". Le partage des responsabilités de l'entreprise et du maître d''uvre ne peut cependant pas être opposé aux maîtres d'ouvrage. Monsieur [I] est tenu à réparation de l'entier préjudice subi par les consorts [B]/[L], sans préjudice de ses éventuels recours contre l'entreprise co-responsable.

2. sur la réparation des préjudices subis par les consorts [B]/[L]

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, doivent être exécutées de bonne foi et se résolvent en dommages et intérêts à raison de l'inexécution ou de la mauvaise exécution par le débiteur de son obligation (articles 1134 et 1147 anciens du code civil).

La réparation d'un préjudice doit être intégrale et ne saurait en l'espèce être limitée au montant de la créance déclarée par les consorts [B]/[L] entre les mains du liquidateur de la société ALEX, en liquidation judiciaire (dont il n'est en outre pas justifié devant la Cour).

(1) sur les travaux de reprise

Les consorts [B]/[L] ne peuvent réclamer le remplacement de l'intégralité des fenêtres de leur maison (pour la somme de 51.485,90 euros TTC selon devis de la société A+B AGENCEMENT du 18 février 2016), l'expert ayant indiqué qu'elles pouvaient être laissées en place, seule leur étanchéité à l'eau et à l'air devant faire l'objet d'une reprise et évoquant une simple question de fixation.

Le remplacement de la porte principale à hauteur de 4.920 euros TTC (facture de la SARL PORTES ANCIENNES du 22 juin 2016) ne fait l'objet d'aucune observation de la part de Monsieur [I] et ce montant sera retenu.

Les maîtres d'ouvrage réclament le remplacement des stores "en cas de changement de fenêtres" pour la somme de 2.079 euros TTC (devis de la société FERMETURE PARISIENNE du 20 mai 2015). Ledit remplacement n'étant pas retenu par la Cour, cette demande est sans objet.

L'expert estime la reprise généralisée du parquet "disproportionnée". les consorts [B]/[L] ne réclament cependant que des travaux de ponçage, rebouchage de fissures à hauteur de 10.452 euros HT, outre divers travaux de peinture, justifiés au regard de l'état de la maison, représentant une somme totale, ponçage du parquet inclus, de 22.587 euros HT, soit 24.845,70 euros TTC, qui sera retenue.

La reprise complète de la plomberie de la maison n'était pas prévue au marché de la société ALEX, mais les travaux de reprise réclamés par les consorts [B]/[L] à hauteur de 6.585,80 + 1.539,14 + 1.230 + 1.073,69 + 1.700 = 12.128,63 euros TTC, selon divers devis et factures communiquées, ne correspondent pas à réfection complète mais aux reprises seulement nécessaires et ont été validées par l'expert. Monsieur [I] ne démontre pas le caractère suffisant des travaux proposés à ce titre par la société EMG selon devis du 30 juin 2016 pour 3.000 euros HT. Seule la somme validée par l'expert sera donc retenue.

Il en est de même pour la reprise de l'installation de chauffage, justifiée et validée par l'expert à hauteur de 8.629 euros TTC (devis de la société APSC TENNESSY du 23 février 2016), alors que Monsieur [I] ne démontre pas que la somme de 4.500 euros proposée par la société EMG (devis du 30 juin 2016) soit suffisante.

Au regard de l'état des travaux électriques au moment de l'abandon du chantier à l'été 2015, la réfection complète de l'installation est justifiée. Monsieur [I] ne démontre pas le caractère suffisant des travaux proposés à ce titre par la société EMG selon devis du 30 juin 2016 pour 4.500 euros HT. Seule la somme totale validée par l'expert sera donc retenue, à hauteur de 14.189 euros TTC (devis de la société CITY ELEC du 18 février 2016).

Les travaux de reprise de la climatisation du sous-sol ne sont pas discutés par Monsieur [I] et seront retenus tels que validés par l'expert judiciaire à hauteur de 2.964 euros TTC (facture de la société DOMOTELEC du 27 août 2015).

Le ravalement de la façade et la création d'un portail ont été retenus par l'expert à hauteur de 29.920,11 euros TTC selon devis de la société HDCO du 8 février 2016. Aucune explication n'est donnée quant à ce coût, alors que la société EMG propose les mêmes prestations pour la somme de 9.000 + 4.000 = 13.000 euros HT, soit 14.300 euros TTC (devis du 30 juin 2016), qui sera seule retenue.

Les travaux de reprise du portillon du jardin et du sous-sol ne sont pas discutés par Monsieur [I] et seront retenus à hauteur de la somme totale de 995 + 19.800 = 20.795 euros TTC (devis de la société HDCO du 8 février 2016 et de Monsieur [P] [M] du 19 octobre 2015), validée par l'expert

Les époux [B]/[L] ne justifient pas de leur demande au titre d'une double fenêtre supplémentaire à hauteur de 3.762 euros TTC (facture de la société ISOLBRUIT du 1er juillet 2015), non prévue au marché de la société ALEX, et leur demande de ce chef sera rejetée.

Les maîtres d'ouvrage n'expliquent pas non plus leur demande au titre du repositionnement de l'écran de cinéma à hauteur de 2.679,05 euros TTC (devis de Monsieur [J] [O] du 19 février 2016), qui sera rejetée.

Le coût du dépannage électrique dans l'urgence n'est pas discuté par le maître d''uvre, et sera retenu à hauteur de 1.759 euros TTC (facture de la société ROQUEPINE du 17 août 2015).

Il n'est pas établi que l'achat de billets d'avion (Lufthansa, débit du compte des consorts [B]/[L] de 635,96 euros TTC), que les maîtres d'ouvrage affirment concerner le technicien des stores sans l'établir, ait été justifié par un désordre objet du litige et la demande d'indemnisation sera rejetée de ce chef. Il n'est pas non plus justifié des frais de dépanneur desdits stores à hauteur de 165 euros TTC, demande qui sera également rejetée.

Il n'est pas démontré que la facture de 232 euros TTC de la société CASTORAMA concerne un désordre objet du litige. Elle ne mentionne d'ailleurs pas le nom du payeur. La demande des consorts [B]/[L] sera rejetée de ce chef.

La demande présentée au titre de la sécurisation électrique à hauteur de 3.300 euros TTC (facture de Monsieur [M] du 30 septembre 2015) n'appelle aucune observation de la part de Monsieur [I] et sera retenue, validée par l'expert.

Le maître d''uvre ne démontre pas que la réparation des radiateurs qui fuyaient, pour la somme de 843,95 euros TTC (facture de la société APSC du 2 décembre 2015) soit couverte par la garantie du fabricant. La facture a bel et bien réglée et ce poste de préjudice, validé par l'expert, sera retenu.

Les frais d'expertise exposés par les consorts [B]/[L], à hauteur de 750 + 770 = 1.520 euros TTC (factures de Monsieur [C] du 24 septembre 2015 et de Monsieur [A] du 27 septembre 2015) et seront intégrés au préjudice subi par les intéressés.

Les frais d'huissier requis pour la réception des travaux ne relèvent aucunement des dépens et constituent un préjudice indemnisable hors frais irrépétibles. Ils seront retenus à hauteur de la somme justifiée de 300 euros TTC (facture du 27 octobre 2015).

L'indemnisation au titre des frais de débarras du chantier n'appelle pas d'observation de Monsieur [I] et sera retenue à hauteur de la somme justifiée de 2.700 euros TTC (facture de Monsieur [R] [E] du 18 février 2016).

Ainsi, Monsieur [I] sera condamné à payer la somme totale de 4.920 + 24.845,70 + 12.128,63 + 8.629 + 14.189 + 2.964 + 14.300 + 20.795 + 1.759 + 3.300 + 843,95 + 1.520 + 300 + 2.700 = 113.194,28 euros TTC aux consorts [B]/[L] en indemnisation de leurs préjudices matériels.

(2) sur frais de déménagement

Le chantier a pris du retard. L'expert judiciaire impute celui-ci pour moitié à l'architecte, du fait de la mauvaise organisation du chantier, et pour l'autre moitié aux maîtres d'ouvrage eux-mêmes, du fait des modifications sollicitées (travaux supplémentaires à hauteur de 200.000 euros).

Alors que les consorts [B]/[L] ont donné congé de leur appartement loué à [Localité 6] pour le 30 juin 2015, ils n'ont pu emménager dans leur maison à [Localité 4] à cette date, les travaux ayant pris du retard. Ils ont pu être logés dans leur famille, mais ont dû entreposer leur mobilier dans un garde-meubles et ont exposé à ce titre des frais de 807,67 euros TTC (contrat avec la société SHURGARD du 25 juin 2015). Deux déménagements ont dû être organisés, entre l'appartement parisien et le garde-meubles, puis entre celui-ci et la maison de [Localité 4], facturés à hauteur de 3.600 + 1.200 = 3.800 euros TTC (facture et devis de la société TRANSKAB des 26 et 28 juin 2015).

Sans retard, les consorts [B]/[L] n'auraient pas eu recours à un garde-meubles et n'auraient connu qu'un seul déménagement. Aussi, seuls les frais de garde-meubles et du second déménagement constituent pour eux un préjudice indemnisable, à la charge pour moitié de Monsieur [I] (hors leur propre part de responsabilité), à hauteur de la somme totale de (807,67 + 1.200) ÷2 = 1.003,83 euros TTC.

Il n'est pas démontré que la facture de la société TRACERS EXPRESS du 20 août 2015, de 298,08 euros TTC, corresponde aux frais de transport d'un tableau, ni que ces frais n'auraient pas été nécessaires en tous les cas. Les époux [B]/[L] seront donc déboutés de leur demande d'indemnisation de ce chef.

(3) sur le trouble de jouissance

L'état du chantier la maison à l'été 2015 était tel que des travaux d'achèvement ont dû être mis en place. Un "RECAPITULATIF TRAVAUX A FINIR MONSIEUR [U] [B] et [T] [sic] [L]" a été signé par les deux maîtres d'ouvrage, la SARL SKOM et Monsieur [I] le 31 juillet 2015, énumérant les travaux devant alors être réalisés, avec des échéances selon les pièces et travaux, prévues au plus tard au 30 septembre 2015.

Mais si les consorts [B]/[L] affirment que les travaux n'étaient pas terminés à cette date et ne l'ont été qu'un an plus tard, aucune preuve n'en est apportée. Les intéressés n'établissent pas non plus la réalité de la valeur locative mensuelle de leur maison, sur laquelle ils basent l'évaluation de leur préjudice (absence d'attestation d'un agent immobilier), ni ne communiquent aucun élément permettant de quantifier le trouble au regard de la surface de la maison.

Ils seront en conséquence déboutés de leur demande d'indemnisation d'un préjudice de jouissance sur une période d'un an, justifiée ni dans son principe, ni dans son montant.

(4) sur le préjudice moral

Les consorts [B]/[L] ont subi les tracas d'une procédure judiciaire et d'une expertise et ont emménagé, avec leurs deux enfants, dans une maison dont les travaux n'étaient pas terminés et dont le confort n'était donc pas celui auquel ils pouvaient légitimement s'attendre. Ils ont en conséquence subi un préjudice moral certain, qui sera, au vu des éléments du dossier, indemnisé à hauteur de 10.000 euros à la charge de Monsieur [I].

***

Les condamnations prononcées contre Monsieur [I], à caractère indemnitaire, porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, conformément aux termes de l'article 1153-1 ancien (1231-7 nouveau) du code civil.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à l'infirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance, mis à la charge des consorts [B]/[L].

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement, la Cour condamnera Monsieur [I], qui succombe, aux dépens de première instance (incluant les frais d'expertise judiciaire) et d'appel, avec distraction au profit du conseil des consorts [B]/[L] qui l'a réclamée, conformément aux dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Tenu aux dépens, Monsieur [I] sera condamné à payer la somme équitable de 5.000 euros aux consorts [B]/[L] en indemnisation des frais exposés en première instance et en cause d'appel et non compris dans les dépens, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La COUR,

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 3 septembre 2018 (RG n°16/15584),

Vu les articles 1792 et suivants du code civil,

Vu les articles 1109 et 1116 anciens du code civil,

Vu les articles 1134 et 1147 anciens du code civil,

Vu les articles 696 et suivants et 700 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a écarté la garantie légale décennale de Monsieur [S] [I],

INFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE Monsieur [U] [B] et Madame [X] [L] de leur demande tendant à voir constater la nullité du contrat de prestation conclu avec celui-ci, d'autre part,

DIT la responsabilité contractuelle de Monsieur [S] [I] engagée vis-à-vis de Monsieur [U] [B] et Madame [X] [L],

CONDAMNE Monsieur [S] [I] à payer à Monsieur [U] [B] et Madame [X] [L] les sommes, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, de :

- 113.194,28 euros TTC en réparation de leurs préjudices matériels,

- 1.003,83 euros TTC en indemnisation des frais de garde-meubles et déménagement,

- 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral,

DEBOUTE Monsieur [U] [B] et Madame [X] [L] de leurs autres demandes indemnitaires,

CONDAMNE Monsieur [S] [I] aux dépens de première instance, incluant les frais d'expertise judiciaire, et d'appel, avec distraction au profit de la SCP MOYSE & Associés,

CONDAMNE Monsieur [S] [I] à payer la somme de 5.000 euros à Monsieur [U] [B] et Madame [X] [L] en indemnisation de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/20890
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;18.20890 ?
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