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29/09/2022 | FRANCE | N°21/224287

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 29 septembre 2022, 21/224287


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/22428 - No Portalis 35L7-V-B7F-CE4GO

Décision déférée à la cour :
jugement du 13 décembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/81701

APPELANTE
S.A. CONTINENTALE DE GESTION
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de P

ARIS, toque : K0065
Ayant pour avocat plaidant Me Gilles-Eric de BIASI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE
S.A.S. SOPRANO INC.
[Adresse 1...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/22428 - No Portalis 35L7-V-B7F-CE4GO

Décision déférée à la cour :
jugement du 13 décembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/81701

APPELANTE
S.A. CONTINENTALE DE GESTION
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Ayant pour avocat plaidant Me Gilles-Eric de BIASI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE
S.A.S. SOPRANO INC.
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Armel d'Aboville, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Bénédicte PRUVOST, présidente et par M. Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Déclarant agir en vertu d'une ordonnance de référé rendue par le président du Tribunal judiciaire de Paris le 23 novembre 2020, la SA Continentale de gestion a délivré à la société Soprano INC le 9 août 2021 un commandement de quitter les lieux portant sur un local sis [Adresse 1], ainsi qu'un commandement à fin de saisie-vente de payer la somme de 35 767,32 euros.

Par jugement en date du 13 décembre 2021, le juge de l'exécution de Paris, après avoir relevé que la mise en demeure de payer les mensualités d'apurement, formalité nécessaire pour que la clause résolutoire insérée dans le bail puisse reprendre ses effets, n'avait pas été envoyée à la débitrice à la bonne adresse, a :
- annulé le commandement de quitter les lieux du 9 août 2021 ;
- annulé le commandement à fin de saisie-vente du 9 août 2021 ;
- condamné la SA Continentale de gestion aux dépens ;
- condamné la SA Continentale de gestion à payer à la société Soprano INC la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon déclaration en date du 20 décembre 2021, la SA Continentale de gestion a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifiées le 14 juin 2022, la SA Continentale de gestion a exposé :
- qu'au 1er juillet 2021, la dette s'élevait à 15 225,59 euros, au titre du loyer exigible au début de ce mois ;
- que la mise en demeure du 8 juillet 2021 avait été adressée en double exemplaire à la société Soprano INC, d'une part à l'adresse des lieux loués ([Adresse 1]), d'autre part à la société HN6 Active qui était le président de la société Soprano INC, cet exemplaire étant reçu le 9 juillet 2021 ;
- qu'en effet la signification de l'ordonnance tentée dans les lieux loués avait été faite dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile, alors que la signification entre les mains de la société HN6 Active avait été remise à personne morale ;
- que l'intimée ne pouvait se plaindre de ce que c'était la société Lammenais ABD qui avait reçu cette lettre, car ladite société était le président tant de la société Soprano INC que de la société HN6 Active ;
- que le loyer était payable, en vertu des clauses du bail, le 1er de chaque mois et non pas le 15, tandis que le paiement de la somme de 1 871 euros du 2 juillet 2021 devait être imputé sur la dette la plus ancienne, à savoir l'arriéré de loyers objet de l'échéancier ;
- que le loyer avait été finalement payé le 27 juillet 2021, soit plus de 18 jours après la mise en demeure ;
- que dans ces conditions, la société Soprano INC n'avait pas satisfait à l'obligation qui lui était faite de payer le loyer le 1er du mois et la mensualité de retard le 15, si bien que le bail était bel et bien résilié ;
- que s'agissant de la régularité formelle du commandement de quitter les lieux, il devait seulement viser l'ordonnance de référé fondant les poursuites, et non pas la lettre de mise en demeure.

La SA Continentale de gestion a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de rejeter les prétentions de la société Soprano INC, et de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées le 29 juin 2022, la société Soprano INC a exposé :
- qu'elle avait payé la mensualité d'apurement de la dette de 1 871 euros régulièrement, outre les loyers ( les 1er février, 16 avril, 27 juillet, 1er octobre, 17 décembre 2021 et 25 mars et 24 juin 2022) ;
- que le versement de 1 871 euros du 2 juillet 2021 devait être imputé sur le loyer et non pas sur l'arriéré ;
- que la mise en demeure du 8 juillet 2021 visait des sommes incorrectes, en ce qu'elle portait sur les loyers alors que l'ordonnance de référé fondant les poursuites avait prévu que la clause résolutoire ne prendrait effet qu'en cas de défaut de paiement de l'arriéré des loyers et non pas des échéances courantes ;
- qu'elle était à jour des règlements locatifs ;
- que la mise en demeure n'avait pas été envoyée à la bonne adresse, car elle n'était pas domiciliée en les locaux de la société HN6 Active, laquelle n'avait pas son siège social au [Adresse 1] ;
- que la société HN6 Active n'avait pas reçu cette mise en demeure, alors que c'était la société Lammenais ABD qui l'avait réceptionnée ;
- que le commandement de quitter les lieux était irrégulier en la forme car ne visant pas la lettre recommandée avec demande d'avis de réception de mise en demeure qui devait lui être envoyée.

La société Soprano INC a demandé à la Cour de confirmer le jugement, subsidiairement de lui accorder des délais de 36 mois pour quitter les lieux, et de condamner la SA Continentale de gestion au paiement de la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

L'ordonnance de référé rendue par le président du Tribunal judiciaire de Paris le 23 novembre 2020 a condamné la société Soprano INC à payer à la SA Continentale de gestion la somme provisionnelle de 44 880,55 euros au titre de l'arriéré locatif au 4ème trimestre 2020 inclus, a acordé des délais de paiement à la débitrice sur une durée de 24 mois, le premier versement devant intervenir le 15 du mois suivant la signification de l'ordonnance, et il a été prévu que faute par elle de payer à bonne date, en sus du loyer et des charges et accessoires, une seule mensualité, huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure adressée en lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la clause résolutoire serait acquise, et il serait procédé à son expulsion immédiate.

La société Soprano INC devait donc régler, à peine de résiliation du bail :
- d'une part les loyers et charges courants, et ce, le premier des mois de janvier, avril, juillet et octobre, conformément à l'article 7 du contrat de bail commercial ;
- d'autre part la somme de 1 871 euros le 15 du mois ;

et ce, à compter du mois de février 2021 car l'ordonnance de référé avait été signifiée au mois de janvier 2021. La mention "en sus du loyer courant" était dépourvue d'ambiguïté et c'est en vain que l'intimée soutient qu'en cas de défaut de paiement du seul loyer courant, la clause résolutoire ne reprendrait pas son effet.

Durant les sept premiers mois de l'année 2021, une somme de 1 871 euros à été réglée, la débitrice soutenant que celle du 2 juillet 2021 devait s'imputer sur le loyer alors que la SA Continentale de gestion soutient qu'elle doit l'être sur l'arriéré.

Conformément à l'article 1342-10 du code civil, le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu'il paie, celle qu'il entend acquitter.

A défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit : d'abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. A égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.

Au cas d'espèce la société Soprano INC n'a pas précisé, lors du règlement, quelle dette elle entendait acquitter ; s'il est exact que la mensualité à valoir sur l'arriéré était exigible le 15 du mois et non pas le premier, il n'en demeure pas moins que le montant du versement équivalait exactement à celui de ladite mensualité (1 871 euros) ; en outre l'arriéré constituait la dette la plus ancienne, s'agissant d'un arriéré locatif au 4ème trimestre 2020 inclus, contrairement au loyer courant. Le règlement en question doit donc être imputé sur l'arriéré, et le loyer afférent au troisième trimestre (soit 12 237,99 euros + 450 euros + 2 537,60 euros) n'a ainsi pas été réglé à bonne date, fût-ce pour partie.

La société Soprano INC prétend que la mise en demeure n'a pas été envoyée à la bonne adresse, car elle n'était pas domiciliée en les locaux de la société HN6 Active, laquelle n'avait pas son siège social au [Adresse 1]. Il appert qu'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception de mise en demeure lui a été envoyée le 8 juillet 2021 à l'adresse sus mentionnée, et est revenue avec la mention "défaut d'accès ou d'adressage", tandis qu'une seconde lettre recommandée avec demande d'avis de réception de mise en demeure a été envoyée à la société HN6 Active le jour même, au [Adresse 3], et son avis de réception a été dûment signé.

L'ordonnance susvisée avait été signifiée à deux reprises :
- le 4 janvier 2021 à l'adresse des lieux loués, au [Adresse 1], dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile ;
- le 7 janvier 2021 chez son gérant, la société HN6 Active, le 7 janvier 2021, au [Adresse 3].

L'intéressée a accepté de recevoir cet acte et il n'est contesté par aucune des parties que la société HN6 Active est le président de la société Soprano INC. Il est donc acquis que nonobstant l'en-tête de ses conclusions dans lesquelles elle indique que son siège social se trouve à l'adresse susvisée, qui en outre est celle des lieux loués, la société Soprano INC ne pouvait y être jointe. Elle n'a d'ailleurs jamais soulevé la nullité de l'acte susvisé à elle délivré en vertu de l'article 659 du code de procédure civile. C'est donc dans des conditions exemptes de critiques que l'appelante a envoyé une mise en demeure d'une part à l'adresse des lieux loués - en vain- , d'autre part à la société HN6 Active.

Ladite mise en demeure faisait injonction à la société Soprano INC de régler les sommes dues sous huitaine ; le loyer du troisième trimestre 2020 (15 225,59 euros) n'a été payé, aux dires de l'intimée et au vu de l'historique des virements, que le 27 juillet 2021, soit largement hors délai.

Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a estimé le juge de l'exécution, le bail est bel et bien résilié et c'est à juste titre que la SA Continentale de gestion a délivré à la société Soprano INC un commandement de quitter les lieux et un commandement à fin de saisie-vente le 9 août 2021.

Selon les dispositions de l'article R 411-1 du code des procédures civiles d'exécution, le commandement de quitter les lieux doit contenir, à peine de nullité, un certain nombre de mentions obligatoires, à savoir :
1o L'indication du titre exécutoire en vertu duquel l'expulsion est poursuivie ;
2o La désignation de la juridiction devant laquelle peuvent être portées les demandes de délais et toutes contestations relatives à l'exécution des opérations d'expulsion ;
3o L'indication de la date à partir de laquelle les locaux devront être libérés ;
4o L'avertissement qu'à compter de cette date il peut être procédé à l'expulsion forcée du débiteur ainsi qu'à celle de tout occupant de son chef.
Ce commandement peut être délivré dans l'acte de signification du jugement.

Dans l'acte querellé, il a été mentionné que l'huissier de justice instrumentaire agissait en vertu d'une ordonnance de référé contradictoire en premier ressort rendue par le président du Tribunal judiciaire de Paris le 23 novembre 2020 ; par ailleurs, il n'y avait pas lieu d'y indiquer que les poursuites étaient engagées en vertu de la mise en demeure de régler les sommes dues, même si l'envoi de celle-ci constituait un préalable nécessaire à la mise en jeu de la clause résolutoire insérée au bail et donc de l'expulsion.

Cet acte est ainsi régulier en la forme.

Subsidiairement, la société Soprano INC a sollicité des délais pour quitter les lieux loués.

Selon les dispositions de l'article L 412-3 du Code des procédures civiles d'exécution, le Juge peut accorder des délais pour quitter les lieux à des personnes dont l'expulsion a été judiciairement ordonnée, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales ; l'article L 412-4 du même code énonce que la durée des délais prévus à l'article précédent ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans, et que pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits de l'occupant, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

En l'espèce, l'intimée s'est vue octroyer des délais de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire, ce qui lui aurait permis d'échapper à la résiliation du bail et à l'expulsion, mais elle ne les a pas respectés. En outre elle ne justifie pas de recherches en vue de se reloger. Sa demande sera en conséquence rejetée.

Le jugement est infirmé en l'ensemble de ses dispositions et la société Soprano INC déboutée de ses prétentions.

La société Soprano INC, qui succombe, sera condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- INFIRME le jugement en date du 13 décembre 2021 en l'ensemble de ses dispositions ;

et statuant à nouveau :

- DEBOUTE la société Soprano INC de ses prétentions ;

- CONDAMNE la société Soprano INC à payer à la SA Continentale de gestion la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la société Soprano INC aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ces derniers seront recouvrés par Maître Etevenard conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/224287
Date de la décision : 29/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-09-29;21.224287 ?
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