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03/10/2022 | FRANCE | N°21/10092

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 03 octobre 2022, 21/10092


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRET DU 03 OCTOBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10092 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYLO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2021 -TJ de PARIS RG n° 17/00907



APPELANTS



Madame [F] [E]

[Adresse 1]

[Localité 6]

née le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 7]



Repr

ésentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044



Monsieur [C] [E]

[Adresse 1]

[Localité 6]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 9]



Représenté par Me Arn...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRET DU 03 OCTOBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10092 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYLO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mai 2021 -TJ de PARIS RG n° 17/00907

APPELANTS

Madame [F] [E]

[Adresse 1]

[Localité 6]

née le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 7]

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Monsieur [C] [E]

[Adresse 1]

[Localité 6]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 9]

Représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

INTIMES

MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire

Ayant ses bureaux [Adresse 3]

[Localité 5]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions simplifiée Finaréa Sigma a pour objet principal la gestion et l'animation sous toutes formes et par tous moyens appropriés des participations prises dans les entreprises. Elle a souscrit à l'augmentation en capital de plusieurs sociétés : le 6 février 2009 avec la société Isidor pour 2,33% de ses parts, le 1er août 2009 avec la société française de marbrerie et de services funéraires (SFMSF) pour 27,22% de ses parts, et en novembre 2009, février et juin 2010, avec la société Odo pour 31% de ses parts.

M. [C] [E] et Mme [F] [E] ayant investi, le 15 juin 2009, la somme de 66.700 euros à son capital, la société Finaréa Sigma leur a délivré une attestation le 31 juillet 2009, certifiant qu'elle revêtait la qualité d'une société holding animatrice et que le placement était éligible à l'exonération de la valeur des titres reçus en contrepartie de cet investissement. La souscription au capital de la société Finaréa Sigma devait leur permettre de réduire leur impôt de solidarité sur la fortune (ISF), aux 3/4 de ce placement, en application de l'article 885-0-V bis du code général des impôts (CGI) qui régit l'investissement direct au capital des petites et moyennes entreprises.

M. et Mme [E] ont bénéficié d'une réduction d'impôt, en application de l'article 885-O-V-bis du CGI, d'un montant de 50.000 euros en 2009.

La société Finaréa Sigma, comme le groupement d'intérêt économique Finaréa services, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en 2012, portant sur les exercices clos en 2010 et 2011, sans redressement consécutif.

Le 7 décembre 2012, M. et Mme [E] ont été destinataires d'une proposition de rectification de leur ISF au titre de l'année 2009 et 2010.

Le 15 février 2013, M. et Mme [E] ont contesté la proposition de rectification du 7 décembre 2012. Le 8 avril 2013, l'administration fiscale a répondu aux observations des contribuables et maintenu la rectification d'imposition.

Le 3 octobre 2013, l'administration fiscale a procédé à la mise en recouvrement de l'imposition pour les montants de 50.256 euros pour 2009 et 2.112 euros en 2010 en principal, 8.443 euros au titre des intérêts de retard en 2009 et 253 euros en 2010.

M. et Mme [E] ont formé une réclamation contentieuse le 7 novembre 2013 qui a été rejetée par l'administration fiscale par décision du 2 septembre 2014. A l'issue de nouvelles contestations contentieuses en date des 10 septembre 2014, 5 novembre 2015 et 24 décembre 2015, l'administration fiscale a rendu des décisions de rejet les 24 septembre 2014 et 3 août 2016.

Par acte d'huissier en date du 28 septembre 2016, M. et Mme [E] ont fait assigner la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 8].

Par jugement rendu le 3 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :

- Déboute M. [C] [E] et Mme [F] [E] de l'ensemble de leurs demandes,

- Condamne M. [C] [E] et Mme [F] [E] aux dépens,

- Condamne M. [C] [E] et Mme [F] [E] à payer la somme totale de 1.500 euros au directeur général des finances publiques, agissant en la personne du directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de [Localité 8] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 28 mai 2021, M. [C] [E] et Mme [F] [E] ont interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 13 août 2021, M. [C] [E] et Mme [F] [E] demandent à la cour :

Vu les articles 107 et 108-3, 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la décision n° 596/A/2007 de la Commission européenne ayant validé le dispositif issu de la loi n°2007-1223 du 21 août 2007 au regard du droit des aides d'État, les articles 6-1 de la CEDH et 1er-1 du Premier protocole additionnel à la CEDH, les articles L. 55, L 57, L. 76 B, L. 80 A, L. 80 B, L. 143 du livre des procédures fiscales, 3, 8, 10, 11, 132, 133, 134, 138, 142, 143, 144, 699, 700, 775 et 916 du code de procédure civile, L. 131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, 1134, 1165, 1842 du code civil, 885-0-V-bis, 885 I ter, 1740 A, 299 septies et 350 terdecies annexe III du code général des impôts,

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- Déclarer irrégulière la procédure fiscale préalable à la présente procédure contentieuse ;

- En conséquence, annuler ladite procédure fiscale et prononcer la décharge des rehaussements ;

- Rejeter comme étant infondée la décision de rehaussement puis de mise en recouvrement prise à l'encontre des concluants ;

- En conséquence, prononcer la décharge des rehaussements ;

Le cas échéant :

- Ordonner la communication par la direction générale des finances publiques, sous astreinte provisoire, pendant deux mois, de 1.000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir, des rescrits Truffle et Partech dans leur version originale ou expurgée des éléments prétendument confidentiels ;

- Ordonner que, passé ce délai de deux mois, la partie qui y a intérêt pourra saisir le juge de céans d'une demande de liquidation de l'astreinte provisoire et fixation de l'astreinte définitive ;

En cas de difficulté d'interprétation du droit de l'Union européenne, poser à la cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles, dans les termes suivants ;

« La décision de la Commission européenne réservant la réduction ISF-PME aux PME en phases liminaires de développement doit-elle être interprétée comme interdisant la réduction aux investissements dans des holdings animatrices ne détenant pas encore de participation à la date de la souscription voire dont l'actif n'est pas encore principalement composé de titres de participations ' »

« Le droit des aides d'État (articles 107 et 108 du TFUE, règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du Traité CE, règlement n° 994/98 du Conseil du 7 mai 1998 sur l'application des articles 92 et 93 du Traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d'aides d'État horizontales) doit-il être interprété comme interdisant l'édiction de rescrits accordant un avantage fiscal aux seuls souscripteurs à certains véhicules d'investissement dans les PME ' Pareil rescrit ne doit-il pas donner lieu à notification préalable ' » ;

« En présence d'un contribuable revendiquant l'application à son bénéfice de la norme fiscale énoncée dans un rescrit délivré à un autre contribuable, le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne, ensemble la réglementation des aides d'État (articles 107 et 108 du TFUE, règlement n° 994/98 du Conseil du 7 mai 1998 sur l'application des articles 92 et 93 du Traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d'aides d'État horizontales) et les principes de libertés de circulation des capitaux, d'établissement et de prestations de services, ne commandent-ils pas au juge national d'ordonner la production du rescrit litigieux ' ».

- Condamner la direction générale des finances publiques au paiement de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 12 novembre 2021, le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 8] demande à la cour :

Vu l'article 885-0 V bis du code général des impôts et l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales,

- Confirmer le jugement entrepris ;

- Reconnaître le rappel fondé en droit et en fait ;

- Rejeter toutes les demandes du contribuable ;

- Condamner le contribuable aux entiers dépens d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit ;

- Condamner le contribuable à verser à l'État la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la régularité de la procédure de rehaussement

M. [C] [E] et Mme [F] [E] soutiennent sur le fondement des articles L. 57 et L. 76 B du livre des procédures fiscales (LPF) et de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que l'administration fonde ses redressements sur des éléments qu'elle a recueillis en dehors du dossier du contribuable alors qu'elle aurait dû conformément au principe du respect du contradictoire, d'égalité des armes, et de loyauté, communiquer à l'appui du redressement. La proposition de rectification ne dresse pas la liste des documents cités et l'origine des pièces est inexacte. L'administration fiscale n'a pas respecté l'obligation renforcée de motivation, qui pesait sur elle, dans sa réponse au contribuable.

La direction régionale des finances publiques réplique au visa de l'article L.57 du LPF, que la proposition de rectification a permis au contribuable d'exercer ses droits de contestation et de défense. Elle ajoute que les informations, sur lesquelles se base la proposition de rectification, ressortent de la vérification de comptabilité de la société Finaréa au regard des dispositions de l'article 885-0 V bis du CGI. Les contribuables en sont actionnaires et disposaient d'informations privilégiées sur son fonctionnement. Aucune disposition législative ou réglementaire ne l'oblige à lister les documents qu'elle cite dans la proposition de rectification. La réponse aux observations des contribuables démontre que l'obligation de motivation prévue par l'article L. 57 du LPF a parfaitement été respectée ; l'administration a répondu aux critiques des contribuables sur le prétendu manque de cohérence de l'action de l'administration.

Ceci étant exposé,

Selon l'article L57 du LPF, « l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (') Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. »

Selon l'article L76 B du LPF, « l'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L.57 ou de la notification prévue à l'article L.76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ».

Les époux [E] contestent la régularité de la procédure menée.

Mais, d'une part, la proposition de rectification adressée aux époux [E] le 07 décembre 2012 rappelle le droit applicable, mentionne les faits constatés lors de la vérification de la comptabilité de la société Finaréa Sigma et du Gie Finaréa Services et l'analyse qui en a été faite.

Si les époux [E] étayent leur position par des « éléments de preuve» tirés de la vérification de comptabilité de la société Finaréa Sigma, l'administration fiscale analyse, dans un courrier de réponse en date du 08 avril 2013, les justificatifs de recherche transmis et les rejette comme ne pouvant permettre de revendiquer pour la société Finaréa Sigma la qualité de holding animatrice, au sens des dispositions du Bofip 7-S-3-08. Elle réplique de manière motivée à chaque contestation soulevée.

D'autre part, l'administration fiscale a communiqué aux époux [E] les modalités de contrôle de la société Finaréa Sigma, et donc l'identité du tiers auprès duquel la procédure a été diligentée, ainsi que les documents sur lesquels elle s'est fondée. De ce point de vue, les époux [E] ont utilisé dans leur réponse un courrier de l'administration fiscale adressé à la société Finaréa Sigma et disposé en tant qu'associés de documents internes concernant la société Finaréa et le Gie Finarea Services. M. [K] [G] « président de Finaréa Sas agissant en qualité de mandataire des époux [E] », est le signataire de la réponse des époux [E] des 25 avril 2013 et 24 décembre 2015.

Les époux [E] reprochent l'absence de communication de pièces qui auraient été recueillies auprès de tiers. Mais l'administration fiscale a rappelé le recours à des informations légales et financières accessibles au public (bilan, rapports de gestion) et leur a transmis les pièces référencées dans la proposition de rectification.

La société Finaréa a signé sans observation un accusé de réception de documents listés et numérotés le 21 septembre 2012 avec l'administration fiscale et elle lui a adressé un courriel en date du 12 septembre 2012 : « vous avez toute liberté pour consulter les pièces comme bon vous semble ».

Enfin, l'attestation délivrée par la société Finaréa Sigma aux époux [E] le 31 juillet 2009 ne s'impose nullement à l'administration fiscale, de sorte que son absence de prise en compte ne constitue pas une irrégularité dans la procédure de rectification. Il en est de même pour l'absence de rectification de l'imposition pour la société Finaréa Sigma à l'issue de sa vérification de comptabilité, qui n'est ni une prise de position formelle ni une interprétation d'un texte fiscal.

Il en résulte que la procédure de redressement est régulière. La proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable n'ont pas contrevenu aux dispositions précitées contenues dans le livre des procédures fiscales.

Il se déduit de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté les époux [E] de leurs demandes.

Sur le caractère de holding animatrice

M. [C] [E] et Mme [F] [E] soutiennent que la société Finaréa Sigma a eu pour objet social, dès sa création, la prise de participation dans de jeunes PME, l'animation de ces participations, c'est-à-dire l'implication dans la gestion desdites PME. La société Finaréa Sigma a imposé aux fondateurs de PME : un modèle de statuts-types en contrepartie de ses prises de participation ; une transformation en Sas desdites PME ; un contrat d'animation détaillant les prestations fournies moyennant rémunération aux PME cibles ; un pacte d'actionnaires type. Il n'est pas possible au président, quelle que soit sa quote-part du capital social de la PME, de décider d'une dépense sans l'aval de Finaréa.

La direction régionale des finances publiques réplique au visa de l'article b du 1 du I de l'article 885-0 V bis du CGI que la société Finaréa Sigma n'exerçait pas d'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale durant les deux années litigieuses. Le bilan de la société montre que son actif brut était composé de participations minoritaires dans les sociétés Isidor, SFMSF et Odo. La société Finarea ne détient pas au moins 90% de son actif brut comptable en titres de sociétés opérationnelles. Les contribuables ne produisent aucun document probant de nature à démontrer que la société Finarea impulse la stratégie des sociétés opérationnelles et encore moins qu'elle en contrôle la mise en 'uvre.

Ceci étant exposé,

L'article 885-O V bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, dispose que : « 1. Le redevable peut imputer sur l'impôt de solidarité sur la fortune 75 % des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, en numéraire ou en nature par apport de biens nécessaires à l'exercice de l'activité, à l'exception des actifs immobiliers et des valeurs mobilières, ainsi qu'au titre de souscriptions dans les mêmes conditions de titres participatifs dans des sociétés coopératives ouvrières de production définies par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 ou dans d'autres sociétés coopératives régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Cet avantage fiscal ne peut être supérieur à 50 000 euros. La société bénéficiaire des versements mentionnée au premier alinéa doit satisfaire aux conditions suivantes :

a) Être une petite et moyenne entreprise au sens de l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie) ;

b) Exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l'article 885 O quater, notamment celles des organismes de placement en valeurs mobilières, et des activités de gestion ou de location d'immeubles. Cette condition n'est pas exigée pour les entreprises solidaires au sens de l'article L.443-3-2 du code du travail qui exercent une activité de gestion immobilière à vocation sociale ; (...)

f) Être en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion au sens des lignes directrices concernant les aides d'Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises (2006 / C 194 / 02) ;

g) Ne pas être qualifiable d'entreprise en difficulté au sens des lignes directrices communautaires concernant les aides d'Etat au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté ou releverdes secteurs de la construction navale, de l'industrie houillère ou de la sidérurgie ;

h) Le montant des versements mentionnés au premier alinéa ne doit pas excéder le plafond fixé par décret. Ce plafond ne peut excéder 1, 5 million d'euros par période de douze mois.

2.L'avantage fiscal prévu au 1 s'applique également aux souscriptions effectuées par des personnes physiques en indivision. Chaque membre de l'indivision peut bénéficier de l'avantage fiscal à concurrence de la fraction de la part de sa souscription représentative de titres reçus en contrepartie de souscriptions au capital de sociétés vérifiant les conditions prévues au 1.3.L'avantage fiscal prévu au 1 s'applique également aux souscriptions en numéraire au capital d'une société satisfaisant aux conditions suivantes ;

a) La société vérifie l'ensemble des conditions prévues au 1, à l'exception de celles prévues aux b, fet h ;

b) La société a pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant une des activités mentionnées au b du 1 ;

c) La société ne compte pas plus de cinquante associés ou actionnaires ;

d) La société a exclusivement pour mandataires sociaux des personnes physiques ;

e) La société n'accorde aucune garantie en capital à ses associés ou actionnaires en contrepartie de leurs souscriptions ni aucun mécanisme automatique de sortie au terme de cinq ans. (...)

II.-1. Le bénéfice de l'avantage fiscal prévu au I est subordonné à la conservation par le redevable des titres reçus en contrepartie de sa souscription au capital de la société jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription. La condition relative à la conservation des titres reçus en contrepartie de la souscription au capital s'applique également à la société mentionnée au premier alinéa du 3 du I et à l'indivision mentionnée au 2 du I. (...) ».

L'article précité ne désigne pas les holdings comme étant les bénéficiaires de l'avantage fiscal. Cette possibilité est prévue par la doctrine administrative et l'instruction 7 -S- 3-08 selon laquelle la holding animatrice éligible à l'avantage fiscal est celle qui participe activement à la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales.

Il y a lieu de rappeler que la société Finaréa Sigma a pris part à l'augmentation en capital de la société Isidor le 09 février 2009 pour une proportion de 2,33 % du capital, à celle de la société Rébillon française de marbrerie et de services funéraires (SFMSF) le 1er août 2009 pour 27,22% et à celle de la société Odo, en novembre 2009, février et juin 2010 pour 31 %.

Concernant la société par actions simplifiée Isidor, outre la faible participation à hauteur de 2,33%, exclusive de tout contrôle, les comptes rendu de réunions stratégiques de la société Isidor les 24 mars 2010, 1er avril 2010, 20 avril 2010 et 29 avril 2010 ne relèvent aucune action spécifique susceptible d'être mise au crédit de la Finaréa Sigma. Le rapport de gestion de la société Finaréa Sigma du 30 juin 2010 mentionne des résultats « s'expliquant en partie par le lancement du produit Hello par Orange Vallée qui n'a pas apporté les bénéfices escomptés » et précise des projets réalisés par les sociétés Orange, BNP Paribas et la Fondation Jérôme Lejeune. Le rôle de la société Finaréa Sigma n'est pas évoqué.

Concernant la société par actions simplifiée SFMSF, ou Rebillon, le pacte d'associés et le contrat d'animation ont été conclus entre la société SFMSF et la société Finaréa Sigma le 1er août 2009. A l'exception de ces documents préparatoires, les époux [E] ne justifient d'aucune action concrète d'animation et de participation qui aurait été engagée par la société Finaréa Sigma auprès de sa filiale SFMSF.

En effet, la société SFMSF, elle-même une holding, détenue par la société Philippe K à hauteur de 54,50 % et par le gérant de cette dernière à hauteur de 18,27%, est mentionnée le 30 juin 2010 comme « n'ayant pas enregistré de chiffre d'affaires propres en 2009 comme en 2008 ».

Par ailleurs, les réunions de travail de la société SFMSF des 8 décembre 2009, 5 janvier 2010, 29 avril 2010, 10 juin 2010 et 13 octobre 2010 mentionnent la présence de membres de la société Finaréa Sigma sans relever d'initiatives propres à ces participants. Les réunions de travail des 5 janvier 2010 et 29 avril 2010 décrivent succinctement les activités de la société. Celle du 10 juin 2010 se borne à mentionner comme action à mener : « implication Rebillon et dimensionnement temps et coût de la mission Finaréa » et « définir la stratégie commerciale et marketing ». Le compte-rendu du 13 octobre 2010 (pièce 108) compare les performances des agences du réseau.

Concernant la société par actions simplifiée Odo, immatriculée au Rcs le 17 juin 2009, la participation de 31% détenue en juin 2010 n'est pas majoritaire. Le rapport de gestion de la société Finaréa Sigma au 30 juin 2010 fait mention de l'absence de données comptables 2009 pour la société Odo.

Le rapport de gestion de la société Finaréa Sigma du 30 juin 2010 ne mentionne aucune activité spécifique relative aux investissements décrits (« nouvelle phase de développement » ; « accroissement des capacités hôtelières »), à l'exception d'une réflexion stratégique imprécise. Les documents manuscrits intitulés « registre unique du personnel » (pièces 12 et 13) concernent le Gie Finarea Services et sont dénués de valeur probante, d'autant que la société Finaréa Sigma recense dans ses comptes des « achats de services liés à l'animation » pour un total de 140 7789 euros, dont 2 546 euros au titre d'un « conseil stratégique » (pièce 23).

Enfin, les services fiscaux font justement valoir l'absence de participation à la conduite de la politique du groupe et relèvent que le droit de véto reconnu à la société Finaréa Sigma dans le pacte d'actionnaire n'induit aucunement la mise en place d'une stratégie mais institue un droit d'opposition aux actions développées par d'autres.

Il se déduit de ce qui précède que la société Finaréa Sigma ne remplit pas les conditions de la holding animatrice éligible à l'avantage fiscal sollicité.

Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté les époux [E] de leurs demandes.

Sur les questions préjudicielles

M. [C] [E] et Mme [F] [E] estiment que les rehaussements dont ils ont fait l'objet seraient contraires au droit de l'Union européenne ce qui pourrait justifier trois questions préjudicielles :

-En l'état de la décision rendue le 11 mars 2008 restreignant le bénéfice de la réduction ISF-PME aux PME aux stades liminaires de leur développement, est-il possible de réserver le bénéfice de cette réduction aux holdings d'ores et déjà pleinement animatrices, en excluant celles qui sont en phase de démarrage '

-Le droit des aides d'État doit-il être interprété comme interdisant l'édiction de rescrits accordant un avantage fiscal aux seuls souscripteurs à certains véhicules d'investissement dans les PME ' Pareil rescrit ne doit-il pas donner lieu à notification préalable '

- En présence d'un contribuable revendiquant l'application à son bénéfice de la norme fiscale énoncée dans un rescrit délivré à un autre contribuable, le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne, ensemble la réglementation des aides d'État et les principes de libertés de circulation des capitaux, d'établissement et de prestations de services, ne commandent-ils pas au juge national d'ordonner la production du rescrit litigieux '

L'administration fiscale réplique que le dispositif de l'article 885-0 V bis du CGI n'est pas contraire au droit de l'Union européenne. Elle ajoute que le dispositif ne fausse pas la concurrence au niveau de la fourniture du marché de capital-investissement, au sens des articles 107 et 108 du TFUE, au motif que, selon la Commission, les risques de distorsion ou d'éviction de la concurrence pouvant découler du dispositif étaient limités. Au surplus, elle soutient que l'issue du litige ne dépend pas de la réponse aux questions préjudicielles posées par le contribuable. S'agissant des rescrits, dont la communication est sollicitée par le contribuable, elle soutient qu'ils ne constituent ni des prises de position de portée générale ni des aides d'État, que leur communication serait sans intérêt pour la résolution du litige, lequel repose sur l'appréciation de circonstances de faits et que le secret professionnel s'oppose à leur communication.

Ceci étant exposé,

La demande de communication des rescrits Truffle et Partech ne peut prospérer puisque l'animation de la holding s'apprécie concrètement en tenant compte des pièces versées aux débats et la position fiscale prise à l'occasion de ces procédures distinctes n'est pas nécessairement transposable à la situation spécifique de la société Finaréa Sigma.

Il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner la communication desdits rescrits ni de poser de questions préjudicielles relatives à leur notification préalable ou à leur production.

Par décision du 11 mars 2008 la Commission européenne a répondu que la loi française TEPA n° 2007-1223 du 21 août 2007, dans sa partie relative à la réduction d'ISF pour les contribuables investissant dans une PME afin de leur permettre d'obtenir des financements nécessaires au démarrage de leur activité ou à leur développement, est constitutive d'une aide compatible avec le traité CE, en application de son article 87 (3).

La question relative à l'éligibilité de la réduction fiscale aux holdings animatrices ne détenant pas encore de participation relève de l'application par le juge national de l'article 885-O V bis du CGI sans nécessité de saisir la CJUE d'une demande d'interprétation de la décision de la commission européenne précitée.

Les demandes relatives aux questions préjudicielles doivent ainsi être rejetées.

Il se déduit de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions.

La solution du litige conduira à rejeter toutes les autres demandes.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE solidairement M. [C] [E] et Mme [F] [E] à payer à la direction générale des finances publiques d'Ile-de-France et de [Localité 8] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement M. [C] [E] et Mme [F] [E] aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

S.MOLLÉ E.LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/10092
Date de la décision : 03/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-03;21.10092 ?
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