Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 22/02134 - No Portalis 35L7-V-B7G-CFEEL
Décision déférée à la Cour :
jugement du 09 décembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOBIGNY- RG no 21/05738
APPELANT
Monsieur [G] [H]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0200
Ayant pour avocat plaidant Me Alain TILLE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.A.R.L. [Localité 2] VILLA SULLY
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Paul-Marie GAURY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221
Ayant pour avocat plaidant Me Charles ROUSSEAU, avocat au barreau d'ANNECY
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Bénédicte PRUVOST, présidente et par M. Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Déclarant agir en vertu d'une ordonnance de référé rendue par le Tribunal de proximité de Montreuil sous bois le 8 janvier 2021, la sarl [Localité 2] Villa Sully a, le 31 mars 2021, délivré à M. [H] un commandement de quitter les lieux portant sur un local d'habitation sis à [Adresse 4]. Cette ordonnance avait été signifiée le 28 janvier 2021.
M. [H] ayant contesté cet acte devant le juge de l'exécution de Bobigny, ce dernier a, suivant jugement daté du 9 décembre 2021, après avoir relevé que la mention inexacte de l'immatriculation de la sarl [Localité 2] Villa Sully au RCS d'Annecy alors qu'elle l'était à celui de [Localité 3] n'avait pas causé de grief, que l'ordonnance de référé fondant les poursuites avait bien été signifiée, et que le débiteur n'avait pas réglé les sommes dues, a :
- rejeté la demande de nullité du commandement de quitter les lieux susvisé ;
- assorti la condamnation prononcée par le Tribunal de proximité de Montreuil sous bois à l'encontre de la sarl [Localité 2] Villa Sully, à remettre des quittances locatives, d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, et ce durant trois mois ;
- rejeté le surplus des demandes ;
- partagé les dépens entre les parties.
Selon déclaration en date du 27 janvier 2022, M. [H] a relevé appel de ce jugement.
En ses conclusions notifiées le 11 mars 2022, M. [H] a exposé :
- que l'ordonnance de référé fondant les poursuites avait suspendu les effets de la clause résolutoire, et lui avait octroyé des délais de paiement à concurrence de 170 euros par mois en sus du loyer courant ;
- que la sarl [Localité 2] Villa Sully était dépourvue du droit d'agir, étant mentionnée comme immatriculée au RCS d'Annecy alors que son siège social ne se trouvait pas dans le ressort du Tribunal de commerce de cette ville ;
- que le commandement de quitter les lieux était en conséquence atteint d'un vice de fond ;
- que même à considérer qu'il s'agissait d'un vice de forme, un grief était établi ;
- que ledit commandement de quitter les lieux ne mentionnait pas que l'ordonnance de référé avait été préalablement notifiée, alors que ladite ordonnance ne lui était pas jointe ;
- que l'acte de signification de l'ordonnance était irrégulier car il avait été délivré en l'étude de l'huissier de justice instrumentaire, mais que ce dernier ne justifiait pas lui avoir adressé une lettre le jour même ;
- que le commandement de quitter les lieux n'avait pas été notifié à la CCAPEX ;
- qu'il justifiait avoir respecté les délais de paiement qui lui avaient été octroyés, le bailleur n'invoquant aucune difficulté de paiement entre le 26 janvier et le 31 mars 2021 ;
- qu'il n'avait pas pu bénéficier de l'aide de la Caisse d'allocations familiales car la sarl [Localité 2] Villa Sully ne lui avait pas remis de quittances de loyers.
Il a demandé à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il avait rejeté sa demande d'annulation du commandement de quitter les lieux du 31 mars 2021, d'annuler cet acte, de confirmer le jugement pour le surplus, et de condamner la partie adverse au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre deux indemnités procédurales de 2 500 euros et 1 500 euros, et de laisser à la charge de la sarl [Localité 2] Villa Sully les frais d'exécution.
Dans ses conclusions notifiées le 11 avril 2022, la sarl [Localité 2] Villa Sully a soutenu :
- que M. [H] n'avait pas réglé les échéances prévues ;
- qu'elle avait été parfaitement identifiée par l'appelant alors que selon les dispositions de l'article 117 du code de procédure civile, les irrégularités de fond étaient limitativement énumérées ;
- que l'erreur relative à la dénomination d'une partie dans un acte de procédure n'affectait pas sa capacité à agir en justice qui était attachée à sa personne, quelle que soit sa désignation ;
- qu'il s'agissait là d'un vice de forme ;
- qu'un commandement de quitter les lieux n'avait pas à mentionner la date de signification de la décision de justice sur laquelle il se fondait ;
- que celle-ci avait bien été notifiée au débiteur par acte en date du 28 janvier 2021 ;
- que le commandement de quitter les lieux ne devait pas être notifié à la CCPAEX ;
- que l'appelant ne démontrait pas avoir respecté l'échéancier qui avait été mis en place, à savoir régler 170 euros par mois avant le 5 de chaque mois ;
- qu'en réalité M. [H] disposait d'un autre domicile, sis au [Adresse 1].
La sarl [Localité 2] Villa Sully a demandé à la Cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il avait rejeté sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, de l'infirmer sur ce point, et de le condamner au paiement de la somme de 20 000 euros, outre 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
M. [H] prétend que l'acte de signification de l'ordonnance était irrégulier car il avait été délivré à l'étude mais que la sarl [Localité 2] Villa Sully ne justifiait pas lui avoir adressé une lettre le jour même. L'acte en cause daté du 28 janvier 2021 a été délivré en l'étude de l'huissier de justice instrumentaire, et ce dernier a indiqué en troisième page de l'acte que la lettre prévue à l'article 658 du code de procédure civile avec une copie dudit acte a était bien été envoyée à l'intéressé. Ces mentions font foi jusqu'à inscription de faux et M. [H] n'a pas intenté la procédure y relative. L'ordonnance fondant les poursuites a donc été régulièrement signifiée.
M. [H] soulève la nullité du commandement de quitter les lieux au motif que le lieu de son immatriculation au RCS (Annecy) y mentionné est faux. Conformément à l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
Le défaut de capacité d'ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.
Une erreur portant sur le lieu d'immatriculation de la personne morale requérante n'a aucune incidence sur sa capacité à agir, laquelle est attachée à sa personne, quelle que soit sa désignation. Le moyen soulevé par l'appelant constitue dès lors une irrégularité de forme, et la nullité ne saurait être prononcée que pour autant qu'un texe la prévoie et qu'un grief soit retenu, conformément à l'article 114 du Code de procédure civile. La preuve n'en est pas rapportée en l'espèce, M. [H] pouvant parfaitement identifier quelle est la personne morale qui lui a délivré le commandement de quitter les lieux et l'assigner devant le juge de l'exécution compétent. En outre, l'article 648 du code de procédure civile ne prévoit pas que l'acte doit mentionner, si le requérant est une personne morale, le lieu de son immatriculation.
L'article R 411-1 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le commandement de quitter les lieux doit comporter, à peine de nullité, un certain nombre de mentions obligatoires à savoir :
1o L'indication du titre exécutoire en vertu duquel l'expulsion est poursuivie ;
2o La désignation de la juridiction devant laquelle peuvent être portées les demandes de délais et toutes contestations relatives à l'exécution des opérations d'expulsion ;
3o L'indication de la date à partir de laquelle les locaux devront être libérés ;
4o L'avertissement qu'à compter de cette date il peut être procédé à l'expulsion forcée du débiteur ainsi qu'à celle de tout occupant de son chef.
Ce commandement peut être délivré dans l'acte de signification du jugement.
La mention de la date de notification de la décision fondant les poursuites n'est ainsi pas prévue, et faute de texte, là encore la nullité de l'acte, qui serait une irrégularité de forme, ne saurait être retenue, comme il est dit à l'article 114 du code de procédure civile.
Si l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que l'assignation aux fins de constat de résiliation du bail doit être dénoncée au représentant de l'Etat dans le département, il ne prévoit pas semblable obligation en ce qui concerne le commandement de quitter les lieux. En revanche, l'article L 412-5 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution énonce que dès le commandement d'avoir à libérer les locaux, l'huissier de justice chargé de l'exécution de la mesure d'expulsion en saisit le représentant de l'Etat dans le département afin que celui-ci en informe la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévue à l'article 7-2 de la loi no 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, et qu'il informe le ménage locataire de la possibilité de saisir la commission de médiation en vue d'une demande de relogement au titre du droit au logement opposable. A défaut de saisine du représentant de l'Etat dans le département par l'huissier, le délai avant l'expiration duquel l'expulsion ne peut avoir lieu est suspendu.
L'article R 412-2 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que l'huissier de justice doit envoyer au préfet du département du lieu de situation de l'immeuble, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie électronique, une copie du commandement d'avoir à libérer les locaux.
En l'espèce, il est démontré que le nécessaire a été fait, la préfète de la Seine-Saint-Denis ayant accusé réception de la notification du commandement de quitter les lieux. La procédure est donc régulière.
M. [H] soutient avoir respecté les délais de paiement qui lui avaient été octroyés dans l'ordonnance de référé. Celle-ci avait prévu, en son dispositif, que les effets de la clause résolutoire seraient suspendus et que M. [H] était autorisé à s'acquitter de l'arriéré (6 180,88 euros) en 35 mensualités de 170 euros et la 36ème majorée du solde, avant le 5 de chaque mois à compter du mois suivant la signification de l'ordonnance, mais qu'en cas de défaut de paiement d'un seul loyer ou d'une seule mensualité, la résiliation du bail reprendrait ses effets. C'est à partir du 5 février 2021, puisque l'ordonnance a été signifiée au mois de janvier 2021, que l'appelant devait donc régler la somme de 170 euros outre le loyer courant (soit 773,66 euros). Il incombe à M. [H] de rapporter la preuve du paiement de sa dette.
A cet effet il produit :
- un avis de virement de 170 euros daté du 26 janvier 2021 ;
- un avis de virement d'un montant de 773,66 euros daté du 26 janvier 2021 ;
- un avis de virement d'un montant de 773,66 euros daté du 8 mars 2021 ;
- un avis de virement d'un montant de 170 euros daté du 8 mars 2021 ;
- un avis de virement d'un montant de 773,66 euros daté du 14 avril 2021 ;
- un avis de virement d'un montant de 170 euros daté du 14 avril 2021 ;
- un chèque daté du 4 mai 2021 établi à l'ordre de la sarl [Localité 2] Villa Sully, d'un montant de 943,66 euros ;
Aucun justificatif n'est produit quant à l'identité du bénéficiaire des virements susvisés ; en outre six d'entre eux n'ont pas été opérés le 5 du mois, mais ultérieurement. Il est donc établi que l'appelant n'a pas respecté les délais de paiement à lui accordés, et le bail est désormais résilié avec toutes conséquences de droit.
Le rejet des prétentions de M. [H] implique le débouté de sa demande à fin de condamnation de la partie adverse au paiement de dommages et intérêts pour abus de saisie.
Le jugement est ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions de M. [H] notamment sa demande d'annulation du commandement de quitter les lieux en date du 31 mars 2021.
La sarl [Localité 2] Villa Sully en poursuit l'infirmation en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande de dommages et intérêts et réclame la somme de 20 000 euros de ce chef.
Le droit d'action ou de défense en justice ne dégénère en abus qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière, équipollente au dol, de sorte que la condamnation à dommages-intérêts doit se fonder sur la démonstration de l'intention malicieuse et de la conscience d'un acharnement procédural voué à l'échec, sans autre but que de retarder ou de décourager la mise en oeuvre par la partie adverse du projet contesté, en l'espèce l'expulsion de M. [H]. Le caractère non fondé des prétentions ne suffit pas à caractériser l'abus de l'exercice du droit. En l'espèce, n'est pas démontré le caractère abusif de la présente action en justice, et le seul fait que le chèque susvisé porte une adresse qui n'est pas celle des lieux antérieurement loués à l'appelant ne saurait être retenu pour établir qu'il dispose d'une autre résidence, car ce chèque a été émis par Mme [H] et non pas par M. [H]. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la sarl [Localité 2] Villa Sully de sa demande de dommages et intérêts.
M. [H], qui succombe, sera condamné au paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Statuant dans les limites de l'appel,
- CONFIRME le jugement en date du 9 décembre 2021 en toutes ses dispositions ;
- CONDAMNE M. [G] [H] à payer à la sarl [Localité 2] Villa Sully la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE M. [G] [H] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés par Maître Gaury conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,